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Chapitre 11 : Premier tournoi officiel
Le grand jour était enfin arrivé : la première manche du premier tournoi organisé à la Bey-Academy aurait lieu cet après-midi. Les résidents étaient à fleur de peau, incapables de refréner leur impatience et leur excitation. Des disputes et des rires éclataient pour un rien. Certains pensionnaires s'étaient tant repliés sur eux-mêmes qu'ils étaient imperméables à toute forme d'agitation extérieure... et pas seulement pendant les pauses. Personne n'arrivait à faire attention aux cours, que ce soit à cause de leur agitation ou de celle des autres. Certains profs tentaient de donner leurs cours malgré tout, d'autres s'y adaptaient voire laissaient tomber l'idée.
Kenta n'était pas en reste. Il faisait de son mieux pour se concentrer sur les cours, par respect pour les professeurs et parce qu'il l'avait promis à ses parents, quand ils l'avaient inscrits à l'Académie, mais c'était difficile. Il arrivait à peu près à contenir son excitation – contrairement à la majorité de ses camarades de classe, il avait déjà participé à un tournoi d'envergure. Même s'il savait qu'il avait une chance sur trois de se retrouver contre Ginga dès la première manche. C'étaient des batailles royales, mais ça ne réduisait en rien son appréhension.
Même si les batailles royales peuvent avoir des résultats inattendus.
Il songeait à celui qui l'avait opposé à Ginga, Kyouya, Yuu et Tsubasa. Kyouya et lui avaient été les derniers debout – et, bien évidemment, le blader de Leone avait remporté la victoire. Cette fois, il n'y aurait ni Kyouya, ni Yuu, ni Tsubasa. Il n'y aurait même pas Benkei. Il y aurait seulement un risque de tomber sur Ginga dès le premier tour. Kenta pourrait demander à son ami de l'épargner, même de le protéger, pour avoir la certitude de participer au deuxième tour. Ginga s'exécuterait sans hésiter. Mais Kenta ne voulait pas gagner comme ça. Il voulait faire ses propres preuves. Tant pis si cela signifiait qu'il affrontait Ginga dès le premier tour et perdait.
Des notes mélodieuses résonnèrent dans la salle, le tirant de ses pensées. Kenta cligna des yeux, perplexe, avant de se rendre compte avec horreur qu'il avait passé toute l'heure à penser au tournoi.
Au temps pour les cours, alors...
Il espérait qu'il n'avait rien manqué d'important.
Le professeur fut incapable de cacher son soulagement. Il prit congé d'eux poliment et leur souhaita un bon appétit.
- C'est déjà le déjeuner ?
Les autres sixièmes années commençaient à sortir. Alors que Kenta rassemblait fébrilement ses affaires, une bouille aux immenses yeux verts apparut en périphérie de son champ de vision. Kenta tourna la tête et se retrouva face à Yuu.
- Comment ça "déjà" ? C'était super long. J'ai jamais vu le temps passer aussi lentement, moi.
- J'étais perdu dans mes pensées, avoua Kenta, penaud.
- La chance...
Pas si je manque mon année.
Quoique, s'il ratait son année pour ça, tous les élèves de sa classe – à part Yuu, visiblement – aussi. Ils avaient encore fait moins attention aux cours que lui. C'était dire !
- Allons-y Kéké ! s'exclama Yuu, chassant son humeur maussade. Gingy et les autres nous attendent pour déjeuner !
Le blader de Libra afficha une moue songeuse, les sourcils froncés, une main sous son menton.
- Enfin, est-ce que Gingy nous attendrait ? Il est plutôt du genre à se jeter sur les hamburgers... Il faut qu'on se dépêche si on veut pas les rater !
Qui ? Les hamburgers ou nos amis ?
- Dépêche-toi Kéké !
- D'accord. J'arrive.
Kenta termina de ranger ses affaires dans son cartable et se mit debout. Il ne restait qu'une poignée d'élèves dans la classe – cinq, tout au plus. Il suivit son ami hors de la salle. Les deux enfants se mêlèrent au flot d'élèves qui traversaient le couloir pour rejoindre le réfectoire. C'était facile. Il suffisait de se laisser porter.
Kenta aperçut un élève qui tentait de remonter le courant. Il eut une pensée compatissante à son égard avant qu'une main ne saisisse la sienne. Il tourna la tête. Yuu lui sourit.
- Dépêchons !
Il se mit à courir, l'entraînant à sa suite. Ils se faufilèrent entre les autres élèves. Kenta lança des excuses à tous ceux qu'il bouscula malencontreusement.
