Disclaimer : MFB ne m'appartient pas.
Chapitre 10 : Les grands esprits se rencontrent
Tsubasa arriva le premier dans la salle du conseil. Il l'avait déjà visitée, quelques jours plus tôt. Il s'agissait d'une vaste pièce, au centre de laquelle trônait une table rectangulaire. Cette dernière était entourée d'une quinzaine de chaises, afin que les trois conseils des élèves puissent s'y réunir dans leur intégralité. Le mur opposé à la porte était barré d'une bande de fenêtres coulissants, donnant une vue directe sur la cour, et créant un véritable puits de lumière. La pièce était au quatrième étage, au-dessus du bureau du principal, au sommet de l'établissement. D'ici, ils dominaient tout.
Tsubasa avait décidé de venir en avance pour voir l'arrivée des deux autres présidents. On pouvait en apprendre beaucoup, sur les gens, dans leur attitude. Il connaissait Madoka et savait à peu près à quoi s'attendre avec elle. Par contre, Nile lui était un total étranger.
Il avait consulté son dossier, même si ça ne servait pas grand chose : les informations étaient faciles à falsifier et les dossiers ne contenaient jamais de données pratiques. Par exemple, celui de Yuu n'indiquait pas qu'il avait tendance à lancer son coup spécial le plus puissant, le Jugement Infernal, à la moindre contrariété.
Pourtant, Tsubasa trouvait que c'était une information de premier ordre.
L'argenté se posta près des fenêtres. Son regard fut immédiatement attiré par un aigle planant gracieusement sur les courants ascendants, se laissant porter de plus en plus haut.
Son ami.
Un sourire flotta sur ses lèvres à cette pensée.
Tsubasa entendit la poignée s'actionner et se retourna. Il ne fut pas surpris de voir Madoka entrer dans la pièce. La jeune fille lui sourit.
- Bonjour Tsubasa.
- Madoka, répondit-il aimablement.
Elle prit place sur une chaise. Tsubasa adressa un dernier regard au ciel – son ami rapace s'éloignait – avant de l'imiter.
- Il ne manque que Nile, des Wild Fang.
- Oui. Est-ce que... tu le connais ?
Tsubasa secoua la tête.
- Et toi ?
- Je l'ai juste aperçu avec Kyouya, une ou deux fois.
Donc il s'entendait bien avec Kyouya. C'était plutôt mauvais signe, non ?
Madoka soupira.
- J'espère juste qu'il n'est pas comme Kyouya.
Tsubasa lui sourit.
- J'ai pensé la même chose.
Il avait du respect pour le blader de Leone. Ce dernier possédait d'excellentes aptitudes au combat même s'il ne semblait pas comprendre qu'il avait des limites, comme tout un chacun. Mais il n'était pas du tout adapté à ce type de travail qui exigeait de la patience, de la réflexion et des compétences de diplomate.
Autant de qualités qu'il ne possédait pas.
Les deux adolescents attendirent. Une poignée de minutes plus tard, la porte s'ouvrit sur un adolescent, de leur âge, que Tsubasa n'avait vu qu'en photo jusqu'à présent. Nile. La première chose qu'il remarqua fut qu'il ne portait pas d'uniforme, mais une tenue très colorée aux teintes majoritairement jaunes.
S'il n'était pas capable de respecter une règle aussi simple, Tsubasa craignait que cela n'augurait rien de bon pour la suite.
Nile tira une chaise et prit place en face d'eux.
- Donc ? De quoi devons-nous parler ?
Ni salutations ni présentations. Il se lançait directement dans le vif du sujet sans faire preuve de la politesse la plus élémentaire. Ça promettait.
Tsubasa se résigna dès maintenant à une coopération des plus compliquées avec la Wild Fang – mieux valait présager le pire et avoir de bonnes surprises. Au moins, Nile semblait d'un tempérament calme. Il n'avait ni geint ni grogné.
- Cette réunion est censée nous aider à nous connaître pour mieux coordonner notre travail par la suite.
- Ce n'est pas une idée très productive.
