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Chapitre 4 : Le conseil des élèves


Tsubasa se dirigeait vers les cuisines des Dragon Clan. Il répondit d'un signe de tête à ceux qui le saluaient. Il commençait à s'habituer à cette vie en communauté, très différente de celle qu'il avait connu à la Dark Nebula. Heureusement, les dragons n'avaient ni l'expansivité des Galaxy Heart, ni l'irritabilité des Wild Fang.

- Tsubasa !

La plupart du moins.

L'adolescent s'arrêta et se tourna à demi. Yuu se précipitait vers lui. Si l'ensemble du Dragon Clan avait le même caractère que lui, Tsubasa n'aurait pas pu le supporter. Pour être sincère, il pensait que personne n'en serait capable. Plus d'une centaine de Yuu... Rien que l'imaginer l'épuisait mentalement.

- Tu vas manger quoi ? J'aimerais vraiment des glaces mais on m'a dit que ce serait pas suffisant comme petit-déjeuner. Tu en penses quoi ?

Pas adapté plutôt.

- C'est vrai.

- Je vois...

Tsubasa reprit sa route vers les cuisines. Yuu le suivait, en réfléchissant bien sérieusement considérant qu'il s'agissait juste du choix d'un repas. S'il pouvait réfléchir autant le reste du temps, ce serait bien agréable.

Et Tsubasa aurait beaucoup moins de problèmes.

- Je sais ! s'exclama Yuu tandis qu'ils franchissaient le seuil des cuisines. Je prends un petit-déjeuner et, comme dessert, je choisis des glaces. Je suis un génie !

Il y a des desserts au petit-déjeuner ?

- Qu'est-ce que je vais bien pouvoir choisir... ?

Tsubasa sortit un bol et commença à préparer des beignets à la pâte de haricots rouges. Yuu chantonnait un air pensif en fond sonore. Alors qu'il se servait, il sentit une attention vrillante sur lui. Il glissa son regard sur le côté. Yuu fixait son bol avec émerveillement. Il bavait presque.

Avec un soupir, Tsubasa sortit une autre assiette et partagea le repas entre eux deux. Il en tendit une à Yuu qui poussa une exclamation joyeuse.

- Merci Tsubasa ! T'es super !

- Par contre, c'est sucré. Tu devrais éviter de prendre une glace en plus.

- D'accord !

Tsubasa haussa un sourcil, surpris de voir son conseil accepté si favorablement. Il s'attendait à ce que Yuu proteste ou qu'il se mette à bouder.

La Bey-Academy le mettait vraiment de bonne humeur.

Ils se rendirent dans la salle à manger. Ils s'installèrent autour d'une table et petit-déjeunèrent. Yuu dévora son repas avec une telle voracité qu'on pourrait croire qu'il n'avait pas mangé depuis plusieurs jours.

- Tsubasa-san ?

L'adolescent leva la tête. Un Dragon Clan se tenait à côté de leur table. Il lui présenta une enveloppe des deux mains en s'inclinant.

- L'administration souhaite te parler.

Tsubasa prit l'enveloppe.

- Merci.

L'adolescent s'inclina une nouvelle fois avant de s'éloigner. Tsubasa ouvrit l'enveloppe. Il en sortit une lettre. Ses yeux glissèrent de ligne en ligne jusqu'au point final.

- C'est quoi ? demanda Yuu en se penchant en avant.

Tsubasa plia la feuille et la replaça dans l'enveloppe.

- Une convocation de l'administration, comme il a dit.

- Pourquoi t'envoyer une lettre alors qu'ils ont fait passer le message ?

Tsubasa haussa les épaules.

- Une preuve sans doute, pour montrer que ce n'est pas une blague.

Yuu tendit les mains.

- Je peux la voir ?

- Si ça t'amuse.

L'enfant prit la lettre. Il la lut avidement. À croire qu'elle contenait les secrets de l'univers ou de nouvelles idées pour embêter Kyouya – Tsubasa était certain que Yuu accueillerait les deux avec autant d'enthousiasme. Une moue ennuyée apparut sur son visage. Il fit gonfler ses joues.

- Ça a pas l'air marrant.

- C'est une convocation administrative, pas une invitation à une fête.

- Moui.

Tsubasa se leva. Il retourna dans les cuisines, lava sa vaisselle et la mit à sécher. Yuu ne l'avait pas quitté d'une semelle.