- Tu es pressé.
- Bah oui ! J'ai faim et j'adore passer du temps avec vous ! s'exclama Yuu, souriant, avant d'afficher une moue boudeuse. Surtout quand Masamune ne s'incruste pas.
Kenta laissa échapper un rire gêné.
- Tu l'aimes pas beaucoup...
- Il a insulté Libra. Personne n'a le droit de faire ça. C'est nul. J'ai rien dit sur son Striker, moi.
- C'est pas ton genre.
Yuu opina. Un détail interpella Kenta. Yuu avait appelé Masamune par son prénom, non ?
- Tu ne lui avais pas donné un surnom ?
- Si, mais il le mérite plus.
Les yeux de Kenta s'arrondirent. Les surnoms n'étaient pas définitifs alors ? Ils pouvaient les perdre ?
Ça changeait totalement sa vision du monde.
Les deux enfants entrèrent enfin dans le réfectoire. Suivant Yuu pour se servir à manger, Kenta en profita pour balayer la salle du regard, cherchant ses amis. Il n'y arrivait pas. Il y avait trop de monde.
Lorsqu'ils se furent servis – deux bols d'oyako donburi – ils marchèrent entre les tables d'un pas lent, essayant de distinguer leurs amis à travers la foule et la cohue. Yuu fut le premier à les remarquer. Il poussa une exclamation de joie et se mit à trottiner. Kenta aperçut enfin leurs amis. Leur table se situait au milieu de la pièce, raison pour laquelle il avait eu tant de mal à les repérer. Il y avait Ginga et Madoka, bien sûr, mais aussi...
Tsubasa ? s'étonna Kenta.
L'adolescent allait-il traîner avec eux plus souvent maintenant ?
Yuu s'installa à côté de lui, tout sourire. Kenta prit place entre son ami et Ginga. Madoka était assise entre les deux adolescents.
- Salut ! lança Yuu aux Galaxy Heart.
- Ce matin s'est bien passé pour vous ? lui demanda Madoka.
- C'était hyper long ! J'ai trop envie que les cours soient déjà fini pour pouvoir faire plein de combats !
- Comme je te comprends, soupira Ginga.
Madoka lui adressa un regard en coin, pas très compatissant.
- Vous espérez rencontrer qui, aujourd'hui ?
- Masamune, pour l'éjecter dès le premier tour, déclara froidement Ginga.
Fallait pas le menacer de lui voler son duel contre Kyouya, pensa Kenta avec une certaine exaspération.
Ginga était d'une nature clémente et ouverte, mais il y avait des limites à ne pas dépasser. Le pire, c'était de savoir que Masamune ne comprenait pas l'erreur qu'il avait commise, malgré tous les avertissements de Kenta et Madoka.
Et qu'il ne le comprendrait certainement jamais.
Tsubasa ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes. Il n'avait pas été témoin des altercations de Ginga et Masamune. Il n'avait aucune idée du drame qui se jouait.
- Il a insulté Pegasus aussi ? demanda Yuu, visiblement rancunier.
En même temps, c'était pire de dénigrer la toupie que son propriétaire. C'était une règle tacite entre les bladers : on n'insultait pas les beys des autres.
- Non, c'est à propos du duel contre Kyouya, expliqua Kenta.
Son intervention accentua la confusion de Tsubasa mais un éclair de compréhension illumina le visage de Yuu.
- Ah ! C'est vrai ! Tu m'en as parlé en plus.
Il s'étira à travers la table et tendit son bras pour tapoter la main de Ginga, qui le regarda avec une surprise qui adoucit son expression.
- T'en fais pas, va. Tu es le seul rival de Yoyo. Personne d'autre n'existe à ses yeux.
Tsubasa dévisagea Yuu d'un air perplexe. En même temps, il ne fréquentait pas Ginga et Kyouya depuis aussi longtemps qu'eux et il ne passait que peu de temps en leur compagnie. Ça deviendrait bientôt évident pour lui aussi.
Pour qui ça ne l'était pas ?
- Ça, c'est sûr, commenta Madoka en lançant un drôle de regard au rouquin.
Kenta hocha la tête pour marquer son acquiescement. Ginga les regarda les uns après les autres, puis quelque chose troubla ses yeux clairs. Il baissa la tête, l'expression marquée par le doute, ses mains se serrant l'une contre l'autre.
- Je ne suis pas inquiet, murmura-t-il.
