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Chapitre 9 : Des intrus inquiétants
- J'en ai marre de ce type !
Le cri de Ginga retentit dans tout le réfectoire. Kenta se ratatina sur sa chaise et jeta des coups d'œil inquiets tout autour de lui. C'était la pause déjeuner. La salle était remplie et, bien évidemment, la plupart des regards convergeaient vers eux. Kenta leur fit signe que tout allait bien avant de reporter son attention sur Ginga. Ses poings serrés tremblaient. La mâchoire crispée, il grognait presque. Kenta ne pouvait s'empêcher de le fixer. Il ne se souvenait pas l'avoir vu aussi irrité par quelque chose. C'était d'autant plus surprenant que c'était en rapport avec le Beyblade.
(Il l'avait déjà vu dans une rage pure, alimentée par la haine, mais ses raisons étaient totalement compréhensibles et Kenta ne voulait pas s'attarder sur ce souvenir désagréable.)
- C'était un cri du cœur, commenta Madoka d'un air désabusé.
- Ça fait plus d'une journée que ça dure. J'en ai marre moi ! Il ne m'a même pas laissé dormir... mais c'est quoi son problème ?!
Kenta cligna des yeux, perplexe.
- Comment ça il ne t'a pas laissé dormir ?
Ginga se tourna vers lui. Maintenant qu'il le disait, Kenta voyait sa fatigue, sous son agacement qui frisait la colère. Il avait les traits tirés et des poches sous les yeux.
- Il m'a défié plusieurs fois cette nuit. Je ne saurais pas dire combien parce que j'étais à moitié endormi... et il ne reste plus grand chose de ma chambre, maintenant, finit Ginga dans un soupir. Au pire, il fait bon en ce moment. Je pourrais toujours dormir dehors.
- C'est bizarre, je n'ai rien entendu de particulier, répondit Madoka, confuse.
- Tu plaisantes ? s'étrangla le rouquin. Il a fait un boucan d'enfer ! Ça a réveillé toute la Maison.
- Moi aussi, j'ai bien dormi, avoua Kenta avec un sourire d'excuse.
- Toi aussi ? répéta Ginga d'un air déçu.
- Finalement, ce n'est pas plus mal que nos chambres soient dans des ailes opposées.
- Merci pour votre solidarité.
- Ça explique pourquoi tant de Galaxy Heart avaient l'air fatigué ce matin. Certains ont essayé de rattraper leur retard de sommeil en cours...
Ginga plaqua ses mains sur la table et se leva.
- Parlons-en des cours. Masamune n'a pas arrêté de m'y défier !
- Ça, je l'ai vu, commenta Madoka en hochant la tête.
- Ça a dû embêter tout le monde.
Kenta ne pouvait s'empêcher de penser aux personnes qui aimaient les cours et à celles qui avaient du mal à suivre. Toutes ces interruptions avaient dû être terribles pour eux.
- Ce n'est pas ça le problème !
- Ah bon ?
- Le problème, c'est que j'ai reçu des avertissements et que j'ai été collé alors que ce n'était pas de ma faute. Je n'ai fait que me défendre ! C'est injuste.
- Peut-être que c'est arrivé parce que c'est toi qui as fait le plus de dégâts, lui fit remarquer Madoka.
- C'était de la légitime défense ! Je...
Les épaules de Ginga se tendirent. Il leva la tête et, après un instant, se redressa. Il avait une posture plus relaxée, avec les épaules relâchées et les doigts dépliés. Ses yeux avaient perdu leur colère. Ils étaient calmes, presque captivés.
Kenta suivit son regard et – bingo ! – il s'agissait bien de Kyouya, qui regardait son rival avec intensité, mais sans agressivité.
- Je reviens.
Malgré ses paroles, Ginga ne leur adressait déjà plus la moindre attention. Il contourna leur table et rejoignit son rival. Il se posta à quelques pas de lui et le regardait encore de cette façon.
Kenta balaya le réfectoire du regard. Les deux rivaux étaient au centre de l'attention générale, comme toujours. Certains montraient de la curiosité, d'autres de l'impatience, comme s'ils s'attendaient à les voir combattre, ici et maintenant, prouvant ainsi qu'ils ne connaissaient pas Kyouya. Une poignée seulement les toisait avec perplexité, comme s'ils avaient l'impression qu'un détail clochait sans arriver à mettre le doigt dessus. Une petite minorité les regardait avec un amusement connaisseur.
En même temps, ce n'était pas comme s'ils essayaient de cacher quoi que ce soit.
Kenta soupira intérieurement. Comme il l'avait craint, l'ensemble des élèves risquait de prendre conscience de leurs sentiments avant les concernés.
Il va vraiment falloir que je donne un coup de main à Ginga.
