Disclaimer : Je ne possède (malheureusement… bouhouhou…) rien de ce que vous reconnaissez ici (personnages, technologie, etc.). Encore un chef-d'œuvre qui ne m'appartient pas… ils font exprès, ces auteurs ! Mdr.

Rating : T

Pairing : Aucun, si ce n'est le Rachel/Tobias déjà existant et le Cassie/Jake sous-jacent et déjà existant lui aussi.

Temporalité : Je n'ai pas de moments précis à vous fournir (désolée). Mais puisque que je n'ai jamais lu les derniers livres (à mon grand désespoir, soit dit en passant), ils ne sont pas pris en compte (logique).

Typologie : La parole mentale est signalée « comme ceci ».

Détail con mais présent : Je sais que la « vraie » couleur de cheveux de Tobias (dans les livres, quoi) est le blond cendré. Mais, voilà, j'ai connu la série avant les livres, et je demeure avec l'image de Christopher Ralph, le Tobias-à-la-chevelure-de-jais, en tête. Je ne me fais vraiment pas à l'idée d'un Tobias blond, voilà tout ! On ne se refait pas…

Mea culpa de l'auteur : Je n'ai pas lu tous les livres (c'est pas faute d'avoir voulu…), ni vu tous les épisodes (idem). Alors s'il y a des événements, révélations, animorphes et que sais-je encore qui ne sont pas prises en compte alors qu'ils le devraient, je m'excuse. S'il y a des choses qui proviennent de la série et qui sont contradictoires (genre les cheveux de Tobias… mais ça, c'est voulu et vous êtes prévenus), je m'excuse aussi, mais il y a des histoires que je n'ai vu que dans la série et que je n'ai pas pu lire. Je fais avec ce que j'ai !

Mea culpa de l'auteur (bis) : Ok… j'ai d'autres fics sur les bras (et encore, si vous saviez ce qu'il y a dans ce PC, vous tomberiez sur les fesses et vous ne vous en relèveriez pas) mais je retombe dans un gros trip Animorph, alors, forcément… même que mes premiers récits écrits étaient dans cet univers. C'est vous dire !

No one to trust

Chapitre 1 : Everywhere

- Ils sont partout. Sous toutes les formes. Ils s'infiltrent en vous. Ils s'agrippent à vous. Ils se nourrissent de vous et s'abritent en vous. On peut très difficilement les éviter. C'est même impossible. Ils… sont… partout ! Les PARASITES sont partout.

J'hallucinais complètement, et j'ai été presque soulagée lorsque le prof de bio a sorti un bocal où un ver solitaire (ou un truc du genre) baignait dans le formol depuis Dieu sait combien de temps. La plupart des filles ont poussé des exclamations sonores et dégoûtées. Pas moi. J'avais vu bien pire qu'un ver formolé, dans les derniers mois.

Le prof s'est mis à déblatérer un charabia sur la façon dont le ver solitaire peut pénétrer dans le corps humain. Et là, j'avoue, j'ai décroché. Mea culpa et tant pis pour le contrôle d'après-demain qui me pendait au nez. J'ai tourné les yeux vers ma voisine de gauche. Cassie. En temps normal, elle aurait été en train de boire les paroles du prof comme du petit lait. Surtout qu'on était en biologie.

Mais pas aujourd'hui. J'ai capté son regard un peu troublé et j'ai su que j'avais vu juste. Bonne pioche, Rachel. Les paroles de notre enseignant avaient eu le même impact sur elle que sur moi. Pour elle aussi, ça avait évoqué des blessures. Et quelque chose d'infiniment plus mesquin, dangereux et redoutable que les vers solitaires.

Les Yirks.

« Les quoi ? », me direz-vous ? Les Yirks. Des parasites extraterrestres ayant la faculté de pénétrer dans le cerveau des gens… et de les contrôler. Les asservir. Pleinement. Parfaitement.

Le Yirk sait tout de vous. Vos habitudes. Vos habiletés. Vos faiblesses. Votre personnalité. Vos relations avec les gens. Vos goûts. Vos blagues foireuses. Et il les reproduit toutes, ce qui fait qu'on dirait vraiment que c'est toujours vous. On le dirait vraiment. Mais ça ne l'est plus. Une limace grise fait tout ça. Vous n'avez plus de libre-arbitre. Vous ne possédez même plus votre propre corps. Vous êtes au service d'un empire puissant qui cherche à envahir les humains.

