Disclaimer : MFB ne m'appartient pas.


Chapitre 3 : Sur un plateau


De quelle manière je vais bien pouvoir défier Ginga ?

Kyouya était allongé sur son lit, les bras croisés derrière la tête. Pendant la présentation de l'Académie, il avait clairement montré à Ginga qu'ils étaient rivaux. Le rouquin avait tendance à désigner tous ceux qui l'entouraient comme des amis et Kyouya ne voulait pas tomber dans cette catégorie, même en paroles. Il était son rival. Point. Il l'avait un peu aidé dans les événements entourant l'Ultime Bataille, mais c'était uniquement pour rembourser sa dette envers lui.

Repenser à l'Ultime Bataille le fit grogner. S'il avait été plus fort, il aurait pu vaincre cet imbécile de Ryuuga et retrouver Ginga en finale, comme il l'avait prévu. Au lieu de quoi, il avait perdu et leur match de revanche avait été reporté.

Kyouya était parti s'entraîner. Leone et lui avaient la force de rivaliser avec Ginga et Pegasus désormais. Toutefois, il ne pouvait pas défier Ginga n'importe comment. Il devait y mettre du style. Il fallait que le regard de Ginga soit rivé sur lui et qu'il soit incapable de s'en détacher. Qu'il ne voit rien d'autre que lui. Qu'il ne pense à rien d'autre que lui.

Un défi classique ne lui permettrait jamais d'atteindre ce résultat.

La porte s'ouvrit brusquement et claqua contre le mur, interrompant le cours de ses pensées.

- Nii-san !

Kyouya avait bien envie de s'agacer de cette intrusion mais le ton geignard de Kakeru l'en empêcha. Son petit frère se montrait toujours si joyeux et insouciant – plus encore depuis leur inscription à l'Académie. Kyouya ne s'inquiétait pas. Bien sûr que non. Ce n'était pas du tout son genre. Seulement, il s'agissait de Kakeru.

Kyouya se redressa.

- Qu'est-ce qui t'arrive ?

Kakeru lui brandit une feuille sous le nez, tellement près qu'il ne put s'empêcher de loucher. Il repoussa son bras d'un geste agacé.

- Quoi ?

Kakeru ramena la feuille contre sa poitrine. Les mains fermement accrochées à ses bords la froissaient. Son front était barré de plus soucieux.

- Ce sont les résultats de l'évaluation.

- Déjà ?

Deux jours seulement étaient passés depuis le test général. Kyouya s'étonnait que le corps enseignant se soit investi à ce point.

Ils ont sûrement quelque chose à se reprocher.

- J'ai... j'ai échoué.

Kyouya haussa un sourcil. Voilà qui serait étonnant de la part de Kakeru.

- File-moi ça, marmonna-t-il en lui prenant son bulletin.

Il le consulta. Comme il s'y attendait, son petit frère flottait autour des 90 % de réponses correctes, et s'approchait des 100 pour le bon tiers des matières.

Il lui tendit la feuille.

- T'appelles ça échouer ? Y'en a qui tueraient pour avoir des résultats pareils.

Kakeru récupéra le bulletin, les épaules basses. Il le regarda, toujours inquiet.

- J'ai réussi en sciences, langues et littérature modernes, et mécanique. Mais un élève m'a battu en langue et littérature anciennes, histoire et géographie...

- En géographie ? Vraiment ? fit mine de s'étonner Kyouya.

Kakeru lui lança un regard triste. Kyouya tressaillit. Normalement, ce genre de sous-entendus l'agaçait et les faisait se chamailler. Il criait à qui voulait l'entendre que son sens de l'orientation n'était pas mauvais – malgré toutes les preuves du contraire dont disposait Kyouya.

- Nous avons eu égalité en sport.

Kakeru soupira. Il plia soigneusement la feuille et entreprit de la lisser.

- C'était juste un test, lui rappela Kyouya. Les résultats ne seront pas comptés... et depuis quand es-tu si compétiteur ?

Jusqu'à présent, Kakeru n'avait pas prêté d'attention particulière à son classement scolaire. Il ne participait même pas à des compétitions de Beyblade. Il était tout simplement fier de réussir à atteindre ses objectifs, sans avoir besoin de se comparer aux autres.

Qu'est-ce qui avait changé ?

- Kakeru ?

Kyouya ne fit rien pour dissimuler l'inquiétude qui perçait sa voix.

- Je voulais faire davantage d'efforts à la Bey-Academy...

