Note de l'auteure :
J'ai commencé à écrire ça. Je ne sais pas quand j'écrirais la suite. Pour l'instant, il y a 15 chapitres, et celui-là est le plus long. Les autres sont ridiculement courts. Ces 15 chapitres forment l'Acte I. J'ai des idées pour l'Acte II, le III aussi sans doute, mais je ne sais pas quand je pourrais les écrire. Le pairing principal est du JeanAruPiku, soit en fait un triangle amoureux Jean x Armin x Peak. Je ne sais pas qui finira avec qui, on verra bien.
Ah, et ça se passe dans un univers alternatif qui ressemble un peu à l'entre-deux guerres (1918 à 1939, donc) du côté de l'Allemagne. Je ne me suis pas documentée, j'ai écrit ça à l'aide de mes souvenirs de mes cours d'allemand et d'histoire de l'année dernière, donc bon. De toute façon, c'est juste censé ressembler au mode de vie pendant l'entre-deux guerres, pas en être une copie parfaite.
A titre personnel, j'aime bien cet univers et cette histoire, et j'espère que ça vous plaira aussi !
Bonne lecture !
Sur les pas des Titans
Acte I : Vers Trost
Chapitre 1 : Prélude | 8 novembre 847
Noir, gris.
C'étaient les couleurs, fades, insipides, de ce quartier délabré, en cette nuit de début de novembre. Il était près de minuit et des gouttelettes tombaient du ciel. La silhouette aux contours indistincts dans la brume qui commençait à se former avait toute sa place dans ce décor ; elle n'était pas très haute, sans doute un enfant, empaqueté dans une lourde cape marron et sale – de poussière, de boue. Elle tâcha de presser le pas. L'eau coulait plus abondamment encore. Elle tintait, ricochait contre les vieux toits en tôle, en ardoise, des maisons usées par le temps, la guerre.
An 847.
Eldia connaissait des heures bien sombres ; la guerre contre Mahr s'était achevée sur une défaite cuisante et l'Etat se retrouvait criblé de dettes. Les hommes – les soldats étaient détruits, les femmes, veuves, et les enfants, orphelins.
La silhouette qui planta son pied dans une flaque d'eau, dans ce petit quartier gris et noir, n'était pas orpheline de guerre.
La pluie ruisselait à présent sur son visage, mais c'était bien la dernière chose qui la gênait ; non, par contre, elle tenait serré tout contre elle un paquet, emballé dans un drap à la propreté douteuse, mais qu'il valait mieux éviter d'exposer à la pluie ; celle-là même qui brouillait sa visibilité – mais l'enfant n'avait pas envie de voir ce quartier, ces maisons, tristes et désertes, grises, sombres.
Ce n'était pas beau.
Rien n'était beau, cette année, ce mois, ici, à Eldia.
Parce que la guerre était finie – on aurait dû s'en réjouir – parce que tout était devenu pauvre et fade et gris et abandonné. Parce qu'Eldia avait perdu et qu'il fallait tout reconstruire.
Mais avec quoi ?
Il n'y avait plus rien à faire ; juste espérer un miracle. L'enfant était trop jeune pour croire en un Dieu – ou peut-être trop vieille ? Y avait-il un âge pour croire en un Dieu ? Mais la fillette ne voulait pas y croire.
Ses bottes crottées, qui claquaient contre la terre qui s'amollissait sous l'action de l'eau, se figèrent et son corps tangua vers l'avant, puis retrouva un semblant d'équilibre alors qu'elle mit abruptement fin à ses réflexions.
Il y avait une odeur dans l'air, une sale odeur qui, malgré le torrent qui dévalait le ciel, ne disparaissait pas. Elle était omniprésente. Toute proche, donc. La gamine fronça du nez. Cette odeur-là ne lui plaisait pas ; elle l'avait trop souvent côtoyée, mais elle ne s'y faisait pas – trop de mauvais souvenirs.
C'était l'odeur du sang.
Ferreuse, âpre, sèche. L'odeur de quelqu'un qui mourrait. S'aidant de son odorat, la fillette tourna au coin de la rue, juste à côté d'elle ; une minuscule impasse qu'elle n'avait pas aperçue. Et là, alors, à l'abri de la pluie, qui tombait sur une bâche tendue entre deux bâtiments à étages, il y avait bien quelqu'un.