Il aurait préféré le soutenir au Beyblade, mais bon, les amis servaient à ça. Ils ne choisissaient pas les combats qu'ils menaient et c'était important pour Ginga.
- Kyou...
- GINGAAA !
Kenta sursauta et tourna la tête. Masamune courait dans le réfectoire, droit vers le rouquin, se moquant des personnes se trouvant sur son chemin.
Pas maintenant Masamune ! s'écria Kenta intérieurement.
Kyouya tourna à peine la tête, glissant un regard froid vers celui qui osait s'interposer entre son rival et lui. Kenta grimaça. Ça allait faire mal... Avec de la chance, ça calmerait peut-être les ardeurs de Masamune et permettrait à Ginga de se reposer.
Mais le coup ne vint pas d'où il croyait.
- Pas maintenant Masamune.
Ginga n'avait pas crié mais sa voix avait eu le tranchant et l'inflexibilité de l'acier. Elle stoppa Masamune dans son élan. L'adolescent ne put que s'immobiliser et poser des yeux exorbités sur le rouquin. Il tenta de bredouiller quelque chose mais le regard de Ginga se durcit. Il déglutit et se tut. Ginga ferma les yeux, souffla. Il les rouvrit et tourna son visage vers son rival, affichant un sourire très doux.
- Kyouya, le salua-t-il d'une voix affectueuse.
L'interpellé sourit en retour. Il ne semblait pas dérangé outre mesure par les changements de comportement de Ginga. Il n'était même pas surpris. On ne pouvait pas dire la même chose de toutes les personnes présentes. Certaines fixaient Ginga bouches bées ou avec des yeux écarquillés – voire les deux. Trois élèves, assis à proximité des rivaux, prirent leurs plateaux et quittèrent leur table discrètement, craignant d'être les prochains pris à parti. Il n'y avait aucun risque, vraiment, tant qu'ils ne se mettaient pas entre eux. Sauf qu'ils ne pouvaient pas le savoir.
Kenta leva le bras.
- Hé Masamune ! Viens t'asseoir avec nous.
L'interpellé sortit de sa transe. Il tourna la tête vers Kenta par à-coups. L'enfant lui sourit et agita la main. Masamune se dirigea vers leur table, prenant bien soin d'éviter les rivaux. Il prit place à côté de lui. Kenta le regarda. Même s'ils étaient au milieu du réfectoire, la scène qui se jouait entre Ginga et Kyouya semblait d'ordre personnel.
- Mais c'est quoi son problème ? murmura Masamune d'une toute petite voix.
- C'est drôle ça ! Ginga se demandait la même chose à ton sujet, rit Kenta.
Masamune tourna vivement la tête vers lui, clairement vexé.
- Comment ça ?!
- Laisse tomber, soupira Madoka. Pour en revenir à Ginga, Kyouya et lui ont un lourd passif. Il ne faut pas s'en mêler.
Masamune jeta un regard par-dessus son épaule, dévisageant le duo d'un air peu convaincu.
- C'est ce type, Kyouya ?
- Ce type, comme tu dis, est le rival de Ginga, lui expliqua Madoka d'un ton solennel.
Kenta opina. Il comprenait la gravité de Madoka. Même s'il rêvait de surpasser Ginga un jour, qu'il aimait le combattre, il ne serait jamais son rival. Du moins, pas comme l'était Kyouya. Et Masamune non plus. Ce n'était pas seulement à cause de leurs sentiments – même si ça jouait beaucoup – mais de cette façon si particulière et attentive qu'ils avaient de se considérer en tant que bladers.
- C'est pas Ryuuga le rival de Ginga ? Ce type qui a perdu la finale de l'Ultime Bataille ?
Kenta se crispa, ne comprenant pas comment il était possible de parler si dédaigneusement de l'Empereur Dragon. Il secoua la tête.
Masamune a seulement vu la finale de l'Ultime Bataille à la télé. Il ne peut pas se rendre compte de tout ce qu'on a traversé, de tout ce que nous avons vécu. Pour lui, ce n'était rien de plus qu'un combat.
Même s'il en avait conscience, rationnellement, Kenta avait du mal à assimiler que, pour la plupart des gens, l'Ultime Bataille était simplement un tournoi de grande envergure, que Ryuuga n'était rien de plus qu'un finaliste et que la seule réussite de Ginga était d'avoir remporté le tournoi.
Ils n'ont rien vu, en fait...
- Ryuuga est l'ennemi de Ginga. Ça n'a rien à voir.
- Moi aussi, je suis le rival de Ginga ! déclara Masamune avant de sourire avec arrogance. Enfin, pas pour longtemps, vu que je vais bientôt le battre et devenir numéro un !
- Il rêve là, souffla Kenta à Madoka.
La jeune fille hocha la tête, toisant l'autre adolescent avec circonspection.