- Pourquoi ? Ça te sert à quoi ?

Kyouya tendit la main. Kakeru baissa la tête. Il lui ébouriffa affectueusement les cheveux.

- Tu te débrouilles très bien d'habitude. Ne change rien.

Kakeru opina mollement. Kyouya appuya sa tête contre la sienne.

- Tu crois quoi ? Que tu vas devenir la honte de la famille pour si peu ?

Alors que Kyouya voulait ajouter que rien ne pourrait surpasser en ridicule la mièvrerie de leurs parents, Kakeru se tendit. Il s'écarta. Des larmes inondaient ses yeux.

- Je le savais !

Kakeru tourna les talons et s'enfuit à toutes jambes.

- Je déshonore ma famille !

Kyouya resta assis sur son lit, une main suspendue dans les airs, les yeux écarquillés, complètement désarçonné. Il avait du mal à assimiler ce qui venait de se produire. Il cligna des yeux. Kakeru avait disparu. Il n'entendait même plus ses pas dans le couloir.

Kakeru était parti en pleurant.

Kyouya quitta son lit d'un bond. Il se précipita dans le couloir sans prendre la peine de fermer derrière lui.

- Attends !

Kakeru disparaissait déjà dans la cage d'escaliers. Kyouya se lança à sa poursuite. Les Wild Fang s'écartaient vivement de son passage. Ils faisaient bien : il était d'humeur à les faire dégager du passage à coups de poing s'il le fallait.

Il dévala les marches quatre à quatre et continua au rez-de-chaussée. Il balaya vivement l'entrée du regard. Kakeru n'y était pas.

- Capitaine ? l'interpella Nile.

- Pas le temps !

Il sortit. Il s'immobilisa sur le seuil. Impossible de savoir où Kakeru était avec tous ces arbres qui lui bouchaient la vue.

Kyouya n'allait pas se décourager pour si peu. Il ne lui restait plus qu'à le chercher.

- Capitaine.

Kyouya se retourna, les poings serrés. La voix de Nile ressemblait à un reproche.

- Quoi ?!

- Il est temps d'aller en cours.

- Kakeru...

- Est sûrement en chemin.

Kyouya reporta son attention sur les arbres. Nile avait raison : Kakeru ne sécherait pas pour si peu. Mais l'idée de ne pas chercher à le rejoindre, alors qu'il pleurait, le révoltait.

C'est la première fois qu'il pleure à cause de moi...

Ils s'étaient souvent chamaillés – ils étaient frères après tout – mais jamais disputés. La seule personne avec qui Kyouya se disputait dans sa famille était leur père, Gaou, et personne ne finissait en larmes.

La main de Kyouya se porta à son visage.

Ah non, c'est vrai. C'est la deuxième fois.

Sentant un regard fixé sur lui, Kyouya serra le poing et fit lentement redescendre son bras contre lui. Il se tourna vers Nile.

- Je n'aime pas qu'on me materne.

- Je n'ai pas fait ça dans ton intérêt. Les cas d'école buissonnière font perdre des points à l'ensemble de la Maison, quand bien même une seule personne est concernée. Je ne tiens pas à subir les conséquences des pauvres décisions des autres.

Les lèvres de Kyoouya se courbèrent en un demi-sourire moqueur.

- Et dire que j'imaginais que tu t'inquiétais pour moi.

La paupière de Nile tressauta. Il ferma les yeux et détourna la tête. Même s'il essayait de conserver son calme, son expression entière était marquée par l'agacement.

C'était si facile de l'embêter.

- Ce serait une véritable perte de temps.

- Pour qui ?

Nile lui tourna le dos.

- Les cours commencent bientôt, déclara-t-il en entrant dans le bâtiment. Que tout le monde se prépare.

Kyouya le quitta des yeux. Son amusement s'évanouit lorsqu'il regarda l'orée des arbres. Pourquoi Kakeru avait réagi ainsi ? Kyouya mourait d'envie de partir à sa recherche mais c'était inutile : il y avait de grandes chances qu'il se dirige vers l'école en ce moment même. Kyouya avait plus de chances de le retrouver là-bas.

Après, s'il devait sécher pour qu'ils puissent discuter, il le ferait. Ce n'était pas son problème si les Wild Fang perdaient des points de bonne conduite.

Il retourna à l'intérieur chercher ses affaires.