Vous comprenez maintenant pourquoi le ver solitaire dans son bocal ne me fait ni chaud ni froid ?

- Rachel ? Un peu d'attention ne serait pas de refus.

- Désolée, ai-je répondu machinalement.

Rachel. C'est mon prénom. Ne comptez pas sur moi pour vous dire mon nom de famille. Ou mon adresse. Ou quoi que ce soit d'autre sur ma personne. Notre petite troupe est déjà assez en danger comme ça, pas question d'en rajouter. Quelle troupe, allez-vous me demander ?

Les Animorph. Moi et quelques autres. Une bande d'ados. Ça fait peur, hein, de savoir que le sort de votre planète est entre nos mains ? Oui, franchement, moi aussi, à la place de la Terre, je ne me sentirais pas vraiment rassurée. Nous avons une arme, une seule et unique arme : notre pouvoir de morphoser.

Le pouvoir d'acquérir l'ADN d'un animal en le touchant, et de devenir cet animal par la suite. Ça peut sembler dérisoire, mais nous avons déjà mis pas mal de bâtons dans les roues des Yirks et Vysserk Trois, le chef de l'invasion sur Terre, donnerait probablement n'importe quoi pour nous avoir. Pas pour nous tuer, oh non. Il ne se privera pas d'hôtes avec un tel pouvoir. S'il nous veut, c'est pour faire de nous des Contrôleurs.

Vous voyez, Vysserk Trois est le seul Yirk à avoir pu infester un Andalite, et donc à posséder le pouvoir de morphoser. Par conséquent, il serait bien content de pouvoir offrir nos corps comme récompense aux Yirks les plus méritants de son empire.

Ça fait quelques fois que je parle des Andalites, et je sens que vous avez le doigt levé dans les airs pour me demander ce que c'est. Tentons de faire simple : imaginez un centaure sans bouche. Bleu. Oui, bleu. Avec une lame caudale au bout d'une queue de scorpion, six doigts par main et quatre yeux, dont deux au bout de tentacules oculaires fichés sur son crâne… et vous avez un Andalite.

Les Andalites sont un peu comme les scouts. Ce sont les gentils guerriers de la galaxie. « Toujours prêts » pourrait être leur devise. Prêts à quoi ? À se battre contre leur ennemi juré : l'Empire Yirk. Les Andalites sont technologiquement plus avancés que les Yirks, qui ont eux-mêmes un nombre incalculable de longueurs d'avance sur nous. Vous imaginez un peu ce que nous sommes pour les Andalites ?

Des fourmis. Et encore, je suis gentille. En dehors d'Ax, le seul Andalite à combattre à nos côtés, nous n'avons rencontré qu'un seul Andalite qui ne nous a pas traités comme des moins que rien, de minables représentants d'une espèce sous évoluée.

Elfangor, le frère d'Ax. L'Andalite qui nous a donné le pouvoir de morphoser à l'aide d'un objet à la fine pointe de leur technologie (Ax appelle ça un procédé Escafil. Moi, j'appelle ça un cube bleu. Chacun sa vision des choses). L'Andalite qui, dans un acte désespéré pour aider la race humaine, a parlé des Yirks aux seules personnes qui étaient là pour l'entendre.

Nous.

Jake, mon cousin, qui est devenu « un peu » notre chef. C'est lui qu'Elfangor a envoyé chercher le cube bleu dans le vaisseau écrasé. Je me suis toujours demandé si Elfangor avait envoyé Jake parce qu'il sentait que mon cousin était comme lui. Un chef. Quelqu'un qui peut prendre des décisions. Je ne pense pas que ce soit un hasard. Croyez-moi, lorsque vous vivez ce que nous avons vécu, vous cessez de croire à ça.

Jake a de bonnes raisons de détester les Yirks. Je dirais même d'excellentes raisons. Ils ont fait de son frère aîné un esclave. Je sais qu'au fond de lui, Jake en a marre de cette guerre et que sa seule raison de se battre, c'est qu'il veut rendre sa liberté à Tom.