- Et pourquoi pas ? intervint Madoka.
Nile les regarda l'un après l'autre.
- Parce que vous vous connaissez déjà, visiblement, et que je n'aime pas évoquer des choses d'ordre personnel. On m'y a suffisamment incité, ces derniers temps. Je n'ai pas besoin de subir ça ici.
- Kakeru ?
- Vous le connaissez ?
- Oui ! répondit Madoka avec un immense sourire.
Elle avait de l'affection pour le jeune Tategami et elle ne le cachait pas. D'ailleurs, Nile lui adressa un regard quelque peu perplexe avant de reporter son attention sur Tsubasa, le front plissé.
- Comment as-tu deviné ?
- Il me fait un peu penser à Yuu.. et Yuu est très doué pour envahir la bulle des autres.
Tsubasa ne disait pas cela sans affection, mais c'était un trait caractère usant, par moment. Tout le monde avait besoin d'espace et il ne dérogeait pas à la règle. En fait, il était même plutôt solitaire de nature. Il avait l'habitude de mener ses missions seul, de ne dépendre de personne.
Et le voilà à la Bey-Academy, entouré de centaines de personnes, avec Yuu qui le collait et exigeait une attention constante.
- À quoi ressemble ce Yuu que je puisse l'éviter ? Kakeru et Benkei sont déjà dangereusement proches de mes limites. Je ne suis pas prêt à avoir une autre personne de ce genre dans mes fréquentations.
- Yuu est adorable ! le défendit Madoka.
- Je n'en doute pas, mais j'ai l'habitude d'être seul. Être entouré de personnes si expansives, et si nombreuses, d'un coup, c'est assez violent. Je préfère procéder par étapes.
Ça, Tsubasa pouvait parfaitement le comprendre.
- Seul ? répéta Madoka, intriguée.
- Je me suis entraîné dans l'immensité du désert, avec pour seule compagnie ma toupie, Horuseus.
- Oh ! C'est... C'est une sacrée différence, en effet.
Nile opina d'un geste sobre. Madoka tapota la table et se mordit la lèvre, plongée dans ses pensées.
- Il y a un nouveau... chez les Galaxy Heart, finit-elle par dire. Il s'appelle Masamune Kadoya et il est très...
Elle se tut, comme incapable de terminer sa phrase.
- D'après Yuu, il est pénible, vint à sa rescousse Tsubasa.
Elle le regarda avec reconnaissance.
- C'est ça. À côté de lui, Yuu, Benkei et Ginga sont des exemples de calme et de mesure.
- Même Benkei ? répéta Nile, incrédule.
Madoka hocha la tête, affichant un visage solennel.
- J'en prends note. Merci.
Tsubasa s'autorisa un sourire. Il semblerait que le travail, entre eux trois, fonctionne plutôt bien, finalement.
XXX
Ginga s'étira, un grand sourire sur le visage. On ne le disait pas assez, mais dormir convenablement permettait de commencer la journée du bon pied. Il le savait. Il avait déjà eu quelques périodes où il avait manqué de sommeil – au point d'en tomber malade, une fois, d'ailleurs – mais ça n'avait jamais été provoqué volontairement par quelqu'un.
Quel casse-pied ce Masamune !
Ginga n'avait rien contre l'obstination. C'était même une qualité essentielle pour les bladers – après tout, comment on pouvait espérer s'améliorer si on n'était pas ne serait-ce qu'un peu têtu sur les bords ? Et il acceptait les défis, quel que soit le niveau de son adversaire. Mais il y avait un minimum de décence à respecter quand on provoquait quelqu'un en duel.
Le laisser dormir et manger, par exemple.
C'était la base de la base. Pourtant, Masamune ne s'était pas privé de lui lancer sa toupie – sans sommation, qui plus est – quand il se reposait ou prenait son déjeuner.
Et il avait fait pire.
La main de Ginga se serra convulsivement sur son gobelet, tandis qu'il se souvenait de la scène de la veille, de Masamune qui voulait affronter Kyouya à sa place.
Plutôt mourir que le laisser faire.