- En parlant d'invitation... tu te souviens de Keru ?

- Le gentil garçon qui aime tes surnoms et a partagé son goûter avec toi ?

Le sourire de Yuu réapparut.

- C'est ça ! Il m'a invité à l'ouverture de son club.

- Vraiment ? Quel genre de club ?

Ça ferait peut-être du bien à Yuu d'avoir d'autres passe-temps. Le Beyblade, c'était bien, mais ce n'était pas tout dans la vie.

- De sports extrêmes. Keru fait de la moto acrobatique, je crois.

Le visage de Tsubasa se décomposa. Des sports... extrêmes ? Des acrobaties en moto ? Son esprit se vida, refusant de se figurer Yuu au milieu de tout ça.

- Tu... es trop jeune pour faire de la moto.

Étant donné qu'ils étaient au collège, ce Keru aussi, mais ce n'était pas son problème.

- Je sais ! Keru m'a invité pour l'inauguration, c'est tout. Je ne vais pas m'inscrire dans son club.

Tsubasa en fut infiniment soulagé.

- Je préfère passer le plus de temps possible avec mes amis et à faire des duels avec Libra.

Finalement, la manière dont Yuu voyait les choses n'était pas si mal...

Tsubasa sortit de la cuisine. Yuu continuait de le suivre joyeusement.

- Où tu vas ?

- La convocation a lieu avant les cours.

- Je peux venir ?

- Est-ce que je pourrais t'en empêcher ? soupira Tsubasa.

- Cool ! Merci.

Tsubasa leva les yeux au ciel. Il ne lui semblait pas l'avoir invité pourtant.

- Ne viens pas te plaindre s'ils ne veulent pas de toi à la réunion.

- D'accord !

Les deux Dragon Clan sortirent, sous les regards surpris de leurs camarades. C'était très tôt, même pour ceux qui considéraient arriver en avance comme une religion.

Ils traversèrent la forêt. Ni Tsubasa ni Yuu n'avaient besoin de réfléchir à leur itinéraire. Les quelques aller-retours qu'ils avaient effectué entre leur maison et le bâtiment scolaire leur avaient suffi pour le connaître par cœur.

Il n'y avait personne dans la cour et le bâtiment lui-même était quasiment désert. Ils montèrent au deuxième étage. L'espace consacré à l'administration – bureaux du proviseur et des secrétaires – formait la jonction entre les deux ailes de l'école, comme l'infirmerie au premier étage.

Tsubasa s'arrêta sur le seuil du bureau. Yuu tambourina à la porte. Tsubasa lui glissa un regard ennuyé.

- Tu es drôlement pressé.

- J'ai hâte de voir ce qu'ils te veulent, pas toi ?

Yuu avait l'air de croire qu'ils allaient le réprimander pour une bêtise.

J'aurais dû me douter que sa proposition de m'accompagner cachait quelque chose.

- Entrez.

Tsubasa ouvrit la porte. Le proviseur et le conseil d'administration était réuni au grand complet. La situation était plus sérieuse qu'il ne l'imaginait, mais il ne s'inquiéta pas. Il n'avait rien fait pour mériter des mesures disciplinaires.

- Assieds-toi.

Tsubasa obtempéra. Le regard du proviseur se porta sur Yuu. Il afficha un air surpris.

- Yuu a tenu à m'accompagner. Bien sûr, vous pouvez le mettre dehors si sa présence vous ennuie.

- Hé ! Parle pas de moi comme si j'étais pas là !

- Il peut rester. Ce que nous avons à te dire n'est pas confidentiel.

Pour le coup, ça intrigua sérieusement Tsubasa. Que pouvaient-ils donc lui vouloir ?

- Je ne vais pas y aller par quatre chemins : nous souhaitons que tu sois le président du conseil des élèves.

Les yeux de Tsubasa s'arrondirent.

- Pardon ?

- Je sais que c'est une tâche difficile, qui prend beaucoup de temps, mais nous connaissons tes capacités. Tu en es capable.

Tsubasa savait qu'il en était capable. Il n'avait pas besoin de leurs encouragements. Seulement...

- Ce ne sont pas les élèves qui sont censés élire le président du conseil ?

- …Si, répondit le proviseur avec réticence. En temps normal en tout cas. Mais... disons qu'il serait préférable de l'éviter à la Bey-Academy. Deux des bladers qui pourraient être élus... ne conviennent pas pour le rôle.