Kenta sentit sa mâchoire se décrocher. Ce n'était pas tant le mensonge de Ginga qui le surprenait, mais le fait qu'il soit aussi visible. C'était bien la première fois qu'il le voyait mentir aussi mal. Il arrivait à voir à travers ses mensonges, mais seulement parce qu'il le connaissait bien. Et encore, il devait l'observer attentivement et réussir à déceler les fausses notes – ce qui n'était pas simple.
Mais qu'est-ce qui s'est passé ? Il était encore motivé hier.
- Euh... Ginga ?
Le rouquin leva la tête vers lui. Kenta se retrouva à court de mots. C'était perturbant de le voir s'inquiéter de façon aussi flagrante.
Kenta cherchait encore ses mots quand il se souvint qu'ils n'étaient pas seuls : ils partageaient leur table avec trois amis – sans compter les tablées voisines. C'était une très mauvaise idée de confronter Ginga dans ces conditions. Il faudrait qu'il trouve un autre moment pour lui parler.
XXX
Kyouya se tenait au bord du stadium, à côté de la maison des Wild Fang, les mains sur les hanches. De là où il était, il voyait les quatre autres stadium, le dos tourné au bâtiment. Les tirages au sort avaient été effectués, tous connaissaient le stadium où ils combattraient. La bataille royale débuterait dans quelques minutes.
Toute cette attente, et nous voilà enfin.
Et il devrait encore attendre pour voir son objectif se réaliser et faire enfin face à Ginga, son rival, mais cela en vaudrait la peine. Toutes les épreuves qu'il avait surmontées, tout ce qu'il avait enduré, il le referait sans hésiter si ça lui permettait de combattre le blader de Pegasus. Il irait même plus loin, s'il le fallait.
Ginga n'était pas là aujourd'hui. Il participait à ses propres qualifications pour rester au sommet, tout comme lui, et le rejoindre au tournoi inter-Maisons.
Mais, avant cela, Kyouya devait se débarrasser de tous ses adversaires.
Ce ne sera pas un problème.
Nile et Damure se trouvaient dans un autre stadium, Benkei dans un troisième. Quant à Kakeru...
Ses sourcils se froncèrent. Il balaya de nouveau la foule du regard, un peu plus attentivement. Où était passé son frère ?
Une main lui tapota l'épaule. Kyouya se tendit et se retourna lentement, prêt à écorcher vif celui qui se permettait un tel écart envers lui... et croisa des yeux similaires aux siens, et pourtant si différents. Sa tension se mua en léger agacement. Il fit claquer sa langue.
- À quoi tu joues ?
- Je suis dans le même stadium que toi. C'est amusant, n'est-ce pas ?
- Dans ce cas, tu vas perdre dès le premier tour.
- Quoi ?!
- Je compte éjecter tous mes adversaires.
- Ce n'est pas une finale, mais des qualifications, lui rappela Kakeru. Il doit y avoir huit qualifiés par stadium.
- Ce n'est pas mon problème.
- OK ! Mais je ne compte pas perdre, déclara Kakeru avant de s'éloigner d'une démarche tranquille.
- Fais de ton mieux.
Kakeru se retourna et lui offrit un immense sourire, comme s'il venait de faire son éloge avec force de détails. Kyouya faillit lever les yeux au ciel.
- Ne t'en fais pas : je vais assurer.
- Je ne m'en fais pas, répliqua Kyouya avec un air agacé.
Qu'est-ce qu'il ne fallait pas entendre comme bêtises !
Kakeru se posta sur un bord du stadium, assez éloigné de Kyouya, mais pas en face de lui. Ils étaient adversaires, ici et maintenant. Ils ne s'entraideraient pas et ne se ménageraient pas. Le contraire serait une insulte envers leurs qualités respectives. Sans compter que Kakeru avait énormément progressé pendant son séjour aux États-Unis. Kyouya l'avait vu lors du duel qui avait opposé son frère à Ginga. Il maîtrisait mieux sa toupie, ses attaques étaient plus puissantes et il avait deux coups spéciaux à disposition.
Kyouya ne ferait pas l'erreur de le sous-estimer.
Les bladers commencèrent à se positionner sur les bords des stadium. Kyouya aperçut un adulte – sûrement un professeur – qui se posta entre les stadium.
- Prenez place bladers.
À cet appel, les rares bladers qui ne s'étaient pas joints aux autres rejoignirent leur stadium. Ils prirent leurs propulseurs et se mirent en position de lancer.
- Je vous rappelle les règles : huit places pour le tournoi sont à gagner par stadium, soit trente-deux au total. Si vous voulez continuer la compétition, faites en sorte de rester parmi les huit derniers à tourner.
