Disclaimer : MFB ne m'appartient pas.
Chapitre 6 : Un après-midi de détente
Des coups tambourinèrent à la porte, pleins d'enthousiasme. Tsubasa leva les yeux de son bureau à temps pour voir la poignée s'agiter frénétiquement. Il avait eu raison de fermer à clé. Il n'avait rien à cacher – il n'était pas assez stupide pour laisser des traces de ce qu'il voulait dissimuler à la vue de tous – mais il chérissait la notion d'intimité et elle impliquait de ne pas voir n'importe qui débarquer dans sa chambre à n'importe quel moment.
- Tsubasa ? T'es là ou pas ?
Sans surprise, il reconnut la voix de Yuu.
Tsubasa se demanda fugacement comment l'enfant réagirait s'il répondait ne pas être là. Partirait-il le chercher dans une autre pièce de la maison ou s'acharnerait-il, vexé par ce piètre subterfuge ?
Une nouvelle vague d'agression déferla sur la poignée. Tsubasa poussa un soupir.
- J'arrive.
Il se leva et franchit la distance qui le séparait de la porte en trois grandes enjambées. Il la déverrouilla et tira le battant vers lui. Yuu attendait sur le seuil, la tête levée pour pouvoir le regarder. Il lui adressa un grand sourire.
- Salut !
Comment quelque chose d'aussi petit pouvait causer autant de bruit et d'agitation ?
- Qu'est-ce tu veux ?
Les sourcils de Yuu se froncèrent et une moue boudeuse se peignit sur son visage.
- Ça fait des heures que je t'attends, moi. C'est pas drôle. En plus, c'est bientôt l'heure du déjeuner et je commence à avoir faim.
- Tu ne peux pas te servir seul ?
- Si, mais c'est nul de manger tout seul.
Tsubasa jeta un regard par-dessus son épaule. Il hésita un instant avant de capituler.
- Laisse-moi prendre mes affaires, j'arrive.
L'adolescent revint sur ses pas. Il prit le coffret de sa toupie, l'attacha sur son bras et accrocha son lanceur à sa ceinture. Il rassembla les feuilles éparpillées sur la table en une pile et les plaça sur un coin de bureau.
Yuu entra dans la pièce, en jetant des coups d'œil curieux autour de lui. Il siffla.
- C'est tristou, dis donc.
- Ce n'est qu'une chambre.
- Moi, j'ai mis plein de peluches partout. Ryuuto aussi a plein de babioles.
Autrement dit, il avait suffisamment collé – et ennuyé – Ryuuto pour avoir un aperçu de sa chambre. En moins d'une semaine.
Il faisait preuve d'un génie certain dans ce domaine.
- Pourquoi tu ne passes pas de temps avec Ryuuto dans ce cas ?
Yuu haussa les épaules.
- Il a disparu je ne sais où. Il n'était déjà plus dans la maison quand je me suis réveillé et personne sait où il est allé.
Chasser des trésors, sans doute. Il semblait que c'était son passe-temps favori : il s'enflammait dès qu'il l'évoquait. Même si Tsubasa ne voyait pas comment il pourrait s'y adonner sur la Bey-Island. Elle avait subi de nombreux travaux récemment, pour la construction des trois maisons et de l'école. S'il y avait quoi que ce soit à trouver, ça aurait été fait depuis longtemps – et les élèves en auraient entendu parler.
Tsubasa se dirigea vers la porte. Yuu le suivit. Une fois dans le couloir, il la verrouilla.
- T'as peur qu'on te chipe tes affaires ?
- Non. C'est pour éviter les fouineurs.
Ils se mirent à avancer.
- Tu faisais quoi de si important ? demanda Yuu, marchant à reculons quelques pas devant lui. Des devoirs ?
- La liste des membres du conseil.
- Vraiment ? s'exclama l'enfant avec des yeux arrondis. Tu as choisi qui ?
- Tu le sauras en même temps que les autres.
- Quoi ?! Mais c'est trop injuste !
Yuu se mit à agiter vivement les bras. Tsubasa fut impressionné de ne pas le voir perdre l'équilibre, se cogner ou assommer quelqu'un.
- Pourquoi tu me dis rien ? C'est trop nul. Je veux savoir !
- C'est une liste provisoire. Rien ne dit qu'elle sera acceptée. Même si c'est beaucoup plus simple maintenant que j'ai seulement à me préoccuper du Dragon Clan.
