Sinister Shadow : Je suis contente que tu aimes :D. Et, lol, t'inquiète pas, je suis pas particulièrement fan de Cassie/Jake (pour la simple et bonne raison que je déteste Cassie – mea culpa – et que Jake n'est pas mon personnage préféré). Il ne sera pas du tout mis en avant, il sera juste sous-jacent, comme dans les livres ;) Je l'ai mis dans les pairings juste pour signaler que je ne l'avais pas balayé du revers de la main ;) par contre, Rachel/Tobias, je vais plus insister ;)

1personne : Je suis vraiment contente que ça t'intéresse et, bien sûr que si, je la continue ! Je n'abandonne jamais une fic ;) mais j'en ai plein d'autres en route (en plus je me retiens de commencer une Hermione/Drago… gnnniiiii), et une vie aussi (oui, oui, je t'assure ! Lol), ça explique pourquoi parfois je mets un peu de temps à poster :)

Chapitre 2 : No backing down

Il était maintenant dix-sept heures pile, selon Ax.

Nous étions dans le parking du fast-food. Heureusement qu'il était vide. Mais ça risquait de ne pas durer.

« Je vais vous couvrir » a annoncé Tobias avant de s'envoler.

J'ai levé les yeux dans les airs : il volait au-dessus de nous, aussi nonchalant que possible.

« C'est bon, mais faites vite ! »

Cassie avait déjà commencé sa transformation. J'ai détourné le regard. Voir quelqu'un morphoser n'est jamais bien beau, mais voir mon amie prendre l'apparence de l'ennemi, ça me répugnait. J'ai préféré regarder Jake et Marco, qui avaient presque terminé de morphoser.

Ce n'était pas une animorphe bien compliqué, mais je sentais leur malaise : nous ne sommes pas sensés faire ça. Nous ne morphosons jamais en créatures dotées de conscience sans leur consentement. Et il était évident que ces hommes n'auraient pas voulu qu'on se serve de leur ADN comme ça. Mais c'était un cas de force majeure.

J'ai baissé les yeux vers Cassie, qui venait d'achever sa métamorphose. Lentement, je me suis penchée et j'ai pris la limace grise dans ma main. Le Yirk. Je l'ai approchée d'Ax et il a reculé avec dégoût.

- Ax, c'est seulement Cassie… elle a dit qu'elle te laisserait le contrôle…

Il a regardé Jake.

- Je suis désolé, Prince Jake. Je ne peux pas. C'est plus fort que moi. Même en sachant que c'est Cassie…

Jake a soupiré mais je savais qu'il comprenait la réaction d'Ax : nous ne pouvions pas le forcer à accepter ça. Pour les Andalites, les Yirks représentent le mal suprême, et Ax a eu personnellement à souffrir d'eux. Vysserk Trois a tué son frère aîné de la façon la plus horrible qui soit.

J'ai regardé mes amis : Jake, qui avait été un Contrôleur pendant trois jours et qui ne semblait pas du tout prêt à renouveler l'expérience avec Cassie-le-Yirk. Marco, qui avait perdu une mère et peut-être un père à cause des Yirks. Alors, j'ai pris la seule décision qui s'imposait :

- Je vais la prendre avec moi.

J'ai approché Cassie de mon oreille. Aussitôt, l'instinct de Yirk a pris le dessus sur elle et je l'ai sentie se tortiller pour pénétrer dans mon conduit auditif. Elle avait projeté un jet de liquide anesthésiant pour enlever la douleur, mais je la sentais quand même se faufiler vers mon cerveau par mon oreille engourdie. Une sensation des plus désagréables, au demeurant.

« Ax ? » a demandé la voix de Cassie, apparemment troublée de ne pas être là où elle aurait dû.

« Non » ai-je pensé, sachant qu'elle pouvait lire dans mes pensées. « C'est Rachel. Ax n'a pas voulu, mais tu serais vachement gentille de ne pas me contrôler. »

« T'inquiète pas, Rachel. »

Quelques secondes ont passé et j'ai senti que Cassie relâchait le contrôle sur mon corps que l'instinct du Yirk avait pris par réflexe. J'ai laissé échapper un petit soupir de soulagement.

- Ok, a dit Jake en finissant de mettre les vêtements qu'il avait apportés. Tu es prêt, Marco ?

- Je sais toujours pas faire ce nœud de cravate…

- Laisse tomber la cravate ! a grogné Jake en le prenant par le bras. Plus vite on entrera là, plus vite on en sortira.

Ils se sont éloignés. J'allais commencer à morphoser lorsque la voix de Tobias a retentit dans ma tête :

« Rachel, va te planquer tout de suite ! La limousine de Vysserk Trois arrive dans le parking ! »

Merde, c'était bien notre veine ! Il fallait qu'on fasse ce qu'on détestait le plus – pénétrer dans le Bassin Yirk – le jour où Vysserk Trois décidait d'aller prendre un bain de rayons de Kandrona ! Aussitôt, je me suis mise à courir vers le petit boisé à l'autre bout du parking. Il fallait que je l'atteigne avant que la limousine…

« Arrête de courir, ils vont te voir d'une seconde à l'autre ! N'attire pas l'attention. »

J'ai obéi à l'ordre de Tobias et je me suis mise à marcher d'un pas qui faisait genre « tout va très bien, je flâne un peu, c'est tout ». Du moins, je l'espérais.

« Je te prépare une couverture si jamais ils te remarquent et qu'ils te posent des questions. Donne-moi trente secondes. »

Dommage que nous ne puissions pas utiliser la parole mentale lorsque nous ne sommes pas en animorphe, parce que ça m'aurait bien arrangée d'être en mesure de lui demander quel genre couverture il me préparait exactement.