Inutile de demander de qui il était question. Il ne pouvait s'agir que de Ginga et Kyouya.

C'est vrai qu'ils ne feraient pas de très bons présidents du conseil...

Chef de Maison était un rôle purement symbolique. C'était une figure autour de laquelle se fédéraient les espoirs et les désirs de chaque Maison. Ils n'avaient aucun pouvoir – si on ne comptait pas leur force personnelle et leur popularité, évidemment. Ils ne pouvaient prendre aucune décision sur le plan administratif et n'avaient rien à gérer. Président du conseil des élèves... c'était une toute autre histoire.

- Wahou ! C'est trop classe ça !

Tsubasa s'inclina.

- Vous m'en voyez honoré. Je ferai de mon mieux pour être digne de votre confiance.

Le soulagement des adultes était presque palpable. Cela signifiait sans doute qu'ils n'avaient pas de plan B – en d'autres termes, Tsubasa était leur seul espoir.

- Merci. Nous savons que notre demande est brutale mais nous ferons de notre mieux pour t'épauler. Tu peux compter sur nous.

- Avez-vous déjà choisi le reste du conseil ?

- Nous te laissons libre de décider. C'est ton équipe. Choisis les compétences dont tu auras besoin.

- Il serait préférable, quand même, d'intégrer des membres de toutes les Maisons, intervint une secrétaire. Pour éviter les rumeurs de favoritisme.

- Je vois. Puis-je prendre mon temps pour y réfléchir ?

- Évidemment.

- Je vous confierai ma liste demain matin.

Les adultes le regardèrent avec surprise.

- Ce n'est pas la peine de te dépêcher. Ça peut attendre lundi.

- Vraiment ? Merci.

- Merci à toi.

- Avez-vous besoin d'autre chose ?

- Non. Tu peux disposer.

Tsubasa s'inclina une nouvelle fois avant de sortir. Yuu le suivit d'un pas joyeux en poussant des exclamations enthousiastes. Leurs attitudes offraient toujours des tableaux contrastés, voire diamétralement opposés. Tsubasa ne comprenait pas pourquoi Yuu s'évertuait à le coller quand il existait tant de personnes qui avaient davantage de points communs avec lui – le groupe de Ginga, par exemple.

- Toi ! Président du conseil des élèves ! C'est super classe ! Tu l'as bien mérité.

- Merci.

Ça lui demanderait beaucoup de travail mais ça lui offrirait également une excellente couverture et lui donnerait accès à de nombreuses informations. Le travail ne le dérangeait pas. Il gagnait donc sur tous les tableaux.

- Au fait... C'est quoi le conseil des élèves ?

Ça m'aurait étonné.

Tsubasa entreprit d'expliquer ses futurs rôles et devoirs.


XXX


Kyouya frappa du poing sur la table. Son corps frémissait de colère.

- On ne peut pas laisser passer ça ! grogna-t-il.

- Est-ce vraiment si important ? s'enquit Nile.

Nile, Kyouya, Damure et Benkei étaient installés autour d'une table, dans le réfectoire. L'éclat de colère de Kyouya commençait déjà à attirer les regards. Les autres pensionnaires ne semblaient pas encore habitués à son caractère si tempétueux. Nile songeait que, dans quelques jours, il faudrait que Kyouya fasse bien plus que hausser la voix pour attirer l'attention.

- Évidemment ! Si Tsubasa dirige le conseil des élèves, ça donne un avantage aux dragons !

Nile ne comprenait pas. Il se demandait si Kyouya était sérieux ou s'il exagérait parce qu'il envisageait la situation comme une défaite à un duel – et qu'il était, on devait l'avouer, mauvais perdant.

- De quoi il s'agit exactement ?

Kyouya cessa de s'énerver pour le dévisager. Benkei aussi reporta son attention sur Nile.

- De quoi ?

- Le conseil des élèves. Il n'y a pas ce système chez moi.

- Chez moi non plus, intervint Damure.

Les deux bladers japonais accueillirent cette révélation avec surprise.

- En étant président, Tsubasa peut facilement tirer les ficelles pour obtenir tout un tas d'avantages, même au niveau budgétaire.

Nile fit de son mieux pour dissimuler sa surprise face à l'explication de Kyouya, ou plutôt, face à son ton et aux mots qu'il avait choisi.

- C'est limite un système mafieux, non ?

- Non.

- Pourquoi tu dis ça ?

