Chapitre 11
La nausée m'avait reprise et je déambulais dans les rues de Central. Je devinai à la tête que faisaient les passants que je devais avoir un air hagard.
Ils s'écartaient tous de moi comme si j'étais porteuse de la peste !
Cela dit, ils n'avaient sans doute pas tort…
Je m'appuyai contre un mur pour essayer de reprendre mes esprits après ce que je venais de faire. Mais tout ce que j'arrivais à faire c'est regarder le ciel et laisser les larmes couler.
Je me laissai glisser le long du mur et enfouis mon visage dans mes bras.
J'étais perdue. Je revoyais en boucle le visage de l'homme alors que je lui explosais consciencieusement les doigts et les genoux, ses hurlements résonnaient dans mes oreilles.
Même pendant la guerre d'Ishbal je ne m'étais pas laissée aller à ce genre de débordement.
J'avais obtenu ce que je voulais… mais à quel prix ?
Je me sentais sale, je me faisais horreur. J'avais perdu mon humanité.
J'eu un hoquet suivi d'une montée de bile et je me retrouvai à quatre pattes en train de vomir tripes et boyaux sur le trottoir sous le regard dégoûté des passants.
« C'est ça, dégagez ! Y'a rien à voir… y'a plus rien à voir… »
Je me laissai tomber par terre et me roulai en boule. Je voulais mourir. M'endormir et tout oublier.
Mais c'était impossible, il me fallait m'avilir une fois de plus. Une dernière fois et pfft Adieu monde cruel… Welcome in Hell !
De toute façon, l'enfer, j'y avais déjà un pied, je le vivais depuis 36 heures ! Alors je n'étais plus à une éternité près.
Je n'avais plus qu'à me relever et continuer de mettre un pied devant l'autre.
Mustang avait laissé la moitié de son équipe à la boutique. Vu leur nombre, ils se marchaient les uns sur les autres et se gênaient plus qu'autre chose.
Falman et Havoc étaient donc restés pour tout retourner à la recherche d'indices avant que n'arrive la police militaire et les services du coroner. Le temps jouait plus que jamais contre eux.
Mustang et Fuery, qui bien que voulant faire preuve de courage semblait être au bord de l'évanouissement chaque fois que ses yeux tombaient sur le cadavre de Tête de Fouine, rejoignaient Breda au QG.
Le contenu de la valise n'avait pas été complètement examiné et ils ne seraient pas trop de trois pour le faire.
Mustang essayait de rester concentré sur la route et d'ignorer Fuery qui n'arrêtait pas de taper nerveusement du pied.
« Fuery, calmez-vous.
« Je suis désolé Colonel. C'est ce cadavre… il me rend nerveux.
« Moi, c'est vous qui me rendez nerveux. Vous n'avez jamais été envoyé sur le front ?
« Non. Je n'ai jamais tiré ailleurs que dans un stand de tir. C'est mon premier macchabée aussi.
« Je suis navré pour vous. Je voudrai vous rassurer et vous dire que vous oublierez tout d'ici peu, mais malheureusement il faudra vous y faire, parce qu'on n'oublie jamais son premier cadavre.
« Nous vivons dans un drôle de monde Colonel. Tout va à vau-l'eau. Regardez, c'est comme tous ces pauvres gens qui n'ont rien pour vivre et couchent dans la rue. »
Fuery lui désignait un homme, vraisemblablement ivre, qui se relevait péniblement du trottoir en se retenant au mur. Il semblait vraiment mal en point.
Mustang lui jeta un coup d'œil rapide. Son regard resta accroché à la main fine qui agrippait le mur. Une mèche de cheveux blonds s'échappa.
Il pilla brutalement, provoquant un concert de crissements de pneus et de jurons.
Les ignorant, il s'éjecta de la voiture et se précipita sur le trottoir où se tenait une minute avant le pauvre hère, mais celui-ci avait déjà disparu.
Mustang pivota sur lui-même, scrutant les passants. Il regarda par terre et repéra les vomissures.
Quel imbécile je fais… Ce n'était qu'un clochard qui cuvait son vin. Qui croyais-tu que cela pouvait être ?
Mais il ne pouvait oublier la sensation qu'il avait eu en voyant cette main et ses cheveux blonds. Comme ceux de Riza.
Idiot. Riza est morte. Morte, morte, morte. Enfonce toi cette idée dans le crâne une bonne fois pour toutes !
Il regagna le véhicule où l'attendait Fuery avec des yeux ronds et une petite troupe de conducteurs mécontents que Mustang ignora royalement alors qu'il reprenait place dans son siège.
« Ca va Colonel ? Que s'est-il passé ?
« Rien, j'avais cru reconnaître quelqu'un mais je me suis trompé. »
Il redémarra le moteur et s'éloigna dans les rues de Central.
Ils retrouvèrent Breda assis au milieu d'un fatras de papiers et de photos.
Au regard interrogateur du Colonel, il répondit par un signe de tête négatif.