Il y a aussi Marco, le meilleur ami de Jake. Il passe son temps à faire des blagues idiotes et à plaisanter sur des sujets qui ne sont pas vraiment matière à plaisanterie. Il se moque de ma témérité en m'appelant Xena. Mais il m'a sauvé la vie un nombre incalculable de fois, et vous passez bien des choses à quelqu'un à qui vous devez la vie.

Je sais aussi qu'il accepte son rôle dans cette guerre pour des raisons personnelles, comme Jake. Lui aussi, les Yirks lui ont enlevé quelqu'un. Sa mère a été infestée par le Yirk le plus puissant de tout l'empire : Vysserk Un.

Ensuite, il y a Cassie, ma meilleure amie. L'amoureuse des arbres et des animaux. Je sais qu'elle veut que tout ça s'arrête. Elle veut pouvoir cesser de se demander si l'animal qu'elle soigne pourrait bien nous servir pendant une mission future potentiellement fatale. Elle nous suit à contrecoeur, surtout depuis qu'elle a failli nous lâcher pour de bon. Mais elle le fait.

Et puis, il y a Tobias. Mon, comment dire ? Mon petit ami. Comme Jake et Marco, il a payé cher son entrée dans cette guerre. Voyez-vous, lorsqu'on morphose, il y a une limite de deux heures. Dépassez cette limite d'une minute, une seule, et vous êtes bloqué dans cette animorphe. Coincé pour toujours. Vous devenez un nothlit. Comme Tobias, piégé dans le corps d'un faucon à queue rousse durant l'une de nos premières missions.

Tobias n'avait aucun lien avec nous avant tout ça, sauf peut-être avec Jake, qui avait empêché une bande d'abrutis de lui mettre la tête dans la cuvette des WC ce jour-là. En vérité, et c'est triste à dire, Tobias n'avait aucune attache avec qui que ce soit. Pas d'amis. Pas de vraie famille. Je pense que ni sa tante ni son oncle ne se sont encore rendu compte qu'il avait disparu.

Grâce à l'Ellimiste, il a pu retrouver le pouvoir de morphoser, et il a même pu acquérir son propre ADN. Mais si jamais il reste plus de deux heures dans une animorphe, même dans « son » corps d'humain, il sera coincé à tout jamais, et même l'Ellimiste ne pourra plus rien pour lui. Tobias pourrait donc retrouver une vie normale en se piégeant volontairement dans son corps humain. Mais il ne le fait pas. À quoi bon ? Il n'a pas de vie à retrouver…

La cloche a sonné et je suis sortie de la classe avec Cassie. Comme toujours. Nous faisons tout pour ne pas changer nos habitudes. Pour ne pas attirer l'attention. Pour avoir l'air normaux.

Une fille capable de se transformer en animal, engagée dans une guerre contre des limaces maléfiques et qui sort avec un garçon dans le corps d'un faucon à queue rousse tente d'avoir une vie normale. Pas facile, autant vous le dire tout de suite.

Mais, voyez-vous, les Yirks sont persuadés qu'ils ont affaire à des Andalites. Ils sont sûrs qu'il y avait d'autres guerriers qu'Elfangor dans le vaisseau qui s'est écrasé et qu'ils se sont échappés, cachés sous les ordres d'un Elfangor agonisant.

Jamais, au grand jamais ils ne pourraient soupçonner qu'Elfangor aurait violé la loi des Andalites en donnant un tel secret à des humains. En plus, les Yirks aussi regardent les humains de haut. Pour eux, nous sommes des hôtes potentiels. Une espèce à asservir. Rien d'autre. Jamais ils n'iront imaginer que des humains pourraient leur causer autant d'ennuis. Et c'est tant mieux pour nous. S'ils capturent un seul d'entre nous, ce sera fini. Faute de résistance, la race humaine sera envahie.

Que font les Andalites pendant qu'on a tant besoin d'eux ? Ils sont à des siècles lumière de la Terre, en train de combattre les Yirks qui s'en prennent à d'autres peuples. On les repousse comme on peut avec l'espoir qu'un jour, dans un avenir pas trop éloigné, des guerriers Andalites vont enfin arriver pour nous aider.

Lorsque nous avons entendu l'appel d'Ax, nous avons cru qu'ils étaient arrivés, mais nous avons vite déchanté, parce qu'Ax était à bord du vaisseau d'Elfangor. Nous croyons, nous espérons que les Andalites vont venir sur Terre. Mais en attendant, nous sommes seuls.