- Rachel ?

« Ohlala » a fait la voix de Cassie, inquiète, dans ma tête.

Je me suis figée. La voix qui m'interpellait était celle du proviseur Chapman. Le père de mon amie, Mélissa. Un Contrôleur. Et pas n'importe lequel, d'après nos informations. Aussi naturellement que possible, je me suis retournée.

- Oui, monsieur ?

Qu'est-ce que tu me veux, sale limace ? Fiche-moi la paix et laisse-moi morphoser !

- Qu'est-ce que vous faites seule ici ?

Hé bien quoi ? Je fais ce que je veux, abomination extraterrestre. Il n'allait pas se mettre à jouer les proviseurs inquisiteurs en dehors de l'école, quand même !

- Euh, je… en fait, j'allais justement…

- Oui ?

Il a haussé un sourcil suspicieux. Vysserk Trois, dans son animorphe humaine, me sondait du regard et j'avais l'impression qu'il pouvait lire en moi. Si vous saviez à quel point j'ai dû me faire violence pour m'empêcher de lui sauter dessus et de lui fracasser le crâne sur le sol du stationnement jusqu'à ce que cette satanée limace abdique et sorte de son crâne. Je sais, c'est gore. Mais que voulez-vous, on a des pulsions violentes ou on en a pas.

« Cassie, dit à Tobias de se magner les fesses parce ça commence à chauffer pour les miennes ! » ai-je pensé.

« Tobias ! » a dit Cassie. « Elle arrive, cette couverture ? »

« Mais oui, j'arrive ! Rachel, t'as qu'à lui dire que tu attends quelqu'un, je finis de morphoser ! »

- J'attends mon petit ami, et, heum… en quoi cela vous concerne-t-il en dehors de l'école ?

- Hé, Rachel ! a fait la voix de Tobias, qui sortait du boisé.

Chapman a haussé un sourcil. J'ai suivi son regard dubitatif vers les pieds de Tobias… nus. Les pieds, pas Tobias.

C'est un autre problème du processus de morphose : puisque les Andalites ne portent pas de chaussures, ils n'ont pas prévu qu'on puisse morphoser en en portant. Il fallait trouver une excuse, et TRÈS VITE, avant que Vysserk Trois fasse le lien.

- Ne me dis pas qu'on t'a piqué des pompes à la plage, quand même ! me suis-je aussitôt exclamée.

Tobias est demeuré surpris un quart de seconde, puis a attrapé la perche que je lui tendais :

- Euh, ouais. Va falloir qu'on aille faire un tour dans les magasins après avoir mangé.

- Viens, je meurs de faim, ai-je dit en le prenant par la main. À lundi, monsieur Chapman !

Je me suis grouillée d'entraîner Tobias derrière moi dans le fast-food. On s'est assis à une table au fond et on a fait semblant d'entretenir une conversation pendant que Vysserk Trois et Chapman demandaient un « Happy Meal avec un supplément de bonheur ». C'était le mot de passe pour accéder au Bassin Yirk. Peut-être qu'ils ont un certain sens de l'humour, finalement.

- Ok, a fait Tobias à voix basse lorsque les deux hommes sont entrés. On ressort pour morphoser ?

« RACHEL ! TOBIAS ! CASSIE ! » a soudain hurlé la voix de Jake dans nos têtes. « Animorphes de combat, vite ! »

« Qu'est-ce qui se passe ? » a demandé Cassie, alarmée.

« Est-ce que Marco… » a commencé Tobias.

« Je vous entends, figurez-vous ! » s'est exclamé ce dernier, vexé. « Mais c'est juste que les deux humains Contrôleurs dont on a pris le corps sont arrivés et on est repérés ! Vysserk est là, on a plein de Contrôleurs aux fesses, va y avoir de la castagne ! »

D'un même mouvement, Tobias et moi nous sommes levés et nous sommes sortis. D'un pas rapide, nous avons traversé le parking pour aller se planquer dans les bois.

- On a un sacré problème, ai-je murmuré. Nos animorphes de combat ne passeront pas le Biofiltre. Je ne pense pas que les grizzlys soient des invités des Yirks.

- Alors, Hork-Bajirs ?

- Ouais, ai-je grimacé en entamant l'animorphe.

J'ai tout de suite senti la transformation s'amorcer : des lames poussaient à mes articulations, mon corps s'épaississait, je grandissais, ma peau se modifiait. Lorsque j'ai fini de morphoser, l'esprit du Hork-Bajir s'est glissé en moi. C'est toujours comme ça lorsqu'on morphose : le corps, puis l'instinct, qu'il faut apprendre à maîtriser.

Certains, comme celui du dauphin, sont simplement enivrants, mais faciles à balayer avec un minimum de concentration. D'autres, comme la gourmandise de la mouette ou la peur panique d'un rat, sont très difficiles à contrôler. Le Hork-Bajir, lui, est très facile à maîtriser.

Vous savez quoi ? Les Hork-Bajirs sont les guerriers les plus dangereux de l'armée yirk. C'est leur artillerie lourde. Les Yirks en font de véritables machines à tuer. Mais un Hork-Bajir n'est pas violent du tout. Leurs lames servent à tailler l'écorce des arbres dont ils se nourrissent, pas à tuer.