- Vous avez dit quoi ?
- Rien du tout ! s'exclamèrent-ils en chœur, affichant leur air le plus innocent.
- Mouais.
- Enfin, tu ne peux pas décider comme ça d'être le rival de Ginga, enchaîna Kenta. Kyouya est son rival, tu vois ? Toi tu es...
Juste un enquiquineur.
Sauf qu'il ne pouvait pas dire ça. Masamune venait juste de se calmer et il n'avait aucune envie de déclencher une nouvelle vague de cris.
- Je suis... ?
- Tu viens d'arriver ! enchaîna Madoka, se lançant à la rescousse de Kenta. Comme je l'ai dit, Ginga et Kyouya ont une longue histoire derrière eux.
- Exactement ! Tu ne peux pas être le rival de Ginga alors que tu viens à peine de le rencontrer.
- Mais si je l'avais rencontré avant, on serait rivaux pas vrai ? Alors ça revient au même.
- Tu n'as rien compris... soupirèrent Kenta et Madoka.
Une chaise fut tirée. Kenta leva la tête. Ginga s'assit devant lui et lui sourit. Il semblait d'excellente humeur. Comme à chaque fois qu'il passait du temps avec Kyouya.
- Qu'est-ce que j'ai manqué ?
- Ce serait plutôt à nous de demander ça, répliqua Madoka avec un sourire complice.
- Eh bien...
Ginga se passa une main à l'arrière du crâne.
- Kyouya me disait de faire de mon mieux et de ne perdre aucun combat. Il compte rester le premier blader des Wild Fang et il attend que je fasse de même avec les Galaxy Heart. Nous nous retrouverons au tournoi inter-Maisons.
- De vrais encouragements ! commenta Kenta.
Le sourire de Ginga s'accentua.
- C'est n'importe quoi ! s'écria Masamune.
Ginga le regarda, surpris. Il donnait l'impression d'avoir oublié sa présence.
- De quoi ?
Masamune se leva et s'indiqua du pouce.
- Je suis le blader numéro un mondial ! C'est moi qui vais représenter les Galaxy Heart. La seule raison pour laquelle tu es leur chef, c'est parce que j'étais pas inscrit à l'Académie à ce moment-là. Et la seule raison pour laquelle tu as gagné l'Ultime Bataille, c'est parce que vous m'avez pas attendu pour l'organiser.
- J'en suis pas si sûre, marmonna Madoka.
- En plus, c'est pas comme si nous avions organisé l'Ultime Bataille nous-même, ajouta Kenta. Ou que nous savions que Masamune existait.
Ginga cligna plusieurs fois des yeux. Il ne semblait pas en croire ses oreilles.
- On ne peut pas devenir le blader numéro un en battant seulement un adversaire, finit-il par dire. Il faut combattre de nombreux bladers, tous plus puissants les uns que les autres, et...
- Arrête de te vanter ! Je te dis que t'as gagné l'Ultime Bataille uniquement parce que j'étais pas là ! C'est moi le vrai numéro un !
- Pourquoi il n'a pas déjà gagné contre Ginga dans ce cas ? remarqua Madoka, acerbe.
Kenta rit avec gêne. Elle n'avait pas tort.
- Je me vante pas ! J'essaie de t'expliquer un truc !
- Ouais, ben, garde tes explications pour toi. Je suis le numéro un. J'ai pas besoin des conseils d'un usurpateur dans ton genre.
Les épaules de Ginga s'affaissèrent. Sa mâchoire se décrocha.
- Un... usurpateur ?
- Bah ouais, vu que c'est moi le numéro un.
Ginga serra les dents et le fixa avec colère. Kenta se ratatina sur sa chaise. Il ne voudrait pas être à la place de Masamune.
En même temps, vu qu'il ne passait pas son temps à provoquer les autres, sans raison, il ne risquait rien, normalement.
- Je suis le meilleur blader des Galaxy Heart et je vais le rester, déclara froidement Ginga. Je vais te battre à ce tournoi, comme à chaque fois, et j'irai affronter Kyouya au tournoi inter-Maisons.
- Ouh la, il a vraiment mis Ginga en colère, murmura Kenta.
Madoka opina.
- C'est vrai que ce n'est pas son genre de dire des choses pareilles. Il est respectueux, comme adversaire.
- Et il ne dit jamais qu'il va gagner avant le combat, quel que soit le niveau du blader qui lui fait face.
- Tu rêves là ! Je suis le numéro un et je vais le prouver en t'éjectant dès le premier tour. C'est moi qui irai au tournoi inter-Maisons et qui affronterai ce Kyouya.
Kenta en lâcha sa fourchette. Ses yeux s'exorbitèrent et se rivèrent sur Masamune. Il ne venait quand même pas de dire... ?