Si Kyouya et Benkei ne saisissaient pas la comparaison, Nile se voyait mal l'expliquer. Au moins, maintenant, il comprenait mieux la colère de son capitaine.

- Ça n'aurait pas dû se passer comme ça, ronchonna Kyouya. Normalement, il y a des élections et les élèves choisissent. Les adultes ne viennent pas s'en mêler et, surtout, ils n'imposent pas un candidat.

La colère marqua un peu plus ses traits.

- Est-ce que cela signifie qu'ils sont du côté des dragons ?

- Je n'en sais rien, répondit Nile. Mais si l'avantage qu'ils leur ont donné est aussi important que tu le dis, c'est tout à fait possible.

Kyouya se leva. Son mouvement soudain attira tous les regards.

- Raison de plus pour ne pas nous laisser faire.

Il contourna la table et s'éloigna à grands pas.

- Où tu vas ?

- Régler cette histoire !

Nile devrait sans doute tempérer ses ardeurs – ou tout au moins essayer connaissant la bête – mais il était plutôt satisfait de le voir agir en tant que leader de Maison. Il ne savait pas combien de temps cela durerait et il comptait bien en profiter.

Kyouya s'arrêta au milieu de la pièce. Tous les regards convergèrent vers lui. Il lui manquait vraiment peu pour être un rassembleur de la même trempe que Ginga Hagane. En fait, il ne lui manquait qu'une seule chose.

Accepter de travailler en équipe.

Autant dire qu'il n'était pas près d'y arriver. Heureusement que ce n'était pas son objectif.

- Les Wild Fang sont indépendants. Il est hors de question qu'on se soumette aux dragons. Nous sommes des bêtes sauvages. Personne n'a à nous tenir en laisse – et si quelqu'un a le malheur d'essayer, nous lui montrerons son erreur.

Les Wild Fang présents rugirent leur approbation. Kyouya se tourna. Son regard trouva celui de Ginga. Évidemment. Le temps sembla s'étirer.

- Personne ne peut espérer nous soumettre. Et tu ne peux plus rêver de me vaincre. Lors de notre prochain duel, ce sera ton tour de t'incliner.

Il n'y avait plus aucune agressivité dans le ton de Kyouya. Le changement était stupéfiant. Sa voix était presque... douce.

Avant que Ginga ne réponde, Kyouya brisa leur contact visuel – et le temps sembla reprendre son cours.

Kyouya traversa le réfectoire, ignorant les regards qui le suivaient. Il n'agissait pas différemment qu'il soit en petit comité ou au cœur de l'attention générale. À croire que cela ne faisait pas de différence pour lui. Nile n'avait encore rien vu qui soit capable de l'impressionner ou d'ébranler sa confiance en lui.

Benkei se leva et poursuivit Kyouya. Nile se mit debout et débarrassa tranquillement sa table. Damure l'imita.

- Que faisons-nous ?

- Nous suivons notre capitaine, en espérant que le proviseur et ses adjoints ne l'énervent pas.

Ce n'était pas gagné. Un rien suffisait à irriter Kyouya et il était persuadé que les adultes cherchaient à avantager le Dragon Clan. La moindre parole abondant dans ce sens mettrait le feu aux poudres. Kyouya ne chercherait pas à se maîtriser même s'il faisait face à des adultes, détenant le pouvoir et l'autorité.

En fait, Nile avait l'impression que leur statut jouait en leur défaveur. Avait-il le pouvoir d'éviter la catastrophe qui se profilait à l'horizon ? Sûrement pas. Par contre, il était certain de pouvoir limiter les dégâts.

Les deux Wild Fang quittèrent le réfectoire à leur tour. Nile entendit les murmures mécontents des Galaxy Heart. Certains s'étaient même mis à invectiver Ginga.

Ce n'était pas son problème.

Ils traversèrent les couloirs et montèrent les escaliers jusqu'au bureau du principal. La porte était grande ouverte. Des éclats de voix en sortaient. Sans surprise, Nile reconnut celle de Kyouya. Au moins, les adultes avaient eu l'intelligence de ne pas le faire sortir de ses gongs.

Nile entra dans la pièce sans s'annoncer. Les propriétaires des lieux avaient des problèmes plus importants qu'un manquement à la politesse.

Kyouya se tenait debout devant le bureau, les bras croisés. Un peu en retrait, Benkei l'épaulait.