Plutôt perdre Galaxy Pegasus.
- Hé ! Ginga !
L'adolescent sursauta et cligna plusieurs fois des yeux. Il se rendit compte qu'il se trouvait à une table du réfectoire, assis en face de Kenta qui le regardait avec inquiétude. Il s'était tant et si bien immergé dans ses pensées qu'il avait oublié où il était, et avec qui.
Il sourit – comme à chaque fois que quelqu'un s'inquiétait pour lui. Plus qu'un réflexe, c'était devenu un véritable automatisme.
- Désolé. Tu disais quoi ?
Son ami sembla un peu plus inquiet. Ginga se souvint alors que le "sourire" ne le trompait plus depuis longtemps.
Ginga eut un sourire plus mesuré et sincère.
- Je pensais à autre chose, c'est tout.
Kenta l'observa quelques instants supplémentaires avant de lui sourire en retour, d'une façon parfaitement honnête.
- À quoi ? intervint Yuu, ses grands yeux verts brillant de curiosité.
- Que j'ai bien dormi, répondit Ginga d'un ton léger. Et...
- Et... ?
- Que je ne laisserai pas Masamune me voler mon duel contre Kyouya.
Sa voix s'était durcie. Il ne parvenait pas à cacher sa colère naissante. Il n'essayait pas, à vrai dire. Il était plus qu'offensé que quelqu'un veuille se mettre entre Kyouya et lui. Ça n'arriverait pas. Jamais. Il se battrait de toutes ses forces pour l'en empêcher.
- Comment ça, te voler ton duel contre Yoyo ?
- C'est vrai que tu n'étais pas avec nous hier, fit remarquer Kenta, dispensant Ginga de répondre. Masamune a dit qu'il serait le numéro un des Galaxy Heart et qu'il serait donc l'adversaire de Kyouya.
Les yeux de Yuu s'arrondirent. Sa mâchoire se décrocha.
- Il a pas dit ça ?!
- Si.
- Mais il est complètement idiot ! Qui se met entre Gingy et Yoyo ? Faut vraiment avoir moins de deux neurones pour ça.
Yuu eut une moue songeuse.
- Quoique... ça ressemble bien à Masamune, en fait.
Il tendit une main et tapota celle de Ginga.
- T'en fais pas, vas. Yoyo n'a d'yeux que pour toi.
Un immense sourire s'afficha sur le visage de Ginga. Une vague de chaleur l'envahit à cette pensée, balayant les souvenirs désagréables. Il remarqua à peine que Kenta s'étranglait avec son verre d'eau. Yuu avait raison. C'était lui que Kyouya avait défié. Le blader de Leone se fichait pas mal de Masamune. Il lui avait à peine adressé un regard hier, et uniquement parce qu'il les avait invectivés.
Pendant qu'il me défiait, moi, songea Ginga avec fierté.
- C'est vrai. Je suis le rival de Kyouya.
- Ouais, ouais. Le "rival". C'est ça.
La toux de Kenta redoubla d'intensité. Ginga reporta son attention sur lui, le front plissé par l'inquiétude. Il était en train de s'étouffer, non ?
- Ça va ?
- Oui, oui ! s'empressa de répondre Kenta, de façon suspecte. C'est juste que... Enfin...
Ses yeux exorbités passaient de Ginga à Yuu. Il déglutit. Il se mit debout si soudainement qu'il manqua d'envoyer valdinguer sa chaise. Il posa sa main sur le bras de Yuu qui leva des yeux surpris vers lui.
- Je dois parler à Yuu ! C'est urgent !
- Maintenant ? s'étonnèrent Yuu et Ginga.
- Oui, maintenant. Viens !
Et de se précipiter pour traverser le réfectoire en traînant Yuu derrière lui, se faufilant entre les autres élèves.
- Mais j'ai pas encore mangé ma glaaaaaaaace !
Les deux enfants disparurent hors de la pièce. Ginga cligna des yeux une fois, puis deux, sans réellement assimiler la scène qui s'était jouée devant lui. C'était l'exact contraire de d'habitude.