Kyouya renifla. Quel manque d'ambition ! Lui, il serait le dernier.
- À vos marques ! Trois !
Kyouya raffermit sa prise sur son lanceur.
- Deux ! enchaînèrent les bladers. Un ! Hyper Vitesse !
Les toupies fusèrent dans le stadium. Elles atterrirent, dans une succession de chocs, et se mirent à tourner. Il ne fallut pas longtemps pour qu'une foule de poursuivants se concentre sur Kyouya.
- Dans ce genre de combat, les alliances sont possibles ! s'exclama fièrement un blader.
- Se débarrasser des plus forts dès le début est la meilleure tactique, ajouta un autre, situé à la droite de Kyouya.
- Ça nous donnera toutes les chances d'accéder au tournoi inter-Maisons.
Un demi-douzaine de toupies encercla Leone et le percuta, ne lui laissant aucune échappatoire. Kyouya lâcha un soupir méprisant. Comme s'il était du genre à fuir. Plus insultant encore, comme s'il fuirait une telle assemblée de lâches et de faiblards.
- Pathétique, cassa-t-il.
Non seulement leur stratégie – si on pouvait appeler ça ainsi – était lâche, mais en plus Kyouya ne décelait pas la plus petite étincelle de force ou de volonté chez eux. Ils n'étaient pas des adversaires à sa mesure. Ils n'étaient même pas des adversaires intéressants.
- Continuons ! On va bien finir par l'avoir !
- Ouais !
- Débarrassons-nous de lui avant le tournoi.
Kyouya ouvrit les yeux et les balaya du regard avec ennui. Ils croyaient sérieusement qu'être groupé leur donnait l'avantage ? Quels imbéciles. Peu importait le nombre de fois où on multipliait zéro, le résultat était toujours le même. Ces minables n'étaient pas dans la même dimension que lui et ils allaient bientôt le réaliser. Kyouya leur apporterait la preuve en un seul coup.
- Leone ! Rugissement Tempétueux du Lion !
À peine les rafales commencèrent-elles à entourer Leone que plusieurs de ses assaillants furent balayés. Ils se retrouvèrent à l'extérieur du stadium avant même que la tornade ne finisse de se former.
- Tsss !
Et ça imaginait pouvoir participer à un tournoi de grande envergure et réussir à le vaincre.
- J'ai perdu assez de temps comme ça. Leone !
Répondant à son appel, la force défensive du Rugissement Tempétueux du Lion se mua en force offensive. Toujours enveloppée de sa tornade, la toupie se mit à avancer, faisant dégager tous ses adversaires. Un seul eut la présence d'esprit et l'agilité nécessaires pour esquiver.
- Ha ha ! s'exclama Kakeru.
Divine Chimera avait bondi sur l'arrête du stadium pour échapper aux crocs féroces du vent. La puissance des rafales la fit vaciller mais elle parvint à conserver son équilibre.
- Tu m'cherches ? fit mine de s'agacer Kyouya.
- Eh ouais ! répliqua fièrement son frère.
- Tu l'auras voulu. Leone ! Danse Endiablée des Crocs du Vent !
La tornade se mit à onduler, engrangeant davantage de puissance, devenant imperméable aux attaques. Elle se dirigea droit vers Chimera qui accéléra. La toupie jaune bondit de son perchoir, traversa le stadium en diagonale, juste devant la tornade...
- Stadium numéro un ! Cessez le combat !
Kyouya n'avait pas l'intention d'obéir mais Chimera s'immobilisa docilement – parce que, quitte à ne pas lui ressembler, Kakeru n'avait aucun problème avec l'autorité. Ne voyant pas l'intérêt de combattre un adversaire qui ne se défendrait pas, Kyouya fit cesser son coup spécial. La tornade s'évanouit. Il tendit la main. Leone se propulsa hors du stadium et se posa dans sa paume. Kyouya referma ses doigts dessus.
Nous aurons bientôt l'occasion de nous battre de toutes nos forces, lui promit-il.
Dès qu'ils se retrouveraient face à Ginga et à son Pegasus.
Kyouya releva la tête. L'adulte avait l'air bien embêté. Un coup d'œil au stadium lui suffit pour en comprendre la raison : la seule toupie à avoir survécu aux assauts de Leone était Chimera. Tous les autres avaient perdu.
- Tous les perdants du stadium un, rejouez. Il reste six places.
