Gilda avait eu toutes les peines du monde à garder un visage serein durant les minutes qui avaient suivi la fin de ses cours, alors qu'elle rentrait chez elle en passant par la Salle des Professeurs afin de vérifier rapidement son casier. Bien sûr, il avait fallu qu'elle croise des collègues et ceux-ci s'étaient inquiétés de sa mine basse.
Après avoir été obligée de tout raconter et assuré à Charity Burbage qu'elle était sûre de tenir le coup malgré l'incident, elle savait elle ne ferait pas illusion plus longtemps. Sa poitrine était comprimée par l'anxiété et l'air commençait à lui manquer.
Sortie de son cours et retournée dans ses appartements le plus rapidement possible, l'enseignante respira un bon coup, essuyant quelques larmes qui avaient coulé sur son visage et attendit avec angoisse les retombées de l'incident survenu avec Dolores Ombrage (se préparant même à devoir donner sa démission).
Mais à sa grande surprise, rien ne vint durant tout l'après-midi, pas plus qu'à son retour de l'école avec les enfants. Personne ne vint la déranger ni lui demander des comptes.
Au repas, elle fut même stupéfaite de voir que Dolores Ombrage s'était considérablement radoucie, allant jusqu'à lui sourire et cherchant à engager la conversation avec elle.
Gilda commençait donc à craindre le pire. L'ambiance était d'autant plus pesante qu'elle sentait que Severus Rogue l'évitait ce soir-là. Mais pourquoi donc par Merlin ? Désapprouvait-il son attitude ?
D'ailleurs, il semblait même agacé de l'avoir à côté de lui et même Sebastian semblait l'avoir remarqué puisqu'il observait un silence prudent quoique un peu attristé.
Par Merlin songea Gilda avec abattement alors qu'ils attaquaient le plat principal, elle avait l'impression d'être prise dans une espèce de smog magique et de n'inhaler que des vapeurs toxiques ce soir !
Ses joues rougissaient à cause de la gêne qu'elle éprouvait et ses poumons la brûlaient à présent, il fallait qu'elle quitte les lieux au plus vite.
Fort heureusement, ni Sebastian ni Moon n'avaient envie de veiller ce soir-là et ils la suivirent sans histoires dans les étages du château, jusque chez eux où elle laissa Sebastian jouer un instant pendant qu'elle donnait le bain à Moon. La soirée fut même plutôt tranquille et elle n'éleva pas la voix une seule fois, même lorsque vint l'heure de se mettre au lit.
« Ils sont quand-même gentils. » Pensa tristement la jeune femme en son fort intérieur tout en embrassant sa fille sur le front avant d'éteindre la lumière de sa petite chambre.
Les affres de la déprime la guettaient et elle le savait parfaitement. A cet instant, elle aurait tout donné pour être de retour dans leur appartement de Bristol et une larme roula sur sa joue lorsqu'elle passa devant la photo de Yannick.
Pourtant, elle ne pouvait pas se permettre de flancher maintenant. Elle avait du travail et, au fond, c'était peut-être mieux...
Tard dans la soirée, alors que Gilda corrigeait ses copies de seconde année après avoir vérifié que Moon et Sebastian s'étaient bien endormis, on frappa à sa porte et son cœur se mit à battre la chamade tandis que sa respiration s'accélérait brusquement sous l'effet de l'anxiété.
Par Merlin, mais elle était terrorisée ! A présent la sensation d'étouffement revenait et, à n'en pas douter, elle allait passer un sale quart d'heure si c'était de nuit que l'on venait la déranger.
La mort dans l'âme, Gilda se leva d'un pas mécanique et alla ouvrir.
Sa tension retomba d'un coup. Argus Rusard se tenait de l'autre côté du battant, visiblement très hésitant et la jeune femme écarquilla les yeux. Que faisait-il ici à une heure pareille ?
- Oui ? Demanda t-elle sans parvenir à dissimuler totalement son angoisse.
- Je vous apporte une lettre qui vient d'arriver dans la volière à votre intention, dit-il plus gentiment qu'elle ne l'aurait cru. C'est moi qui l'ait réceptionnée en faisant ma ronde...
Sous l'effet du soulagement, Gilda poussa un profond soupir qui ne passa pas inaperçu à en juger par la mine étonnée du concierge.
En même temps elle n'aurait pas forcément pu y penser : la démarche de Rusard était plutôt inhabituelle... Mais peut-être l'oiseau porteur du message n'avait-il pas pu attendre…
Bref, c'était plutôt incongru.