XXX


Ryuuto accompagnait Yuu à l'Académie. L'enfant avait apparemment décidé de faire le chemin vers l'école avec une personne différente chaque jour. Peut-être pour apprendre à connaître les membres du Dragon Clan. Il babillait joyeusement et posait une multitude de questions auxquelles Ryuuto répondait au mieux. Sa compagnie ne lui était pas désagréable, même si elle était plus survoltée que ce à quoi il était habitué – Dragonis était loin d'être aussi bavard.

- Dis, tu penses que ça correspond à quoi les cours de Beyblade ? Tu crois qu'on aura le droit de faire des combats ?

- Je ne pense pas. Les toupies sont interdites dans l'enceinte de l'Académie.

Les yeux verts s'écarquillèrent.

- Ah bon ? Je ne savais pas.

Yuu fit un geste de la main et Libra tomba dans sa paume. Il observa sa toupie avec une attention solennelle.

- Je ne peux pas me séparer de Libra. Elle est...

Ses mains enveloppèrent délicatement sa toupie. Ryuuto posa une main sur son épaule.

- Ne t'en fais pas. Personne ne te le demande.

- Mais le règlement...

- Je n'ai vu aucun élève obéir à cette règle.

Ryuuto sortit Dragonis et le lui montra. Il lui sourit.

- Tu vois ?

Yuu lui sourit en retour. Les deux bladers rangèrent leurs toupies.

- Ne t'inquiètes pas. Si les profs décident de réprimander, je suis certain qu'ils commenceront par d'autres élèves.

L'image de Kyouya Tategami s'imposa à son esprit. Le chef des Wild Fang avait déjà provoqué de nombreuses querelles. Son attitude hautaine et son mépris évident pour la plupart des élèves attiraient l'animosité. Ryuuto ne serait pas surpris de voir un blader à bout de nerf le défier au plein milieu des couloirs.

Par contre, ça m'étonnerait que les profs aient le cran de le réprimander.

Ils se concentreraient sans doute sur une petite frappe de moindre envergure.

Des brindilles crissèrent. Ryuuto se tendit, alerte. Quelqu'un s'approchait à pas rapides. Sa main se posa naturellement sur son lanceur. Il leva la tête et, au même moment, quelqu'un lui rentra dedans. Surpris, Ryuuto fit un pas en arrière mais parvint à conserver son équilibre. S'il tombait pour si peu, il aurait déjà trouvé la mort pendant une de ses expéditions.

La personne qui l'avait percuté recula de quelques pas en se frottant la tête. Ryuuto se rendit compte que c'était un adolescent aux cheveux d'un vert très foncé.

J'ai déjà vu cette couleur quelque part...

- Oh... Excusez-moi... je ne regardais pas où j'allais...

L'adolescent leva la tête. Ryuuto eut le temps d'apercevoir de la tristesse dans son regard avant que son expression ne soit envahie par la colère. L'adolescent fit un pas en arrière. Ses poings se serrèrent.

- Ryuuga !

Son ton sonnait comme une accusation. Ce n'était pas la première fois qu'on confondait Ryuuto avec l'Empereur Dragon – maudite ressemblance physique – mais c'était la première fois que ça provoquait de la colère et non de la terreur. Il ne put s'empêcher d'être intrigué... et de se demander ce que Ryuuga avait bien pu lui faire.

- Je m'appelle Ryuuto.

L'adolescent eut un air perplexe. Son regard glissa sur la mèche rouge – à gauche, contrairement à celle de l'Empereur Dragon. Son visage s'empreignit d'embarras quand il s'aperçut de son erreur. Il s'inclina vivement.

- Toutes mes excuses ! Je n'ai pas les idées très claires aujourd'hui...

- Ce n'est rien. Ça m'arrive tout le temps.

Sans compter que, généralement, les gens fuyaient avant qu'il ait le temps de s'expliquer.

L'adolescent se redressa. Il lui adressa un regard songeur.

- Les cheveux sont différents.

Il se pencha vers lui.

- ...et tu as de très jolis yeux.

Le cœur de Ryuuto manqua un battement. Il déglutit. D'un coup, il trouvait cet adolescent beaucoup trop près. La chaleur lui monta au visage.

J'ai vraiment pas l'habitude des gens...

Il n'avait pas le niveau d'asociabilité de l'Empereur Dragon mais il ne fréquentait que rarement d'autres personnes. D'après sa réaction, l'adolescent trouvait leur proximité normale. Ryuuto se troublait pour pas grand chose.