Pour l'instant, tout ce que mon cerveau de Hork-Bajir remarquait, c'était qu'il était entouré d'arbres avec une magnifique écorce. Et que ça, c'était plutôt cool. Je me suis concentrée un peu et j'ai balayé l'envie du Hork-Bajir de céder à une petite fringale. J'ai regardé Tobias, à mi-chemin entre le faucon et le Hork-Bajir.

« J'y vais » ai-je annoncé en m'élançant. « Il ne faut pas perdre de temps »

« Je te rejoins dès que j'ai fini »

Je suis pénétrée par-derrière dans le bâtiment et, au bout d'une minute ou deux, je suis parvenue à trouver l'entrée du Bassin Yirk. J'ai passé le portail sans problème : le Biofiltre a détecté un Hork-Bajir et un Yirk. Deux formes de vie autorisées à l'intérieur du Bassin.

Quatre à quatre, j'ai descendu l'escalier de métal. J'ai essayé d'ignorer les cris déchirants des hôtes, provisoirement libres, enfermés dans une cage en attendant que leur Yirk ait fini de se nourrir. J'ai vraiment essayé. Et j'ai presque réussi.

Mais il m'était impossible d'ignorer les rires des membres du Partage, cet organisme genre « boy scout » qui s'occupe de recruter des hôtes volontaires (vous m'avez bien comprise, il y en a qui sont volontaires). Les imbéciles !

« Je pense la même chose, mais maintenant, si on allait aider Jake et Marco ? » a dit Cassie dans ma tête, me ramenant à la réalité.

« T'as raison. Mais où ils sont ? »

Je les ai cherchés du regard. Et je les ai vus, maintenus chacun par un Hork-Bajir, qui les traînaient vers… non ! Ils les traînaient vers le ponton de métal pour la réinfestation ! Il me fallait des renforts et vite.

« AX ! » ai-je hurlé. « AX, OÙ EST-CE QUE TU ES, BON SANG ? »

« Je suis en train de me battre contre une demi-douzaine de Hork-Bajirs, Rachel ! »

« Mais on s'en MOQUE des Hork-Bajirs ! Ils sont en train d'emmener Jake et Marco au point de réinfestation ! Ils vont en faire des Contrôleurs, tu m'entends ? Ils vont faire de ton prince un Contrôleur ! AGIS ! »

Mes paroles étaient dures. Mais je savais que maintenant qu'Ax savait ça, les Hork-Bajirs Contrôleurs n'allaient pas faire de vieux os et qu'il allait tout faire pour rejoindre le ponton.

- Mes camarades, s'est exclamé Vysserk Trois dans son animorphe humaine, ce soir est un grand soir, car ce soir, nous allons faire de deux de ces résistants Andalites des hôtes ! Allons, allons. Montrez votre visage, valeureux guerriers. Démorphosez.

Ils n'ont pas bronché, toujours retenus par les Hork-Bajirs désormais immobiles.

- Non ? Dans ce cas, vous le ferez sous ordre de l'un de mes fidèles.

Il n'était pas question, vous m'entendez bien, pas QUESTION qu'on fasse de mon cousin et de Marco des Contrôleurs. J'entendais Vysserk. Et je cherchais où il était. J'ai entendu un bruit derrière moi et je me suis retournée. Tobias.

« Cherche Vysserk Trois » ai-je demandé.

Mais à la seconde où je lui demandais de m'aider, j'ai repéré ma cible. Aussitôt, je me suis élancée vers lui, repoussant d'un mouvement sec de la main ceux qui me bloquaient le chemin. Je me suis glissée derrière Vysserk Trois et, rapide comme l'éclair, je l'ai attrapé, le serrant contre moi en posant ma lame de poignet sur sa gorge humaine.

« Rachel, qu'est-ce que tu fais ? » s'est exclamée Cassie.

« Je marchande » ai-je répondu.

Puis, j'ai fait en sorte que tout le monde dans le Bassin puisse m'entendre.

« YIRKS ! Si vous ne voulez pas la mort de Vysserk Trois, alors écoutez-moi » ai-je commencé en tentant de prendre le ton le plus arrogant possible.

Le ton le plus « Andalite » possible.

J'ai pressé un peu plus fort la lame contre sa gorge humaine et j'ai senti un filet de sang commencer à couler lentement. J'ai lutté furieusement contre mon envie d'en finir avec lui. J'avais besoin de lui vivant pour avoir une chance.

« Ax, Tobias, mettez-vous en position pour libérer Jake et Marco si mon idée ne marche pas » ai-je lancé en aparté.

J'ai commencé à marcher lentement vers le ponton en tenant toujours fermement Vysserk contre moi.

« Yirks, je vais vous proposer ce que vous ne feriez jamais pour nous, Andalites. Un marché honnête. Vous allez relâcher mes deux camarades. Après, je relâcherai Vysserk Trois. Vous allez ensuite nous laisser sortir sans nous attaquer, et nous quitterons sans tuer ni blesser aucun d'entre vous. »

J'espérais vraiment être convaincante dans mon rôle d'Andalite. D'habitude, nous ne prenons pas le risque de parler aux Yirks – sauf Ax – de peur qu'ils se rendent compte qu'ils ont affaire à des humains. Mais là, je n'avais pas le choix.

- Tu veux marchander avec moi, « noble » guerrier Andalite ? a ricané Vysserk Trois. Tu veux marchander avec moi sur mon propre terrain ? Si tu me tues, tu peux déjà te considérer comme mort.

« Alors je mourrai. Mais j'aurai au moins le plaisir de t'avoir tué avant » ai-je répliqué en le serrant encore plus fort contre mon corps de Hork-Bajir pour donner du poids à ma menace. « Que crois-tu ? Nous sommes nombreux. La perte de l'un d'entre nous serait regrettable, mais pas fatale, loin de là. »

Avec un tel talent pour le bluff, je me demande pourquoi est-ce que je ne joue pas au poker au lieu de combattre des limaces extraterrestres maléfiques. En toute modestie, bien entendu.