Le proviseur s'éclaircit la gorge.

- Je peux t'assurer que nous ne faisons aucun favoritisme.

- Alors pourquoi les dragons obtiennent directement le conseil ?

Kyouya enchaîna alors que l'adulte faisait mine de répondre.

- Les excuses bidons ne m'intéressent pas. Ce que je veux, c'est que les Wild Fang aient les mêmes avantages.

- C'est impossible... Le conseil des élèves est nécessaire.

Kyouya eut un sourire supérieur.

- Justement. Je veux que nous ayons notre propre conseil.

Les visages des adultes se décomposèrent.

- Quoi ?

- Tu n'es pas sérieux ?

- Est-ce que j'ai l'air de plaisanter ?

Les adultes ne répondirent pas mais ils semblaient de plus en plus mal à l'aise. Surtout le proviseur. Il perdait des couleurs à chaque fois que Kyouya ouvrait la bouche.

- Tu veux... ton propre conseil ? articula-t-il au prix de gros efforts. Et le diriger ?

- Comme si j'avais du temps à perdre avec ça ! Je veux seulement que les Wild Fang aient eux aussi leur conseil.

Les épaules du proviseur s'affaissèrent.

- Donc tu ne veux pas être président ?

- Non.

Le soulagement marqua le visage de l'adulte avec une telle intensité qu'on pourrait croire qu'il avait assisté à un miracle.

Voilà donc ce qu'il craignait : Kyouya comme président.

- C'est une bonne idée. Ainsi, chaque maison pourrait être représentée équitablement. Qui proposes-tu comme président du conseil des Wild Fang.

- Nile.

Le concerné se tendit.

Pardon ?


XXX


Une véritable cacophonie régnait dans le réfectoire. Les ambiances un peu survoltées ne dérangeaient pas Ginga d'ordinaire – il savait autant apprécier le calme que les élans d'enthousiasme général – mais, dans le cas présent, les cris n'avaient rien de joyeux ni d'amusé. L'irritation se disputait à la colère et prenait de plus en plus d'ampleur. Bientôt, plus personne ne serait épargné.

Il préférerait penser au nouveau défi de Kyouya...

- On ne peut pas se laisser faire ! s'écria un adolescent. Les dragons ont obtenu le conseil, les beasts veulent s'en emparer. Si nous restons sur la touche, nous sommes fichus.

- C'est bien vrai !

- On ne peut pas leur laisser cet avantage !

- Tu en penses quoi Ginga ?

Le rouquin tourna la tête vers la personne qui l'avait interpellé.

- Eh bien... Ça n'a pas de rapport avec le Beyblade donc...

- Ça ne l'intéresse pas, compléta Madoka avec exaspération.

Ginga ne comptait pas s'en excuser. La seule raison qui l'avait poussé à accepter l'invitation de la Bey-Academy était la possibilité de jouer au Beyblade. Il avait hâte de commencer les tournois et de se mesurer à des bladers d'exception. Tout ce qui touchait au cadre scolaire ne l'intéressait pas.

- Mais les beasts et les dragons... !

- La compétition, c'est bien, le coupa Ginga. Avoir des rivaux permet de devenir plus fort et de se surpasser...

Surtout quand ils étaient de l'acabit de Kyouya Tategami.

- Mais notre "rivalité" avec les Wild Fang et les dragons ne concerne que le Beyblade. Attendez les tournois pour leur montrer de quoi vous êtes capables. Ce serait bête de nous séparer toute l'année et de passer à côté des amitiés qui peuvent nous unir, vous ne croyez pas ?

Sa déclaration parvint à calmer les ardeurs. Une grande partie des Galaxy Heart l'écoutait et ne semblait plus aussi prompt à chercher querelle aux deux autres Maisons. Ginga vit même quelques Wild Fang et Dragon Clan acquiescer. Il sourit. Il espérait qu'ils passeraient outre leurs différences pour devenir amis. Après tout, c'était encore plus amusant de jouer au Beyblade avec ses amis.

Certains continuaient de grommeler leur mécontentement. Tant pis. On ne pouvait pas plaire à tout le monde.

- Je suis désolé Gingy...

Le rouquin reporta son attention sur Yuu, assis à leur table. L'enfant avait la tête baissée.

- Je ne savais pas que ça ferait autant de problèmes...

- Ce n'est pas de ta faute.

Yuu leva une mine toute triste vers lui.