Le visage de Yuu s'illumina.
- Vraiment ?
- De quoi ?
- C'est plus facile d'avoir des conseils séparés que d'en avoir un seul pour les trois Maisons ?
- Bien plus.
Même si ça lui enlevait un accès direct aux données des Galaxy Heart et des Wild Fang, Tsubasa préférait cette nouvelle configuration. Chaque Maison avait des intérêts divergeants. Les associer à ce point entraînerait bien plus d'inconvénients que d'avantages. Il faudrait jongler avec les désirs et les fiertés de chacun. Concilier sans jamais progresser. Tsubasa n'avait pas d'énergie à perdre dans des combats futiles, et il aurait bien d'autres moyens de s'informer sur les membres des deux autres Maisons si cela s'avérait nécessaire.
Pour une obscure raison, Yuu sembla de meilleure humeur. Il lui tourna le dos et se mit à avancer d'une démarche sautillante, en balançant gaiement les bras.
Tsubasa ne pensait pas le comprendre un jour. Heureusement qu'il n'en avait ni le besoin ni l'utilité pour son travail.
Ils se rendirent dans les cuisines qui buzzaient d'activité. Certains adolescents s'étaient lancés dans la préparation d'un vrai repas, à partir de légumes et de poissons frais. Tsubasa marcha jusqu'à l'un des frigos dédiés aux produits surgelés. Il en sortit une pizza qu'il déballa avant de la glisser dans un four.
- Miam ! commenta Yuu.
Tsubasa lança la cuisson. Il prit deux assiettes et s'appuya contre le plan de travail.
- Je pensais que tu profiterais du week-end pour passer du temps avec tes amis, fit-il remarquer. Comme ce... Keru.
- Il avait un truc de prévu avec son club. Quelque chose de super important apparemment.
Tsubasa haussa un sourcil.
- Et tu n'as pas insisté pour y participer ?
- C'était juste pour les membres du club, répondit l'enfant avant d'afficher un grand sourire. Et Keru m'a promis de tout me raconter la prochaine fois qu'on se verrait.
Une telle patience le surprenait de la part de Yuu. Il parvint, de justesse, à ne pas faire la remarque à voix haute.
- Et pourquoi pas Ginga et Kenta ?
Le sourire de Yuu disparut. Il avait de nouveau une petite moue.
- On n'est pas dans la même Maison.
- Depuis quand ça te préoccupe ?
- Bah ! T'imagines si je vais les voir et qu'ils sont pas là ? Que ce sont d'autres plumes qui me voient et qui sont pas contents ? Qu'ils vont tout dire au principal ? Je veux pas qu'on me confisque Libra.
- Les plumes ? releva Tsubasa.
- Le surnom des Galaxy Heart. Tu ne savais pas ?
L'argenté secoua la tête.
- Les plumes, à cause des ailes de Pegasus, tu vois ?
Il comprenait le logique mais pas la raison derrière cette histoire de surnom. Évidemment, Yuu devait l'affectionner.
- Enfin, bref. Même si j'adore Kéké et Gingy – et Benben – je ne peux pas risquer Libra comme ça.
- Je comprends.
Yuu lui sourit.
- Pour le week-end prochain, vous devriez décider d'un endroit où vous réunir vendredi, lui conseilla Tsubasa. Comme ça, vous pourrez passer du temps ensemble sans désobéir au règlement.
La mâchoire de Yuu se décrocha. Des étoiles se mirent à danser dans ses yeux – et, Tsubasa en eut l'étrange impression, autour de lui.
- C'est vrai ! C'est une excellente idée Tsubasa !
Tsubasa ne voyait pas l'intérêt de s'enthousiasmer pour si peu ni de lui faire tant d'éloges. Ça lui semblait la logique même.
D'un autre côté, la plupart des bladers qu'il avait rencontré manquait de pratique pour tout ce qui ne concernait pas le Beyblade. Peut-être que son idée méritait des éloges finalement.
- Tu veux qu'on aille où après la pizza ?
Apparemment, il n'aurait pas le droit à un quartier libre.
- Je pensais rester dans la maison.
- C'est trop nul ! C'est déjà ce que nous avons fait ce matin. Il faut changer un peu, sinon on va s'ennuyer.