- Tu viens toujours à la plage avec moi, Cassie ? ai-je demandé en arrivant à mon casier.

C'était une belle journée. Et une belle journée comme ça, ça mérite bien un tour à la plage, Yirks ou pas.

- Moui, a-t-elle répondu sans grande conviction.

- Je te vois venir, toi, d'ailleurs ! Pas en jean, Cassie. Je te connais.

- Mais je suis pas à l'aise en maillot de bain ! a-t-elle protesté.

- Jake va peut-être venir avec Marco, ai-je dit d'un ton qui se voulait naturel et non pas moqueur.

- Arrête de te moquer !

Loupé.

- D'ailleurs, a-t-elle poursuivi alors que nous nous dirigions vers son casier, c'est une raison de plus. Je n'ai pas envie que Jake me voit en maillot de bain.

- Cassie, ai-je soupiré en levant les yeux au ciel.

Elle a ouvert son casier pour y ranger ses livres.

- Hé bien quoi ? J'ai pas envie qu'il vomisse.

- Mon cousin et toi, vous êtes vraiment les deux plus abrutis de tous les abrutis que j'aie jamais rencontrés. Incluant Marco.

- Je le prends comment ?

- Comme une insulte.

- Et puis de toute façon, je n'ai pas de maillot de bain, alors le débat est clos, a-t-elle conclu en refermant son casier.

- Tu penses m'avoir avec une excuse aussi pathétique ? Je vais t'en prêter un.

- Je te déteste.

- Si tu continues, ce sera réciproque, ai-je plaisanté.

Je l'ai emmenée chez moi. C'était une affaire de cinq minutes de marche. Lorsque nous sommes arrivées, la maison était vide, comme je m'y attendais.

- Alors, voyons… ai-je commencé en fouillant dans un de mes tiroirs. Celui-là ?

Cassie m'a regardée comme si j'étais complètement folle.

- Rachel, il est fuschia !

- Et alors ? ai-je demandé.

- Et alors, tu peux toujours courir si tu veux me voir porter ça.

- Celui-là ? ai-je proposé en en montrant un orangé.

- T'as pas autre chose que des bikinis ? a-t-elle supplié.

- Hé non.

Bon, au final, le fuschia, c'est moi qui l'ai mis. Mais vous savez quoi ? J'ai réussi l'exploit d'obliger Cassie à mettre un bikini, au terme d'une véritable bataille (j'exagère à peine). Vert pomme. Où est ma médaille ?

- Je me sens ridicule, a protesté Cassie en se regardant des pieds à la tête.

- La vie est une jungle, ai-je blagué.

Elle a remis son t-shirt, son jean et ses baskets par-dessus le maillot de bain (cette fille me désespère) alors que j'enfilais une robe d'été et des sandales. J'ai mis ce qu'on pourrait appeler le « nécessaire de survie à la plage » dans un grand fourre-tout (serviettes, crème solaires, lunettes fumées, etc.) et nous nous sommes mises en marche vers la plage.

Je pensais qu'avec le temps que j'avais mis à convaincre Cassie, Jake et Marco seraient déjà là à notre arrivée, mais non. Nous avons largement eut le temps de nous installer et d'entamer une discussion avant que Cassie me fasse un signe de tête pour m'inciter à me retourner. Je me suis redressée en position assise et j'ai suivi son regard.

Jake et Marco se dirigeaient vers nous, mais ils n'étaient pas seuls. Ils avaient emmené deux personnes avec eux. Ax, premièrement. Pas dans son corps d'Andalite, évidemment : dans son animorphe humaine, qu'il a créée avec notre ADN à tous (sauf celui de Tobias). Voir Ax en humain est toujours assez troublant, parce que les Andalites n'ont pas de bouche. Parler et manger avec une bouche humaine font partie des grandes fascinations d'Ax lorsqu'il morphose en humain.

Et puis, Tobias. Pas dans son corps de faucon, non. Dans son animorphe humaine. J'ai souri, parce que Tobias ne morphose pas souvent en lui-même. Il y a toujours le risque (peu probable mais existant) que quelqu'un le reconnaisse et vienne lui demander où est-ce qu'il était ces derniers mois.

- Salut, a dit Jake avec un léger sourire envers Cassie.