Kakeru récupéra Chimera pendant que les autres bladers armaient leurs propulseurs.
Kyouya leva les yeux au ciel. Il ne voyait pas pourquoi ils avaient droit à une nouvelle chance après un échec aussi flagrant. Ces... bladers – est-ce qu'ils pouvaient être qualifiés ainsi malgré leur niveau inexistant ? – ne représentaient aucun intérêt. Ils ne leur feraient que perdre leur temps.
Tout ça parce que l'administration avait décidé d'un quota de candidats pour la deuxième manche. Quelle idée ridicule... C'était évident que trente-deux bladers parmi une centaine n'avaient pas un niveau décent. La plupart des qualifiés ne mériterait pas d'atteindre la prochaine manche. Ça leur passait sans doute au-dessus de la tête de ne sélectionner que les plus méritants.
Kyouya fourra les mains dans les poches de sa veste, tourna le dos au stadium et s'éloigna. Il avait perdu assez de temps avec ces bêtises aujourd'hui – et il en perdrait assez la prochaine fois que sa route croiserait celle d'un de ces faiblards.
- Hé ! s'indigna l'adulte. Tu n'as pas donné ton nom. Je dois le noter pour t'inscrire à la manche deux.
L'adolescent fit halte et se tourna à demi.
- Tategami Kyouya.
L'adulte opina, les yeux rivés sur une feuille, et fit une croix.
- Moi, c'est Tategami Kakeru, intervint son frère d'une voix aimable.
L'adulte hocha de nouveau la tête et inscrivit un autre symbole sur la feuille, juste au-dessus du précédent. Une liste de noms, donc.
Kyouya reprenait sa route quand une impression le cloua sur place. Ses épaules se tendirent. Quelqu'un – quelque chose, se corrigea-t-il – l'observait. Il se retourna et balaya lentement la foule du regard. Il n'y voyait que des bladers concentrés sur leur combat ou déçus de leurs défaites. Et ce n'était pas un blader qui l'avait regardé ainsi. Ce n'était même pas un être humain – il le sentait au fond de lui. Pourtant, il ne voyaient rien d'autre que des gens, ici.
Kakeru le rejoignit. Son sourire se mua en air inquiet.
- Nii-san ? Quelque chose ne va pas ?
Kyouya laissa ses yeux glisser sur la foule une dernière fois. Il secoua la tête et tourna le dos à la scène de combat.
- Rien.
Il entra dans le bâtiment. Après une hésitation, Kakeru le suivit.
Ce n'était pas un mensonge. Kyouya n'avait pas pour habitude de mentir. Non seulement c'était lâche, mais ça attirait les problèmes. Le regard qu'il avait senti – quelle que soit son origine – n'avait aucune animosité. Il était juste... attentif.
XXX
Ryuuto regardait les cinq stadium situés dans la cour arrière de la maison des dragons. La disposition était la même dans les bâtiments des Wild Fang et des Galaxy Heart. Il le savait pour avoir arpenté leurs territoires. Il n'en tirait aucune gêne ni culpabilité, bien que c'était formellement interdit. Ça lui avait permis de dessiner une carte précise de la Bey-Island. Et il serait franchement étonné d'être le seul à ne pas avoir respecté cette règle. Les motivations pour la braver étaient nombreuses : la curiosité, l'envie de retrouver ses amis, le refus de l'autorité...
S'égarer, ajouta-t-il en pensant à sa première rencontre avec Kakeru.
D'ailleurs, les Wild Fang et les Galaxy Heart avaient leurs propres sélections actuellement. Ryuuto ne se faisait pas de souci pour Kakeru. D'après ce qu'il avait entendu dire de son niveau, il parviendrait à se qualifier haut la main.
- Je pensais à un truc...
La voix de Yuu le sortit de ses pensées. Ryuuto baissa la tête pour le regarder, s'efforçant d'ignorer l'animosité dont ils faisaient l'objet. Ça ne le touchait pas – les pilleurs de tombes lui avaient fait bien pire – mais ça l'exaspérait quelque peu.
Il s'excusa intérieurement auprès de Yuu, qui ne vivrait pas cette situation s'il n'avait pas combattu leurs "camarades" de Maison pour lui permettre d'avoir du temps libre. Même s'il semblait s'en moquer éperdument.
- À quoi ?
- Eh bien... On a supposé qu'on se retrouverait tous au tournoi inter-Maisons, tu vois ?
- Oui, et ?
- Sauf qu'on a oublié un détail.
- Lequel ? demanda Ryuuto, perplexe.