Il pencha la tête sur le côté, perplexe.
Quelle mouche avait piqué Kenta ?
XXX
Kenta finit par s'arrêter, essoufflé. Yuu l'observa avec inquiétude. Il ne comprenait pas ses réactions. C'était d'ailleurs pour ça qu'il n'avait pas tant protesté même si Kenta l'avait séparé de sa glace et qu'elle était sans doute en train de fondre. Le bien-être de son ami était plus important que toutes les glaces de l'univers.
Yuu tendit une main vers l'épaule de Kenta et la posa dessus.
- Qu'est-ce qui ne va pas ?
Kenta lui prit les deux mains et le regarda avec ferveur.
- Tu le savais ?
- Savais quoi ?
- Pour Ginga et Kyouya ?
- Quoi Gingy et Yoyo ?
Est-ce qu'ils avaient des problèmes ? Yuu espérait que non. Il les aimait beaucoup. Il voulait les voir sourire et être heureux – enfin, l'équivalent du bonheur et des sourires pour Yoyo, ce qui consistait sûrement à des grommellements et des moues agacées. Il ne voulait pas qu'ils aillent mal ni qu'ils soient tristes.
Même si c'était vrai que Gingy n'était pas dans son assiette aujourd'hui.
Peut-être que Kéké sait ce qui va pas.
- Que Ginga et Kyouya...
Kenta regarda vivement à droite puis à gauche avant de s'approcher de lui comme pour lui faire une confidence. Yuu se pencha, intrigué. Kenta couvrit sa bouche de sa main.
- Qu'ils sont amoureux, murmura-t-il si bas que Yuu faillit ne pas l'entendre.
Les épaules de Yuu s'affaissèrent. C'était ça sa grande révélation ? Quelle déception.
- Bah oui. Comme tout le monde.
La mâchoire de Kenta se décrocha. Il fut tant surpris qu'il en lâcha les mains de Yuu, qui ne comprenait rien à la situation. Qu'est-ce que ça avait de si surprenant ?
- Tu-tu savais.
- C'est pas comme s'ils le cachaient, aussi. Gingy est toujours trèèèèèèèèèèèès content quand il peut passer du temps avec Yoyo et Yoyo fait toujours son intéressant quand Gingy est dans le coin.
Yuu se redressa avec un sourire fier et se posa une main sur le torse.
- "Ginga ! Si je fais tout ça, c'est uniquement pour toi alors fais attention à moi et arrête de passer ton temps avec d'autres bladers !"
- C'est exactement ça...
- N'est-ce pas ? s'exclama Yuu avec enthousiasme. Ils sont vraiment trop marrants !
Et pas du tout malins, sur ce coup-là.
- Mais... tu aimes tellement embêter Kyouya... Comment ça se fait que tu n'aies rien dit ?
- Parce que Yoyo a mauvais caractère.
Son explication accentua la confusion de Kenta. C'était clair, pourtant.
- Ça ne te dérange pas, d'habitude.
- Mais si j'embête Yoyo avec ça, il refusera pour toujours de sortir avec Gingy, juste pour me donner tort. Je ne veux pas rendre mes amis tristes !
- Yuu...
- Ce serait vraiment méchant. Et puis...
Le blader de Libra afficha un immense sourire.
- Ce sera beaucoup plus drôle de les embêter une fois qu'ils seront ensemble.
Il éclata de rire. Il avait déjà des tonnes d'idées pour les taquiner. Il en avait tant qu'il les avait classées en une véritable liste mentale, qu'il tenait soigneusement à jour.
Bien sûr, il leur laisserait des tas de moments en amoureux. Il n'était pas un monstre, non plus.
Les bras de Kenta se refermèrent autour de ses épaules. Bien qu'un peu surpris, Yuu répondit immédiatement à son étreinte. Un câlin, ça ne se refusait pas.
- Je suis tellement désolé d'avoir douté de toi et de ne pas t'avoir fait confiance.
- Je sais pas de quoi tu parles mais t'es tout pardonné.