- Qu'est-ce que tu as dit ? grogna Ginga.
L'enfant blêmit.
Masamune est mort.
- Kyouya est mon rival. C'est moi qu'il veut combattre. Tu n'as rien à voir là-dedans alors ne t'en mêle pas.
- Je vais m'entraîner à fond jusqu'au tournoi, tu verras, et je prouverai que je suis le numéro un.
- C'est ça. Laisse-moi tranquille.
- Tu ne me crois pas, c'est ça ?!
Ginga ouvrit les yeux et les leva vers lui, le visage toujours marqué par la colère.
- Je ne perdrai pas. Kyouya compte sur moi. Je ne le décevrai pas. Peu importe qui je dois combattre et jusqu'où Pegasus et moi devons aller.
- Raah ! Tu racontes n'importe quoi !
Masamune tendit la main et prit un des hamburgers de Ginga. Le visage du rouquin se décomposa tandis qu'il suivait ses mouvements des yeux, effaré, comme s'il n'y croyait pas. Il se leva brusquement.
- Hé ! Mais c'est mon hamburger !
- T'en as plein d'autres. Chipote pas.
- Je ne chipote pas ! C'est un compte précis pour tenir toute la journée.
Ginga attrapa le hamburger à deux mains et le tira vers lui.
- Rends-le moi.
Masamune tira à son tour.
- Hors de question.
Ginga reprit l'avantage.
- Vas acheter tes propres hamburgers.
Masamune.
- T'en as des tas. Un de plus ou de moins, ça change rien.
- Puisque je te dis que ça change tout !
Ils tirèrent et le pauvre hamburger se déchira. Ginga se retrouva avec une moitié de pain et un quart de steak dans les mains.
- Regarde ce que tu as fait, s'attrista-t-il.
Masamune engloutit ce qu'il avait de hamburger sous le regard choqué de Ginga.
- T'es un monstre !
- Cette année va être longue, très longue... soupira Madoka.
Kenta ne pouvait qu'être d'accord.
XXX
- Qu'est-ce qui ne va pas Yuu ?
L'enfant leva une moue boudeuse vers Tsubasa, qui n'en comprenait pas la raison. Il devrait être fou de joie à l'approche des tournois. D'ailleurs, ce matin-même, il tenait à peine en place tant il était excité par la perspective des combats et, surtout, d'affronter ses amis.
- Il y a un nouveau hyyyyyper casse-pieds chez les plumes. Il est pas drôle du tout.
- Tu ne peux pas t'entendre avec tout le monde. Il y aura toujours des personnes avec qui tu n'auras pas d'atomes crochus.
- Ouais, ouais, je sais. Mais c'est pas pareil. Lui là, ce Masamune, il arrête pas de coller Kéké et Gingy. C'est trop nul !
- Je vois... donc tu ne peux pas l'éviter.
- Tu ne vois pas du tout ! Il passe son temps à embêter Gingy et Gingy ne fait attention à rien d'autres qu'à ses provocations. Et Kéké et Madoka ne font attention qu'à leurs disputes. C'est trop nul ! C'est comme si j'étais devenu invisible.
Oh. C'était donc ça le problème.
La plupart des gens n'aimaient pas être ignorée et Yuu appartenait à cette catégorie. Ce n'était pas par orgueil ni par fierté. Il voulait simplement que les personnes qu'il aimait lui accordent autant d'attention qu'il leur en donnait.
- En plus, il m'a dit une fois qu'il n'a rien à faire d'un blader de seconde zone comme moi. Moi ? Un blader de seconde zone ? Non mais pour qui il se prend ?
Yuu se mit à agiter les bras.
- Il ne sait rien de ce dont Libra et moi sommes capables ! Nous allons lui montrer.
Il continua à s'époumoner pendant de longues minutes. Tsubasa le laissa faire, hochant la tête de temps à autre, songeant que relâcher la pression maintenant était préférable. Quand il considéra que Yuu s'était suffisamment défoulé, il reprit la conversation d'un ton calme.
- Et si tu passais la journée avec Kakeru plutôt ? Tu pourrais t'amuser comme tu veux et ce... Masamune ne t'embêtera pas.
Les yeux de Yuu s'écarquillèrent puis un immense sourire éclaira son visage.
- T'as raison ! C'est une excellente idée. Je vais demander à Ryuuto de venir : il aime bien Keru.
Vu comment il rougit et bégaie à chaque fois qu'il le voit, je suppose qu'il l'aime bien, oui.
- Tu veux venir avec nous Tsubasa ?
- Non merci. J'ai du travail aujourd'hui.
- À cause du conseil ?
- Entre autres.