« Je te fais l'honneur d'une proposition honnête » ai-je continué d'un ton dédaigneux. « Elle ne sera pas valable éternellement, Vysserk. Alors, jusqu'à quel point tiens-tu à ta minable vie, Yirk ? »

- J'accepte le marché.

« Rachel, ne fais pas l'erreur de lui faire confiance ! » s'est exclamé Jake dans ma tête.

« T'en fais pas, cousin. Je suis blonde, mais pas stupide. Tobias et Ax sont en position pour vous secourir si jamais Vysserk Trois décide de changer d'avis. Tout est sous contrôle. Relativement. »

- Lâchez les deux Andalites.

Les Hork-Bajirs ont obéi. Jake et Marco se sont éloignés. Je n'ai pas bronché.

- Respecte ta parole, Andalite, a exigé Vysserk Trois. Libère-moi.

J'ai hésité. Jake l'a senti et j'ai entendu sa voix dans ma tête :

« Fais-le. Respecte ta part du marché. »

« Jake, il est à ma merci ! Je pourrais le tuer, tu imagines un peu le coup dur que ce serait pour les Yirks ? »

« Non ! » a-t-il grogné. « Si tu fais ça, on ne sort pas d'ici vivants. »

Il avait raison. La mort de leur chef énerveraient fortement les Yirks, et mieux valait éviter si nous voulions vivre jusqu'au lendemain. Utilisant toute la puissance de mon corps de Hork-Bajir, j'ai soulevé Vysserk Trois de terre et je l'ai jeté dans le Bassin, provoquant un gros plouf bien sonore et plein d'éclaboussures.

« Bonne baignade, Vysserk » ai-je lancé d'un ton hargneux avant de rejoindre Jake, Tobias et Marco d'un puissant saut.

« Ax, où que tu soies, morphose en humain. Sinon, tu ne passeras pas le Biofiltre » a ordonné Jake.

« Oui, Prince Jake »

« Et ne m'appelle pas Prince ! »

Après environ une minute, il nous a rejoint, humain.

« Maintenant, Yirks » a-t-il dit en parole mentale, « nous allons sortir et aucun de vous ne s'interposera sous peine de mourir aussitôt ».

Nous avons commencé à nous éloigner et à monter l'escalier de métal menant à la porte.

- Andalites !

Une voix humaine avait crié ce mot et nous nous sommes tous figés. Ça ne pouvait pas être venu d'un Contrôleur. Lorsque les Contrôleurs disent « Andalites », ils le crachent, comme si c'était l'insulte la plus odieuse qu'ils puissent imaginer. La voix que nous avions entendue n'était ni haineuse, ni dégoûtée.

Elle était suppliante.

Instinctivement, j'ai tourné le regard vers la cage où les hôtes en attente de réinfestation étaient enfermés. Grand bien m'en prit, parce que Marco avait déjà vu qui avait parlé.

C'était son père.

Immédiatement, j'ai attrapé Marco qui commençait à descendre l'escalier et je l'ai serré contre moi pour l'empêcher de se dégager.

« LÂCHE-MOI ! »

« Il n'en est absolument pas question » ai-je répliqué.

« Rachel, je te dis de me lâcher tout de suite ! »

« Et je te dis que je n'en ferai rien. On s'en va, Marco ! »

« NON ! »

« Marco, si tu continues de faire l'imbécile, je t'assomme ! »

Je comprenais sa douleur et elle était tellement forte que je la ressentais aussi. Mais il ne devait pas craquer maintenant. Il ne le pouvait tout simplement pas. Trop risqué. Trop dangereux.

Un guerrier Andalite n'aurait pas pleuré ou pété les câbles en entendant un hôte momentanément libre lui demander de le sauver. Un guerrier Andalite n'aurait pas bronché, parce qu'un guerrier Andalite est blasé pour ce genre de choses.

Et on était sensés être des guerriers Andalites.

- Libérez-moi, Andalites ! a crié le père de Marco, désespéré.

« Marco, tiens bon, je t'en supplie » a lancé Cassie d'une voix douce. « Tiens bon, Marco, ne te trahis pas, tiens bon… »

Soudain, quelque chose s'est produit. Quelque chose qui a changé la situation du tout au tout. Brusquement, la réaction de Marco nous est apparue comme beaucoup moins alarmante et très secondaire.

Les Contrôleurs (humains, Hork-Bajirs et Taxxons) ont levé simultanément leurs lance-rayons Dracons vers nous. Vysserk Trois avait dû leur ordonner en aparté. Bien sûr qu'il l'avait fait. Il tenait les « résistants Andalites ». Nous étions sur son terrain, pourquoi s'en serait-il privé ? Comment avions-nous pu songer qu'il nous laisserait vraiment partir ? L'avions-nous seulement cru ?

« Jake, il faut absolument qu'on se tire ! » a dit Tobias en parole mentale, peu rassuré.

Se tirer. En voilà une bonne idée !

« À terre ! » ai-je crié en me jetant à plat ventre dans l'escalier, imitée par les autres.

Tellement de rayons meurtriers avaient été lancés en notre direction que ça en a fait un gros trou dans le mur.

« Courez ! » a crié Jake en se relevant, montant l'escalier quatre à quatre.