Kenta le serra un peu plus dans ses bras.
- Tu es un ami en or, Yuu.
Le concerné eut un sourire lumineux. Un compliment pareil, ça valait toutes les glaces du monde.
XXX
Kyouya était plongé dans d'intenses réflexions. Assis à la fenêtre de sa chambre, il regardait le paysage sans le voir. Nul besoin d'être télépathe pour deviner l'objet de ses pensées. Pour résumer en un mot : Ginga. Kyouya dirait certainement qu'il pensait à ses combats contre lui, mais c'était la même chose.
Et terriblement évident.
Je ne suis pas un très bon frère pour ne pas avoir remarqué avant... songea Kakeru avec ennui.
Il squattait la chambre de son frère, comme souvent – pour ne pas dire la plupart du temps. Mais, pour être honnête, avoir un frère aîné et ne pas rester dans ses pattes enlevait la moitié du plaisir.
Il était assis sur le canapé, les coudes posés sur ses genoux, son visage maintenu par ses mains, et regardait Kyouya qui pensait très visiblement à son "rival".
Tu parles d'une rivalité.
Depuis qu'il avait compris les sentiments – non avoués – qui unissaient Kyouya et Ginga, il y avait maintenant cinq jours, Kakeru avait décidé de leur donner un coup de pouce. Parce que leur vitesse de réalisation naturelle avoisinait le zéro kilomètre heure et qu'il espérait de tout son cœur que son frère – et accessoirement Ginga – soit heureux.
Sauf qu'il n'avait aucune idée. La moindre trahison de ses intentions risquait de braquer Kyouya et de le faire se précipiter dans l'autre sens. Quant à Ginga, Kakeru ne le connaissait pas assez pour prévoir ses réactions.
- Tu penses à ton futur duel contre Ginga ?
- Évidemment.
Kyouya tourna la tête. Les yeux de Kakeru s'écarquillèrent. Il affichait un sourire comme il lui en voyait rarement – sincère, juste... heureux.
- Je vais pouvoir combattre Ginga. C'est la seule raison pour laquelle j'ai décidé de m'inscrire à cette Académie, et l'occasion se présent plus vite que je ne l'aurais cru. Mon Leone va pouvoir se mesurer à son Galaxy Pegasus. Tous mes progrès depuis l'Ultime Bataille vont enfin payer.
Il était rarement aussi loquace, aussi. Il savait déployer les mots comme des armes, comme des outils, et il ne s'en privait pas. Mais cette attitude satisfaite, sereine même, c'était une nouveauté.
Le regard de Kyouya s'ancra dans le présent – et sur lui. Il haussa un sourcil.
- Un problème ?
- Non, non, rien ! s'empressa de répondre Kakeru.
À part le fait que tu es terriblement évident et que ça fait de moi une personne complètement aveugle.
Kyouya plissa les yeux. Kakeru tenta de masquer son air coupable. Kyouya renifla d'un air peu convaincu. Encore loupé.
- Tu étais en train de jouer le duel dans ta tête ?
Kyouya le dévisagea avant de répondre, pour bien lui faire comprendre qu'il n'était pas dupe. En même temps, le changement de sujet était flagrant.
Et il le connaissait depuis toujours. Ça jouait, aussi.
- Non. C'est inutile. On ne peut pas prévoir autant à l'avance les mouvements d'un blader comme Ginga.
Un sourire revint jouer sur les lèvres de Kyouya. Il semblait avoir oublié ses doutes sur l'attitude de Kakeru.
Plus évident, tu meurs.
- Sur le terrain, quand nous serons face à face, ce sera une toute autre histoire. Je le connais. Je pourrai contrer tous ses coups et le prendre de vitesse.
Kyouya regarda de nouveau pas la fenêtre, un sourire flottant sur ses lèvres. Il frémissait presque d'impatience.
- Vivement que les phases préparatoires se terminent, que je puisse lui faire face. J'écraserai autant de bladers qu'il faudra pour le rejoindre.
Kakeru leva la main.
- Je fais partie de ces bladers que tu comptes écraser.