Le groupe auquel il faisait référence n'était composé que de bladers talentueux, bien plus forts que la moyenne – deux d'entre eux avaient su attirer le respect de Ryuuga, l'Empereur Dragon, c'était dire ! C'était logique de penser qu'ils se qualifieraient tous.
Yuu leva une mine songeuse vers lui.
- On est parti du principe que tous les meilleurs se retrouveraient dans les dernières manches, mais peut-être qu'ils se feront face dès le premier duel. Aussi bien, Keru va rencontrer Yoyo dès le deuxième tour ! Ou Kéké va affronter Gingy ! Ha ha ha !
Ryuuto sentit sa mâchoire se décrocher. Il n'y avait pas du tout pensé !
- J'espère que ça ne va pas se passer comme ça.
Il se faisait une joie d'affronter Kakeru, et un plaisir de témoigner de ses propres yeux de ce que valaient Ginga Hagane et Kyouya Tategami.
- Moi non plus. Sinon on va se retrouver qu'à combattre des bladers nuls, même au tournoi inter-Maisons.
Ryuuto secoua la tête. Il ne pouvait pas s'inquiéter de ça maintenant. Les batailles royales étaient sur le point de commencer. Il le voyait à la manière dont les autres concurrents se dirigeaient vers les stadium.
- Bonne chance, dit-il à Yuu.
- Toi aussi !
Ils s'éloignèrent l'un de l'autre. Ils n'avaient pas tiré au sort le même stadium.
À peine Ryuuto se positionna-t-il devant son stadium, au milieu de ses concurrents directs, qu'une adulte entra dans le terrain. Elle se plaça entre les stadium et rappela les règles des qualifications. À son signal, les bladers lancèrent le décompte et propulsèrent leurs toupies. Dragonis atterrit dans l'arène. Il avança au milieu des autres beys. Ryuuto ne comptait pas utiliser son coup spécial. Ce n'était pas un duel mais une bataille générale. Il combattrait et expulserait chaque toupie qui se mettrait en travers de son chemin.
- Maintenant Dragonis !
Sa toupie accéléra. Elle percuta un adversaire et l'envoya hors du stadium. Un cri de déception y répondit.
Voilà la différence avec un vrai membre du Clan des Dragons !
- Continue comme ça !
Sa toupie éjectait allégrement toutes celles qu'elle croisait. Ryuuto trouvait étrange de mener ce combat sans gravité. Il voulait se qualifier pour la suite du tournoi, mais ce n'était pas une question de vie ou de mort. Il n'avait plus l'habitude. Il se servait principalement de Dragonis pour désamorcer les pièges dans les ruines ou pour se défendre contre les pilleurs de tombes – qui essayaient de le tuer, sans état d'âmes. Les autres fois, il avait affronté Ryuuga. Même si l'Empereur Dragon ne tentait pas de leur faire de mal, volontairement, sa puissance restait colossale. C'était difficile de considérer les combats contre lui avec nonchalance. Ça n'avait rien de commun avec ce qu'il vivait actuellement.
Une lumière verte envahit son champ de vision. Ryuuto se tendit, aux aguets. Un grésillement strident lui vrilla les tympans. Il regarda lentement ce qui l'entourait et se rendit compte que ça provenait du stadium voisin.
La lumière disparut. Le monde reprit ses couleurs normales. Il ne restait qu'une toupie dans le stadium. Toutes les autres avaient été éjectées.
Un rire enfantin et joyeux emplit le silence abasourdi.
- Vous avez vu ça ? Libra et moi, on est trop forts. Ha ha ha !
- C'est pas comme ça que c'est censé se passa ! Cria l'adulte.
Yuu s'arrêta de rire pour regarder la femme. Il cligna des yeux, perplexe.
- Comment ça ?
- Il faut huit bladers par stadium !
Les yeux émeraude se plissèrent. Ils balayèrent soigneusement le stadium, où seule Libra tournait, puis les bords où reposaient tous ses adversaires. Ils se levèrent de nouveau vers l'adulte.
- Et si vous faisiez un ralenti ? Les sept à avoir résisté le plus longtemps au Jugement Infernal pourraient être qualifiés.
- On n'a pas ce genre de matériel !
Ryuuto trouvait l'adulte bien nerveuse. Et dire que ces gens-là avaient convié Ryuuga à participer à l'Académie. Ils devraient s'estimer heureux de ne plus l'avoir : il ne se serait pas contenté d'éjecter ses adversaires, il aurait détruit les cinq stadium – y compris les deux qui n'étaient pas utilisés – et balayé l'ensemble des bladers présents. À côté, Yuu, ce n'était rien. C'était même assez normal, pour un blader. D'autres avaient et feraient de même, c'était certain.