- J'étais tellement content pour Tsubasa que j'ai pas pu m'empêcher de le dire à tout le monde.

Ginga lui sourit.

- C'est normal d'être fier de ses amis.

Kenta prit la main de Yuu.

- Et tout le monde aurait fini par le savoir de toute façon...

- C'est vrai ça.

Yuu ne sembla pas convaincu.

- Écoute... Si tu veux, on peut en parler au proviseur. Qu'est-ce que tu en dis ?

- Moui.

Ginga se leva.

- Viens. Je vais t'accompagner.

- Tu es sûr de vouloir y aller maintenant ? intervint Madoka. Je te rappelle que Kyouya y est.

- Kyouya a sûrement fini de discuter.

- Parce que le mot discuter fait partie de son vocabulaire ? répliqua Madoka, incrédule.

- Tu crois que Yoyo se dispute avec le proviseur ?

La voix de Yuu débordait de curiosité. Ses grands yeux étaient écarquillés. Son visage n'exprimait plus la plus petite tristesse. Ginga en était soulagé – le voir triste brisait le cœur – mais le nouvel éclat dans ses yeux annonçait des problèmes.

Yuu lui attrapa la main.

- Gingy ! Kéké ! Vite ! On ne peut pas manquer ça !

J'en étais sûr.

- Ce n'est peut-être pas une bonne idée...

- Ne me dis pas que tu ne veux pas savoir comment ça se passer pour Yoyo ?

Ginga se voyait mal répondre à ça. Affirmer le contraire serait mentir et, de toute façon, Yuu ira quoi qu'il dise.

- Allons-y, soupira-t-il.

- Cool ! Mets un peu plus d'enthousiasme Gingy !

Ginga suivit Yuu qui traversa les couloirs en trottinant, traînant joyeusement Kenta derrière lui. Yuu ne prit pas la peine de frapper en entrant dans le bureau du principal. Ginga s'abstint également. Au point où ils en étaient, de toute manière...

- Voilà ! lança le principal après avoir apposé sa signature sur un document. Les Wild Fang ont leur propre conseil.

- Pas trop tôt.

Il n'y avait aucune trace de destruction dans la salle, preuve que Kyouya ne s'était pas déchaîné. Tout s'était déroulé sans accroc.

Kyouya se tenait devant le bureau, les bras croisés. Il semblait agacé – comme souvent, hélas – mais sans plus. Benkei avait un sourire fier, sans doute parce que Kyouya avait réussi à atteindre son objectif.

Le proviseur remarqua alors les nouveaux venus. Il leur sourit.

- Vous tombez bien, les Galaxy Heart. Nous remplissons quelques documents administratifs pour garder un équilibre entre les trois Maisons.

Kyouya se tourna à demi. Leurs yeux se croisèrent. Les siens étaient si bleus...

- Nous avons terminé.

Kyouya se dirigea vers la porte d'entrée, suivi par ses acolytes. Ginga se décala pour les laisser passer. Ses yeux ne quittèrent pas Kyouya. Nile fermait la marche. Ginga nota distraitement qu'il était crispé. C'était surprenant. Il lui semblait avoir la même personnalité calme que Tsubasa. Quelque chose l'avait contrarié ?

- Ginga Hagane ?

Ginga reporta son attention sur le proviseur.

- Oui ?

L'adulte l'invita à s'asseoir. Il obéit de bonne grâce. Kenta et Yuu prirent place de chaque côté de lui.

- Kyouya Tategami nous a fait remarquer l'injustice de confier les rênes du conseil à une seule Maison...

- Parce que Yoyo se rend compte quand les choses sont injustes ?

Kenta pouffa. L'adulte se tut, perplexe, ne sachant visiblement pas comment réagir.

- Et donc ?

L'adulte reprit ses esprits. Il croisa les mains sur le bureau.

- Nous avons décidé de constituer un conseil pour chaque Maison. Les trois présidents auront voix au chapitre pour les décisions à l'échelle de l'école. En tant que leader, tu as le privilège de choisir le président de ton conseil qui, lui, sélectionnera les membres de son équipe. Bien sûr, tu ne peux pas être président et cumuler les deux fonctions. Alors qui choisis-tu ?

Ginga cligna plusieurs fois des yeux. Tout cela était très soudain.

Il donna le premier nom qui lui vint en tête.


XXX


- Ces bladers !