La fillette se tendit. Elle n'avait ni lanterne, ni de quoi, même, se défendre si l'autre était armé. Il y eut un souffle rauque, que l'enfant entendit malgré les trombes d'eau qui battaient une étrange symphonie autour d'eux, et si elle s'était auparavant crispée, elle le fut encore plus ensuite. Il s'écoula une, deux, voire trois longues minutes durant lesquelles elle n'osa point bouger, terrifiée, les mains serrées, blanchies et tendues, sur son paquetage. À part les gouttes d'eau qui ruisselaient, cognaient toujours plus fort, il n'y avait plus aucun bruit.
Prudemment, l'enfant se pencha ; l'odeur fétide, les relents ferreux lui prirent au nez, lui descendirent dans la gorge et elle se sentit mal – mais elle ne flancha pas. La personne semblait inconsciente à présent. Dans la lueur de la nuit, la fillette ne distinguait presque rien du corps étendu ; des cheveux clairs, formant un halo autour de sa tête, une masse humide et sale – son corps mutilé, ensanglanté.
La gamine s'approcha, plus près ; la silhouette n'était pas très grande, l'enfant entendit et sentit un souffle ricocher contre sa joue. L'autre était encore vivant. Avec un peu de chance… Il ne semblait pas dangereux, l'instinct de la môme lui criait qu'elle n'avait rien à craindre.
Ni une, ni deux, elle était lancée.
Reprenant sa course à plus vive allure, sous la pluie qui s'intensifiait encore tant que cela était possible, claquant des pieds dans la boue, ses orteils frigorifiés et ses joues glacées et ses cils perlant de minces gouttelettes, et la fillette ralentit l'allure, soulagée, en apercevant la maison en briques, au toit partiellement effondré, à l'écart du faubourg, d'où émanait par une fenêtre, petite, au verre sale rendu presque opaque, la lueur rougeoyante de quelques lanternes.
L'enfant passa la porte en bois, usées par les âges, et courut vers la pièce, où le toit tenait encore, et où elle avait élu domicile avec l'autre personne, la silhouette courbée d'un homme qui farfouillait dans les quelques bagages qui jonchaient le sol, terreux, poussiéreux, humide, de cette pièce qui tombait à l'abandon avait leur arrivée soudaine, trois jours plus tôt.
A l'entente des pas lourds et gluants de boue de l'enfant, l'homme se redressa et se tourna vers elle ; les détails de son visage hâlé et quelque peu sale, à l'image de toute la misère de laquelle ils étaient entourés et dans celle-ci qu'ils pataugeaient, apparurent plus nettement à la lueur des bougies posées un peu partout, à même le sol, dont la flamme vacillait doucement.
L'homme qui se tenait face à l'enfant n'atteignait pas la trentaine ; il était brun, aux cheveux longs – jusqu'aux épaules, et sales, emmêlés, il avait un début de barbe – faute d'avoir à disposition de quoi s'en occuper ; et ses yeux avaient la couleur de l'émeraude. Il était là, dominant de son mètre quatre-vingts la gamine, sa carrure élancée tassée sous les fripes usées dont il – comme elle – se couvrait en prévision de l'hiver et des chutes de température.
« Tu as fait vite. »
La voix de l'homme, rauque, douce, s'éleva dans la pièce silencieuse. La fille retira son capuchon, et ses cheveux jaillirent, frisés, noirs, humides. Des mèches se collaient à ses joues. Elle sortit son bagage de sous sa cape et le tendit à l'autre, qui s'approcha et s'en saisit ; il ne dit mot mais son regard disait merci.
« Il s'est mis à pleuvoir, fit, pour toute réponse, l'enfant.
– Oui, dépêche-toi de te changer, tu vas attraper un rhume. Je ferai sécher tes vêtements dès qu'il y aura un peu de soleil, renchérit l'autre, maintenant accroupi devant un caisson en bois, dépliant avec une délicatesse presque exagérée les pans du tissu.
– C'est pas gagné, ça. » murmura la fillette, mais elle ne bougea pas de sa place.
Un cercle sombre s'épanouissait à ses pieds, l'eau qui imbibait ses vêtements tombait au sol en petites gouttes, mais la gamine resta immobile. Il fallait qu'elle parlât. Mais il faisait froid et nuit et elle était trempée et peut-être que l'autre était mort et…
« Il y a quelqu'un de blessé, dans une ruelle. Je l'ai vu, au retour. »
Les mots avaient passé ses lèvres avant qu'elle ne songeât à les formuler autrement, ou même si elle devait le dire, tout compte fait. Puis elle se souvint de la quiétude, cette tranquille impression qu'il n'y avait aucun danger, lorsqu'elle s'était redressée, près du corps. Son instinct ne l'avait jamais trahi ; il fallait venir en aide à cette personne.