Ryuuto se concentra de nouveau sur son combat. Il comptait bien se qualifier et ce n'était pas en restant à bayer aux corneilles qu'il y parviendrait.
XXX
Ginga ne cacha pas sa déception à la suite du tirage au sort. Il se retrouvait dans le stadium numéro deux, tandis que Masamune se trouvait dans le numéro un, avec Kenta. Ce qui signifiait qu'il ne pourrait pas l'éjecter dès le premier tour.
Peut-être qu'un autre s'en chargerait à sa place ?
J'y compterai pas trop.
Avec la chance qu'il avait aujourd'hui, il ferait mieux de se concentrer uniquement sur son combat, au risque d'être disqualifié.
- ...signe ! Le stadium numéro un pour le blader numéro un !
- Tu veux pas la fermer Masamune ?
- Pourquoi ? T'es jaloux ? le nargua l'adolescent. En même temps, c'est normal. Je suis le blader numéro un mondial. Tu devrais déjà être content d'être classé deuxième.
Ginga adressa un regard froid à Masamune, qui n'eut pas le moindre effet : l'adolescent continua de rire et de se vanter. Même si son comportement l'agaçait, Ginga savait qu'il n'était pas la cause de la rage qui bouillonnait en lui – même s'il l'avait alimenté plus d'une fois, en voulant lui voler son duel contre Kyouya – mais il n'aurait aucun remord à la déverser sur lui. Absolument aucun.
Il ouvrit la bouche...
- Ginga ?
Il pinça ses lèvres et baissa la tête. Kenta le regardait avec inquiétude. Ginga s'efforça de détendre ses épaules et de lui sourire.
- Oui ?
- Quelque chose ne va pas ?
- Eh bien...
Le cœur de Ginga se crispa. Il secoua la tête. Il n'y penserait pas maintenant. Il devait se concentrer sur la bataille royale, qui prendrait place dans quelques instants.
L'inquiétude de Kenta s'était accentuée. En réponse, Ginga sourit davantage. Cela ne fonctionna pas mais il s'accrocha à son sourire. Il se passa une main sur l'arrière du crâne, dans une attitude faussement détendue.
- J'ai plutôt mal dormi la nuit dernière, avoua-t-il.
Le regard de Kenta glissa naturellement vers Masamune. Ce dernier arrêta enfin ses vantardises.
- Qu'est-ce qu'y a ?
- Eh non, c'est même pas de sa faute, cette fois.
- Quoi ?! Qu'est-ce qui est de ma faute ?!
- Rien, je viens de le dire, soupira Ginga, agacé.
C'était la faute à d'absurdes cauchemars...
Un frisson parcourut Ginga malgré les températures clémentes. Un nœud d'angoisse tordit son ventre.
Absurdes, répéta-t-il mentalement.
- Ginga ?
- Les batailles royales vont bientôt commencer. Fais de ton mieux Kenta !
- Et moi, je compte pour du beurre ?!
Le rouquin leur tourna le dos et s'éloigna d'un pas trottinant, se glissant entre les autres bladers, se dirigeant vers le stadium qui les avait été attribué.
- Euh... d'accord...
Rien que le ton de Kenta montrait qu'il ne l'avait pas convaincu.
Ginga s'efforça de chasser ce malaise, comme il s'efforçait d'étouffer sa colère et son angoisse. Ce fut bien plus facile. Se débarrasser des deux autres demeurait impossible.
Le blader de Pegasus se posta devant son stadium.
Allez. Une bataille royale m'attend ! Je vais pouvoir combattre des tas d'adversaires.
Ces tentatives d'améliorer son humeur n'aboutirent pas. Il ne ressentait rien, pas même la plus petite excitation.
- Il n'y a rien de mieux que le Beyblade, souffla-t-il.
Même à ses propres oreilles, ça sonnait sans conviction. Est-ce qu'il pouvait combattre dans cet état ? Il se secoua. Bien sûr qu'il en était capable, ce n'était pas l'idéal, tout simplement. Le Beyblade était censé être amusant. Le pratiquer dans son état ne ferait que ressortir ces sentiments négatifs, mais il devait combattre. Abandonner n'était pas dans sa nature et il l'avait promis à Kyouya.
Kyouya...
- Trois !