Malgré qu'il se débattait pour m'échapper, j'ai soulevé Marco du sol et je me suis mise à courir aussi vite que mon corps de Hork-Bajir me le permettait. Autrement dit, très vite. J'ai rapidement dépassé Jake.

« Fais sortir Marco de là et empêche-le de revenir. Assomme-le s'il le faut » m'a-t-il demandé en aparté.

« C'est pas tombé dans l'oreille d'une sourde » ai-je dit d'un ton qui se voulait léger.

J'ai franchi les dernières marches de l'escalier d'un puissant bond et j'ai repris ma course vers la porte arrière, les autres sur les talons.

« Ce corps humain est vraiment empoté… » s'est exclamé Ax en parole mentale.

Ayant l'habitude de posséder quatre pattes et une queue pour conserver son équilibre, Ax ne s'est jamais habitué à n'avoir que deux jambes lorsqu'il morphose en humain. D'autant plus qu'il ne le fait pas très souvent. Pour lui, notre facilité à nous mouvoir avec seulement deux jambes faisait partie des grands mystères de la vie. Mais là, ce n'était pas le moment qu'il ait des problèmes de coordination !

« Axos, je te chope au passage ! » a annoncé Tobias.

« Tu me quoi ? »

Je me suis retournée juste à temps pour voir Tobias soulever Ax dans ses bras. Sans perdre de temps, j'ai recommencé à courir et je suis arrivée dans le parking, très vite rejointe par les autres.

« Jake, ils sont en train de monter l'escalier » a fait remarquer Tobias.

« Qu'est-ce qu'on fait ? » s'est écriée Cassie. « On a deux extraterrestres immenses avec nous et on ne peut pas démorphoser dans les bois, ils vont sûrement les ratisser ! »

- La limousine, a dit Jake, à bout de souffle. La limousine de Vysserk, on monte dedans !

Tobias s'est avancé vers la limousine noire et a ouvert la porte du conducteur. Il y avait un chauffeur à l'intérieur, qui nous regardait avec haine. D'un mouvement brusque, Tobias l'a envoyé rouler sur le sol du parking pendant que j'ouvrais une portière arrière pour m'y engouffrer avec Marco qui tentait toujours de se défaire de mon emprise.

« Je te jure que je t'assomme si tu continues de me donner des coups, Marco ! » ai-je grogné mentalement alors que Tobias se précipitait sur la banquette face à Marco et moi.

Heureusement que Vysserk Trois roule en limousine, parce que deux Hork-Bajirs et trois humains n'auraient jamais pu s'entasser dans une voiture normale. Ax s'est jeté sur le siège passager à l'avant et Jake… Jake s'est mis au volant.

- Hé, mec, tu sais pas conduire ! s'est écrié Marco en le voyant mettre le contact.

- Toi non plus et ça t'a pas empêché de le faire, a répliqué mon cousin.

- Justement, on a bousillé la camionnette du père de Cassie, ce jour-là ! Tu te souviens pas ?

« Arrêtez de vous engueuler, des Contrôleurs viennent d'arriver dans le stationnement ! » a dit Tobias.

- On est partis ! a répondit Jake en faisant démarrer la limousine sur les chapeaux de roue.

- Prince Jake, es-tu sûr de savoir manier correctement ce véhicule humain ? a demandé poliment Ax après que Jake ait percuté une poubelle.

- Ne m'appelle pas Prince ! répliqua-t-il plus sèchement qu'à l'habitude.

- Ça veut dire non, Ax, a expliqué Marco.

- Vous devriez démorphoser, vous tous. Ça fait un moment que vous occupez ces corps et il se peut que vous ayez à morphoser dans un avenir rapproché.

« Pourquoi ? » a demandé Cassie, surprise.

- Parce que les Yirks ont décidé de nous suivre et que leurs véhicules semblent plus rapides que le nôtre. D'autant plus qu'avec les embardées que fait Prince Jake, Tobias et Rachel risquent de blesser quelqu'un avec leurs lames.

- Merci bien ! a répliqué Jake.

J'ai tourné la tête comme je pouvais vers l'arrière et j'ai vu qu'Ax avait raison. Trois voitures nous suivaient dans la rue. Et ils semblaient conduire beaucoup mieux que Jake. Le point positif de tout ça, c'est que les Andalites ne devaient pas être d'excellents conducteurs d'automobile humaine, les Yirks ne devaient donc pas se demander pourquoi notre voiture allait si mal. Le point négatif… hé bien…

- Jake, essaie de prendre l'autoroute avant de nous tuer dans un virage ! a conseillé Marco.

- C'est ce que j'essaie de faire !

- Il commencerait vraiment à être temps que vous démorphosiez, a fait remarquer Ax.

Priant le ciel pour que les vitres fumées de la limousine soient assez opaques pour qu'on ne voit pas les mutants que nous allions devenir pendant le processus, j'ai fermé les yeux et je me suis concentrée (ce qui ne fut pas facile). Doucement, j'ai senti la transformation s'amorcer et je suis progressivement devenue humaine.

- Et moi, je fais quoi ? a demandé Jake en évitant de très près une boîte à lettres. Je ne vais quand même pas démorphoser en conduisant !

- Je prends le relais, a annoncé Marco.

Il s'est glissé à l'avant et Jake, comme il a pu, s'est glissé vers l'arrière en manquant de faire tomber Tobias du dossier de la banquette en cuir.

- Sors, Cassie, il faut que tu démorphoses aussi, ai-je dit alors que Jake commençait à retrouver son corps.

J'ai mis ma main sous mon oreille alors qu'elle se tortillait dans mon conduit auditif. Après quelques secondes, elle est tombée au creux de ma main et je l'ai posée sur la banquette pour qu'elle démorphose, ce qu'elle s'est empressée de faire.