- C'est normal qu'il ressemble à Ryuuga : ils sont frères.

L'adolescent se tourna vers Yuu. Il eut un immense sourire, qui lui allait bien mieux que son air triste et sa moue désolée.

Je suis en train de penser quoi là ?

- Yuu !

- Keru ! s'écria l'enfant en lui tendant les bras.

L'adolescent le prit dans ses bras et le fit tournoyer. Yuu éclata d'un rire joyeux. Ryuuto les observa, le front plissé d'inquiétude, craignant qu'ils oublient leur environnement dans leur grand enthousiasme et qu'ils percutent un arbre.

Ils s'arrêtèrent. L'adolescent déposa Yuu au sol.

- Je ne t'avais pas vu.

- Tu faisais pas attention. C'est aussi pour ça que t'es rentré dans Ryuuto.

- C'est vrai. Encore désolé d'ailleurs.

- Ce n'est rien. Vraiment.

- Où tu allais comme ça ?

- À l'école.

Ryuuto et Yuu échangèrent un regard.

- Il y a un problème ?

- En fait...

Yuu indiqua la direction qu'ils prenaient, parfaitement opposée à celle dans laquelle Kakeru courait quelques minutes plus tôt.

- L'Académie est par là. Là, tu te diriges vers notre maison.

Le visage de l'adolescent se décomposa. Il détourna la tête.

- Alors je suis vraiment nul en géographie...

Yuu posa sa main sur la sienne.

- C'est pas grave. Ça arrive à tout le monde de se tromper et tu ne faisais pas attention où t'allais.

- Tu as raison ! Ça ne veut rien dire sur mon sens de l'orientation.

- Dis : tu veux nous accompagner Keru ? Ce sera plus amusant.

- Et comment !

Le trio s'éloigna. Ryuuto était quelque peu surpris par l'ajout à leur groupe mais il s'y adapta. Le nouveau venu avait un caractère très agréable et s'entendait particulièrement bien avec Yuu. Il n'avait jamais vu ça avec les membres de leur Maison – même si nombre d'entre eux appréciaient Yuu, la plupart avait du mal avec son côté survolté sur le long terme. D'ailleurs, l'enfant semblait encore plus heureux que d'habitude.

Cette attitude contrastait tant avec la tristesse et la colère que l'adolescent avait initialement montré que Ryuuto ne put s'empêcher d'être intrigué.

- Dis... Keru, c'est ça ?

L'interpellé se tourna vers lui et lui offrit un grand sourire.

- En fait, je m'appelle Kakeru. "Keru" est le surnom que m'a donné Yuu parce qu'il est juste adorable !

Il ponctua sa déclaration en ébouriffant les cheveux de l'enfant qui rit aux éclats.

- Enfin quelqu'un qui apprécie mes surnoms ! C'est pas comme Yoyo.

Le sourire de Kakeru se teinta de malice. Il reporta son attention sur Ryuuto.

- Que voulais-tu me demander ?

- Tu... Pourquoi tu étais triste tout à l'heure ?

- Eh bien...

Kakeru se passa une main sur la nuque.

- Je me suis mis la pression pour rien concernant le test. J'espérais obtenir la meilleure note dans toutes les matières mais je n'ai réussi que pour la moitié d'entre elles. Pour le reste, je suis en deuxième place.

- Mais... pourquoi ?

- Je voulais que mon frère soit fier de moi...

- Ça ne se passe pas bien avec ton frère ? s'attrista Yuu.

- Si. Et il m'aime. Seulement... j'aimerais aussi qu'il soit fier de moi.

Kakeru se gratta la joue, gêné.

- Ça peut paraître stupide mais ça me rendrait vraiment heureux. J'aimerais qu'il dise "Voici Kakeru, mon petit frère" et qu'on entende la fierté dans sa voix, qu'on la voit sur son visage.

- Ce n'est pas stupide.

Kakeru lui adressa un sourire reconnaissant.

- Par contre, je ne sais pas pourquoi je me suis mis cette idée en tête. Même si j'avais été le premier dans toutes les matières, ça n'aurait pas impressionné mon frère. Il se moque de ces choses-là. En plus, j'ai un bien meilleur plan.

- Un plan ?

- Je vais devenir un blader plus fort que lui. Mon frère est un excellent blader. Un des meilleurs ! Il bat facilement la plupart de ses adversaires. Si j'arrive à le vaincre, il sera forcément fier de moi.