Gilda se ressaisit aussitôt qu'elle prit conscience de son manque de tenue, remercia le concierge et, sans savoir bien pour quelle raison, lui proposa soudain de rentrer et prendre une tisane avec elle. Pourquoi donc ? Peut-être après tout parce qu'elle avait besoin d'un contact humain plus informel.
A sa grande surprise, l'homme accepta et quelques minutes plus tard, ils étaient tous les deux assis sur les fauteuils du salon à discuter de tout et de rien, tandis que la respiration de Gilda s'apaisait petit à petit. La tisane avait du bon pour cela :
- Je vois que vous aussi vous faîtes marcher votre bouilloire sans utiliser de baguette, lui fit observer le vieil homme avec un sourire.
- Hé oui… Répondit Gilda en souriant à son tour. Je crois que dans ce châteaux, nous sommes les seuls…
Argus Rusard semblait apprécier cette compagnie et ne se montra pas avare de mots. Gilda se rendit compte très rapidement que le concierge de Poudlard avait besoin de se confier, après des années à ruminer une colère faite de rancœur et d'incompréhension. Pourtant, presque aussitôt, elle regretta de l'avoir invité tant ses paroles la heurtaient personnellement :
- Tous ces moldus là ! Tous ceux qui sont arrivés dans le monde magique comme de par hasard ! Je suis sûr que c'est eux !
- Eux qui quoi ? Demanda Gilda d'une voix à la fois inquiète et intriguée, bien qu'elle craigne de savoir déjà ce que le concierge allait lui répondre.
- Les pertes de magie, répondit Rusard d'une voix haineuse. Je suis sûr que c'est eux… Dolores a raison et après tout elle est bien placée pour le savoir…
- Argus, répondit Gilda d'une voix qu'elle essayait de maintenir douce. Je ne pense pas que les moldus aient quoi que ce soit à voir avec la naissance de cracmols… Regardez, je suis de sang-pur et pourtant totalement limitée en terme de magie.
- Mais c'était mon cas aussi ! Répliqua le concierge. Douze générations constituées uniquement de sorciers et tout ça pour… Pour ça quoi !
Mal-à-l'aise, Gilda lui lança un regard interrogateur. Ce fut comme un signal et le concierge commença à s'épancher bien qu'il s'efforce de chuchoter comme elle lui faisait signe, pour ne pas réveiller les enfants.
Gilda apprit donc que son vieux collègue avait fait deux ans à Poudlard, comme elle dans la maison Poufsouffle, deux premières années avant d'être déclaré cracmol malgré tous ses efforts et renvoyé chez lui.
- Ma sœur est un peu dans le même cas, répondit-elle car le cas du pauvre homme lui faisait un peu penser à celui de Gésine. Même si elle a tenu jusqu'à la cinquième année…
- Je le sais, répondit l'homme. Je me souviens très bien d'elle et c'est aussi pour cela que je voulais vous parler… Comment va t-elle ?
C'était la question dont elle se serait bien passée :
- Je l'ai perdue de vue, avoua Gilda qui n'arrivait pas toutefois à se sentir coupable alors qu'elle l'aurait probablement du. Je sais juste qu'elle s'est mariée, il y a peu.
Elle se tut une demi-seconde avant d'ajouter, curieuse :
- Mais il y une chose qui m'intrigue : Pourquoi êtes-vous ici si vous avez été déclaré cracmol ?
- C'est Dumbledore qui m'a permis de rester comme concierge, répondit le vieil homme.
Il hésita un instant et ajouta :
- Au départ il ne voulait pas. Il m'a fermement conseillé d'aller faire ma vie dans le monde moldu mais je n'ai jamais pu… J'ai essayé trois ans d'apprentissage dans la maroquinerie, puis je suis revenu le supplier de m'engager. Tout valait mieux que de vivre parmi les moldus… Franchement je ne sais pas comment vous avez fait durant toutes ses années…
Sa voix était pleine de rancœur, comme s'il s'efforçait de ne pas lui dire qu'il désapprouvait franchement ses choix mais ne pouvait totalement le cacher. Aussi Gilda ne se gêna pas et répondit :
- Argus, la réponse n'est pas difficile, il y a des choses magnifiques dans le monde moldu et j'y ai été très heureuse...