« Est-ce loin d'ici ? » demanda l'homme en relevant la tête, la fixant droit dans les yeux, sans ciller.
Elle, cilla et détourna prestement le regard – instinctivement, réflexe.
« Non, c'est presque à la sortie de la ville, finit-elle par dire.
– Bien, dit l'autre d'un air entendu, en hochant distraitement la tête tandis qu'il remballait le contenu du paquet. Alors allons-y. Tu vas me montrer. »
La fillette rabattit sa capuche sur son visage, et il enfila prestement une pèlerine brune. La pluie n'avait pas fléchi, bien au contraire, elle continuait de frapper, plus fort si c'était possible, la terre, les rares plantes, les maisons.
Les deux formes qui quittèrent la chaumière et s'élancèrent au-devant du ciel déchaîné n'étaient pas du genre à faire attention à de quelconques signes…
Or, une pluie telle que celle-ci ne pouvait qu'être de mauvaise augure.
Le garçon ne voulait (ne pouvait) bouger un muscle. Il faisait jour. Peut-être. Il n'en était plus sûr – il n'était plus sûr de rien. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas vu la lumière du jour, la vraie, pas ces néons blafards, aveuglants et tristement angoissants.
Il pensait être mort.
Il avait reçu de telles blessures – le Clan avait vite réagi – comment pouvait-il encore être en vie ? Le processus de régénération n'avait pas fonctionné. Il était trop faible. Il le savait. Il se dégoûtait. Il devait être plus fort. Ou le Clan lui remettrait la main dessus.
Il entendit comme un bruit de ferraille, un léger tintement, tout proche de lui. Qu'était-ce ? Ses paupières semblaient infiniment lourdes – il ne parvenait pas à les ouvrir. Alors il se fia à ses quatre autres sens.
L'ouïe. Il semblait que d'autres personnes discutaient, mais ses oreilles bourdonnaient – trop, bien trop – si bien qu'il ne saisit ni le sens de leurs propos, ni l'exacte sonorité de leurs voix.
Le goût. Il avait la bouche sèche, pâteuse. Cela faisait des lustres qu'il n'avait rien mangé, pourtant il se sentait presque nauséeux.
Le toucher. Ses mains étaient tout aussi ankylosées que ses paupières, que le reste de son corps ; il ne parvenait plus à bouger le moindre muscle, à esquisser le moindre geste, même respirer en devenait douloureux. Cependant, la surface sur laquelle il reposait était douce, confortable – plus que le matelas miteux de sa cellule.
L'odorat. Cet endroit était un assemblage, un emboîtement confus de nombreuses odeurs ; il y avait celle de la boue, de la pluie, un arrière-goût de lavande, de bois… Une fragrance que le garçon assimila comme étant de la pomme… Un mélange étrange mais bizarrement agréable.
Le garçon se sentait bien, là.
L'instinct de son Titan était endormi pour le moment – il ne pouvait se fier qu'au sien. Celui-ci lui assurait qu'il n'avait rien à craindre dans ce lieu et le garçon décida de croire en son "sixième sens".
Mais il devait ouvrir les yeux. Vérifier où il était, quels étaient ces gens qu'il entendait derrière un brouillard confus. Il tira sur les quelques forces qu'il lui restait – son corps dans les moindres recoins semblait le faire souffrir à chaque minuscule mouvement et lui demander une énergie incommensurable – et il ouvrit les yeux.
Il en eut mal à la rétine lorsque la vive lumière du jour l'agressa. Le garçon battit plusieurs fois des paupières, secoué, tentant de s'habituer à la luminosité de la pièce. Il plissa les yeux, et, dans la purée en laquelle semblait s'être transformé son cerveau, il devina que ce qu'il fixait du regard était la charpente, vue d'en-dessous, d'un toit en ardoise. Il était donc dans une maison. Une maison… Cela faisait longtemps qu'il n'en avait plus vu. Au laboratoire, il se réveillait tous les matins en contemplant le plafond sans intérêt et morose de sa cellule. Mais c'était fini. C'était vrai, il ne retournerait sans doute jamais au laboratoire.