Il comptait réunir une première fois le conseil des Dragon Clan avant la réunion entre les trois présidents du lendemain, pour leur détailler leur travail et les voir de ses yeux. C'était un chose d'avoir lu leurs dossiers, c'en était une autre d'interagir avec eux, même si Tsubasa était certain d'avoir fait le bon choix. Il avait pris son temps pour sélectionner les personnes les plus compétentes et adaptées. Il espérait que les deux autres présidents du conseil avaient fait de même. La situation serait plus agréable s'il n'était entouré que de collègues sérieux.
Madoka y veillerait. Il le savait. Il était content de travailler auprès d'elle. Sérieuse et réfléchie, elle était exactement le genre de collègue dont il espérait s'entourer. Par contre, il ne savait rien de Nile, hormis que sa toupie était Vulcan Horuseus.
Il espérait qu'il n'était pas de la même trempe que Ginga et Kyouya. Si Tsubasa les respectait et reconnaissait leur talent de bladers, il ne voulait pas les avoir à ses côtés pour ce genre de travail. Surtout pas.
Je verrai demain.
Si Nile était du même genre que ces deux bladers, ça se verrait – et s'entendrait – immédiatement.
Mais son travail administratif n'était pas le seul que Tsubasa avait à effectuer cet après-midi.
Yuu afficha un air tout déçu. Tsubasa posa sa main sur ses cheveux sans réfléchir.
- Nous nous verrons ce soir, au dîner. Profite de ton temps libre pour t'amuser avec tes amis des autres Maisons.
L'enfant sourit.
- Tu as raison. À plus Tsubasa !
Il s'éloigna de lui en trottinant. Tsubasa attendit qu'il disparaisse de sa vue. Avec Yuu, on ne savait jamais. Il pouvait subitement faire demi-tour pour lui dire quelque chose qu'il avait oublié ou tout simplement parce qu'il avait changé d'avis.
Quand il fut certain que Yuu n'en ferait rien, il se mit en marche. C'était à lui de jouer, à présent. En tant qu'envoyé spécial de l'AMBB, il avait une mission à accomplir.
Tsubasa sortit de la maison des Dragon Clan et traversa leur propriété, prenant soin de ne croiser personne, marchant vers le nord-ouest. Sa vigilance monta d'un cran lorsqu'il franchit la frontière qui les séparait des Galaxy Heart. À partir de maintenant, la discrétion était impérative.
Il continua jusqu'à la maison des Galaxy Heart. Elle était pratiquement déserte à cette heure : les cours venaient de terminer. De nombreux élèves étaient à leurs activités de clubs, d'autres profitaient de ce temps libre pour flemmarder entre amis ou s'entraîner au Beyblade. Tsubasa avait choisi le moment parfait pour la fouiller. Il n'avait qu'une seule pièce à vérifier. Il devrait terminer au plus vite pour faire de même chez les Wild Fang.
Il entra dans le bâtiment. Il se dirigea vers la cage d'escaliers, monta jusqu'au deuxième étage et avança silencieusement dans le couloir, cherchant une chambre précise – la 241 – s'arrêtant au moindre bruit suspect pour tendre l'oreille. Des pas lui parvinrent. Il se glissa dans une chambre et attendit qu'ils s'éloignent pour reprendre ses recherches.
Il s'arrêta, surpris, en voyant des gravats au milieu du couloir. De la poussière de plâtre maculait les sols et les murs – le nuage qui s'était élevé avait même léché le plafond, y imprimant une traînée blanchâtre. Le mur de gauche était déchiqueté, celui de droite portait plusieurs impacts de toupies – des marques reconnaissables même pour un œil non exercé.
Les Galaxy Heart avaient fait un combat Beyblade au beau milieu de la maison, sans contrôler leur force.
Tsubasa ne pouvait qu'imaginer l'état de la maison des Wild Fang.
Chaque chose en son temps.
Il s'obligea à écarter cet incident de ses pensées. Il avait une mission à accomplir. Il ne pouvait pas se laisser distraire – ce qui était indigne de lui, soit dit en passant.
Tsubasa reprit sa route. Il atteignit la chambre 241 sans rencontrer d'autres imprévus. Il actionna la poignée. La porte refusa de s'ouvrir. Tsubasa ne se laissa pas déboussoler. Il extirpa un kit de sa poche, en sortit des outils et les utilisa pour déverrouiller la serrure. Un clic lui indiqua qu'il avait réussi. Il rangea son matériel puis entra dans la pièce. Il la balaya du regard. Il ne vit rien de personnel. Yuu aurait été encore plus déçu de cette salle que de sa chambre.
Tsubasa ouvrit chaque tiroir, placard, sac et les fouilla méthodiquement. Il ne trouva rien. Il n'y avait que des vêtements et du matériel scolaire.
Il inspecta une nouvelle fois la chambre, à la recherche d'une cache. Toujours rien.