- Bonjour, a dit Ax en s'asseyant aussi sur le sable. Jour. Jou-ou-ou. Our.

Comme je vous disais, il adore les drôles de sensations dans sa bouche humaine lorsqu'il parle.

- Salut, ai-je lancé à la cantonade alors que Cassie rougissait sous le regard de Jake.

Holala. Décidément, elle ne changerait jamais. J'ai senti des doigts s'entremêler doucement aux miens et j'ai tourné légèrement la tête, juste à temps pour voir Tobias me sourire. Je lui ai souri en retour en resserrant sa main dans la mienne. À cause de tout ce temps qu'il passe dans le corps d'un faucon, Tobias a tendance à oublier d'exprimer ses émotions sur son visage lorsqu'il morphose en humain, ce qui lui donne généralement un regard dur et même féroce, mais pas aujourd'hui.

Écoutant vaguement la conversation qu'entamait les autres, je me suis rallongée sur ma serviette et Tobias, silencieusement, m'a imitée. Sa présence me faisait du bien. J'aurais voulu qu'il me prenne dans ses bras. J'aurais voulu…

- Vous savez, mon père sort, ce soir, a lancé Marco.

- Et alors ? ai-je demandé, assez mécontente qu'il ait coupé mes pensées pour une remarque aussi inutile.

- Ben, il est sorti y'a trois jours. Je vais finir par croire qu'il voit quelqu'un.

Il avait dit ça d'un ton dégagé, pour ne pas paraître suspect à d'éventuelles oreilles indiscrètes. D'un même mouvement, Tobias et moi nous sommes redressés, sans pour autant lâcher la main de l'autre.

Marco avait l'air un peu soucieux, et je savais qu'il faisait des efforts pour cacher ce qu'il ressentait. Pour avoir l'air d'un fils qui se demande simplement avec qui son père peut bien sortir. Pour avoir l'air normal. Je savais à quoi il pensait, ce qu'il craignait. Nous le savions tous.

Le fait est que les Yirks ont un talon d'Achille, eux aussi. Tous les trois jours, ils doivent se plonger dans le Bassin Yirk pour se nourrir des rayons Kandrona, leur nourriture. S'ils dépassent ce délai, ils meurent. Apparemment, c'est une lente et douloureuse agonie. Heureusement pour nous que cette faiblesse existe, parce que nous aurions perdu Jake depuis longtemps.

Jake a déjà été infesté. Nous avons tué le Yirk en gardant Jake captif pendant trois jours, et il s'en est vraiment fallu de peu pour que nous le réchappions et que nous l'empêchions d'aller au Bassin Yirk. Nous avons tous des moments qui nous causent plus de cauchemars que les autres, et je sais pertinemment que ces trois jours en tant que Contrôleur, ces trois horribles trois jours prisonnier de lui-même, figurent en haut de la liste pour Jake en ce qui concerne les moments cauchemardesques.

- Je crois que je devrais aller voir dans les restaurants ce soir, a poursuivit Marco d'un ton anodin. Juste pour voir si c'est pas une femme infréquentable.

Nous nous sommes regardés. Marco avait déjà perdu sa mère à cause des Yirks et nous savions tous qu'il refuserait de perdre son père aussi. Quitte à faire quelque chose d'idiot, comme aller au Bassin Yirk vérifier si son père s'y rendait et tenter de le libérer.

Nous y sommes allés quelques fois, et à chaque fois, nous avons failli y passer. C'est l'endroit le plus horrible que j'aie jamais vu et si je pouvais éviter d'y retourner, ça m'arrangerait.

- Euh, mec, a commencé Jake. Je suis pas sûr que ce soit une bonne idée. Ton père a bien droit à sa vie privée.

Façon codée de dire qu'il n'était pas question qu'il le laisse mettre les pieds au Bassin et que c'était sans aucun doute la pire idée qu'il ait jamais eue.

- Pourquoi ? a insisté Marco. J'irai pas m'asseoir à leur table. Je jetterais juste un coup d'œil.

- Je pense que Jake a raison, ai-je intervenu.

La voix de Tobias a résonné dans nos têtes en parole mentale :

« Il faut qu'on se trouve un autre endroit pour parler de ça. Il y a trop de monde ici. »

- Ohlala, a fait Cassie, je viens de me rappeler qu'il faut que je nourrisse les animaux. Je peux pas rester, mon père va me tuer s'il se rend compte que j'ai oublié.

