Le passé
XI
La veille
"Wake
From your sleep
The drying of
Your tears
Today
We escape
You can laugh
A spineless laugh
We hope your
Rules and wisdom choke you"
- Exit Music (for a film), by Radiohead
Été. Seizième année.
La nouvelle avait fait le tour de l'Île comme une traînée de poudre.
Tous ceux qui n'avaient pas de poste de télévision en état de marche (et ils étaient nombreux, puisque les écrans ne s'étaient presque plus allumés depuis au moins quinze ans) furent mis au courant en quelques heures.
Auradon avait fait une proclamation. La porte-parole du gouvernement avait annoncé que six adolescents étaient invités à terminer leur scolarité sur le continent. Les six héritiers. Beaucoup avait explosé de rire en se rendant compte que ces crétins ignoraient qu'ils n'étaient plus que cinq depuis très longtemps.
Uma refusait de laisser son équipage, et Mal n'avait pas été surprise.
Elle, elle n'avait pas le choix. Maléfique avait été très claire et avait déjà un plan et donné des ordres alors Mal partait. Et elle ne partait pas seule, bien sûr.
Brent et Remus devraient gérer les choses en leur absence, et ils avaient plutôt intérêt à ne pas merder.
Encore un jour. Un jour et ils devraient être prêts à quitter tout ce qu'ils avaient connu, devraient se tenir devant la barrière, seuls, alors que des chevaliers les attendraient de l'autre côté, sans doute armés jusqu'aux dents, et les embarqueraient vers l'inconnu.
Peut-être était-ce Uma qui avait raison. Rester sur l'Île pourrait être la meilleure solution. Mais ça voudrait dire défier Maléfique, et bien qu'elle avait moins de bras armés depuis la Bataille, elle restait bien trop dangereuse et ils n'étaient pas encore prêts à la faire tomber. Ils n'avaient pas le choix, et si c'était un piège des Auradoniens ils devraient s'en sortir seuls, comme toujours.
« Où est-ce qu'elle est, bordel ? »
Mal se retint de renverser la table près d'elle, sur le marché. La nuit était tombée, les rues se vidaient, et toujours aucune trace d'Evie. La jeune fille aurait dû les rejoindre plus tôt dans l'après-midi mais personne ne l'avait aperçue depuis son départ ce matin-là. Elle était partie voir Java et depuis silence total.
Près d'elle Carlos lui jeta un coup d'œil prudent. Depuis l'annonce de leur départ, il se montrait plus silencieux que d'habitude en leur seule présence, ses doigts bougeant constamment comme s'ils ne pouvaient attendre de se remettre au travail sur un projet quelconque.
« On devrait aller voir Tremaine, » remarqua Jay, son regard sombre scannant la rue.
« Fanny a dit que Javotte avait vu partir Evie il y a des heures. »
« On part demain aprem. On n'a plus beaucoup de temps pour se préparer, Evie le sait. C'est pas normal. »
Tous posèrent une main sur leurs armes et se tournèrent lorsqu'ils entendirent des pas s'approcher d'eux. Mais ce n'était que Remus et deux autres garçons de leur groupe, Morning Sykes et Lowell Stabbington.
« Des nouvelles ? » demanda Mal, immédiatement alerte.
Remus avait l'air mal à l'aise, étrangement nerveux. Il la dominait d'une tête et ne cessait de diriger son regard au-dessus d'elle plutôt que sur son visage, ses mains allant rapidement remettre ses boucles brunes en place.
« Claudine a bien voulu faire un échange d'informations. Elle a aperçu la princesse ce matin, aux abords des bois. »
« Quoi ? Je lui avais interdit d'y retourner, » pesta Mal.
« Elle était pas seule, » compléta Remus, un peu pâle. « La Reine était là et Claudine a laissé traîner une oreille. »
Alors elle était bien plus courageuse que ce que Mal aurait songé.
« Et... ? »
« La Reine veut pas qu'Evie aille à Auradon. Apparemment Evie a d'abord refusé de la suivre mais elle a fini par obéir. »
À côté de Mal, Jay se tendit davantage.
« Evie est chez la Reine ? Pourquoi elle l'aurait suivie en brisant un ordre direct de Mal, on part bientôt, elle avait pas besoin de retourner là-bas. »
Le regard nerveux de Remus passa de Jay à Mal, et il hésita avant de répondre.
« Claudine a dit que la Reine a menacé vos vies pour forcer Evie à la suivre. »
« Elle a quoi ? » gronda Jay, abasourdi.