Madoka avançait à grands pas dans les couloirs, martelant le sol. Ses poings serrés tremblaient. La colère qui brûlait en elle tentait de s'échapper par tous les pores de sa peau. Ses dents crissèrent. Les autres élèves se précipitaient hors de son passage. Ils faisaient bien. Elle n'avait plus – mais alors PLUS DU TOUT – la moindre patience. La plus petite contrariété attirerait les foudres de sa colère.

- Laissez-les sans surveillance DEUX minutes et voilà ce qui vous tombe dessus !

Comme si elle n'avait pas suffisamment de travail comme ça. Après tout, la réparation d'une toupie ne prenait que plusieurs heures. Ce serait tellement dommage qu'elle ait un peu de temps libre, ne serait-ce que pour se reposer.

- J'arrive pas à croire que Ginga m'ait fait un coup pareil !

Elle ? Présidente du conseil des élèves ? Il la détestait ou quoi ?

Il allait lui payer. Elle ne pouvait pas lui faire intégrer le conseil parce qu'il était le leader des Galaxy Heart – quel dommage, ça aurait été une vengeance idéale : elle l'aurait placé d'office aux comptes, où il aurait eu des tonnes de mathématiques à faire – mais elle trouverait bien.

- Et l'administration n'en parlons même pas.

Madoka était allée les voir pour régler le problème mais ils avaient répondu que c'était une décision irrévocable et qu'elle devait leur remettre la liste de son conseil lundi.

Maintenant, elle en était certaine : les adultes qui participaient à la Bey-Academy étaient stupides. Ce serait bien fait quand tout leur exploserait dessus.

Sa seule consolation était de travailler avec deux autres présidents du conseil. Même s'ils appartenaient à des Maisons différentes, ils pourraient se serrer les coudes. La charge de travail serait plus supportable.

Madoka inséra une clé dans la serrure et ouvrit la porte. Elle alluma la lumière. Elle se trouvait dans une petite salle d'archive. Elle se dirigea vers les casiers des Galaxy Heart. Elle consulta ceux des deux dernières années de collège. Il y en avait beaucoup quand même.

- Ils ne peuvent pas avoir des dossiers numériques comme tout le monde ?!

Le proviseur l'avait invitée à choisir les autres membres du conseil ainsi. Elle était presque sûre que c'était illégal mais elle s'en moquait.

- Ça va me prendre une éternité...

Il n'y avait même pas de place pour consulter les documents dans cette petite salle. Elle allait devoir les transporter ailleurs.

Une complication de plus.

Madoka sortit plusieurs dossiers et les empila. Elle prit la pile branlante dans ses bras. À chacun de ses pas, elle avait l'impression qu'elle s'effondrerait. Elle parvint à éteindre la lumière en usant de son épaule mais elle ne pouvait rien faire pour la porte.

Tant pis. Avec tous les efforts qu'on m'impose déjà...

La pile dépassait ses yeux. Elle marchait donc à l'aveuglette, d'un pas peu assuré, en priant pour ne rentrer dans personne. Le poids des dossiers pesaient sur ses bras et lui tiraient les muscles.

Quelque chose cogna son bras. Elle poussa une exclamation surprise. La pile se renversa et, perdant son équilibre, elle tomba sur les fesses. Elle vit avec effarement les dossiers s'éparpiller autour d'elle.

- Oh ! Toutes mes excuses ! Vous n'êtes pas blessée ?

La politesse désarçonna tant Madoka qu'elle en oublia d'être en colère. Elle leva la tête. Un adolescent qu'elle ne connaissait pas se tenait en face d'elle. Ses grands yeux bleus étaient emplis d'inquiétude. Ses cheveux verts sombres formaient deux épis de chaque côté de son crâne. Contrairement à la plupart des bladers qu'elle connaissait, il portait soigneusement son uniforme – un respect des règles de base qui la surprit autant, sinon plus, que sa prévenance.

- Tout va bien ?

- O-oui.

L'adolescent sourit aimablement et lui tendit la main.

- Tant mieux alors. Vous avez besoin d'aide ?

Madoka accepta sa main tendue. Il l'aida à se relever. Il était plus grand qu'elle mais ça Madoka en avait l'habitude.

- Merci.

L'adolescent eut l'air gêné.

- Je vous ai fait tomber. C'est la moindre des choses.

Si seulement tout le monde se comportait ainsi...

