Chapitre 3
Riza se redressa, et si elle n'était pas là pour se venger mais pour empêcher cet attentat ?
Il n'avait pas encore eu lieu, sinon elle en aurait vu les stigmates sur la ville et entendu parler.
Elle avait bien remarqué les soldats qui patrouillaient toujours, malgré le calme apparent qui régnait en ville.
L'alerte n'était pas levée et le danger toujours là. On attendait donc a priori d'elle qu'elle fasse quelque chose… Des dizaines voire des centaines de vie étaient en jeu.
Pourquoi pas après tout ? Non seulement je peux empêcher un massacre mais par la même occasion me venger de l'homme qui m'a envoyée ad patres…
Bien.
Deuxième question : Combien de temps est-ce que je dispose devant moi ?
Je sentais bien que ma deuxième venue sur terre se résumerait à un simple passage. Ma mission terminée, il me faudra hélas repartir.
Raison de plus pour ne pas contacter les gens que j'avais quittés.
Si mon temps est compté, autant ne pas traîner. Il faut que j'agisse. Et là-dessus, j'ai déjà ma petite idée…
Riza regarda autour d'elle et attrapa une casquette qu'elle enfila sur sa tête en y coinçant ses cheveux.
Pas la peine de courir le risque de se faire reconnaître en se promenant en uniforme et la casquette suffirait à la rendre suffisamment méconnaissable, sans compter qu'elle pourrait dissimuler son visage avec la visière.
Enfin prête, son arme en place, elle ressortit de l'appartement et prit la direction de l'immeuble où elle avait vécu ses derniers instants.
Un frisson la parcourut alors que ses pas la conduisaient inexorablement vers la cage d'escalier obscure.
Son cœur s'emballa.
Calme toi Riza. Ce n'est qu'un mauvais moment à passer…
Je m'approchai de la large porte cochère et posai ma main sur le bois pour l'ouvrir.
Le temps d'un clignement de paupière, les images me revenaient toutes dans leur violence extrême : le canon de l'arme tendu vers mon front, la détonation assourdissante…
Je ressentis un vertige et m'accrochai à la poignée pour ne pas tomber.
Je n'arrivais plus à respirer et tout se brouillait.
Incapable de résister plus longtemps, je tombai à genoux par terre.
Le contact du bitume froid et humide me redonna suffisamment de clarté et je recouvrai enfin mes esprits.
Je savais que ce serait dur, mais je n'avais pas imaginé que cela le serait autant.
Tout en m'agrippant aux moulures de la porte, je réussis à me remettre debout sur mes deux jambes.
Je pris une grande respiration et, déterminée, poussai plus violemment que voulu la porte pour entrer dans un long corridor.
Par habitude et parce que l'ambiance ne me plaisait pas, j'avais sorti mon flingue. Il était hors de question que je me fasse avoir une deuxième fois, même si je savais qu'il y avait très peu de chance qu'IL soit là.
Non, celui que je venais voir, c'était l'espèce de rat qui m'avait attirée dans cette embuscade et livrée à son chef…et lui, il était vraiment trop bête et se croyait trop au-dessus de tout soupçon pour quitter cet endroit.
Je frappai un coup à sa porte…puis un deuxième.
J'entendis enfin des pas traînants derrière la porte.
« Qui est-ce ? » me demanda une voix peu rassurée.
Pas de doute, ce connard habitait toujours là. Après tout, qui aurait soupçonné un seul instant que le soldat Douglas pouvait faire partie de cette bande de rebelles ?
Ce jeune freluquet discret, tellement timide qu'il rougissait et bégayait chaque fois qu'on lui adressait la parole, et qui travaillait aux communications.
Quel poste mieux rêvé pour être au courant de tous les mouvements militaires et espionner les conversations ?
Je frappai une nouvelle fois contre sa porte et puis encore, jusqu'à ce qu'il ouvre entièrement celle-ci avec colère.
« Ce n'est pas bientôt fini ? » hurla-t-il
Mais les mots moururent dans sa gorge lorsqu'il se retrouva en tête à tête avec le canon de mon arme.
Ses yeux étaient rivés dessus jusqu'à ce qu'il ose enfin les lever vers mon visage.
« Non… c'est…
« Impossible ? C'est ce que tu veux dire ?
« Je vous ai vu… » Il se tut.
Du bout de mon arme, je lui indiquai de sortir de là.
« Avance »
Je l'emmenais à l'endroit exact où j'avais été abattue.
Mon cœur rata une pulsation lorsque je vis aux murs et sur le sol les traces de sang, indélébiles.
Mon sang. Le mien. Celui qui coulait dans mes veines.
J'ordonnai à Douglas :
« Tourne toi »
Lentement, il obéit à mon ordre. Il tremblait comme une feuille et une odeur d'urine me parvint jusqu'au nez.
Ce con s'était pissé dessus. Quelle larve.
« Vous êtes morte… je l'ai vu… » Il bafouillait de terreur.
« Me tuer ? Qu'est-ce que cela te fait de te retrouver là, à l'endroit précis où on a tué une femme ? A quoi penses-tu lorsque tu passes devant chaque jour ? »
Ses yeux parcoururent les traces de sang et il déglutit.
« Je ne voulais pas. Ca n'aurait jamais du arriver, pas comme ça.
« Bien sûr que tu ne voulais pas, c'est pour ça que tu t'étais placé dans mon dos pour me couper toute retraite. »
Je m'arrêtai un court instant, de nouveau des souvenirs affluaient.
J'étais debout dans ce couloir, et j'avais senti une présence dans mon dos. Un simple coup d'œil m'avait révélé la présence de Douglas et j'avais compris…
« Tu savais pertinemment ce qui allait arriver.
« Non, ce n'est pas vrai ! »
Ses pleurnicheries m'exaspérèrent et je lui assénai un coup de crosse sur sa tempe. Il s'écroula au sol en sanglotant lamentablement.
« Tu te sens moins fier maintenant, n'est-ce pas ?
« Ne me tuez pas, je veux pas mourir. »
Je le toisai de haut.
« Moi non plus, je ne voulais pas mourir. »
« Mais, vous êtes là. Vous ne pouvez pas être morte puisque vous me parlez !
« Et pourtant… »
Je m'accroupis pour me mettre à sa hauteur. C'est d'une voix douce, presque tendre que je poursuivis :
« Je le suis. Ton chef m'a abattue sans pitié dans ce couloir, à l'endroit même où tu te trouves. Je suis revenue pour infliger mon châtiment. Mais tu ne m'intéresses pas vraiment. Tu n'es qu'une larve, je suis sûre que tu ne sais pas grand chose. Tu es trop lâche pour qu'on te fasse confiance. »
Je remarquai une lueur d'espoir dans son regard.
« Vous n'allez pas me tuer ?
« Seulement si tu me dis ce que je veux savoir… Tout dépend de toi, en quelque sorte.
« Mais si je vous dis ce que je sais, Il va me tuer, j'en suis sûr.
« A toi de voir. Soit tu parles, je te laisse la vie sauve et tu as une chance, certes maigre, de t'en sortir, soit je te bute maintenant. »
Je me relevai et brandissais mon arme devant ses yeux.
« A toi de choisir. »
Douglas soupesa les choix qui se présentaient à lui, et finit par pousser un soupir de résignation.
« D'accord. »