Il lui répondit par une moue sceptique et Gilda se sentit de plus en plus gênée par son air buté au fur et à mesure qu'elle tentait d'argumenter. Cela en vint au point que sa respiration recommençait bientôt à se faire saccadée, un peu plus à chaque fois que le concierge lui répondait et mettait en cause les moldus.
C'était un des discours les plus extrêmes qu'elle n'ait jamais entendu. Et bien qu'il soit un proche de Dumbledore, la loyauté de Rusard était franchement fluctuante, Gilda le voyait bien à présent et elle s'en sentait accablée.
Quant-à la proximité de l'Inquisitrice, elle ne l'avait pas du tout arrangé.
D'un côté Rusard admettait volontiers que, sans le directeur et sa bienveillance, il ne serait jamais revenu à Poudlard, mais d'un autre côté Gilda voyait sans peine qu'Ombrage lui avait tourné la tête et, d'ailleurs, il tenta de la convaincre que l'affreuse inquisitrice voulait le meilleur pour l'école :
- Il faut remettre de l'ordre ici ! Ne cessait-il de répéter. Aidez-la, elle ne demande que de la coopération. Vous verrez qu'après tout sera beaucoup mieux...
Gilda frémit et un nœud se forma dans sa gorge tandis que la sensation de respirer un air empoisonné revenait.
Se pouvait-il que ce soit Ombrage elle-même qui ait envoyé Argus Rusard auprès d'elle ? Gilda n'en savait rien mais il se lança bientôt dans une diatribe totalement anti-moldus, les accusant d'être des voleurs de magie et disant que les nés-moldus polluaient l'école.
Gilda se sentait complètement atterrée, prête à défaillir et dut fournir de gros efforts pour rester respectueuse. Elle tenta un moment de le raisonner mais dut bientôt s'avouer qu'elle restait totalement impuissante face à son discours radicalisé. Et le pire est qu'il semblait bien décidé à l'amadouer.
Il fallait qu'elle abrège…
- Je crois que j'entends ma fille… Murmura t-elle afin de trouver un prétexte pour quitter le salon.
À son grand soulagement, Argus Rusard comprit qu'il s'agissait là de la fin de l'entretien et il prit poliment congé. Gilda se sentait totalement lessivée.
« Plus jamais », pensa t-elle.
Finalement elle ne respira qu'une fois le concierge parti et s'effondra dans le fauteuil le plus proche avec lassitude. L'attitude conciliante d'Argus Rusard et sa tentative de rapprochement l'intriguaient toujours cependant, autant que son départ l'avait grandement soulagée. Quelle explication y donner ?
Elle baissa alors les yeux vers la lettre et regarda le message qu'elle avait reçu. Le papier coûteux, l'écriture soignée, l'envoyeur et tout le reste la laissèrent stupéfaite, le souffle momentanément coupé :
- Qu'est-ce que c'est que ce truc ? Murmura t-elle une fois qu'elle fut parvenue à respirer à peu près normalement.
Ouvrir la lettre lui apporta des éléments de réponse, mais elle n'en fut pas moins décontenancée en la lisant, ainsi que gênée et même contrariée.
- Réception au Manoir Malefoy… Articula t-elle à voix basse. Qu… Quoi ?
Cela ne pouvait pas être possible, c'était forcément une blague et elle était d'ailleurs de très mauvais goût. Quelqu'un prenait un malin plaisir à se ficher d'elle.
« Non… Pas question. » Dit Gilda d'une voix butée avant de reposer brusquement papier et enveloppe sur la commode, juste à côté de la photo de Yannick.
C'est troublée et mal-à-l'aise qu'elle alla se coucher, en proie à des souvenirs qu'elle aurait bien voulu oublier et l'esprit agité par ce qu'elle venait de recevoir. Elle resta incapable de dormir durant des heures et tourna dans son lit jusqu'au petit matin.
Cette invitation la déstabilisait tellement que la déprime la guettait encore plus à présent. Si cela continuait, elle n'aurait bientôt même plus la force de se lever de son lit !
Gilda repensait également à son implication plus ou moins personnelle dans l'AD, au fait qu'elle endorme volontairement ses enfants au moyen de pilules à sommeil dont la prise devait rester très occasionnelle.
Cela dit, Dumbledore en personne l'avait chargée de garder un œil sur l'organisation étudiante et de veiller sur ses participants, lorsqu'elle lui avait parlé de son projet d'intégrer l'organisation. Et elle s'était sentie fière à l'idée de remplir une mission.