Kakeru se tut. Il ferma les yeux. Son sourire réapparut et il rougit de plaisir.

- Peut-être même qu'il dira que je l'impressionne.

Ryuuto n'arrivait pas à le quitter des yeux. Kakeru donnait l'impression de briller quand il évoquait son frère. C'était... plutôt mignon.

À quoi je pense moi ?

- Et...

Ryuuto n'eut pas le temps de s'en inquiéter davantage. Son attention se reporta sur Kakeru.

- ...si je suis plus fort, il s'inquiétera moins pour moi.

- Je ne pense pas.

Kakeru se tourna vers lui avec surprise.

-Ton frère est un blader fort. Est-ce que tu ne t'inquiètes jamais pour lui ?

Il eut un léger sourire.

- Je vois ce que tu veux dire.

- Tu resteras toujours son petit frère.

- C'est vrai.

Ils firent plusieurs pas en silence. Ryuuto jeta un coup d'œil à Yuu, surpris de le voir si solennel. Il ne devrait pas. Yuu était du genre à s'inquiéter davantage pour les autres que pour lui-même.

- D'ailleurs, ma réaction l'a certainement inquiété ce matin. Je vais devoir m'en excuser.

Ils quittèrent le couvert des arbres. La place devant la Bey-Academy se remplissait de monde. Les cours ne tarderaient pas à commencer.

- C'est ici que nous nous séparons.

Ryuuto regarda Kakeru. Le choc le cloua sur place. Ces cheveux verts. Ces yeux bleus. Un frère qui excellait au Beyblade.

- Ton frère est... ?!

La première sonnerie retentit. Kakeru se plaqua les mains sur les tempes.

- C'est pas vrai ! Avec tout ça, j'ai complètement oublié ma moto ! Je n'aurais jamais le temps de la récupérer avant les cours.

Kakeru soupira.

- Tant pis. J'irai la chercher à la pause déjeuner...

L'adolescent commença à s'éloigner, une moue ennuyée sur le visage. Yuu se précipita à sa suite.

- En parlant de moto, tu as pu monter ton club ?

Le sourire de Kakeru réapparut.

- Oui. Nous faisons notre fête d'ouverture demain, après les cours. Tu es toujours invité si ça te tente.

Yuu s'illumina.

- Bien sûr que ça me tente ! J'ai hâte !

Kakeru leur adressa un signe de la main.

- J'espère que nous nous reverrons vite. À bientôt !

- À bientôt Keru !

L'adolescent s'éloigna d'une démarche joyeuse. Il salua de nombreux élèves en chemin, qui ne purent s'empêcher de lui répondre avec un grand sourire.

Était-ce vraiment le frère cadet de Kyouya Tategami ?


XXX


- C'était trop nul comme cours !

- Calme-toi Yuu, murmura Kenta.

Les deux enfants étaient au seuil de leur salle de classe, venant juste de sortir. La porte était grande ouverte derrière eux. Le professeur, toujours dans la pièce, rassemblait ses affaires. Kenta espérait qu'il ne les avait pas entendus...

Il risqua un coup d'œil par-dessus son épaule. Le professeur leur adressait un regard noir. En même temps, Yuu n'avait pas fait preuve d'une grande discrétion.

- Mais c'est vrai quoi ! Tu...

Kenta lui attrapa le bras et l'entraîna dans le couloir. Il ne voulait pas écoper d'un blâme. Au bout de deux avertissements, un blader voyait sa toupie confisquée une semaine entière.

- Tu peux m'en parler en chemin. On doit retrouver les autres au réfectoire.

- C'est vrai ! s'exclama Yuu, tout dépit oublié.

Il lui prit la main.

- Dépêchons-nous !

Les deux enfants suivirent le flot des élèves se dirigeant vers le réfectoire. Quelques uns sortaient, ayant apportés leur bento et désirant un coin de calme où le savourer.

- Tu peux pas faire gaffe ?!

Yuu fit mine de jeter un regard exaspéré à Kenta, mais son petit sourire le démentait.

- Qu'est-ce qui arrive encore à Yoyo à ton avis ?

- J'imagine qu'on va bientôt le savoir... répondit Kenta, gêné.

Ils entrèrent dans le réfectoire. Kyouya faisait face à un adolescent, les crocs à découvert. Kenta ne le reconnaissait pas, mais ça ne signifiait pas forcément qu'il n'appartenait pas aux Galaxy Heart – l'enfant ne connaissait pas tous les membres de sa Maison, même de vue. D'après son uniforme, il était en dernière année de collège.