Yuu prit un instant de réflexion.
- En fait, j'ai déjà commencer à m'ennuyer. C'est pour ça que je suis venu te chercher.
En moins de cinq heures ? Yuu faisait fort.
- Tu n'avais rien à faire ?
- Eh bien... j'ai fait mes devoirs, cherché Ryuuto, exploré la maison, fait quelques combats... lista Yuu en comptant sur ses doigts.
- Et tu as réussi à t'ennuyer ? demanda Tsubasa, ne parvenant pas à cacher sa stupeur.
L'enfant haussa les épaules.
- C'est pas grand chose.
Finalement, Tsubasa regrettait cette séparation en Maisons. Avec Ginga et Kenta – et Keru, Kyouya et Benkei – Yuu n'aurait jamais trouvé le temps de s'ennuyer. Les uns et les autres auraient sans doute causé des dégâts, et provoqué des bagarres, mais Yuu ne se serait pas ennuyé – et ça, ça valait toutes les peines du monde.
- J'imagine que nous pourrons aller nous promener.
- Génial !
Un bip indiqua que la cuisson était terminée. Tsubasa se tourna et sortit la pizza du four.
- Peut-être que nous croiserons certains de tes amis.
Yuu s'illumina.
- Ce serait super !
XXX
Nile aurait pu avoir une journée tranquille, à s'entraîner en la seule compagnie d'Horuseus, mais le voilà qui devait rester dans la maison des Wild Fang pour choisir les membres qui constitueraient le conseil des élèves. Il ne connaissait pas assez bien ses camarades pour réaliser cette tâche facilement. Ça lui prendrait le week-end. Au moins.
Il savait que traîner avec Kyouya lui attirerait des ennuis, mais jamais il n'en aurait envisagé de ce genre-ci. Il pensait plutôt échouer dans une de ses tentatives pour contenir ses accès de colère et devoir réparer les dégâts qui suivraient. Pas une seule seconde il n'avait imaginé se retrouver coincé dans de l'administratif l'année entière.
Il l'avait grandement sous-estimé.
- Salut Nile !
Il leva la tête. Kakeru était apparu à ses côtés, un sourire tellement lumineux sur le visage que Nile regretta un instant de ne pas avoir de lunettes de soleil. Kyouya se tenait à quelques pas de lui, avec un air moins renfrogné que d'habitude, comme souvent lorsqu'il était en compagnie de son frère.
- Bonjour Kakeru, Kyouya.
- Tu fais quoi de beau ?
Parce qu'il avait l'air de s'amuser, apparemment.
- Je cherche qui intégrera le conseils des élèves des Wild Fang. Il faut trouver des personnes aux compétences adaptées et c'est un travail très chronophage.
Nile ne fit rien pour dissimuler l'irritation qui pointait dans sa voix alors qu'il toisait Kyouya. L'adolescent osa lever un sourcil interrogateur, comme s'il n'en comprenait pas la raison. Saleté.
- Tu vas présider le conseil des élèves ? demanda Kakeru, admiratif. C'est un grand honneur, mais...
Le jeune Tategami pencha la tête sur le côté avec un air confus.
- Je n'ai pas participé aux élections. Est-ce que je les ai manquées ?
Kyouya lui asséna une tape sur l'épaule.
- Il n'y a pas eu d'élection, fit-il remarquer avec une exaspération feinte. Comment tu peux ne pas être au courant alors que tout le monde en parle ?
Kakeru écarquilla les yeux de façon exagérée avant de tourner la tête vers son frère.
- Est-ce que tu es en train de dire... que tu écoutes les autres ? Depuis quand ? Et pourquoi je ne l'apprends qu'aujourd'hui ?
Cette fois, Kyouya fit mine de lui donner un coup de poing – bien trop faible pour causer le moindre dégât. Kakeru s'esquiva avec un sourire espiègle. Nile secoua la tête et reporta son attention sur son travail. Il ne comprenait rien aux interactions fraternelles et, tout ce que parvenaient à faire les Tategami, était de lui faire perdre son temps alors qu'il en avait déjà si peu.
Kakeru s'éclaircit la gorge. Nile leva la tête vers lui. Il faisait partie de ces gens qu'ignorer ne servait à rien, malheureusement.
Un autre point commun aux frères Tategami. Nile devrait peut-être commencer à les noter.