- C'est vrai ! lança Kyouya d'un ton amusé avant de se tourner vers lui, des étincelles moqueuses dans les yeux. Mais tu as fait beaucoup de progrès, depuis notre dernier combat. Oh... Ça ne te permettra pas de gagner. Faut pas rêver. Mais tu perdras avec autant d'honneur que possible.
Kakeru eut un immense sourire. C'était la deuxième fois que son frère le félicitait pour ses progrès. Il avait eu raison de défier Ginga – et énormément de chance que Kyouya ait assisté au duel.
- Je ne compte pas me laisser faire !
- J'espère bien. J'ai l'intention de te vaincre, pas de t'écraser.
Le cœur de Kakeru fit un bond. Son sourire s'étira. Son frère pensait qu'il avait fait tant de progrès que ça ? Kakeru avait réussi à se rapprocher de son niveau finalement, suffisamment pour qu'il ait des difficultés à le battre ?
Ce n'était pas une victoire à proprement parler, mais c'était une belle avancée.
Mon frère est fier de moi !
Kakeru se claqua les joues. Ce n'était pas pour ça qu'il était venu – même si ça faisait toujours plaisir à entendre. Il était là pour aider son frère.
Concentration !
Lorsqu'il rouvrit les yeux, il se rendit compte que Kyouya le dévisageait avec perplexité. Bon. Il ne s'était pas montré très discret en même temps.
- Donc tu pensais à quoi ?
- Quand ?
Quand tu avais le regard perdu dans le lointain. Tu sais ? Ce genre de cliché qui te fait horreur.
Kakeru se mordit la lèvre. Ce n'était pas naturel, pour lui, de ne pas dire à Kyouya ce qui lui passait par la tête – surtout quand il s'agissait de taquineries.
- Quand tu pensais à Ginga.
- Oh... Je me demandais juste comment ça va se passer. Pour notre duel.
- En gros, tu réfléchis à la façon dont tu vas t'habiller et te comporter ? rit Kakeru.
Ce sujet n'avait rien de risqué. Il avait d'ores et déjà taquiné son frère dessus. En même temps, c'était la première fois qu'il le voyait s'investir aussi passionnément dans quelque chose. Ça méritait d'être remarqué et discuté.
- N'importe quoi, marmonna Kyouya.
Kakeru claqua des doigts.
- Je sais ! Tu as besoin de conseils musicaux. J'ai des tas d'idées qui pourraient mettre en valeur votre duel.
- Qui met de la musique pendant un duel Beyblade ? C'est complètement idiot. Tout le monde se concentre sur le combat, bien trop pour se préoccuper de ce genre de détails.
Kyouya renifla avec mépris.
- En tout cas, c'est comme ça qu'agissent les véritables bladers.
- D'accord. Pas de musique.
Kyouya plissa les yeux.
- Je ne prépare pas mes duels contre Ginga. Enfin, si, mais pas de la façon dont tu l'entends.
- Hm, hm.
- Tu ne me crois pas ?
- Sincèrement ? Non.
Kyouya se renfrogna. Il marmonna quelque chose et se remit à observer le paysage, les sourcils froncés, une moue sur le visage. Son expression devint songeuse. Il sortit Leone de son rangement pour le regarder. Un petit sourire se dessina sur ses lèvres. Il ferma les yeux.
- Nous allons nous entraîner.
Il se leva, traversa la pièce et ouvrit la porte. Il se tourna à demi vers Kakeru.
- Si, par miracle, tu te souviens que tu as ta propre chambre, n'oublie pas de fermer la porte en sortant.
Kakeru croisa les bras derrière la tête et s'allongea sur le canapé.
- Ouais.
Kyouya leva les yeux au ciel.
- À plus.
- À tout à l'heure.
Kyouya partit. Kakeru eut une moue songeuse. Comment était-il censé l'aider à comprendre ses sentiments si, dès que Ginga était évoqué, ça lui donnait envie de jouer au Beyblade ?
Il me faudrait de l'aide.