Il balaya le sol du regard, notant la présence des dossiers avec gêne. Il s'accroupit et commença à les ramasser. Madoka l'imita.

- Vous travaillez avec l'administration ?

- Je suis la présidente du conseil des Galaxy Heart.

Il émit un sifflement admiratif.

- Bon courage. Ce ne sera pas simple. Surtout que tout commence à zéro dans cette école.

Madoka manqua de refaire tomber ses dossiers elle fut surprise par sa compréhension. Elle était peut-être victime d'hallucinations ou elle se sentait si désespérément seule qu'elle avait convoqué un ami imaginaire. Elle ne pouvait croire qu'il existait un blader si poli et attentionné.

Ils se redressèrent, portant chacun une pile de dossiers. Madoka remarqua qu'il en avait ramassés plus qu'elle.

- Merci.

- Où allez-vous ?

- Dans une salle d'études.

L'adolescent sourit.

- Je vous accompagne. Tous ces dossiers sont bien trop lourd pour une personne seule.

Madoka ne savait pas quoi répondre.

Les deux adolescents se mirent à avancer dans le couloir. Le garçon précédait Madoka de quelques pas, marchant à une allure tranquille.

- Tu es de quelle Maison ? demanda Madoka, croisant les doigts pour qu'il réponde Galaxy Heart.

- Wild Fang.

Elle ne put dissimuler sa surprise – ce qui était sans doute insultant. Elle ne pouvait s'empêcher de les imaginer comme Kyouya : des monstres d'impolitesse et d'arrogance.

Ce garçon en était l'exact opposé.

Il s'arrêta devant une porte et utilisa son coude pour actionner la poignée. Il la poussa du pied et entra dans la salle.

- Il n'y a personne... ça vous convient ?

- C'est très bien comme ça.

Ils déposèrent leur fardeau sur un bureau. Madoka vit alors que l'adolescent portait une boucle d'oreille. Il porta la main à son oreille avec un sourire espiègle.

- La seule liberté que je prends avec mon uniforme.

Madoka rougit.

- C-ce n'était pas une critique.

- Je sais ! Ne vous en faites pas.

Son sourire s'agrandit.

- D'ailleurs... Il paraît que les uniformes ne resteront pas longtemps en vigueur. Mon frère est vraiment génial.

Il prononça sa phrase dans un ton rieur.

Un frère ?

- Vous pensez terminer vers quelle heure ?

Madoka reporta son attention sur l'horloge murale. Un soupir la traversa quand elle prit à nouveau conscience de la quantité de travail qui l'attendait.

- Autour de 18 h, sans doute.

- OK. Je viendrai vous aidez à tout ranger.

- Quoi ? Mais ce n'est pas nécessaire !

L'adolescent lui fit un clin d'œil.

- Pour me faire pardonner de vous avoir fait tomber. Je ne suis pas aussi cavalier d'ordinaire.

Il parle bien...

- À tout à l'heure.

Il la quitta sans que Madoka ne puisse protester davantage. Elle secoua la tête. Sans doute qu'il ne se souviendrait pas de sa promesse. Rencontrer une telle personne dans une académie de bladers était déjà miraculeux. Elle ne demanderait pas plus.

Quelle dommage qu'il soit chez les Wild Fang.

Croiser un garçon pareil dans leur maison lui aurait donné de véritables bouffées d'air frais – et rendu les autres plus supportables.

Avec un soupir, Madoka se mit au travail. Elle consulta les dossiers les uns après les autres, notant ceux qui lui semblaient être des candidats potables pour son conseil. Après un premier écrémage, elle réduisit la liste une deuxième puis une troisième fois. Elle avait presque atteint son but quand des coups frappèrent à la porte. Elle leva la tête. Ses yeux s'arrondirent.

- Tu es vraiment venu !

- Je l'avais dit, non ? répondit l'adolescent en souriant.

- Je-je n'ai pas encore fini.

- Prenez tout votre temps. J'ai fait ce que j'avais à faire aujourd'hui. Il ne me reste qu'à rentrer à la Maison.

Rassurée, Madoka reprit sa liste. Elle arriva à un résultat final qui lui convenait. L'adolescent la félicita. Il l'aida à ramener l'ensemble des dossiers dans les archives. Madoka le remercia. Ce ne fut qu'en fermant la porte qu'elle se rendit compte qu'elle ne lui avait pas demandé son nom.

Tant pis. Je le reverrai forcément.


Fin du chapitre 4