Pendant le processus, une secousse l'a faite tomber sur le sol de la voiture. Lorsqu'elle a fini de démorphoser, elle a tendu la main vers quelque chose qui avait roulé de sous la banquette.

Un lance-rayons Dracon.

- On dirait que Vysserk a laissé quelque chose dans sa voiture, ai-je fait remarquer.

- C'est bon, je viens de prendre l'autoroute, on va être en ligne droite, a annoncé Marco.

Dieu merci. Mais au bout de deux secondes, je me suis rendue compte que l'expression « ligne droite » prononcée par Marco au volant d'une voiture était franchement exagérée. Si nous ne faisions pas d'accident, nous allions nous faire arrêter, parce que Marco conduisait comme un ivrogne !

« BAISSEZ-VOUS ! » a crié Tobias.

Sans prendre le temps de réfléchir, nous avons obéis. Un rayon Dracon a brisé la vitre arrière de la limousine, l'a traversée et est allée briser celle de devant. Le vent s'est engouffré dans le véhicule et nous étions désormais exposés aux regards des Yirks si nous nous redressions.

Aussitôt, Jake a établi un plan d'action. Je pouvais presque entendre les rouages tourner dans son cerveau pendant qu'il réfléchissait. Après une trentaine de secondes, il a pris la parole :

- Marco, essaie juste de ne pas faire d'accident.

- Qu'est-ce que je fais, là, d'après toi ?

- Tobias, sors, il faut que tu soies nos yeux.

« Comme toujours » a répondu Tobias.

Il a battu des ailes et est sorti par la vitre arrière avant de prendre de l'altitude et de sortir de notre champ de vision.

- Ax, Cassie a trouvé un lance-rayons Dracon. Tu vas t'en servir pour tirer sur les Yirks. Non seulement ça risque de les occuper, mais en plus, tu pourrais en éliminer quelques-uns, ça ne va pas nous nuire.

- Oui, Prince Jake, a-t-il dit en se tournant vers nous.

Maladroitement, il est passé par-dessus la banquette où Tobias était posé quelques secondes plus tôt et s'est accidentellement écrasé sur nous.

- Désolé, s'est-il excusé en grimpant sur la banquette du fond.

Cassie lui a donné l'arme et il l'a prise entre ses mains. Nous savions qu'il n'aurait aucun problème à faire usage du lance-rayons Dracon pour la simple et bonne raison que l'arme des Yirks, comme le reste de leur technologie, est copiée sur celle des Andalites. Selon Ax, les Yirks se sont contentés de ralentir le rayon pour qu'il pénètre plus lentement la cible, lui causant une mort douloureuse, alors que les armes Andalites tuent sans douleur.

Ax a commencé à tirer. À en juger par le crissement de pneus qui s'en est suivi, il avait atteint sa cible.

« Les gars, vous allez avoir de sacrés ennuis, parce qu'ils ont des renforts ! » a annoncé Tobias dans nos têtes. « Je vois six voitures, et ils vont faire de la vitesse parce qu'ils se sont servis de leurs effectifs dans la police pour bloquer le secteur ! Appuie sur le champignon, Marco ! »

- Tire dessus, Ax ! a ordonné Jake.

Tsiou, tsiou ! Ax a continué à tirer. Parfois, il atteignait sa cible. Parfois, il la ratait. Heureusement, il n'y avait pas d'autres voitures, parce que nous ne voulions pas blesser des innocents. Le principal problème d'Ax était le fait que Marco conduisait franchement comme un pied (et encore, je suis gentille), ce qui lui faisait rater la moitié de ses tirs.

Au bas mot.

- Rachel, a continué mon cousin, ouvre le toit ouvrant.

Je savais pourquoi il me le demandait à moi plutôt que de le faire lui-même. Ou de demander à Cassie. Jake a toujours su exploiter les forces et les faiblesses de chacun de nous pour tirer notre petite troupe des ennuis. Et j'étais la plus souple. Si quelqu'un pouvait ouvrir ce toit ouvrant sans se faire voir par nos poursuivants, c'était bien moi.

Je me suis contorsionnée pour me positionner face au bouton d'ouverture, le dos contre le siège de la banquette. Serrant mes mains sur le rebord de la banquette, m'enfonçant davantage dans le siège de cuir, j'ai levé la jambe et j'ai donné un coup de pied sur le bouton qui servait à déclencher l'ouverture.

Le panneau a coulissé sagement pour s'ouvrir. Tout ce que les Yirks avaient vu, à supposer qu'ils aient vu quelque chose dans cette pagaille, c'était qu'une jambe s'était brièvement levée dans les airs. Bref, aucune information utile.

- Maintenant, il va falloir morphoser en quelque chose qui vole pour se tirer de là, a annoncé Jake d'une voix tendue.

- Je suggère les mouettes. Les oiseaux de proie sont plus faciles à repérer s'ils nous cherchent. Sans compter le fait que l'animorphe d'oiseau de proie de Rachel ne pourra jamais sortir d'ici, c'est trop petit pour son envergure.

Elle avait raison. L'oiseau de proie que j'avais choisi d'acquérir, il y a plusieurs mois de cela, était un aigle d'Amérique. Près de deux mètres d'envergure. Sa force, supérieure à celles des autres animorphes d'oiseaux que nous avons, nous est parfois utile. Mais il arrive que sa taille imposante nous cause des problèmes, comme dans la situation présente.