A présent cependant elle se sentait prise entre deux feux : d'un côté elle avait besoin de ce soutient et ne voulait pas décevoir le directeur… Mais de l'autre elle n'était pas sûre d'être franchement utilse à quelque-chose en s'exposant de la sorte.
C'était à en devenir complètement folle, songeait-elle douloureusement.
Mais ce que Gilda ne savait pas, c'est qu'Albus Dumbledore lui-même discutait précisément de son cas dans son bureau, au moment où elle tentait désespérément de trouver le sommeil.
Ou plutôt, pour être un peu plus franc, une violente dispute avait éclaté à ce moment précis entre lui et Severus Rogue :
- Elle est vulnérable, fragile, complètement imprudente... Et vous êtes un cinglé, inconscient et manipulateur !
- Du calme Severus, répliqua le directeur qui souhaitait visiblement modérer le Maître des Potions. Je ne vois pas ce qui peut tant vous mettre en colère.
- Vous ne voyez pas?!
Le Maître des Potions s'était étranglé sur cette phrase, outragé par la mauvaise foi du directeur de Poudlard :
- Albus, vous êtes totalement irresponsable de la mettre dans une telle position ! S'énerva t-il. Vous ne pouvez pas lui demander de jouer ainsi les agents doubles ! Pas avec ce que je vous ai révélé concernant les projets des Malefoy !
- Vous demander de jouer les agents doubles, je le fais pourtant bien avec vous, répliqua le vieil homme.
Il y eut un instant de silence entre les deux, un instant suspendu, le temps arrêté, comme bafoué par la réponse du vieil homme.
- Et vous croyez que c'est un argument ? S'offusqua Severus en se levant brusquement de sa chaise, blanc de rage.
Furieux comme il l'était, il aurait pu se montrer menaçant, agressif, impoli ou brutal. Pourtant il n'en fit rien et se contenta de quitter les lieux, claquant simplement la porte de la manière la plus sonore possible.
Dumbledore soupira une fois le Maître des Potions sorti. Il était conscient de ne pas s'être montré très respectueux envers Severus ce soir-là, alors que son jeune collègue venait lui exposer ses très franches inquiétudes (et sa colère) après avoir découvert dans l'esprit de Harry Potter que Gilda Marty fréquentait l'AD.
Oui, il aurait du retenir Severus et tout lui expliquer avec précision. Cependant il n'était pas sûr d'en avoir très envie ni que cela soit particulièrement prudent, d'autant que le soir venait et qu'il avait encore à faire.
L'après-midi même, il avait appris qu'une personne dont la sécurité l'inquiétait au plus haut point venait de faire le trajet jusqu'à Londres en empruntant l'Unterwelt Express grâce à ses alliés gobelins, bien qu'elle y courre le risque d'être assassinée.
Depuis, il se sentait à cran.
Enfin, sa visiteuse arriva, après avoir traversé les couloirs du château escortée de Minerva. Cette dernière s'étant retirée bien qu'Albus lui ait proposé de rester, ils commencèrent à discuter :
- Comment allez-vous Angela ? Demanda directement Albus. Et que nous vaut votre visite en Angleterre ?
- Disons que des missions pour le Parlement Européen des Créatures Magiques m'occupent beaucoup en ce moment, répondit la sorcière sans rien perdre de son sérieux. Je suis par monts et par vaux pour un long moment je pense.
Albus soupira avec lassitude, devinant que les choses n'étaient pas aussi simples que ce que la jeune femme voulait bien lui en dire… Mais d'un côté, comment aurait-il pu en être autrement ?
La nuit s'annonçait longue et riche d'informations mais cela il le savait depuis l'après-midi qui venait de se dérouler.
Bien que l'heure soit déjà avancée, Albus recevait l'une de ses plus féroces, précieuses, brillantes et vicieuses alliées au sein de l'Europe sorcière : la Supérieure Angela Walter-Klein, directrice depuis peu de l'école du Blocksberg en Allemagne et également membre du Parlement Européen des Créatures Magiques ainsi que de la Confédération Magique Internationale dont elle était vice présidente depuis deux ans.
Cela faisait longtemps qu'Albus Dumbledore travaillait avec elle. Une dizaine d'années plus tôt en effet, Angela Walter-Klein qui n'était alors qu'une simple diplomate au Parlement Européen des Créatures Magiques avait réalisé son premier coup d'éclat : signer un traité d'amitié entre les sorciers de la Forêt Noire et les Ondins de la même région, alors même que des luttes farouches les opposaient depuis des siècles.