Le rendez-vous était donné. Dans sa grange. Elle s'est levée et a remis ses vêtements.

- Attends, je me sens d'âme généreuse, je t'accompagne, ai-je dit.

J'ai lâché (à contrecoeur) la main de Tobias et j'ai remis ma robe.

- Toi, nourrir les animaux ? a-t-elle dit en feignant l'étonnement.

- Non, moi, je te tiens compagnie. Toi, tu nourris les animaux, ai-je répondu en replaçant mes affaires dans mon sac. Ce sera une contribution largement suffisante de ma part. Profitez bien du soleil, les gars !

Je suis repartie avec Cassie. Les autres se trouveraient des excuses avec un certain temps d'intervalle pour paraître naturels et viendraient nous rejoindre aussi discrètement que possible.

- Il est complètement fou, ai-je dit en jetant mon sac sur une botte de paille. Vouloir faire ça c'est… c'est de la folie !

- Il faut le comprendre, a commencé Cassie avec lenteur en s'asseyant à califourchon sur une chaise, les bras appuyés sur le dossier de la chaise. Il a déjà perdu sa mère, Rachel.

C'était bien Cassie, ça. Toujours à comprendre les réactions des autres. Toujours à soutenir. Je me suis laissée tomber sur une botte de paille.

- Mais tu es d'accord avec moi que c'est de la folie !

- Tu sais, toi et moi, on ne peut pas vraiment comprendre ce qu'ils peuvent ressentir, a-t-elle continué. Jake et Marco, je veux dire. Je sais que Tom est ton cousin, mais Jake le voit tous les jours avec la pensée que ce n'est pas vraiment lui. C'est dur. Nous savons toutes les deux qu'il se bat avant tout pour la liberté de son frère. Et Marco, au fond de lui, il ne souhaite qu'une chose, et c'est de retrouver sa mère. Libre. On ne peut pas comprendre parce que pour ce que nous en savons, ni toi ni moi n'avons perdu quelqu'un à cause de tout ça.

Je suis demeurée silencieuse, et l'arrivée d'un faucon à queue rousse m'a épargné la tâche de me trouver quelque chose à dire. J'ai regardé Tobias se poser dans la charpente de la grange. Mais si, Cassie. Ouvre les yeux. J'ai perdu quelqu'un.

« Tout va bien, on peut parler sans risque. Les autres arrivent, en passant. Marco est parti juste avant moi, mais il est à pied, alors je suis arrivé avant. Jake et Ax risquent de mettre un peu plus de temps. »

- Pourquoi ? a demandé Cassie en fronçant les sourcils.

« Rien de grave, je te rassure. C'est juste qu'Ax a repéré un stand à hot-dog et que Jake va avoir du mal à l'en désintéresser. »

À cet instant, Marco est entré dans la grange. Personne n'a osé lui parler. Lorsque Jake est arrivé avec Ax, Marco a tout de suite pris la parole :

- Je vous préviens, personne ne va me dissuader, a-t-il lancé en guise de salutation avant de s'asseoir sur une table, repoussant quelques objets au passage. Ce soir, je vais au Bassin Yirk et je n'en sors pas tant que je suis bien certain que mon père n'y est pas.

- Et si jamais il y est ? a demandé Cassie avec douceur en le regardant.

- S'il y est, il en ressortira en homme libre, a répondu Marco, extrêmement décidé.

- Marco, c'est du suicide ! me suis-je exclamé. Avec les Biofiltres et toute la surveillance, ça ne passera jamais inaperçu. Tu vas te faire capturer et si tu te fais capturer, que ton père soit Contrôleur ou pas aujourd'hui, il le sera dans peu de temps parce qu'on deviendra tous des Contrôleurs !

- Ça te va bien de dire ça, toi ! Et si c'était ta mère ? Ta sœur ? Hein ? Je te connais. Tu ferais pareil. Peut-être même pire. N'est-ce pas, Xena ?

Je me suis tue et j'ai baissé les yeux. Il avait raison. J'avais beau lui lancer de belles paroles, j'aurais fait pareil pour ma famille. Exactement pareil. Même si c'était contre la raison. Contre la logique. Contre le bon sens.