« Rien. Et pourtant ce n'est pas faute de chercher. Douglas était un vrai collectionneur. Il y a plein de retranscriptions des discours du Prêcheur, avec les dates et les heures, mais rien sur les lieux. Y'a rien qui puisse nous aider à le localiser.
« Bien continuez à chercher. Moi je vais reprendre une nouvelle fois son journal. J'ai peut-être laissé passer quelque chose. »
Fuery s'installa à côté de Breda. Celui-ci se tourna vers lui :
« Tu as une petite mine. Ca ne va pas ?
« Je viens de voir mon premier cadavre. »
Breda posa sa main sur son épaule d'un geste amical et la lui serra.
« Allez, penchons-nous sur ces papiers. On va bien finir par trouver quelque chose. »
Mustang reprit de nouveau la lecture du journal, mais rien ne lui sautait aux yeux. A bout, après avoir relu pour la troisième fois les passages relatant la mort de Riza, il jeta de rage le livre à travers la pièce qui alla s'écraser sur un mur.
Il se prit le crâne entre ses mains et le comprima comme pour en faire sortir une idée. Mais tout s'embrouillait : cette affaire sordide, tous ces cadavres, la menace d'un attentat imminent et cette espèce d'impression de sentir Riza partout… Il avait l'impression de devenir dingue.
Breda passa une tête à travers la porte.
« Colonel, on peut vous voir, on tient quelque chose. »
Mustang se redressa immédiatement.
« Quoi ? »
Breda entra suivi de Fuery et tendit des pages retranscrivant le contenu des réunions auxquelles avait assisté Douglas.
« En fait y'a du bon, du très bon et du très mauvais. »
« Ok, allons-y pour le bon d'abord. »
« Je crois que nous avons une date pour le prochain attentat. Dans le dernier compte-rendu, Douglas mentionne une date. »
« Enfin une bonne nouvelle. »
« Si on veut, c'est justement là que repose le très mauvais. C'est prévu pour le samedi 2 juillet. Mais rien sur le lieu ou l'heure. »
Un ange passa.
Mustang déglutit.
« Il nous reste donc moins de 24 heures pour mettre la main sur Elbadi. »
« Exactement. »
Mustang se rassit. Ca allait être chaud. Très chaud.
Une lueur d'espoir brilla dans ses yeux.
« Et le très bon… ? »
« Tenez regardez. C'est Fuery qui l'a remarqué. En haut à droite de chaque compte-rendu, il y a des dessins. »
Breda pointa les coins en question à Mustang :
« Vous voyez, ici on dirait un livre, là une espèce de tête de mort, et là c'est une croix. Alors on se disait que sans doute, ces dessins représentaient les lieux où avaient lieu les réunions. »
Fuery, fier de sa découverte, expliqua avec excitation :
« Le livre pourrait correspondre à une bibliothèque ou une librairie, mais on penche plutôt pour la bibliothèque, j'imagine mal une réunion se tenir dans une librairie à moins qu'elle soit très grande. La croix ça peut être un cimetière ou bien une église. On n'a toujours pas trouvé à quoi pouvait correspondre la tête de mort… Une morgue peut-être ? »
Breda rajouta :
« Quoiqu'il en soit, c'est la croix qui revient le plus souvent. »
L'idée faisait son chemin dans le cerveau de Mustang :
Une bibliothèque, une morgue, une église… Une église !
« Mais oui ! »
Il se leva de son bureau pour récupérer le journal par terre.
Il chercha fébrilement dans les pages celle qui relatait la rencontre de Douglas et du Prêcheur.
« Voilà, c'est ici ! Ecrit noir sur blanc. La première fois que Douglas a rencontré Elbadi, c'est dans la crypte d'une église abandonnée. Donc si l'on considère que les dessins sur ces rapports correspondent réellement aux lieux de rendez-vous, alors il y a de fortes chances pour qu'il s'agisse de la même église. Ne reste plus qu'à trouver de laquelle il s'agit. Des églises abandonnées, il ne doit pas y en avoir tant que ça. »
Mustang se tut pour réfléchir un instant.
« Ok, voila ce qu'on va faire. Moi, je vais voir le Führer et faire en sorte de déployer un maximum de soldat dans la ville, surtout aux points sensibles. Vous rappelez Havoc et Falman et vous leur demandez de rappliquer rapidement. Trouvez-moi un plan de la ville, je veux d'une part l'emplacement de toutes les églises abandonnées et d'autre part, tous les lieux susceptibles de subir un attentat. Et puis tant qu'on y est, vous me pointez aussi les bibliothèques et éventuellement les morgues. »
Mustang s'apprêtait à sortir lorsqu'il se retourna.
« Préparez du café. La nuit risque d'être longue. »
PS : j'ai oublié de vous dire qu'il y avait un jeu de mot avec le nom de Nasta Elbadi… Mais personne n'a eu l'air de tilter. M'enfin, il est tout pourri le jeu de mot...