- Comment tu es devenu le président du conseil des élèves s'il n'y a pas eu de vote ?
- Ton frère m'a désigné.
- Vraiment ?
- Il est allé se plaindre au directeur parce que le Dragon Clan allait diriger le conseil, résuma Nile. Son idée était que chaque Maison possède son propre conseil pour plus d'égalité. Le directeur lui a demandé qui il choisirait comme président des Wild Fang et il a donné mon nom.
Kyouya s'était crispé. Le terme "se plaindre" avait eu l'effet magique de l'intéresser à leur conversation – et à la situation dont il était le seul coupable.
- Ce n'étaient pas des gamineries, se défendit-il. Les dragons auraient eu un trop grand avantage à diriger le conseil.
- C'est certain, acquiesça Kakeru en opinant lentement.
- Je vous crois, déclara Nile. Seulement, j'aurais aimé avoir le choix ou, au moins, être prévenu à l'avance, capitaine.
Kyouya haussa les épaules sans faire preuve du plus petit éclat de culpabilité.
- Tu devrais être flatté : je t'ai choisi parce que tu n'es pas trop nul.
Kakeru se tourna vers Nile avec un nouveau respect au fond des yeux.
- Autrement dit, Aniki pense que tu as les compétences nécessaires pour être président, traduit-il d'une voix impressionnée.
Kyouya se renfrogna. Il pinça les lèvres, hésitant à corriger son frère.
Nile profita de cette ouverture.
- Vraiment ? répondit-il avec un air amusé. Je ferai tout ce qui est mon pouvoir pour me montrer digne de cet honneur.
Un long grondement résonna dans la gorge de Kyouya. Parfois, Nile avait davantage l'impression de faire face à un animal sauvage qu'à un être humain.
Insensible à sa colère, Kakeru hocha solennellement la tête. Après avoir grandi avec un frère pareil, il ne devait pas craindre grand chose.
Il tourna la tête vers Kyouya.
- Par contre... tu aurais pu choisir n'importe qui comme président ? Pourquoi ne pas t'être proposé ? Père aurait apprécié. Président du conseil des élèves aurait été un excellent entraînement, sans compter que cela aurait ajouté de la valeur à ton parcours scolaire.
Père ? Voilà qui était... intéressant, comme dirait Kyouya. Avec cette simple phrase, Nile en avait plus appris sur la situation familiale de Kyouya que pendant tout le voyage qui les avait conduit à la Bey-Island.
Et ce qu'il venait de comprendre expliquait bien des choses sur le comportement et les réactions de Kyouya.
- Les leaders des Maisons ne peuvent pas être présidents du conseil.
- Tu aurais pu, le contredit Nile. Sans même avoir besoin d'insister. Il aurait suffi que tu le demandes pour que le directeur accepte.
Kyouya lui lança un regard noir. Nile n'en ressentit pas la plus petite étincelle de peur. S'il se laissait impressionner pour si peu, il ne serait pas blader.
Kakeru secoua la tête.
- Père serait tellement déçu...
- Pourquoi ? Tu comptes rapporter ?
- Bien sûr que non ! C'est juste un constat.
Aussi curieux était-il d'en apprendre davantage sur la situation de Kyouya, Nile avait beaucoup de travail et il devrait commencer dans les plus brefs délais s'il voulait réussir à réaliser quoi que ce soit de constructif dans les temps.
- Ce n'est pas que je m'ennuie mais si vous pouviez me laisser. J'ai des collègues à choisir.
- Tu veux de l'aide ?
Nile haussa un sourcil sceptique à Kakeru. Il était certain qu'ils n'avaient pas la même définition d'aider et que le jeune Tategami lui ferait perdre son temps.
- Je connais la plupart des Wild Fang. Si tu me dis ce dont tu as besoin, je pourrais te proposer des noms qui correspondent à tes recherches.
Alors là, Nile n'y avait pas du tout pensé. Il avait vu, de loin, Kakeru se familiariser avec les membres de leur Maison, apprendre à les connaître. Finalement, ça pourrait s'avérer utile.
En plus, si c'était Kakeru qui leur demandait de rejoindre le conseil, ils rechigneraient moins. Nile avait déjà vu son pouvoir en action.
- D'accord.
- Génial !
Kakeru s'assit à côté de lui.
- Par quoi commençons-nous ?