Grimhilde avait vraiment pété un câble. Menacer Jay et Carlos était une chose, leurs parents n'étant plus — et encore, ils étaient sous la protection de Mal. Mais menacer l'héritière de Maléfique, son ennemie jurée qui restait assez puissante pour maintenir son exil même après tout ce temps ? C'était signer son arrêt de mort si cela se savait.
Mal sentait quelque chose de lourd et d'acide envahir son estomac parce que ça expliquait aussi d'autres choses. Pourquoi Evie continuait de retourner parfois chez la Reine, pourquoi elle travaillait encore pour elle, pourquoi elle insistait pour que Mal et les autres ne se mêlent pas de cet aspect de sa vie. Ça allait au-delà de cette servitude douloureusement ancrée en chacun d'eux par leurs parents et qui les avait toujours poussés à revenir vers eux et à leur obéir.
Grimhilde ne pouvait pas circuler sur l'Île, et elle n'avait pas de gardes ou d'armée. Evie aurait pu rester loin d'elle, et si elle avait tenté quelque chose, Mal et les garçons auraient pu agir contre la sorcière. À ce stade, ils étaient assez forts pour le faire et pour couvrir leurs traces pour que Maléfique ne sache rien de leur culpabilité. Ou encore mieux, ils auraient pu trouver un moyen pour que Maléfique soit celle à éliminer définitivement sa vieille ennemie —quelques manipulations, un peu de patience, et le résultat aurait été parfait.
Était-ce parce que Grimhilde avait encore quelques alliés secrets sur les territoires qu'Evie avait cédé à ses menaces ? Le problème avec cette vieille fourbe, c'était les poisons. Mal voyait bien pourquoi Evie pouvait songer qu'elle saurait mettre ses menaces à exécution.
« Rentrez chez vous, » ordonna Mal d'un ton sourd. Elle haussa un sourcil quand Remus et les deux autres hésitèrent. « Quoi ? »
« Si tu comptes tenter quelque chose, on est partants, » lui dit-il, prudent mais sincère.
C'était risqué de suggérer qu'elle pourrait songer à faire quelque chose allant à l'encontre des ordres de Maléfique (la mort de Grimhilde lui appartenait). Mal pourrait le frapper pour avoir prononcé ces mots, pour avoir mis sa loyauté envers leur chef de territoire en doute et donc sa vie en danger.
Et bordel, depuis quand les autres osaient-ils ainsi défier Maléfique, et face à elle de surcroît ? Depuis quand osaient-ils lui proposer leur aide sans qu'elle ne le leur ordonne, sans qu'elle n'en veuille ?
Qu'est-ce que Remus pensait qu'ils allaient faire ?
Personne hormis eux trois ne savait exactement ce qui arrivait parfois à Evie quand elle se trouvait chez la Reine. Comme personne ne savait comment Maléfique éduquait et entraînait son héritière. Mal ne doutait pas qu'il y avait des rumeurs et des histoires sordides qui circulaient, mais seuls eux quatre savaient exactement ce qu'était leur réalité— et encore, seulement ce qu'ils avaient bien voulu partager avec les autres.
D'eux quatre, Jay était celui qui avait ces derniers temps le plus réussi à s'intégrer sur le territoire pour mieux surveiller ce qu'il s'y passait. Il se montrait blagueur, toujours prêt à semer le chaos dans les rues, à discuter avec d'autres pour collecter les derniers bruits. Il savait négocier et les femmes le trouvaient charmant. Il lui arrivait de participer à un jeu de temps à autres avec les membres de la bande, et il n'était jamais le dernier pour suivre l'un des leurs dans un plan saugrenu s'il pensait pouvoir y gagner quelque chose, pour lui ou ses alliés. S'il était craint, il était aussi respecté par certains, et même apprécié par d'autres.
Mais Evie avait une place à part. Les mystères attiraient sur l'Île, et Evie savait brouiller les pistes. Son calme, ses sourires, son élégance fascinaient la plupart des habitants de l'Île. Elle avait une manière d'apparemment s'intéresser à tout et à tous qui flattait chacun et lui assurait des entrées un peu partout. Elle retenait les noms de tous ceux qu'elle croisait, se souvenait de toutes leurs anecdotes, n'hésitaient pas à s'arrêter en chemin pour les saluer et leur demander des nouvelles, ce que personne ou presque faisait ouvertement. Les gens se moquaient de savoir si elle était sincère ou non. Le danger qu'elle représentait importait peu si on ne se considérait pas son ennemi, celui de la Reine ou celui du gang — au contraire, il lui conférait une aura supplémentaire. Quant au fait que depuis les Accords elle ne refusait que rarement un échange lorsque quelqu'un avait besoin d'une crème cicatrisante, d'une potion de contraception ou d'aide à l'allaitement, d'un remède contre la fièvre ou d'un onguent pour enrayer les infections, il lui valait une sorte de bouclier que peu possédaient sur cette île.
