Chapitre 10
Havoc poussa un soupir bruyant.
« Comment allons-nous pouvoir identifier cet homme en moins d'une journée ? A par cette photo, nous n'avons pas le moindre début d'indice. »
Falman tendit sa main,
« Fais voir cette photo deux minutes. »
Havoc la lui remit et Falman l'examina.
« On dirait bien qu'elle a été prise devant une boutique, j'ai l'impression de voir le bout d'une enseigne en arrière-plan. Mais la photo est trop floue pour déterminer avec exactitude le nom. »
« Passe voir » Demanda Fuery qui se saisit d'une loupe.
Ils se penchèrent tous sur la photo cherchant à décrypter les lettres de l'enseigne.
« On dirait bien 'shop' à la fin… »
« Ouais, ben ça c'était pas compliqué à deviner Havoc.
« Ca va ! Si t'es si doué que ça, vas-y sort nous le nom !
« Hé, on se calme, ce n'est pas en s'énervant qu'on réussira. »
Sur ces bonnes paroles, ils se turent tous et se concentrèrent sur l'enseigne.
« Est-ce que ce ne serait pas un 's' et un 'h' là ?
« Si, on dirait bien. Tu as raison. Et là, un 'e' et un 'r'. Ca donne '-sher shop'. »
« Autant dire que ça peut-être n'importe quoi comme boutique. » Havoc était dépité. « On a plus qu'à arpenter les rues de Central jusqu'à ce qu'on tombe dessus. Allez viens Fuery, on y va. Le Colonel attend des résultats et je ne compte pas le décevoir. »
Ils sillonnèrent les rues une à une, s'arrêtant pour interroger les commerçants et quelques passants, mais jusqu'à présent, leur investigation n'avait rien donné.
Havoc se tenait appuyé contre la carrosserie de la voiture en train de s'en griller une lorsque Fuery bondit sur le siège passager.
« En route, j'ai une info. »
Havoc écrasa sa cigarette et passa derrière le volant.
« Un type a reconnu l'homme sur la photo. Selon lui il tient une petite boutique de pêches dans une petite rue. Il m'a indiqué le chemin. C'est pas très loin d'ici. Faut prendre à gauche puis à droite, passer un feu et c'est un peu plus loin sur la gauche. Il m'a dit que c'était vraiment une toute petite rue, genre un passage plutôt qu'une rue. »
Ils roulaient presque au pas, scrutant les rues et ruelles.
Fuery lui hurla presque : « C'est là ! On vient de la dépasser. Fais demi-tour ! »
Havoc fit faire un demi-tour brutal à la voiture, coupant la route aux voitures venant en contresens et surprenant ceux qui les suivaient, provoquant une envolée de coups de klaxons et d'injures.
Ignorant toutes ces protestations, ils garèrent leur véhicule et parcoururent à pieds la ruelle en observant toutes les enseignes à la recherche de celle devant laquelle avait été prise la photo.
Il y en avait peu à vrai dire et ils tombèrent rapidement sur la petite boutique miteuse qu'ils cherchaient.
Fuery sortit le cliché de sa poche pour le comparer.
« C'est bien ça 'Fisher shop'. On va voir ou on appelle du renfort ? »
Havoc étant homme de terrain sortit son arme et la planqua dans son ceinturon sous sa veste où il pourrait facilement s'en saisir en cas de besoin.
« On va jeter un coup d'œil. Pas la peine d'ameuter la troupe tout de suite, si ça se trouve, cette boutique et son proprio n'ont rien à voir là-dedans. Dans le cas contraire, on sera fixé et on appellera le Colonel. »
Havoc regarda à droite et à gauche avant de traverser la rue et de pousser la porte de la boutique, suivi de très près par Fuery.
Une clochette carillonna pour signaler leur entrée. Mais il n'y eu aucun signe de vie.
« Ohé, y'a quelqu'un ? »
Pas de réponse. Une mouche volait.
« C'est bizarre. »
Havoc prit son arme et s'avança un peu plus dans l'échoppe. Fuery regardait partout. Havoc se retourna vers lui en lui montrant une porte ouverte.
« Y'a une pièce derrière, j'y vais, couvre moi. »
Fuery hocha la tête, sortit à son tour son arme et suivi son collègue.
Havoc entra dans le petit réduit et en ressortit presque aussitôt.
« Quelqu'un est déjà passé, on arrive trop tard. Le type est mort. »
« Tu es sûr ? » demanda incrédule Fuery.
« D'après toi, si quelqu'un t'avait tiré dans presque tous tes doigts, démoli les deux rotuleset une dernière petite balleen plein front, tu ne serais pas mort toi ? »
Fuery déglutit et hocha la tête en affirmation. Il avait peu l'habitude du terrain et ce n'était pas le genre de vision qu'il souhaitait voir.
« Je vais prévenir le Colonel.
« OK, moi je jette un œil ici pendant ce temps. Tu n'as qu'à attendre à la voiture si tu veux.