Ginga sursauta. Il tourna la tête à gauche puis à droite et se rendit compte que tous les autres bladers avaient sorti leurs lanceurs et qu'ils étaient prêts à tirer.
- Deux !
Il sortit son propulseur et y enclencha précipitamment Pegasus.
- Un !
Il tendit les bras en avant et assura son ancrage dans le sol.
- Hyper Vitesse ! cria-t-il avec les autres.
Pegasus fusa vers le stadium. Il atterrit et avança rapidement au milieu de ses concurrents. Les autres toupies se rassemblèrent autour de lui et commencèrent à l'assaillir.
- N'arrêtez pas ! ordonna le meneur – un adolescent d'une quinzaine d'années. Les toupies d'attaque n'ont que peu d'endurance.
- Venez à autant que vous voulez.
L'adolescent leva la tête vers Ginga, le visage marqué par la colère.
- Tu nous nargues ?
- C'est pas parce que t'as gagné l'Ultime Bataille que tu dois nous prendre de haut !
Ginga ne prit pas la peine de répondre. Ça ne servait à rien de se défendre face à ce genre d'arguments. Il tirait de la fierté de sa victoire, mais surtout du soulagement et de la tristesse – et ça, seuls ses proches pouvaient le comprendre.
- Je ne perdrai pas, martela-t-il. Je n'en ai pas le droit.
Kyouya se qualifierait au tournoi inter-Maisons et Ginga le rejoindrait. Le contraire était impensable. Surtout que, s'il perdait face à des adversaires pareils, jamais il n'oserait faire de nouveau face à son rival.
- Pegasus !
Le bey se remplit d'énergie. Il écarta ses assaillants les plus proches, se ménageant suffisamment d'espace pour effectuer un cercle et les envoyer hors du stadium. Ignorant les cris de désarroi de ses adversaires, Ginga urgea Pegasus de continuer de se battre. À présent, plus de la moitié du stadium s'était retournée contre lui. Une tactique habituelle dans les combats de type bataille royale.
Pegasus ne se laissa pas ralentir. Il répondit à chaque attaque avec dix, cent fois plus de puissance. Il se débarrassa de ses adversaires sans rencontrer de réelle résistance. Bientôt, il ne resta qu'une quinzaine de toupies dans le stadium. S'apercevant enfin que l'attaquer n'était pas le chemin le plus sûr vers la victoire, les autres bladers commencèrent à combattre entre eux. Ça ressemblait davantage à une bataille royale.
Il ne resta que dix toupies. Neuf. Huit.
Tout s'arrêta.
- Stadium numéro deux, vous êtes qualifiés.
- Oh non ! s'indigna Masamune. Je suis le blader numéro un, je devrais être le premier qualifié !
L'adulte s'approcha de leur stadium.
- Vos noms, s'il vous plaît.
Il hocha la tête et inscrivit une croix sur sa liste à chaque fois qu'un des huit finalistes se présentait. Lorsqu'il eut fini, il retourna au centre des stadium.
Ginga tendit la main. Pegasus vint se poser sur sa paume. Il replia ses doigts sur sa toupie et l'approcha de son cœur. Il ferma les yeux. Un sourire vint même flotter sur ses lèvres. Il se sentait étrangement soulagé.
- Je reste son rival malgré tout.
Il était le seul que Kyouya désirait vaincre, le seul pour qui il consacrait autant d'efforts. C'était pour pouvoir l'affronter, et uniquement pour cette raison, qu'il avait décidé d'intégrer une autre Maison. Il le lui avait dit.
Toute cette inquiétude était stupide.
D'accord, Kyouya avait l'air de bien s'entendre avec Nile – Ginga les avait aperçus discuter amicalement la veille – mais c'était bien. Kyouya n'avait pas beaucoup d'amis. Qu'il élargisse son cercle était une bonne nouvelle. De toute façon, même s'il appréciait Nile, ce dernier n'était pas son rival. Il ne le regardait pas comme il le regardait lui. Il ne parlait pas de lui comme il parlait de Ginga, ni ne s'adressait à lui de la même façon.
- J'ai été idiot, souffla-t-il avec amusement.
Sa colère et son inquiétude l'avaient quitté, le laissant étrangement léger. Il ne lui restait plus que l'agréable certitude qu'il était spécial pour Kyouya.
Ses yeux s'ouvrirent avec choc.
C'était de la jalousie, non ?
Fin du chapitre 11
Note : Les tournois ont à peine commencé, que Kyouya et Yuu ont fait preuve de leur incroyable patience.
Je vais mettre à jour l'ordre des publications sur mon profil.