Le silence s'étendait un peu trop alors que Mal réfléchissait à ses options. Mais elle ne savait pas vraiment comment ils allaient procéder, ne savait pas non plus ce qu'elle ferait une fois là-bas. Le secret serait peut-être primordial. Elle ne voulait pas que d'autres soient présents si jamais Evie n'allait pas bien. Outre l'humiliation que cela représenterait, montrer ce genre de faiblesse face à quiconque serait un danger pour quelqu'un dans sa position, Auradon ou non.
« Rentrez chez vous, » répéta-t-elle alors, sa voix moins froide.
Ce n'était pas parce que voir Remus et les autres prendre de l'assurance l'ennuyait qu'elle n'appréciait pas au fond d'elle ce qu'ils étaient prêts à risquer pour leur capitaine et son second.
Ils hochèrent la tête et obéirent finalement, et Mal commença à avancer vers leur repaire.
« Si la Reine la garde jusqu'au départ, qu'est-ce qu'on fait ? » demanda Jay sombrement.
« Je ne pars pas sans Evie, » prévint Carlos immédiatement.
Mal lui lança un regard entre incrédulité et rage.
« On part tous ou on reste tous, » rétorqua-t-elle d'une voix glaciale.
Songeait-il vraiment qu'elle serait capable de laisser Evie derrière ? De laisser n'importe lequel d'entre eux ici ?
Une fois à l'intérieur, elle rassembla quelques armes, essaya de contrôler sa colère et ce sentiment atroce de crainte qui lui broyait le cœur.
« Mal ? »
« Qu'est-ce que vous attendez ? Prenez ce qu'il faut, on va la chercher ! Carlos, prends ce qu'il te reste en explosifs. »
Elle n'eut pas à se répéter.
Sa main trembla un peu lorsqu'elle prit une petite trousse qu'elle remplit avec quelques indispensables de premiers secours. Elle alla ensuite dans le couloir, jusqu'au fond où il y avait un recoin où ils avaient installé un plan de travail, une petite marmite et un réchaud que Carlos avait réparé. Plusieurs aérations permettaient à Evie de travailler sereinement, et Mal ouvrit un placard qui contenait quelques pots et tubes. Elle en prit trois différents, et se souvint d'instants quelques années auparavant, quand Evie n'avait cessé de leur répéter quelle couleur et texture équivalaient à quelle mixture, ses effets, ses contre-indications, ses dangers — il devait y avoir une règle empêchant les sorcières d'étiqueter convenablement leurs créations. En tout cas Mal avait dû s'énerver pour qu'elle veuille bien arrêter de sans arrêt leur redire la même chose, ils n'étaient pas stupides, ils avaient tout retenu la première fois.
C'était avant qu'elle sache pourquoi sa nouvelle alliée se montrait aussi stricte sur l'utilisation des potions et autres produits, à quel point certains mélanges pouvaient être imprévisibles, à quel point certains poisons pouvaient être terribles, à quel point tous étaient familiers à Evie.
Et à quel point elle avait cherché, déjà à l'époque, à les protéger.
Lorsqu'elle rejoignit les garçons, prêts à partir, les visages graves et les yeux emplis de colère et d'appréhension, elle hocha la tête.
« On devra être prudents en traversant le territoire de Facilier, mais on devrait rencontrer aucun problème, en ce moment c'est plutôt calme avec eux. On suivra Carlos. Les bois vont être plus difficiles à pratiquer dans le noir, même avec les lampes, et il va falloir faire très attention aux bestioles, elles sont sûrement encore plus actives la nuit. »
« C'était pas la première fois, hein ? » lâcha Jay, amer.
« Quoi ? »
« Cette histoire de menace. C'est parce que cette tarée nous menaçait qu'Evie a rien fait contre elle ni pour lui échapper. » Mal le fusilla du regard mais il l'ignora, sombre et étrangement posé, sa colère contenue juste sous la surface. « On part à Auradon demain, je brise le silence si j'en ai envie, Mal. Tu le savais ? »
« Bien sûr que non ! Tu sais très bien que j'aurais agi si j'avais su. »
« On peut y aller ? » pressa Carlos.