Il sortit, quelque peu déçu par son manque de succès. Il prit bien soin de verrouiller la porte derrière lui – le contraire eut été une erreur de débutant.
Tsubasa quitta la maison des Galaxy Heart d'un pas tranquille. Il ne se permit d'accélérer qu'une fois qu'il fut à l'abri des regards, sous le couvert des arbres. Le bâtiment hébergeant les Wild Fang se trouvait littéralement de l'autre côté de l'île, à l'est. Il devait se dépêcher s'il espérait achever cette mission aujourd'hui.
Il dut faire plusieurs détours à cause de groupes de bladers qui discutaient ou tentaient de s'entraîner. Tenter était bien le mot. Le fait qu'ils ne s'étaient jamais exercé hors d'un stadium était terriblement visible. Ils avaient intérêt à faire des efforts et à s'améliorer au plus vite : toutes les épreuves de l'Académie ne prendraient pas la forme d'un tournoi conventionnel...
Après un quart d'heure de course, Tsubasa finit par atteindre la maison des Wild Fang. Un rapide examen lui permit de se rendre compte qu'elle était plus peuplée que celle des Galaxy Heart, mais suffisamment peu, toutefois, pour qu'il puisse facilement passer inaperçu.
Il se faufila dans le bâtiment et se dirigea d'un pas leste vers les escaliers. Il grimpa les marches jusqu'au deuxième étage, ne pouvant s'empêcher de noter à quel point les lieux étaient impeccables.
Il se mit en quête de la chambre 216. Celle-ci n'était pas verrouillée. La déception de Tsubasa s'accentua. Ça s'annonçait mal pour son travail : quand on avait quelque chose à cacher, on commençait par fermer les portes.
Il entreprit de fouiller la pièce malgré tout. Elle n'était pas plus personnelle que l'autre. Un seul objet semblait avoir de la valeur – sentimentale, en tout cas. Il s'agissait d'une photo, où le locataire des lieux était en compagnie d'un autre adolescent. Tous deux souriaient sincèrement. Tsubasa remarqua qu'un tiers de la photo avait été déchiré.
Une troisième personne ?
Si c'était le cas, l'occupant des lieux lui en voulait.
Tsubasa se désintéressa de la photographie. Ça n'avait rien à voir avec ses recherches. Il les reprit et en ressortit bredouille, une fois de plus. Il ne put s'empêcher d'en ressentir un sentiment de frustration. Il se débrouillait bien pour son travail. Il subissait rarement d'échecs aussi retentissants.
Il ne lui restait plus qu'à surveiller les trois pensionnaires en question et à espérer qu'ils feraient un faux pas.
Tsubasa sortit de la maison des Wild Fang. Il ne se détendit que lorsqu'il fut hors de leur propriété. Il se permit même de laisser vagabonder ses pensées.
L'AMBB lui avait demandé d'enquêter sur trois personnes provenant de la même institution d'entraînement de bladers. Celle-ci était sur les radars de l'Association, même si aucune preuve ne permettait d'affirmer qu'elle s'affranchissait des règles. Les trois adolescents se trouvaient dans une Maison différente, ce que Tsubasa ne pouvait voir comme un hasard, même si le but qu'ils poursuivaient restait obscur. Était-ce pour éviter une concurrence directe entre eux ou cela avait des motivations plus sinistres ?
Il ne me reste qu'à attendre.
Enquêter sur celui qui avait infiltré les Dragon Clan avait été le plus facile : il lui avait suffi d'attendre qu'il quitte la maison pour vérifier sa chambre. Si elle était plus personnelle que les deux qu'il venait de fouiller, il n'y avait trouvé aucun indice non plus.
Un cri perçant dans le ciel lui fit relever la tête. Un aigle – celui qu'il avait élevé – planait gracieusement dans le ciel. Tsubasa sourit.
- Tout va bien pour moi puisque tu es là, mon ami.
XXX
Kakeru fit basculer sa moto, exécutant une acrobatie aérienne, et rétablit un équilibre parfait avant que sa roue arrière ne rencontre la surface du stadium. Il laissa la gravité attirer la roue avant au sol. Son sourire s'accentua. Il roula dans le stadium, se dirigeant vers le centre. Une silhouette familière – deux, plutôt – passèrent en périphérie de son champ de vision. Il accéléra, se propulsa hors du stadium et atterrit dans un tonnerre d'applaudissements. Kakeru adressa un signe de la main à ses amis avant de descendre de sa moto. Il se dirigea vers les silhouettes, menant sa moto avec lui, baissant la scène aux skatters et aux cyclistes.
Qui avait dit que les stadium servaient uniquement au Beyblade ?
- C'était incroyable Keru ! s'exclama Yuu, les yeux brillants. T'es hyper doué !