Elle-même étant une semi-ondine, la question la concernait directement et elle n'avait pas ménagé ses efforts pour parvenir à ses fins.
Après cela, elle était très rapidement montée en grade : Manitou à la Confédération Magique Internationale, directrice du Blocksberg… Albus savait que leurs parcours à tous les deux foisonnaient de similitudes.
Très rapidement, ils furent occupés à une conversation presque aussi animée que celle qu'il avait eue avec Severus, quoique un peu plus cordiale. Il faut dire que tous les deux se connaissaient très bien et, si en temps normal Albus appréciait l'allant de sa jeune homologue (car malgré son parcours à rallonge, elle n'avait qu'une quarantaine d'années), il se trouvait obligé ce soir de modérer un peu ses ardeurs :
- Angela, dit-il pour la énième fois. Je pense au plus profond de moi-même que vous exposer ainsi est une très mauvaise idée. Vous êtes presque à la tête de la Confédération enfin !
- Je suis à la tête de l'opposition, le corrigea t-elle sans concession.
- Sans parler de votre rôle au parlement ! Vous êtes la vice-présidente que certains ne vont pas manquer de tenter d'éliminer !
- Vous savez aussi bien que moi que ce n'est que par intérim, répliqua la femme en face de lui. Vous serez bientôt de retour, l'autre extrémiste déguerpira et moi je retournerai dans l'ombre !
- Il n'empêche, répondit Albus. Nous ne pouvons pas nous permettre de vous perdre, pas maintenant que l'Europe court un grave danger et que les factions extrémistes posent leurs pions.
- C'est justement pour cela qu'il ne faut pas que je reste inactive.
- J'en conviens, répondit Albus Dumbledore. Mais, par Merlin, pourquoi êtes-vous venue ici alors que les mangemorts ont mis votre tête à prix ?
La femme se contenta de le regarder pendant plusieurs secondes, assise sur sa chaise et ses cheveux légèrement bleuâtres dégringolant sur sa cape.
Enfin, elle lui répondit d'une voix douce :
- Pensez-vous, Albus, qu'il y ait un seul endroit sur cette planète où Lord Voldemort et ses sbires ne puissent m'atteindre ? Même si je restais terrée dans ma propre école, je serais une véritable cible vivante... Et je ne parle même pas du danger que je ferais courir à mes élèves… Le Blocksberg ne jouit pas des sortilèges millénaires de votre propre école… Et il y a autour de nous bien trop de zones maudites pour que nous soyons préservées de la violence, même à l'intérieur de notre enceinte. Vous le savez mieux que personne.
Elle avait dit cela d'une voix grave où perçait un abîme de tristesse et poursuivit :
- Durant des siècles, la Forêt Noire a été régie par un ensemble de sorciers tyranniques quoique sans aucune instruction, de psychopathes, de pervers, de manipulateurs, de brutes avides de pouvoir…. Nous n'en sommes sortis que depuis peu, en partie grâce à vous
- Si peu, répliqua Albus Dumbledore. Vous devez votre réussite avant tout à vous-même… C'est vous qui avez fait la paix avec la reine des Ondins, c'est également vous qui développez actuellement votre école dans le sillage de Schwester Elisa.
La jeune femme hocha la tête d'un air assez réservé :
- Notre bonheur est bien réel, mais aussi terriblement fragile et le moindre déséquilibre le met en péril, répondit-elle. Avec ce qui se passe en ce moment en Europe, inutile de vous dire que notre existence devient chaque jour un peu plus dangereuse.
- Est-ce en lien avec votre venue ?
- Oui et non, répondit Angela Walter-Klein.
- Oui et non ? Répliqua le directeur, non sans surprise.
Elle acquiesça et expliqua :
- Le Parlement Européen des Créatures Magiques m'a envoyée pour dresser l'état des lieux des familles mixtes qui vivent en Angleterre… La radicalisation du Ministère les met en danger, aussi il a été décidé de leur proposer l'émigration vers la France en particulier, ainsi que l'Allemagne, l'Égypte et l'Amérique latine.
- Cela, c'est pour le « non », dit-il. Et pour le « oui » ?
- Le Blocksberg s'est engagé à héberger certaines familles désireuses d'émigrer… Ce qui pourrait constituer pour nous une protection supplémentaire.