- D-désolé. J-je n'ai pas fait exprès.

- Dis plutôt que tu n'as pas fait attention !

L'adolescent se recroquevilla. Il semblait se liquéfier devant l'intensité de la rage de Kyouya.

- Des minables dans ton genre n'ont rien à faire ici !

Kenta vit la main de Kyouya s'approcher dangereusement de son lanceur. Il le supplia intérieurement de ne rien faire, même s'il savait que ça ne servait à rien. Kyouya n'était pas raisonnable. Il se laissait facilement aveugler par la colère. Personne ne pourrait l'empêcher de dévaster le réfectoire avec Leone – surtout pas le règlement. De toute façon, Kenta ne pensait pas que les profs risqueraient leur vie pour essayer de lui confisquer Leone.

Une main enveloppa le poignet de Kyouya. Le vert se tendit et se tourna, prêt à cracher sa colère sur quelqu'un d'autre.

Qui a bien pu oser se mettre sur le chemin de Kyouya ?

Poussé par la curiosité, Kenta se décala. Il se détendit. Le début d'un sourire osa même apparaître sur son visage. Le téméraire n'était autre que Ginga. Si quelqu'un pouvait calmer Kyouya, c'était bien lui. Au pire, en l'affrontant, il le ralentirait suffisamment pour que les élèves aient le temps d'évacuer.

Heureusement que Ryuuga n'est pas resté, sinon ce serait mille fois pire...

- Laisse-le tranquille.

Kyouya dégagea son bras d'un mouvement brusque. Il se tourna et fit un pas en arrière pour faire face à Ginga. Le poing serré, il ne semblait plus sur le point de propulser sa toupie.

Kenta s'autorisa un soupir soulagé. Ils venaient d'éviter une catastrophe.

- De quoi tu te mêles ?

- S'il a été invité à l'Académie, c'est qu'il a autant le droit d'y être que nous. Ne le décourage pas.

- T'as qu'à m'en empêcher !

Ginga continua d'affronter le regard de Kyouya. Malgré son agressivité, il ne baissait pas la tête ni ne détournait les yeux.

J'aimerais être aussi déterminé...

Kenta devait utiliser son année à la Bey-Academy pour faire ses preuves. Il fallait qu'il devienne un blader digne de ce nom, un blader digne de l'amitié de Ginga.

- Est-ce que tu veux vraiment que notre prochain duel se déroule ainsi ?

Kyouya dévisagea Ginga. Il semblait toujours aussi énervé. Kenta craignit un instant qu'il ne cède au défi mais il poussa un grognement agacé et s'éloigna. Il passa devant Yuu et Kenta sans leur accorder le moindre regard. Il s'arrêta sur le seuil du réfectoire.

- Notre prochain duel...

Kyouya se tourna pour regarder Ginga. La colère ne marquait plus ses traits. Par contre...

- Je ne te ferai aucun cadeau. Je vais t'obliger à descendre de ton piédestal en te faisant vivre une défaite écrasante. Parce que je suis le seul qui puisse te battre.

- Kyouya...

Le maître de Leone leur tourna le dos. Un mouvement attira l'attention de Kenta. Yuu avait croisé les bras derrière la tête. Il affichait un sourire malicieux qui ne lui disait rien qui vaille.

- Ah la la ! Ce que tu peux être théâtral Yoyo !

Kyouya s'immobilisa, ses épaules soudainement crispées. Il fit volte-face, les poings serrés.

- Je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler Yoyo !

- Je sais !

La paupière de Kyouya tressauta. Il poussa un rugissement rageur, tourna les talons et s'éloigna à grands pas. Benkei salua Kenta et Yuu gentiment avant de le suivre.

- Tu étais vraiment obligé Yuu ?

L'enfant haussa les épaules.

- Yoyo est si facile à embêter... Je n'ai pas pu m'en empêcher.

- T'as eu de la chance qu'il ait pas envoyé Leone. Il était déjà très en colère.

- Qu'est-ce que tu racontes Kéké ? Yoyo aboie plus qu'il ne mord.

Yuu afficha une mine perplexe.

- Ah, bah non. C'est un lion. Ça convient pas du tout... Je sais : il rugit plus qu'il ne mord !