- Merci.
Ryuuto, posté à côté de l'enfant, opina lentement.
Kakeru s'arrêta à quelques pas d'eux. Il leur sourit.
- Vous êtes venus me voir ?
- Évidemment.
- C'est gentil.
Il tourna ses yeux vers Ryuuto, qui semblait plutôt tendu le pauvre. Ça ne devait pas être simple d'être leader de Maison.
Évidemment, Kyouya, lui, ne stressait pas du tout. Mais personne ne pouvait tenir la comparaison.
Mon frère est trop cool !
- C'est la première fois que tu viens, non ?
- Oui.
- Tu sais ce qu'on fait dans notre club ?
- Eh bien...
- Laisse-moi lui expliquer ! intervint Yuu, ses immenses yeux verts débordants d'enthousiasme.
- Si tu veux.
Yuu se posta entre eux et le stadium. Une main sur la hanche, il s'éclaircit la gorge, comme pour se lancer dans un discours important. Kakeru eut un sourire attendri. Il avait su, grâce à toutes les fois où son frère avait parlé de lui, qu'il deviendrait ami avec Yuu. Seulement, il ne s'était pas attendu à ce qu'il soit aussi... attachant. Pas étonnant que Kyouya soit incapable de le détester, même s'il l'agaçait au plus haut point de fois.
- C'est un club de sports extrêmes. Ils font tout un tas de trucs comme le skate, le vélo et même du Beyblade ! Parce que c'est aussi un sport extrême. Je le savais pas : c'est Keru qui me l'a dit.
- Je ne le savais pas non plus, lui assura Ryuuto.
Le sourire de Yuu s'accentua.
- Keru, lui, il fait de la moto acrobatique, et il est super doué ! Enfin, tu viens de le voir.
Kakeru s'approcha de Yuu et lui ébouriffa affectueusement les cheveux. L'enfant rit.
- C'est drôlement gentil ça.
- C'est vrai !
- Je suis d'accord, déclara Ryuuto. Pour ce que ça vaut, je te trouve... impressionnant.
Kakeru releva la tête. Les yeux dorés s'arrondirent puis se détournèrent. Une légère rougeur était apparue sur ses joues.
- Merci.
- C'est sincère, murmura Ryuuto.
Yuu leva la tête vers Kakeru.
- Et Yoyo ? Il fait de la moto lui aussi ?
- Pas de moto acrobatique, non. Par contre, il connaît les bases et sait en conduire une.
Les yeux verts s'arrondirent.
- Vraiment ?
- Quand j'ai commencé à apprendre la moto, il m'a accompagné et est resté avec moi tout le temps.
- C'est trop mignon !
Kakeru sourit. Son frère savait se montrer attentionné – envers lui, en tout cas.
- Vous vous entendez bien, commenta Ryuuto avec un sourire.
- C'est normal : nous sommes frères. Ce n'est pas pareil pour toi ?
Ryuuto le regarda avec confusion, comme s'il ne comprenait pas de quoi il parlait. Une soudaine compréhension illumina son regard.
- Oh, tu veux parler de Ryuuga.
- Pourquoi ? Tu as d'autres frères ?
L'adolescent secoua la tête.
- Nous n'avons pas... ce genre de relation, tu vois ? Je me suis entraîné quelques fois au Beyblade avec lui et...
Ryuuto se mordit la lèvre, secoua de nouveau la tête.
- C'est différent.
Kakeru ne fut pas surpris de l'entendre. Un type qui avait fait du mal à son frère ne pouvait pas être un bon frère. Même si Kyouya ne semblait pas lui en vouloir autant qu'il le mériterait. La seule chose qui le dérangeait à propos des finales de l'Ultime Bataille était sa défaite, qui l'avait empêchée de rejoindre Ginga en finale.
- Mais c'est pas grave, tu sais, ajouta Ryuuto devant son visage dépité. Ça me convient totalement ainsi. En plus...
Ryuuto se tut. Un air coupable apparut brièvement sur ses traits. Kakeru faillit lui demander ce qui n'allait pas mais il se retint. L'autre adolescent n'hésiterait pas autant s'il avait envie d'en parler. S'il ne voulait pas parler de son frère, il suffisait de changer de sujet – de toute façon, ce n'était pas comme si Kakeru affectionnait de parler de Ryuuga.
- Vous êtes prêts pour les tournois ?
Une lueur de reconnaissance éclaira les yeux dorés.
- C'est vrai que ça commence après-demain.
- Enfin ! s'exclama Yuu. J'en pouvais plus d'attendre. Même si j'ai plein de combats grâce au plan qu'on a monté avec Ryuuto.
- Un plan ? s'étonna Kakeru, en baissant la tête vers Yuu.
L'enfant opina.