- J'aurais besoin d'aide pour gérer le budget et les finances.
- Aniki, répondit immédiatement Kakeru, sans prendre le moindre temps pour réfléchir.
Le concerné ouvrit des yeux surpris. Il se tourna brusquement vers eux.
- Quoi ?!
- Tu es le mieux placé pour ce poste, expliqua Kakeru. Tu es doué en mathématiques et Père t'explique souvent les différents aspects de la Corporation. Vous avez déjà dû évoquer le budget et la manière de tenir des comptes, non ?
- Si, mais...
- Le budget du conseil des élèves sera moins compliqué à gérer que celui de la TC. Un vrai jeu d'enfant pour toi.
- Le directeur ne veut pas des chefs de Maison dans le conseil des élèves, répondit Kyouya avec un soulagement évident après un temps de réflexion. Si Nile me met, ce sera forcément refusé et il se retrouvera à la case départ.
- Le directeur ne veut pas qu'une seule personne cumule le rang de chef de Maison et président du conseil. Il n'a rien dit à propos du fait de faire partie du conseil des élèves... ou alors j'ai mal compris ?
- Non, répondit Nile. Tu as parfaitement compris. C'est juste que je n'y aurais pas pensé.
Et qu'il serait passé à côté d'une vengeance si adaptée.
Kyouya réfléchit à toute vitesse, cherchant une échappatoire. Il n'y en avait aucune, à part se comporter en gamin capricieux – et il tenait à son image.
Si Nile croyait au karma, il le remercierait en cet instant. Kakeru semblait exister pour réparer les injustices provoquées par son frère.
Kyouya poussa un grognement agacé. Il tourna les talons et s'éloigna à grands pas.
- À tout à l'heure Aniki !
Kyouya ne répondit pas. Kakeru se tourna vers Nile sans s'en formaliser.
- Tu as besoin de quoi d'autre ?
- Ça ne t'inquiète pas ?
Kakeru adorait son frère et Kyouya semblait vraiment agacé cette fois. C'était la première fois que Nile le voyait aussi irrité à l'encontre de Kakeru.
L'adolescent agita la main.
- Il m'a promis qu'on passerait la journée ensemble. On se reverra.
- C'est donc ce que tu avais à faire aujourd'hui.
Nile avait vu la veille, à plusieurs reprises, Kakeru refuser des invitations à des activités ou des promenades pour aujourd'hui, en prétextant un projet important. Il était déjà très populaire, et beaucoup plus accessible que Kyouya. Il s'était excusé avec une telle politesse et une telle sincérité que personne ne lui en avait tenu rigueur.
Les yeux de Kakeru s'illuminèrent. Ses lèvres dessinèrent un lent sourire, qui ressemblait à un appel de défi. Sa ressemblance avec Kyouya était soudainement flagrante.
- Non, ce n'était pas ça.
- C'était quoi ? demanda Nile, bien qu'il n'était pas d'un naturel curieux.
Son attitude, si différente de d'habitude, l'intriguait.
- Un duel contre Ginga.
- Ton frère ne les a pas interdits ?
Le sourire de Kakeru redevint un de ceux que Nile avait l'habitude de voir. Malicieux, sans trace d'obscurité.
- Pour les autres oui, mais pas pour moi.
Nile aurait bien été tenté de le contredire mais, étant donné qu'il était en un seul morceau et pas traumatisé outre mesure, il avait sans doute raison.
- J'ai perdu, mais ce n'était pas si mal, murmura Kakeru. En plus, j'ai tout de même atteint l'un de mes objectifs et Ginga m'a dit qu'il serait ravi de m'affronter à nouveau.
Kakeru se redressa.
- Si tu veux, je te raconterai notre duel plus tard. Pour l'instant, nous devons nous occuper de ton travail, non ?
Nile acquiesça.
XXX
Kenta regardait le plateau vide avec ébahissement. Quelques instants plus tôt – secondes même, il en avait l'impression – une pile de hamburgers y était déposée. Le temps de cligner des yeux, elle avait disparu, dévorée par son ami, le seul et unique Ginga Hagane.
Depuis le temps qu'il le connaissait, Kenta devrait être habitué à sa voracité pour les hamburgers. Eh bien non. Ça le surprenait toujours autant.
Ginga leva les bras et s'étira longuement, une expression satisfaite sur le visage.