- Et mon frère ? est intervenu Jake d'un ton plus dur qu'à l'ordinaire. Tu crois que je n'ai jamais voulu l'empêcher d'aller au Bassin Yirk pour que son Yirk meure ?

- Rien ne t'en empêche, Jake, a répliqué Marco avec sarcasme.

- Si, justement. Ils s'en rendraient compte, remplaceraient le Yirk et me captureraient. Mon action impulsive ne donnerait, au mieux, que quelques jours de liberté à Tom et suffirait probablement à condamner l'humanité.

« Prince Jake a raison, Marco » est intervenu Ax, qui avait repris son corps d'Andalite.

Il s'est avancé vers Marco dans un bruit de sabots.

« Mieux vaut rester en vie et te battre pour obtenir sa libération complète que d'être capturé en essayant bêtement d'obtenir une libération qui ne sera que passagère. »

- En plus, tu ne sais même pas s'il est un Contrôleur, ai-je dit. Il y a des chances pour qu'il ait vraiment rendez-vous.

- Tant mieux, ça m'épargnera la tâche de le faire sortir de là.

Mais quelle tête de mule !

« Marco… » a commencé Tobias.

Mais Marco lui a coupé la parole :

- Quoi ? Tu vas tenter de me dissuader ? Tu peux pas comprendre. T'as rien ni personne à perdre dans cette guerre… faucon.

- Marco ! ai-je grogné en lui jetant un regard assassin.

Tobias n'a rien répondu. Il a juste fait claqué son bec et est sorti à tire-d'aile en frôlant les cheveux de Marco avec ses serres. La phrase l'avait profondément blessé et je le sentais. Je me suis levée, furieuse.

- Bravo ! C'est très malin, ça !

Je me suis mise à courir. Je savais que Tobias était parti dans la forêt, alors je m'y suis enfoncée en le cherchant du regard.

- Tobias ! ai-je crié. Tobias, je sais que tu es là, montre-toi !

- Je suis là.

C'était la voix de Tobias. Pas dans ma tête, non. Dans mes oreilles. Comme la voix de n'importe qui d'autre. J'ai tourné la tête en direction de la voix et je l'ai vu. Il était assis sur le sol de la forêt, le dos appuyé contre un arbre. Humain.

- Tobias, ai-je dit en m'asseyant sur un rocher juste à côté de lui, laisse-le dire. C'est pas la première fois que Marco dit des choses stupides et sans fondement.

- Non, il a raison.

- Tobias…

- Il a raison. Plus ça va, moins je me sens humain. Tu vois, là, j'ai morphosé. Mais à chaque fois que je le fais, j'ai l'impression… je sais pas trop. J'ai de plus en plus l'impression que ce corps n'est pas le mien. Je me sens comme Ax ! À chaque fois, j'ai l'impression de découvrir quelque chose de nouveau et de pas familier, alors que c'est sensé être moi, ça ! Écoute, penses-y. J'ai techniquement disparu depuis des mois. Y'a personne qui s'en est rendu compte. Preuve que Marco a raison encore sur ce coup-là.

- Tobias, tu es humain.

- Je n'en suis plus si sûr.

Je me suis laissée glisser du petit rocher pour m'agenouiller juste à côté. Sous son regard interrogatif, je me suis penchée lentement vers lui, j'ai caressé sa joue avec ma main et j'ai posé délicatement mes lèvres sur les siennes. Il est demeuré stoïque quelques secondes avant de répondre à mon baiser. J'ai senti sa main se poser doucement sur ma joue. Lorsque nous nous sommes séparés, j'ai souri en collant mon front contre le sien.

- Tu vois ? Ça, c'est humain…

J'ai entendu des pas et je me suis reculée.

« Je les vois, Prince Jake » a annoncé Ax en parole mentale.

- Arrête de m'appeler « Prince », Ax, a répliqué machinalement Jake en s'avançant vers nous.

Vous voyez, les Andalites ont un grand sens de l'honneur. D'après ce que j'ai cru comprendre, chaque guerrier Andalite sert sous les ordres d'un autre, qu'il appelle « prince ». Jake n'est pas un Andalite (ça se saurait !), mais Ax a décidé de le considérer comme son prince. Peut-être parce que c'est notre chef.