- Et moi, je fais comment ? Je vais perdre mes mains dans le processus ! s'est exclamé Marco, qui continuait de conduire tant bien que mal la limousine de Vysserk Trois.

- Est-ce que ça va vraiment être pire ? ai-je demandé en roulant les yeux.

- Je suis mort de rire, Xena, a-t-il répliqué.

- J'ai peut-être une idée, mais qui ne va pas tenir longtemps, ai-je annoncé.

- Vas-y, a cédé Jake.

- Ne perdez pas de temps, morphosez en mouettes. Marco, commence à démorphoser.

- Il va falloir sortir un par un, a fait remarquer Cassie. Si on était des Andalites en animorphe, on ne pourrait pas démorphoser dans notre corps d'origine tous à la fois dans un si petit espace.

- Bien vu, a acquiescé Jake. Vas-y en premier.

Je les ai laissé parler et je me suis glissée sur le siège passager à l'avant. Le vent me fouettait le visage et, pour cacher ce que je faisais, j'ai appuyé sur le bouton qui faisait monter une paroi sombre destinée à isoler l'avant de l'arrière du véhicule. Désormais, les Yirks ne pouvaient pas nous voir.

- J'espère qu'elle est bonne, ton idée, a bougonné Marco, au beau milieu de son animorphe, en train de retrouver son propre corps.

- Mon idée, comme toutes mes idées, est excellente, ai-je répondu en commençant à fouiller.

- Ouais, comme celle de me retenir.

- Cette idée était l'une de mes meilleures, ai-je répliqué en continuant à fouiller.

Il n'a pas répondu, signe qu'il était d'accord mais trop orgueilleux pour l'admettre. Les mecs, je vous jure !

- Qu'est-ce que tu cherches, bon sang ? a-t-il fini par lancer.

- Des vêtements ! ai-je pesté. Vysserk doit morphoser en humain dans ce véhicule, il faut bien qu'il ait des vêtements qui traînent quelque part !

J'ai fini par trouver ce que je cherchais dans le compartiment sous mon siège. Des vêtements.

- Rachel, dis-moi que tu n'as pas l'idée que je pense que tu as, a-t-il dit d'un ton alarmé en me voyant prendre une cravate.

- Ça dépend, quelle idée pense-tu que j'ai ?

- Une TRÈS mauvaise idée ! Jake, elle est folle !

- Quoi ? a répondu mon cousin, sa voix étouffée par la paroi que j'avais faite monter.

- Je te dis qu'elle est cinglée !

- Arrête un peu, Marco, et concentre-toi sur la route.

« Wooo ! » s'est écrié Cassie. « Faites gaffe en sortant de la bagnole, ils ont failli m'avoir ! »

J'ai fait un nœud sur le volant avec la cravate. Puis, avec l'autre extrémité de la cravate, j'ai fait un nœud autour de l'une des deux courtes tiges de métal qu'il y avait entre l'appui-tête et le dossier du siège conducteur. J'ai répété l'opération avec une autre cravate, de l'autre côté du volant, que j'ai relié à la seconde tige.

- Et la pédale, grosse maligne, qu'est-ce que tu vas faire ?

Bonne question.

- Jake, t'as morphosé ? ai-je demandé.

« Ax viens de sortir et je suis en train de morphoser, Rachel. »

- Préviens-moi dès que tu sors.

J'ai commencé à chercher quelque chose de lourd à fixer sur la pédale pour la garder enfoncée, mais il n'y avait rien.

« Je suis sorti, et vous avez intérêt à vous dépêcher de faire pareil ! » a annoncé Jake d'une voix mal assurée. « Ils se rapprochent, on va tenter de les distraire pour que vous puissiez morphoser sans être vus, mais je ne garantis rien ! »

Bon sang !

- Sors, Rachel, j'ai une idée de fou.

- Marco, ne fais rien de stupide !

- C'est toi qui me dis ça ? a-t-il râlé. Selon tes critères de princesse guerrière, mon idée est excellente, soit dit en passant.

« GROUILLEZ-VOUS ! » s'est exclamé Tobias.

Alors, j'ai fait quelque chose que je ne fais pas souvent.

J'ai cédé.

À Marco, en plus.

J'ai fermé les yeux pour me concentrer sur la mouette. Ce n'était pas chose aisée avec le vent qui me fouettait le visage, la limousine qui suivait tout sauf une ligne droite, et les voitures que j'entendais derrière nous. Mais j'avais déjà morphosé des dizaines et des dizaines de fois, et c'était devenu naturel. Quand j'y pense, c'est affligeant : il était devenu normal pour moi de me transformer en animal. Mais là, je m'éloigne.

J'ai senti mon corps se transformer pour devenir celui d'une mouette, mon ossature se reformer, des plumes couvrir ma peau. Morphoser n'est pas douloureux (merci à la science Andalite). C'est juste bizarre. Bizarre de ne pas ressentir la douleur en sachant pourtant qu'elle est bien là.

J'ai réfréné l'esprit de la mouette qui me criait de me chercher un snack et j'ai tourné ma tête d'oiseau vers Marco.

« Bonne chance, Marco. »

- Je vais en avoir besoin, a-t-il répondu tout simplement.

J'ai battu des ailes avec force pour sortir de la limousine et prendre de l'altitude.

« Marco ? Rachel ? » a fait la voix de Cassie.

« C'est Rachel » ai-je répondu. « Apparemment, Marco a une idée. »

« Ouais, on dirait bien, il est en train de morphoser » est intervenu Tobias. « Ses mains viennent de se transformer en ailes, comment ça se fait que la voiture ne quitte pas la route ? »

« J'ai attaché le volant à l'appui-tête. Ça va lui donner un peu de répit, mais il a intérêt à se magner les fesses. »

« Il perd de la vitesse » a remarqué Ax.