- Quelle bonne idée a eu l'Académie d'ouvrir un fast-food !
- Ce qui est impressionnant, c'est que tu l'aies trouvé, commenta Kenta avec un sourire perplexe.
Quand il le raconterait à Madoka, elle ne le croirait pas. Ou alors elle le croirait et elle en serait exaspérée. Les deux étaient possibles.
- Totalement par hasard, avoua Ginga.
Kenta le savait. Il était avec lui quand c'était arrivé. Ils avaient décidé de faire un détour par le réfectoire, en espérant qu'il serait ouvert, avant de reprendre leur chemin vers le nord. Le combat avec Kakeru les avait retardés dans leur expédition. Kenta ne le regrettait pas. Il n'avait jamais vu une toupie comme Chimera, et Kakeru avait réussi à tenir tête à Ginga. Il n'imaginait pas qu'il restait des bladers aussi puissants, qui n'avaient jamais fait parler d'eux pendant l'Ultime Bataille. Ça lui avait fait comprendre qu'il était encore loin d'avoir exploité les pleines possibilités de Sagittario. Sa détermination s'en était retrouvée affermie. Il s'améliorerait et deviendrait un blader dont Sagittario pouvait être fier.
Kenta secoua la tête. Il s'en préoccuperait plus tard. Pour l'instant, il devait profiter du moment qu'il passait avec Ginga.
- Par contre, je ne comprends pas pourquoi nous avons jamais entendu parler de ce fast-food. Comment ils auront des clients si personne ne sait qu'il est là ?
- C'est parce qu'on ouvre officiellement que le week-end prochain !
Kenta et Ginga tournèrent la tête. La gérante s'approchait d'eux, un sourire étirant ses lèvres, portant un plateau de hamburgers. Elle le déposa devant Ginga en lui adressant un clin d'œil.
- Deuxième fournée. J'espère que ça te plaira.
- Merci ! Si c'est aussi bon que la première, je vais me régaler !
La gérante se tourna vers Kenta. Elle eut une moue ennuyée.
- Tu n'as pas faim ?
- Si, si ! s'empressa de répondre Kenta. C'est juste que...
Il glissa un regard vers Ginga qui fixait ses hamburgers comme s'il n'avait rien avalé depuis des jours.
- Rien, soupira-t-il. Bon appétit !
- Bon appétit ! répondit Ginga.
Ils mangèrent et terminèrent leur repas en même temps, alors qu'ils n'avaient pas la même quantité.
- C'est bien ! Vous êtes en pleine croissance. Vous devez recharger vos batteries.
- Tout à fait d'accord, répondit Ginga avec un grand sourire. Le combat contre Kakeru et Chimera a pris toute mon énergie.
- Mais c'était un super duel !
- C'est bien vrai.
Kenta se tourna vers l'adulte.
- Mais... pourquoi vous êtes là si le fast-food est fermé ?
- Vous avez eu de la chance : je venais vérifier les machines.
- Merci de nous avoir offert ce repas, intervint Ginga.
- Merci à vous. Essayer de cuire la nourriture est le meilleur moyen de savoir si ces machines fonctionnent correctement, et je déteste le gaspillage.
Kenta et Ginga se levèrent. Après d'autres remerciements, ils prirent congé de leur hôtesse. Ils quittèrent le fast-food.
- On va où maintenant ? demanda Kenta.
- Si ça te tente toujours, on peut aller au nord, répondit Ginga en se tournant vers la direction concernée.
- On n'aura pas le temps de l'explorer beaucoup.
L'après-midi était déjà entamé. Le temps d'y aller, il ne leur resterait pas beaucoup de temps pour traîner s'ils voulaient rentrer à la maison avant la tombée de la nuit. Et Kenta le voulait.
- On pourrait juste y jeter un coup d'œil.
Kenta y réfléchit. Il regarda cette direction, puis l'autre, avant de reporter son attention sur Ginga.
- D'accord !
- Tu es sûr ?
Kenta opina.
- Je veux voir ce qu'il y a là-bas. C'est ce qu'on a prévu. Et puis... peut-être qu'on en aura pas l'occasion demain, si quelqu'un d'autre décide de te provoquer en duel.
- Pas faux.
Sans compter que le prochain adversaire ne serait peut-être pas aussi aimable ou poli que Kakeru.