- Oui. Comme Ryuuto voulait pas qu'on l'embête trop pour pouvoir chasser des trésors, on a dit aux autres dragons que s'ils voulaient l'affronter, il faudrait d'abord me vaincre.
Yuu rit.
- Aucun d'entre eux n'a réussi. Libra et moi sommes trop forts !
Il rit de plus belle. Kakeru sourit. Yuu était vraiment super.
- Ça me donne vraiment envie de t'affronter, affirma Kakeru.
- Toi aussi ! Tu as quand même réussi à donner du fil à retordre à Gingy ! Tout le monde n'en est pas capable.
- Merci.
Le duel qui l'avait opposé à Ginga avait été incroyable. Mais, le mieux, selon lui, avait été l'intervention de son frère à la fin.
Kyouya est fier de moi !
- J'ai envie de l'affronter à nouveau, et d'affronter mon frère aussi, avoua Kakeru. Ce tournoi va vraiment être génial.
- Je suis d'accord ! J'ai hâte de combattre tous mes amis !
Kakeru et Yuu se tournèrent d'un même mouvement vers Ryuuto, tout étincelants. L'adolescent eut un léger mouvement de recul, l'air perdu, avant de hocher la tête.
- Oui, répondit-il, commençant à sourire. J'ai hâte de me battre contre vous.
- Ouais ! s'exclama Yuu. Nous devons faire de notre mieux pour atteindre les premières places !
Il se frotta l'arrière du crâne avec un grand sourire.
- J'aurais bien dit la première place si Ryuuto et moi n'étions pas des dragons tous les deux !
Il rit.
- Si ça peut te rassurer, je ne suis pas sûr d'être premier, avoua Kakeru. Je vais devoir vaincre mon frère, tout de même. C'est pas gagné !
- Keru...
- Mais je vais faire de mon mieux, et nous nous retrouverons au deuxième tournoi.
Le sourire de Yuu réapparut.
- Au deuxième tournoi !
- Au deuxième tournoi, acquiesça Ryuuto.
XXX
Ryuusei écouta le rapport de Tsubasa avec gravité. Aucune preuve ne venait étayer ses doutes – ceux de l'AMBB – mais rien ne venait les contredire non plus. L'incertitude était pire que tout. Elle empêchait de comprendre efficacement une situation et de prendre les décisions qui s'imposaient. La moindre erreur pouvait avoir des erreurs catastrophiques.
- La Bey-Academy est un lieu où les bladers sont supposés s'épanouir en toute sérénité, déclara-t-il quand Tsubasa eut terminé. Nous ne pouvons pas laisser des ombres l'entacher. Nous avons travaillé trop dur à sa mise en place, et les bladers méritent de vivre leur passion sans entrave.
- Je le sais.
- Évidemment, soupira Ryuusei. Je compte sur toi pour ouvrir l'œil. Nous continuerons les recherches de notre côté. À la moindre nouveauté, je t'appelle.
- J'en ferai de même de mon côté.
- Bien.
La communication se coupa. Ryuusei s'enfonça dans son siège, ses yeux fixant sans le voir le logo de l'AMBB qui occupait le fond d'écran. Le monde du Beyblade se retrouvait en grand danger, une fois de plus. Pourquoi devait-il toujours exister des personnes qui cherchaient à utiliser l'incroyable pouvoir que renfermaient les toupies pour faire le mal ?
Des coups frappèrent à la porte de son bureau. Ryuusei leva la tête.
- Oui ?
La porte s'ouvrit sur son assistante.
- M. le directeur.
- Hikaru, la salua-t-il. As-tu trouvé d'autres informations ?
La jeune fille secoua la tête.
- Rien, directeur. La plupart de nos équipes sont mobilisées mais nous ne trouvons rien. S'il existe des falsifications, il n'en reste aucune trace. Elles ont été méticuleusement effacées.
- Je m'en doutais. Nous devons continuer de chercher.
- Bien directeur. Et concernant les trois qui se sont inscrits à l'Académie ?
- Tsubasa s'en charge. Il nous contactera si jamais il y a du nouveau.
- J'espère qu'il y arrivera.
- Nous devons lui faire confiance.
Hikaru opina. Son regard se porta sur une image de l'Académie et se voilà de tristesse. Ses épaules se tendirent.
- Les bladers ne peuvent-ils donc pas jouer en paix ?
- Tout va s'arranger. Tu verras.
Il n'en croyait pas un mot.
Ça ne pouvait qu'empirer.
Fin du chapitre 9
Note : J'aime beaucoup écrire le trio Yuu/Kakeru/Ryuuto. J'aurais tellement aimé que les deux premiers se rencontrent dans l'anime. On aurait pu faire une saison juste pour ça (sous-titrée : "les malheurs de Kyouya" LOL).