Ça, c'était une idée. Il devrait la creuser. Il ne pouvait pas demander à n'importe qui, bien sûr. Pas seulement parce qu'il ne pouvait pas laisser n'importe qui se mêler des affaires de son frère. Il fallait que ce soit des personnes qui tiennent à Kyouya et Ginga, qui espéraient leur bonheur et feraient tous les efforts possibles pour y contribuer. Kakeru était certain de pouvoir compter sur Benkei... Et le groupe de Ginga était prometteur. Yuu et Madoka, ainsi que Kenta et Tsubasa. Certains, parmi eux – tous peut-être – devaient avoir deviné les sentiments des deux rivaux. Kakeru devait enquêter, et bien. Une fois qu'il serait sûr, il les recruterait pour le Comité d'aide au deux bladers qui avaient du mal à appréhender le monde et leurs sentiments quand il n'était pas question de Beyblade.
Le nom était encore provisoire, bien sûr.
XXX
- Je n'arrive pas à croire que nous ne soyons pas autorisé à combattre ! s'exclama un adolescent d'une façon exagérément dramatique.
D'ailleurs, pour ponctuer ses paroles, il plaça une main sur son front et poussa un profond soupir. Ses cheveux magenta, légèrement ondulés, retombaient sur ses épaules. Un masque dissimulait son œil droit et une touche de rouge à lèvres bleu dessinait sa bouche. Les deux adolescents qui l'accompagnaient le regardèrent avec exaspération. L'un avait des cheveux roux foncé, avec des mèches teintes en blond, et des yeux clairs tombants. Il était vêtu majoritairement de noir. Les cheveux bleu pâle de l'autre formaient une pointe de chaque côté de son visage.
Le trio se trouvait sous le couvert des arbres, dans une forêt au nord de l'île, qui n'appartenait à aucune des trois Maisons.
- Pourquoi vous avez voulu qu'on se réunisse ? demanda le deuxième adolescent, les bras tendus le long de son corps, les épaules crispées. Nous devons éviter d'être vus ensemble, pour ne pas éveiller les soupçons.
Il se mit à balayer les environs du regard, comme s'il craignait à tout instant d'être surpris.
- C'est un conseil, et pas un ordre, dit le dernier adolescent, le plus petit du trio. J'exécute tous les ordres qu'il me donne. Et il n'y a rien de suspect de se réunir. Des bladers de différentes Maisons se réunissent tout le temps.
Le deuxième adolescent croisa les bras et porta des yeux défiants sur son vis-à-vis.
- Rien ? Tu es sûr ? Tu ne trouves pas cet endroit suspect peut-être ?
Le troisième adolescent regarda lentement autour de lui et afficha une grimace dégoûtée.
- Suspect, je ne sais pas. Mais... Hn. Répugnant, c'est sûr.
- Répugnant ? répéta le premier avec incrédulité. Ne vois-tu pas toute la beauté de la nature autour de toi ? Ces innombrables nuances de vert : pomme, citron, sapin... Certaines qui se rapprochent du bleu et se confondent avec lui. Réhaussé par les teintes plus sombres de l'écorce rugueuse. Ne le vois-tu pas ?
- Tout ce que je vois, c'est de la boue.
Le deuxième adolescent reporta son attention sur le premier, les yeux chargés de soupçons.
- Si je comprends bien, c'est toi qui nous as demandé de venir.
Le premier adolescent gloussa. Ses épaules s'agitèrent de violents soubresauts. Il finit par se calmer et poser une main sur sa frange. Le deuxième adolescent fronça davantage les sourcils, clairement mal à l'aise.
- Je n'ai fait que relayer l'invitation.
- Tu veux dire que tu as reçu un message ?
- C'est ce que je veux dire, oui. Nous avons rendez-vous ici. Tous les trois.
- Tu n'aurais pas pu le dire plutôt ? s'agaça le troisième adolescent.
- Eh bien, je vous le dis, non ?
Les deux autres se renfrognèrent. Il laissa échapper un rire avant de s'enfoncer sous le couvert des arbres.