Albus Dumbledore acquiesça gravement, mais il changea presque aussitôt de sujet :
- Je vois, dit-il. C'est un calcul à faire en effet. Et pour le reste, avez-vous des nouvelles d'Igor Karkaroff ?
La dénommée Angela sembla décontenancée un instant. Mais elle se reprit et déclara :
- Moi non, répondit-elle. Mais Athénaïs Bellona… Je n'en doute pas une seconde et je suis même persuadée qu'elle le cache.
- Une position dangereuse, murmura Albus.
- Oh oui ! Répondit Angela Walter-Klein. Mais pour le coup je suis suffisamment prudente pour éviter d'aller dans cette direction-là. Athénaïs peut bien se débrouiller seule...
- Ce serait en effet un coup à vous faire tuer… Répondit le directeur. Espérons que votre collègue soit prudente elle aussi.
La femme eut une moue qui renseignait largement sur le peu de souci qu'elle se faisait pour la collègue en question, ou alors sur le peu d'affection qu'elle lui portait.
- Il y a une chose que j'ai peine à comprendre, dit-elle, changeant totalement de sujet à son tour. D'après-ce que vous m'avez écrit, vous voulez que j'assiste à une réunion de l'Ordre ? Pourquoi donc si ma venue n'était pas prévue ?
Albus Dumbledore sourit :
- Je devine que votre passage dans ce pays, quoique très risqué, ne restera pas longtemps exceptionnelle, répondit-il d'une voix douce. Aussi je pense qu'il faut que vous connaissiez certains membres de l'Ordre du Phénix d'Angleterre et que vous puissiez compter sur leur soutien. Vous ne pouvez rester seule, quelle que soit votre mission...
Il lui offrit le bras lorsqu'ils se levèrent pour quitter le bureau et Angela l'accompagna jusqu'aux grilles du château d'où ils transplanèrent, direction Londres.
La sorcière vacilla un peu lorsqu'avec Albus ils se posèrent devant le 12 Square Grimaud dans lequel ils entrèrent après seulement quelques secondes.
Deux hommes et une femme plus jeune se trouvaient déjà dans la maison, assis à la table de la cuisine, lorsque le Directeur de Poudlard y introduisit sa collègue :
- Sirius, Remus, Nymphadora, bonsoir, dit-il sans se formuler de leurs visages stupéfaits et méfiants. Je vous présente Angela Walter-Klein…
Il ajouta après une légère hésitation :
- Angela fait également partie de l'Ordre bien que ce soit sa branche européenne. C'est en outre la directrice de l'école du Blocksberg en Forêt Noire.
Les trois sorciers saluèrent d'une voix incertaine et Albus Dumbledore acheva les présentations :
- Angela, je vous présente Remus Lupin, Nymphadora Tonks et Sirius Black, trois membres très actifs de l'Ordre du Phénix.
La sorcière allemande salua tout le monde d'un signe de tête, s'attardant légèrement sur Sirius.
Ce dernier observait la nouvelle venue d'un regard où il était difficile de ne pas lire une franche convoitise, cela en devenait presque gênant.
En même temps songea Albus, tout dans l'apparence de la directrice du Blocksberg pouvait troubler un homme, y compris plus comblé qu'un Sirius Black vivant dans la clandestinité.
En effet Angela Walter-Klein, malgré une certaine austérité vestimentaire, était très séduisante. Elle avait la haute taille et la silhouette élancée caractéristique des Vélanes. Pour le reste, elle était d'une très grande beauté et son aura naturelle renforçait encore l'effer :
- Vous êtes une ondine, remarqua alors Remus Lupin qui s'était repris plus rapidement que son ami.
Angela Walter-Klein se rembrunit et lui répondit d'une voix soudain pincée :
- Une semi-ondine seulement. Mon père était un sorcier anglais, même si j'ai été élevée par un cracmol.
Puis, agacée par le regard de Sirius Black, elle se tourna de nouveau vers lui et le toisa à son tour, mais avec une telle froideur que l'homme se recroquevilla comme si le regard de la semi-ondine l'avait brûlé.
- Cessez de me fixer, ordonna t-elle sur un ton polaire.
Penaud et triste, Sirius obéit néanmoins et Albus soupira de lassitude : voilà qui commençait bien…
Décidément certaines personnes ne changeaient jamais et c'est précisément dans ces moments qu'il se sentait soulagé de préférer les hommes...