- Je suis désolé, a dit aussitôt Marco en baissant les yeux sur Tobias, qui n'a pas bronché. J'avais pas le droit de te dire ça.

Tobias a haussé les épaules.

- C'était pas spécialement infondé.

- Bon, écoutez, est intervenu Jake.

Il s'est pincé l'arête du nez, comme pour stopper une migraine montante. Avec le temps, j'ai remarqué qu'il fait ça quand il sent que ce qu'il risque de dire risque tout particulièrement de nous conduire à la mort. Ça sentait le suicide collectif.

- Marco tient absolument à aller au Bassin. Je n'oblige personne à nous suivre…

- À vous suivre ? me suis-je exclamée.

- J'y vais avec Marco. On va trouver un plan.

- On se soutient, entre membres de famille partiellement infestée, a plaisanté Marco, assis contre un arbre face à Tobias et moi.

- Je vous suis, ai-je lancé.

- Tu disais que c'était suicidaire, a fait remarquer Cassie.

- Ouais, c'est pour ça que j'y vais.

- Je vous suis, a déclaré Tobias.

« Je viens aussi, Prince Jake » a annoncé Ax.

Nos regards se sont tournés vers Cassie.

- Je viens avec vous.

- Très bien, a dit Jake en soupirant légèrement. On va trouver un plan. Tobias, démorphose, s'il te plaît. Je veux être sûr qu'on est seuls.

Tobias a fermé les yeux et s'est concentré. Rapidement, la transformation s'est amorcée et Tobias a reprit son corps de faucon.

« Je vais faire un tour » a-t-il annoncé avant de prendre son envol.

Après une minute, il est revenu, se posant avec une grâce insolente sur la branche de l'arbre contre lequel Marco était appuyé.

« Rien à signaler, Jake. »

- Ok. Je veux juste qu'on mette quelque chose au clair.

Il s'est tourné vers Marco.

- On va vérifier s'il est là, ok ? Juste vérifier. Ce n'est pas une tentative de libération. Tu me comprends bien ?

- Ouais, a-t-il en laissant sa tête aller contre l'écorce de l'arbre.

- Bon. Voici ce à quoi j'ai pensé. Rachel et Tobias vont morphoser en Hork-Bajirs. C'est obligatoirement une forme de vie acceptée par le Biofiltre. Cassie va morphoser en Yirk et aller dans la tête d'Ax qui sera en animorphe humaine…

« Je refuse ! » s'est écrié Ax. « Je ne veux pas de Yirk dans ma tête ! »

- Ce ne sera pas un Yirk, a dit Cassie avec douceur, ce sera moi. Je te promets que je te laisserai le contrôle.

« D'accord » a-t-il bougonné.

J'ai levé les yeux vers Jake.

- Et Marco et toi ? Vous ne pouvez pas y aller comme ça. Tu risques de croiser Tom et si Marco a raison pour son père…

- Tu te souviens les humains-Contrôleurs que Marco et moi avions acquis pendant cette histoire avec David ?

- Ne me parle pas de ce fumier, ai-je maugréé.

- Hé bien voilà. Nous allons réutiliser ces corps. Pas le choix. Comme ça, nous serons tous en dedans. Avec un peu de chance, tout ira bien et ils ne se douteront de rien. Marco, à quelle heure sort ton père ?

- Dix-sept heures.

- Ax, combien de temps avons-nous ?

« Une de vos heures et douze de vos minutes » a répondu Ax.

Depuis que nous morphosons, nous ne portons plus de montre. La raison est fort simple : les Andalites ne portent pas de vêtements et donc, n'ont pas songé à faire en sorte que les vêtements suivent le corps pendant le processus. Par conséquent, on ne peut morphoser qu'avec des vêtements moulants, et les montres n'en font pas partie. Mais ce n'est pas bien grave, puisque Ax, comme tous les Andalites, possède une horloge interne très efficace.

Malheureusement, il ne semble pas comprendre que les minutes, les heures et les secondes ne sont pas les nôtres, mais celles de tout le monde, comme Marco lui fait remarquer très régulièrement. Mais pas cette fois. Cette fois, Marco avait autre chose à faire que penser à faire cette remarque inutile. Il avait d'autres soucis…

Le mot de la fin : Au prochain chapitre, visite de groupe au Bassin Yirk ! Commentaires en reviews SVP !