Marco devait être devenu trop petit pour que son pied en pleine mutation appuie sur la pédale. Il ne disposait plus que de quelques secondes pour finir de morphoser et se tirer de là.

« Il a fini ! » s'est exclamé Tobias.

En effet, une mouette venait de sortir de la limousine et prenait rapidement de l'altitude, battant furieusement des ailes.

« Yahoo ! Les gars, c'était… »

TSIOU !

Un rayon Dracon l'a atteint directement dans l'aile droite.

« AAAAHHH ! »

« TOBIAS ! » s'est écrié Jake alors que Marco commençait à perdre de l'altitude.

Mais Tobias avait déjà compris ce qu'il avait à faire et il a piqué pour récupérer Marco. À l'ultime seconde, il a rouvert ses ailes et refermé ses serres sur l'aile indemne de Marco avant de reprendre de l'altitude. Comme il pouvait.

« Faut qu'on se TIRE ! » s'est-il exclamé en battant des ailes furieusement.

« À la grange, je vais pouvoir le soigner s'il est inconscient ! » a suggéré Cassie.

« On est partis ! » a annoncé Jake en bifurquant pour changer de direction.

Nous avons tous fait de même. Nous craignions que les Yirks ne nous suivent. Erreur : ils étaient beaucoup plus occupés à vérifier l'état de leur petite troupe suite au carambolage qu'ils avaient causé en percutant la limousine.

Nous avons donc pu atteindre la grange sans encombre et, Dieu merci, elle était vide. Tobias a déposé une mouette inconsciente sur une botte de paille avant d'aller se poser dans la charpente du bâtiment, comme toujours. Il nous a regardé démorphoser en se lissant les plumes sagement.

Aussitôt qu'elle a eut terminé de démorphoser (alors même que nous étions tous à mi-chemin entre la mouette et notre corps d'origine) Cassie s'est précipitée vers une armoire, cherchant visiblement quelque chose.

- On ne peut pas laisser Marco retourner chez lui, ai-je lancé en allant chercher le sac de vêtements normaux que je garde toujours planqué dans la grange. Pas après ce qu'il a vu au Bassin. Il va faire quelque chose de stupide. Il va se trahir.

- T'as raison, a répondu Jake. Je vais appeler son père et lui dire qu'il passe le week-end chez moi. Je vais inventer un travail scolaire urgentissime et super important, il va sûrement accepter. Mes parents ne sont pas là ce week-end. Ni Tom. C'est une chance.

- Il faut que ce soit provisoire, a fait remarquer Cassie en s'avançant avec une seringue. On ne peut pas jouer à l'éloigner de la réalité bien longtemps. Il faudra qu'il accepte.

- C'est ce que je fais tenter de faire ce week-end. C'est quoi, ce truc ? a-t-il demandé en voyant la seringue.

- De l'adrénaline. Comme je t'ai donné quand David a failli avoir ta peau, tu te souviens ? Mais là, c'est une plus petite quantité.

J'ai lacé mes baskets après avoir enfilé mes vêtements par-dessus mon justaucorps et je me suis laissée tomber sur une chaise pour regarder Cassie administrer l'adrénaline à Marco. Après une trentaine de secondes, il a battu faiblement des ailes. Puis, il s'est relevé, un peu vacillant.

« Aïe, mon aile ! » a-t-il gémit. « Je suis où, là ? Cassie, qu'est-ce que tu fais avec une seringue ? »

- C'était juste de l'adrénaline pour te réveiller. On est dans la grange, Marco, a dit Cassie avec douceur. Démorphose.

Pendant ce temps, Jake s'était dirigé vers le téléphone de la grange et il composait maintenant un numéro. Il est demeuré quelques instants silencieux, puis il s'est mis à expliquer quelque chose sur un projet méga important qui valait le quart l'année scolaire en histoire. Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre, vraiment !

Mais le plus triste, en fait, c'est qu'avec tout ça, on a pris l'habitude de mentir. D'inventer des combines. Ce bobard était pour le père de Marco. Mais Jake – comme nous tous – était devenu tellement habitué à mentir pour couvrir nos missions que même moi, j'y croyais, à son truc de projet d'une importance capitale. Nul doute que le père de Marco allait avaler tout ça jusqu'à la dernière goutte.

Jake et Marco sont partis aussitôt que Jake a raccroché. Je crois que Marco était trop lessivé, trop épuisé, trop déboussolé pour protester quand Jake lui a dit de venir avec lui. Ça viendrait plus tard. Une fois qu'il aurait digéré les événements de la soirée.

Moi, je suis restée quelques temps avec Cassie, Tobias et Ax. Tous les quatre, nous avons tenté de trouver un moyen d'aider Marco, mais sans succès. J'ai fini par m'excuser et repartir chez moi. Je suis arrivée vers vingt-et-une heures. J'ai écouté le savon de ma mère sans broncher. C'est effrayant de voir à quel point je suis devenue blasée pour ce genre de choses.

Puis, je suis montée m'enfermer dans ma chambre et je me suis laissée tomber sur mon lit, trop fatiguée par la chute d'adrénaline pour songer à me dévêtir avant de m'endormir.

Le mot de la fin : Long, le chapitre ! Y'avait de l'action, ben je peux vous dire que pour l'écrire, ça n'a pas été particulièrement tranquille non plus, ouhlala ! Vos commentaires en reviews s'il vous plaît !