Pour ça, il allait peut-être devoir la jouer fine…
Le garçon, encore abruti par son esprit brumeux, la fatigue et ses blessures, resta béat à fixer le plafond de cette chaleureuse pièce comme s'il contenait toutes les vérités de ce monde. Jusqu'à ce qu'une voix ne s'élevât, plus vive, plus forte – plus proche, qu'il entendit nettement.
« Eren ! Il est réveillé ! »
Le garçon se demanda de qui il s'agissait. Cette voix, aux intonations fluettes et féminines, lui était parfaitement inconnue. Puis une cascade de cheveux noirs bouclés apparut sous ses yeux – il lui fallut un moment pour comprendre qu'une fillette d'environ son âge, à la bouille enfantine et aux grands yeux sombres, curieux, le fixant de leur ténébreuse intensité, était penchée sur lui.
Le garçon cligna des yeux.
« Ohé, tu m'entends ? demanda la gamine. Tu es en sécurité ici ! On t'a soigné ! Tu comprends ce que je dis ? »
L'enfant fit une pause et reprit en articulant distinctement :
« Je m'appelle Peak ! Et toi ? »
Le garçon l'observa, hagard. Bien sûr qu'il comprenait ce qu'elle disait – mais serait-il en mesure de répondre ? Il remua faiblement les lèvres. Les mots voulaient (devaient) passer ses lèvres, mais il ne savait pas s'ils seraient audibles. Contrairement à, notamment, ses jambes, ses bras et son torse, son visage ne le faisait plus autant souffrir qu'au réveil.
Il tenta alors de parler. Sa bouche était sèche, sa gorge aussi, et son estomac le tiraillait. Il avait faim. Certes, mais cela ne répondait pas aux attentes de la fillette, qui voulait plutôt connaître son nom et le regardait avec toujours autant de fascination. Alors, que faire, alors qu'aucun son ne voulait passer la barrière de ses lèvres ?
« Laisse-le, Peak, il faut que j'observe ses blessures… » déclara une autre voix, plus grave, plus autoritaire, – une voix d'homme, et proche du garçon.
Ce dernier dirigea ses yeux vers l'origine de cette voix et ses yeux se posèrent sur le visage d'un homme brun, aux cheveux longs, aux yeux émeraude, tandis que la fille se redressait. Le garçon sentit ensuite que l'on tirait le drap qui le couvrait, puis des mains froides virent tâter son corps ; son torse et aussi sa cuisse gauche le firent grimacer de douleur.
« Bon, tu risques d'avoir mal pendant un moment. Tes blessures sont en voie de guérison… D'ailleurs, elles semblent déjà avoir une meilleure tête qu'hier… C'est singulier… »
Le visage de l'homme brun entra alors dans le champ de vision de l'enfant.
« Tu as été touché à la cuisse et à l'abdomen. Ce n'est pas mortel, enfin, j'ai soigné ça comme il faut, normalement, mais tu vas avoir besoin de beaucoup de repos… »
Il se redressa, le garçon le suivit des yeux. Puis il sentit qu'on le relevait un peu. Une douleur aiguë lui vrilla le ventre, les côtes, peut-être, et il grimaça.
« Excuse-moi, fit l'homme. C'est mieux que tu sois un peu surélevé… Il faut que tu te nourrisses, mais ta blessure va se rouvrir si je force trop, donc… Le mieux à faire, c'est que tu restes comme ça. Peak, va donc lui chercher une écuelle et de la compote, ça sera pas mal pour commencer ! »
La fillette obéit et se releva ; elle partit plus loin. Dans cette position, le garçon voyait un peu mieux la pièce – les sacs, les caissons en bois, la poussière et la boue qui jonchaient le sol de ce qui s'apparentait à une maison. Les carreaux des fenêtres étaient bien sales, le garçon nota juste que le soleil était levé. Combien de temps avait-il dormi ?
La jeune fille aux cheveux noirs revint et tendit une coupelle métallique, cabossée, à l'homme, qui la prit et se tourna vers le garçon.
« Bon, dit-il. Arrives-tu à bouger les bras ? »
L'enfant l'observa, surpris de la question, ne comprenant pas son but, mais il essaya tout de même. Il remua les doigts mais c'était comme s'il était plein de courbatures. Ou peut-être juste engourdi. Ou encore que tout son corps s'était fait écraser par un énorme rocher. Toujours fut-il que c'était ennuyeux.