- Alors, vous venez ? Ce serait dommage de le faire attendre.
Les deux adolescents n'eurent d'autres choix que de le suivre. Ils s'enfoncèrent sous le couvert des arbres d'une démarche peu assurée, comme s'ils se trouvaient dans un environnement complètement inconnu, qui risquait de leur tendre des pièges à tout moment. Le plus petit fermait la marche. Il semblait le plus mal à l'aise du trio. Il trébucha même sur une racine.
- Cet endroit est hideux.
- Tu ne comprends rien à la beauté ! s'exclama le premier avec passion.
Il s'arrêta, incitant les deux autres à faire de même. Ils se trouvaient au seuil d'une clairière, bordée par plusieurs engins de chantier. Un homme se tenait au milieu. Grand, il portait un costume sombre. Ses cheveux formaient des éclairs de chaque côté de son crâne. Un bouc accentuait ses traits anguleux. Ses yeux étaient dissimulés derrière des lunettes triangulaires.
- Je commençais à me demander si vous étiez perdus, se moqua-t-il.
- Jack a oublié de nous informer que vous nous avez convoqués, docteur, déclara le plus petit sans le moindre remords.
Le deuxième adolescent se tendit.
Le dénommé Jack se tourna à demi et posa une main sur son front. Il tendit son autre main vers les arbres.
- Je me suis laissé submergé par la beauté de la nature, murmura-t-il d'une voix exaltée. Toutes ces couleurs ! Toutes ces formes !
Il serra ses bras autour de lui. Il frémit puis trembla. Un gloussement résonna dans sa gorge et il se mit à osciller de droite à gauche.
- Ça attise ma fibre artistique. Je les sens. Les idées. L'inspiration ! Elle est à portée de mes doigts !
Il s'immobilisa et gloussa.
- L'important, c'est que vous soyez là, reprit l'adulte, imperturbable. Venez.
Les trois adolescents l'approchèrent. Ils se postèrent près de lui. Jack regardait le paysage avec des yeux exaltés, fredonnant doucement pour lui-même. Le plus petit fixait le visage de l'adulte avec un mélange de patience et d'indifférence. L'autre se tenait quelque peu en retrait, l'air mal à l'aise. L'adulte leva les yeux vers lui. Ses épaules se tendirent. L'adulte afficha un sourire retors.
- Alors... est-ce que les derniers arrangements sont à ton goût ?
- Oui. Merci beaucoup.
- On ne m'a pas demandé mon avis, fit remarquer le plus petit.
L'adulte reporta son attention sur lui. L'adolescent pencha la tête sur le côté.
- C'est une simple remarque. J'existe uniquement pour accomplir les ordres.
L'adulte eut un sourire satisfait.
- Je le sais, Damian. Il s'agit d'une de tes principales qualités, déclara-t-il avant que son sourire ne s'efface. Pour en revenir au sujet, c'était un arrangement important pour la réussite de nos projets. J'espère toutefois que tu plais là où tu es.
- Ni plus ni moins qu'avant. Les bladers qui m'entourent ont une attitude différente, mais la même faiblesse. Je préfère notre Académie.
- C'est vrai que les Galaxy Heart sont différents des Wild Fang, confirma le deuxième adolescent.
- Intéressant. Recueillez le plus de données possible à ce sujet. Ça pourrait nous être utile.
- Bien.
Il y eut une pause. Les adolescents attendirent. L'adulte finit par sourire.
- À vrai dire, je ne pensais pas que ce serait prêt si tôt. Nous avons eu des contre-temps inattendus.
- Qu'est-ce qui est prêt ?
Le sourire de l'adulte s'accentua. Une trappe s'ouvrit, dévoilant des escaliers qui s'enfonçaient dans les profondeurs.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda le deuxième adolescent, ses yeux s'écarquillant.
- Une antenne de notre Académie, comme l'a si bien dit Damian. Venez. Nos recherches attendent.
Ils descendirent.
Fin du chapitre 10
Note : L'identité de Jack était plutôt facile à deviner à partir de son délire sur la nature, non ? :)