Yuu rit, fier de son jeu de mot. Kenta le trouvait un peu désinvolte en ce qui concernait Kyouya. Quoique... il était peut-être mal placé pour parler. Il avait beau avoir rencontré Kyouya quand il était encore le chef des Chasseurs de Tête, et témoigner de son comportement envers Benkei, Sagittario et Bull au sommet de sa folie, il n'avait pas peur de lui. Il n'avait même pas craint pour sa sécurité lors de son coup d'éclat : il s'était seulement inquiété pour le réfectoire.

Yuu lui prit la main.

- Viens ! Allons rejoindre les autres.

- Nous devons chercher notre repas d'abord.

Yuu rit. Ils prirent des plateaux et se servirent. Les autres élèves étaient tétanisés. Ils fixaient la porte par laquelle Kyouya avait disparu, les yeux ronds. Kenta se demandait si c'était à cause de son coup d'éclat ou de l'intervention de Yuu qui avait fait perdre toute tension à l'atmosphère. Peut-être était-ce dû au passage si rapide d'une ambiance à l'autre.

Les deux enfants se dirigèrent vers la table de leurs amis, occupée majoritairement par des Galaxy Heart. Ginga avait pris place à côté de Madoka, un air songeur sur le visage. Dès que Kyouya était concerné, il ne se ressemblait plus.

Sora s'était installé en face de lui et ne pouvait s'empêcher de l'observer avec admiration. Kenta s'assit à côté de Sora et Yuu se plaça entre Ginga et lui.

- Heureusement que tous les beasts ne sont pas comme Yoyo !

- Ça y est ? Tout le monde utilise ce surnom ? demanda Madoka.

- On l'utilise depuis hier chez les dragons. Pas vous ?

- Si... c'est un des nôtres qui en a eu l'idée d'ailleurs, avoua Kenta.

- Il a suffi d'une journée pour que ça fasse le tour des Maisons... Ça va vite.

- C'est cool !

Yuu joignit les mains avec un grand sourire.

- Bon appétit !

- Bon appétit ! lui répondirent les autres en chœur.

Kenta prit une cuillerée de son plat. Délicieux ! S'ils servaient tous les jours des repas pareils au réfectoire, il n'en manquerait pas un seul.

- Comment se sont passés vos cours ? demanda Madoka.

- C'était nul ! s'indigna Yuu. Il y a eu cours de Beyblade et j'étais super impatient moi. Je pensais qu'on se présenterait nos toupies et peut-être qu'on aurait le droit de combattre mais pas du tout. Le prof a fait que parler de toupies et dire des choses qu'on savait déjà, comme les parties qui composent les toupies et les quatre types existants. Il a même détaillé leurs caractéristiques de combat. Tous les bladers savent ça !

- C'est ça le cours de Beyblade ? s'attrista Ginga.

- C'était évident que ce serait des cours théoriques, répliqua Madoka.

Tous les bladers autour de la table grimacèrent. Ils voulaient pratiquer le Beyblade eux, pas en parler.

- Peut-être qu'on pourra faire des combats en sport ? proposa Sora.

Ce fut au tour de Madoka de faire la grimace pendant que les bladers reprenaient espoir.

- J'imagine, marmonna-t-elle. Mais j'espère que ce n'est pas obligatoire. Je ne suis pas venue pour faire des match moi.

- Mais si on ne combat pas, tu ne pourras pas étudier les toupies, lui fit remarquer Ginga.

Madoka sourit.

- Tu as raison.

- Et puis...

Ginga se mit debout, propulsant son poing vers le plafond.

- Les combats Beyblade c'est génial !

Des applaudissements et des sifflements se mirent à résonner autour d'eux.

- Ouais !

- Vive les combats Beyblade !

Kenta eut un grand sourire. Sacré Ginga.

Madoka poussa un soupir déchirant. Elle se passa une main sur le front sans parvenir à masquer son agacement.

- Pourquoi tu ne peux pas rester sérieux deux minutes ?

Ginga la regarda avec surprise.

- Le Beyblade, c'est sérieux.

Madoka eut l'air encore plus exaspéré.

- C'est vraiment trop sympa de parler avec vous, lança Yuu joyeusement. Même si les dragons sont gentils, ils sont beaucoup trop sérieux.

- J'aurais peut-être dû faire en sorte de me retrouver avec eux... marmonna Madoka.

- Sympa, commenta Ginga avec sarcasme.

Madoka lança un regard noir à Ginga qui ne put retenir un mouvement de recul.

- On voit que ce n'est pas toi qui dois supporter tes gamineries.