L'homme soupira. Manifestement, lui non plus, ça ne l'enjouait pas.
« Je vais te faire manger. » dit-il.
Le garçon écarquilla les yeux. Ah, c'était donc ça. Il n'avait pas vraiment compris. Bah, se dit-il, au point où il en était. Il préférait encore qu'on le nourrît comme un bébé plutôt que d'être resté au laboratoire.
D'ailleurs.
Devait-il parler du laboratoire ? Du Clan ? De sa fuite ? Les deux personnes présentes se poseraient forcément des questions sur l'origine de ses blessures, ou même, sur lui, sur sa vie, d'où il venait… C'était une mauvaise idée, il allait devoir filtrer les informations. Et ça ne serait pas facile.
Le garçon mangea donc son premier repas depuis… depuis près de dix heures, sans doute. Peut-être même plus. Ce n'était pas très consistant, mais de toute façon, il n'arrivait pas à mâcher alors bon…
Lorsqu'il eut fini, l'homme et la fillette s'assirent près de lui.
Le garçon les observait depuis un moment déjà tout en se demandant ce qu'ils étaient et qui ils étaient. Ils ne se ressemblaient pas, ils ne pouvaient pas être de la même famille. Que faisaient-ils dans cette maison, au milieu de tous ces bagages ?
« J'oubliais presque…, souffla l'homme. J'allais te demander ton nom mais nous ne nous sommes pas encore présentés. Je m'appelle Eren, je suis médecin. Peak est mon assistante. C'est en quelque sorte ma fille adoptive. »
La dénommée Peak – cette enfant aux cheveux broussailleux, noirs, aux yeux fatigués et au sourire avenant – ne dit rien. Elle observait, tour à tour, Eren et le garçon, en silence.
Ledit médecin enchaîna :
« Et toi ? Comment t'appelles-tu ? Sais-tu pourquoi et comment tu t'es blessé ? »
Le garçon le dévisagea, muet ; il réfléchissait à toute allure et n'était pas sûr de ce qui était le mieux à dire. Il ne pouvait décemment pas parler du Clan, ç'aurait été mettre en danger ces deux personnes si jamais ledit Clan leur mettait la main dessus… Il allait forcément partir à sa recherche, son nom sera probablement connu…
Oui, voilà, il avait trouvé ce qu'il allait leur dire.
« … Je… »
Il frémit ; sa voix était rauque, elle n'avait clairement plus rien d'humain, rocailleuse, profonde, comme le grondement d'une bête.
Le contraste avec sa voix d'ordinaire, juvénile et fluette, était saisissant.
Il fut soudainement pris d'une quinte de toux qu'il tenta de réprimer, – et les spasmes qui l'agitèrent le firent contracter les muscles ; il grimaça de douleur, tout son buste le lançait. Lorsqu'enfin, ça sembla se calmer, il ouvrit la bouche et parla. Même si son timbre de voix s'était éclairci, celle-ci demeurait grondante et vacillante :
« Je m'appelle Armin… Je… »
Il tourna la tête. Eren l'observait, impassible, presque méditatif, le menton appuyé contre sa main, coude sur le genou, assis en tailleur. Comment dire ? Sa gorge était sèche lorsqu'il déglutit, traçant un sillon brûlant et douloureux le long de sa trachée.
« Il ne faut pas rester ici. Je vous remercie de m'avoir sauvé, mais… vous êtes en danger maintenant ! »
Le garçon, Armin, vit clairement les yeux de ses sauveurs s'agrandir. Manifestement, ils ne s'attendaient pas à ça ; cela fit mal à Armin. Ne pas correspondre, ne pas être à la hauteur des attentes des autres. Le cœur au bord des lèvres, il se sentit obligé d'ajouter :
« Je ne peux pas vous en dire plus… »
Note de fin : Bon… Les 14 chapitres suivants sont du point de vue d'Armin. N'hésitez pas à laisser des commentaires si vous avez aimé (ou même, au contraire, si vous n'avez pas aimé. Et dites-moi pourquoi, ça m'aidera à m'améliorer !).
Je posterai les chapitres suivants par groupe de deux ou trois, tous les trois-quatre jours. Après la rentrée, le 8 novembre, je ne pourrai plus poster que les mercredi et les week-end.