« Non, je reste. »
Havoc lui sourit.
« OK. »
Fuery repassa dans la boutique et appela le bureau de Mustang pour l'avertir qu'ils avaient mis la main sur l'homme de la photo mais que celui-ci était mort.
Il raccrocha et rejoignit Havoc dans le réduit.
Ses yeux tombèrent d'abord sur les pieds de la victime et remontèrent le long des jambes. Il vit les genoux explosés, les coups de feu avaient dus être tirés de près car il n'avait fallu qu'une seule balle à chaque fois, ou alors le tueur était doué. Son regard remonta ensuite sur le reste du corps, il vit les deux mains déchiquetées auxquelles il ne restait qu'à peine deux moignons sanguinolants.Si le marchand s'en était sorti, il n'aurait plus jamais pu se servir de ses mains. Elles étaient définitivement foutues.
Fuery respira un grand coup et se força à regarder le visage du mort. Son front arborait un trou béant d'où un fin filet de sang coulait et suivait l'arcade sourcilière avant de couler sur la tempe. Fuery suivit des yeux le chemin de cette petite rivière de sang dont le lit se poursuivait jusqu'à l'oreille, inondant celle-ci, emplissant chaque canal comme ces jeux de logique qui représente un labyrinthe et dont vous devez retrouver le chemin de sortie, pour finalement goutter sur le sol.
Ploc. Ploc. Ploc.
Fuery ne voyait plus que ces gouttes rouges carmin qui formait une petite mer intérieure sous la tête du mort.
Il ne voyait plus les yeux encore ouverts, la bouche béante, la peau translucide qui violaçait… Toute son attention était concentrée sur le sang qui s'échappait goutte après goutte.
« Fuery ! Fuery ! »
Havoc le saisit par l'épaule le faisant violemment sursauter.
« Ne reste pas là, le Colonel ne va plus tarder à arriver, il risque de ne pas voir l'entrée de la rue, tu devrais aller le guetter. »
Fuery acquiesça et évacua la pièce.
Havoc ignorant le cadavre à ses pieds entreprit de fouiller la pièce, il trouva un établi avec un fer à souder, des pinces, des petits tournevis, des fils de toutes tailles, grosseurs et couleurs, des engrenages, des mécanismes compliqués à moitiés montés… et des explosifs.
Mustang arriva sur l'entrefaite, accompagné de Falman. Celui-ci entreprit immédiatement l'examen du corps.
« C'est du bon boulot. Il n'y a quasiment pas d'éclat d'os. Il n'y a pas de traînée de sang, je dirai qu'il a été abattu dans cette arrière-boutique. Je ne sais pas si celui qui est venu ici pour le faire parler a obtenu ce qu'il voulait, mais j'imagine que oui, sinon, il ne l'aurait pas abattu. Cela dit, vu l'état dans lequel cet homme était, c'était presque un acte de compassion. On lui a offert une mort rapide après lui avoir démoli ses mains et ses genoux. »
Mustang observait le trou dans le front.
Il lui en rappelait un autre, exactement pareil. Celui de Douglas. Sauf qu'on n'avait pas torturé Douglas avant de l'abattre. Peut-être que le tueur n'en avait pas eu besoin et que Douglas avait parlé de lui-même. Pas comme cet homme là.
« Messieurs, je vous présente Tête de Fouine. Douglas en parle dans son journal. C'était le bras droit de Elbadi. J'ai comme l'impression que Le Prêcheur dispose de moins en moins de fidèles dans ses rangs. D'abord Douglas et maintenant lui… »
Havoc l'interpella :
« Je n'y connais pas grand-chose à la pêche mais je n'ai pas l'impression que tout ça serve à attraper les poissons. »
Mustang s'approcha de l'établi.
« Je crois que les pièces du puzzle commencent à se mettrent à place. Tête de Fouine semble être le concepteur des bombes. Avec Douglas qui trahissait toutes nos manœuvres et que sais-je quoi d'autre encore, Elbadi avait la part belle. A présent, ça risque d'être moins facile pour lui. Surtout qu'il a à ses trousses quelqu'un de plus dangereux que nous. Si celui qui a tué ses deux lieutenants met la main sur lui, je ne donne pas cher de sa peau. »
« Vous avez une idée de qui ça peut être ?
« Non, pas la moindre, tout ce que je peux dire c'est qu'il a la rage. Et que si nous voulons Elbadi avant lui, va falloir se sortir les doigts du cul ! Parce qu'il a une sérieuse avance sur nous. Le compte à rebours est lancé. Trouver Elbadi, c'est trouver le tueur et trouver le tueur c'est trouver Elbadi. »
Mustang fit un tour sur lui-même pour regarder la pièce où ils se trouvaient :
« Ce qui veut dire qu'il nous faut retourner chaque centimètre de cette boutique et trouver l'indice qui nous mènera soit à l'un soit à l'autre… ou vraisemblablement aux deux. »