Les deux bladers se dirigèrent vers le nord, revenant sur leurs pas. Pour mener son duel contre Ginga, Kakeru les avait conduits – c'était le cas de le dire – dans un stadium qui se situait entre l'école et leur destination. La faim les avait poussés à rebrousser chemin mais, grâce au fast-food et à sa gentille gérante, ils n'avaient pas eu besoin de repartir trop loin.
Ils marchèrent à une allure respectable. Kenta savait que Ginga pourrait avancer bien plus rapidement s'il le souhaitait, et qu'il finirait par le distancer. Il lui était reconnaissant de cette attention. Ginga ne serait bientôt plus obligé de ralentir pour lui, se promit-il, déterminé. Son endurance avait beaucoup progressé depuis qu'ils se connaissaient. Il était sûr de pouvoir faire tout le chemin entre la gare et Koma, sans finir essoufflé ou avec les jambes en compote. C'était une grande amélioration !
Ils passèrent à côté du stadium, déserté à présent, et continuèrent leur route. Kenta avait beau avoir l'impression de marcher d'un bon pas, il voyait le soleil décliner dans le ciel. Il voulait accélérer mais savait que c'était une mauvaise idée : comment retourner à la maison s'il s'épuisait ?
- Qu'est-ce que c'est que ça ? murmura Ginga.
Le rouquin s'arrêta. Kenta l'imita. Il leva la tête vers lui, aperçut ses sourcils froncés et tourna la tête dans la même direction que lui.
Tout d'abord, Kenta ne vit que des arbres. Puis, en regardant plus attentivement, il se rendit compte qu'il y avait des machines de chantier.
Ginga baissa la tête vers lui, souriant.
- Tu viens ? On va jeter un œil.
- Tu es sûr qu'on a le droit ?
- On aurait été prévenus, sinon. Comme avec les maisons des Wild Fang et des dragons.
Et voilà que Ginga recommençait... Les Wild Fang méritaient tout son respect, mais pas le Dragon Clan. Kenta faillit soupirer. Il était tellement évident, le pauvre.
Convaincu, Kenta suivit son ami qui se dirigeait déjà vers le couvert des arbres. Il avança tranquillement entre les végétaux, enjambant sans y penser racines et tiges rampantes. Kenta était loin de posséder la même aisance que lui mais il fut fier de constater qu'il ne trébucha pas une seule fois.
Ginga s'arrêta. Kenta se posta à côté de lui. Des machines à l'arrêt occupaient un espace dépourvu d'arbres. Derrière elles, il aperçut un sol artificiel, socle d'un bâtiment.
- C'est grand... souffla-t-il, impressionné.
- Ça fait à peu près la même taille que la maison des Galaxy Heart, confirma Ginga.
Kenta leva la tête. Il remarqua avec surprise que son ami scannait le chantier, emprunt d'un tout nouveau sérieux, les sourcils froncés.
- Il y a un problème ?
Kenta n'avait rien vu de particulier, mais peut-être qu'il avait manqué un détail.
- Non, finit par répondre Ginga. Je me demande juste ce qu'ils comptent construire.
- Une autre maison peut-être ?
Le rouquin ne parut pas convaincu.
- Pourquoi le cacher dans ce cas ?
- Ça peut être une surprise, comme le fast-food. Et ce n'est pas vraiment caché : on l'a trouvé facilement et il n'y a pas de gardes.
Ginga opina lentement. Toutefois, il ne quittait pas le chantier des yeux, comme s'il le jaugeait. Un doute assaillit Kenta. La méfiance de Ginga commença à déteindre sur lui et le mit mal à l'aise.
- Moi, je me demande comment ils ont amené les machines. Je n'ai pas vu de route.
Ginga plissa les yeux. Il leva la main et pointa un espace vert, entre deux engins de chantier.
- La route est là.
Kenta s'avança de quelques pas.
- Tu as une bonne vue. Ça va où ?
- Vers la mer.
Kenta ne sut quoi répondre. Finalement, ça ressemblait bien à un chantier secret. Pourquoi prendre la peine d'avoir un accès privé à la mer et de pas profiter de celui, bien établi, à la pointe nord de la Bey-Island ?
- Bon ! Il faut rentrer si on veut atteindre la maison pour le dîner.
Kenta se tourna vers Ginga avec surprise. Son ami lui sourit.
- Tu ne crois pas ?