Kenta tapota l'épaule de Sora qui semblait complètement perdu. Il ne devait pas comprendre pourquoi la personne qu'il admirait était traitée de la sorte.

Je me demande si Madoka n'en veut pas encore à Ginga pour l'état dans lequel elle a trouvé Pegasus la première fois...

En tant que fière protectrice des toupies, l'état de Pegasus avait choqué Madoka qui avait décidé d'en prendre soin immédiatement, alors qu'elle ne connaissait pas encore Ginga. Elle s'indignait dès que les toupies étaient dégradées ou en danger.

- Quoique... il y a bien un type bizarre chez les dragons en fait, reprit Yuu. Je ne l'ai vu que de loin mais il est très très bizarre. D'ailleurs, Tsubasa a du mal à le supporter et la plupart des dragons l'évite.

- Un seul de bizarre pour des centaines de calmes, ça vaut le coup.

Ginga s'attaqua à son dessert.

- Mais les Galaxy Heart sont toujours mieux que les Wild Fang, admit Madoka. Quand j'ai voulu parler de Leone à Kyouya, il m'a envoyé bouler. Quel ingrat.

- Kyouya n'aime juste pas qu'on se mêle de ses affaires, le défendit Ginga.

Madoka tapa du poing sur la table.

- Tu veux savoir que qu'il m'a dit ? "Je n'ai pas besoin de l'aide d'une incapable dans ton genre." Une incapable ? Moi ? Après tout ce que j'ai fait pour Leone ?

- C'est vrai que Yoyo exagère ! déclara Yuu avec un grand sourire. Mais les autres beasts sont sympas, comme Benben et Keru.

- Keru ? répéta Kenta. C'est qui ?

- Un Wild Fang super gentil ! Nous sommes devenus amis avant-hier. Il sourit, et m'a dit qu'il m'aime bien, et il aime mes surnoms – il les trouve cool. Il m'a même donné des gâteaux !

- Peut-être qu'il chercher à endormir ta méfiance.

Yuu secoua la tête, toujours souriant.

- Il est vraiment gentil. J'espère que vous le rencontrerez bientôt. Il vous plaira, c'est sûr – même à toi Madoka.

L'adolescente ne sembla pas convaincue. Elle donnait l'impression d'avoir perdu toute illusion sur les bladers.


XXX


- Au final, cette Bey-Academy n'est pas grand chose.

La voix résonna dans la salle vide. L'adolescent se moquait d'être entendu ou non. Il était fort maintenant. Si une gêne se dressait sur sa route, il se savait capable de l'éliminer.

Il se trouvait dans une salle informatique désertée. Les rideaux étaient tirés, la lumière éteinte. La seule source de luminosité était l'écran auquel il faisait face.

- Tu peux préciser ?

- Ce sont juste des bladers qui suivent des cours. Il n'y a aucun duel ni aucun tournoi de prévu.

- Patience. La Bey-Academy n'est ouverte que depuis trois jours. Elle réunit déjà de nombreux bladers talentueux. D'autres ne tarderont pas à la rejoindre, venus des quatre coins de la planète. Ce sera une réserve d'énergie inépuisable.

Il y eut un léger grincement, comme une personne s'enfonçant dans une chaise.

- J'ai bon espoir que tout se déroule selon nos plans. Les vacances d'été seront un tournant décisif. Préparez-vous.

- Bien.

- Comment se portent les autres ?

- J'imagine que ça se passe bien. Ils s'intègrent – ils n'ont pas fait d'esclandre en tout cas. Nous évitons de nous parler pour ne pas attirer les soupçons.

- Excellente stratégie. Continuez comme ça.

Un sourire se dessina lentement.

- La Bey-Academy est un véritable cadeau du destin. Qui aurait cru que l'AMBB nous offrirait tout ce dont nous rêvions sur un plateau d'argent ? Toute cette force... Toute cette énergie... À croire qu'on nous prie de venir.

Il y eut un bip. Le sourire s'accentua.

- C'est bon ?

- J'ai toutes les informations qu'il nous faut. Merci pour ta collaboration.


Fin du chapitre 3


J'ai l'impression de mettre les beasts plus en avant que les autres Maisons. En fait, j'ai même l'impression que l'histoire se concentre sur la rencontre de Kakeru avec les autres personnages de MFB. Du coup, j'ai décidé de procéder par "arcs" et nous voici en plein dans l'arc Kakeru.

Le prochain chapitre sera publié dans trois semaines.