- Si mais... et le chantier ?
- Ce n'est peut-être rien, fit Ginga en haussant les épaules. On pourra toujours venir jeter un œil de temps en temps pour en être sûrs.
- D'accord.
Ça semblait la meilleure solution. Après tout, il n'y avait même pas de bâtiment à fouiller, rien pour confirmer les soupçons de Ginga.
- Dans ce cas, partons.
Le duo tourna le dos au chantier et s'enfonça dans la forêt. Au bout de quelques pas, Kenta se rendit compte que Ginga marchait un peu en retrait. Ses yeux balayaient le sol. Kenta voulut lui demander ce qu'il faisait, hésita pour finir par renoncer.
Ginga se détendit quand ils quittèrent le couvert des arbres. Il le rattrapa et ils marchèrent de nouveau côté à côte. Ils se dirigèrent au sud, vers l'Académie. Ils contournèrent le bâtiment et virent que plusieurs groupes traînaient sur la place qui la bordaient. En attrapant des bribes de conversation, Kenta se rendit compte que chaque groupe était composé de membres de deux ou trois Maisons. Il en fit part à Ginga qui sourit, le malaise de l'après-midi oublié. Le rouquin espérait voir les élèves des différentes Maisons devenir amis et vivre une rivalité saine.
- KEKE ! GINGY !
Kenta n'eut pas le temps de se retourner qu'un boulet de canon le percuta – du moins, il le ressentit ainsi. Ginga eut le réflexe de le tenir. Des bras se refermèrent autour de son cou puis Yuu s'écarta pour le regarder.
- Bonjour Yuu.
L'enfant eut un grand sourire.
- On a eu de la chance de vous croiser, pas vrai Tsubasa ?
Kenta leva la tête. Le grand adolescent, membre des Dragon Clan, se tenait à quelques pas d'eux, les bras croisés.
- On aurait plutôt dit que tu avais un radar.
Yuu afficha une mine perplexe, ne sachant s'il devait considérer le commentaire comme une pique ou non. Abandonnant la réflexion, il se tourna vers Kenta et lui sourit.
- Je suis si content de vous voir !
- Moi aussi.
Kenta avait craint que Yuu ne se retrouve seul aujourd'hui mais, apparemment, il y avait bel et bien des personnes qui tenaient à lui dans le Dragon Clan.
- Les amis !
Ils se tournèrent en direction de la voix. Benkei trottait vers eux.
- Vous n'avez pas vu Kyouya ? Je le cherche depuis ce matin mais je l'ai vu nulle-part.
- Eh bien... commença Ginga.
- Il se fait tard, intervint Tsubasa. Je retourne chez les Dragon Clan. J'ai du travail à terminer.
Yuu tourna la tête vers lui, avec une bouille triste absolument adorable.
- Mais t'avais promis qu'on passerait l'après-midi ensemble !
- C'est ce que j'ai fait.
- Et je fais quoi moi ?
- Comme tu veux.
Tsubasa leur tourna le dos et commença à s'éloigner. Yuu hésita puis se lança à sa suite. Quand il le rattrapa, l'adolescent baissa la tête d'un air ennuyé.
- Tu ne voulais pas leur donner rendez-vous pour demain ?
Le visage de Yuu s'éclaira.
- Mais si !
Yuu se tourna vers eux, de nouveau tout sourire, tandis que Tsubasa avait l'air exaspéré, bien que disposé à attendre.
- Ça vous dirait qu'on se voie demain ?
- Évidemment ! lancèrent Kenta, Ginga et Benkei.
- Ici. À...
Yuu leva un regard interrogateur vers Tsubasa.
- Neuf heures sera le mieux, soupira l'adolescent.
- Neuf heures donc ?
- OK.
- À demain.
Les deux dragons s'éloignèrent.
- Pour en revenir à Kyouya, reprit Ginga, nous l'avons vu ce matin. Il a promis de passer la journée avec Kakeru.
- Ah, je comprends mieux.
Benkei s'éloigna à son tour.
- Ce serait bien que Kakeru vienne aussi ! lança Ginga à son intention.
Benkei se tourna vers eux avec un sourire.
- Ça lui fera plaisir.
Kenta et Ginga sourirent. Ils se dirigèrent vers le dortoir des Galaxy Heart, le cœur allégé par cette brève rencontre.
Fin du chapitre 6