Mal acquiesça et commença à descendre les escaliers, mais chacun de ses pas silencieux lui semblait trop lourd.
Le voyage jusqu'à chez la Reine lui parut à la fois interminable et trop rapide. Jamais aucun d'entre eux n'était allé jusque-là, et franchement la bâtisse avait l'air de pouvoir s'écrouler à la moindre pression.
Il n'y avait pas un son de ce côté de l'Île, pas un seul, les insectes et autres saloperies semblaient avoir disparu et la barrière se faisait oublier. L'obscurité était opaque, dense et étouffante.
C'était flippant.
Mal frissonna et se tourna vers les garçons avant de pénétrer dans la tour.
« Vous restez prudents et silencieux. Carlos, tu descends, Jay et moi, on monte. »
La nuit était avancée, la Reine dormait peut-être et c'était tout à leur avantage. Mal ne monta pas un plan plus complexe. Ils ne savaient rien de la tour, rien des armes que pourrait avoir la Reine, rien de l'état dans lequel ils trouveraient Evie.
Tout ce qu'elle savait, c'était que lorsqu'ils partiraient, il ne resterait rien de cet endroit maudit.
Et si jamais ils arrivaient trop tard, Mal veillerait à ce que l'agonie de Grimhilde soit aussi longue et affreuse que l'avait été leur existence.
O
Carlos n'avait jamais imaginé l'intérieur de la tour. Il n'avait jamais essayé, comme il n'avait jamais voulu savoir à quoi ressemblait l'endroit où Mal avait grandi, comme il n'était jamais entré dans l'échoppe de Jafar.
Parce que penser à ces lieux inviterait d'autres réflexions, d'autres émotions, des souvenirs aussi —les cicatrices sur le dos de Jay, le corps de Mal tremblant de douleur avant que son cœur ne s'arrête, une petite fille à la robe bleu et rouge qui pleurait et ne pleurait pas, Jay massacrant de ses poings un homme qui venait de cogner une jeune de la bande, Mal revenue de mission pour Maléfique le regard vide et les mains pleines de sang, des histoires de maux inexplicables et de décès mystérieux et les insomnies d'Evie.
La pièce dans laquelle ils pénétrèrent en silence était grande et froide. Chaque pas sur la pierre poussiéreuse résonnait, un feu s'éteignait lentement dans la cheminée. Il y avait quelques meubles, sombres et bancals, un escalier qui montait, un autre qui descendait.
Carlos savait ce qu'il avait à faire, alors il se dirigea vers ce dernier, alluma une nouvelle fois sa lampe de poche avant d'avancer prudemment, un couteau à la main. Il y avait des toiles d'araignées en haut des murs, il pouvait voir bouger certaines habitantes et eut envie de sourire en se disant que Fergus et Estia n'en auraient fait qu'une bouchée.
Puis son pied toucha le sol en bas des marches. Plus loin dans la large salle circulaire, il y avait une cheminée où le feu brûlait encore. Au centre se tenait une table en bois, remplie de matériel et d'ustensiles. Des étagères s'accrochaient difficilement aux murs de pierre, pleines de livres abîmés, de bouteilles et de pots en verre. Certains contenus firent grimacer Carlos de dégoût (des vers ? les morceaux d'une énorme araignée dans du liquide ? du sang? un cœur ?! une oreille humaine ?!).
Il avança un peu, la Reine n'était pas ici, et il sentit la rage monter en lui lorsqu'il vit les quelques fioles pleines de différentes potions posées et organisées sur un meuble. Difficile de voir le bon côté de la sorcellerie quand tout ce qu'il arrivait à en retenir n'était pas forcément ses blessures guéries plus facilement mais la capacité d'Evie à maîtriser la douleur qui ne pouvait venir que du conditionnement.
Ce n'est que lorsqu'il se retourna qu'il vit les barreaux de fer rouillé fermant une petite cellule sous l'escalier de pierre. La douce lueur du feu derrière lui suffit à souligner une forme assise au sol contre le mur, et Carlos s'approcha prudemment, veilla à ne surtout pas braquer la lumière sur la jeune fille.
« Evie ? » murmura-t-il.
Il ne fut pas surpris quand il n'entendit aucune réponse. Il s'accroupit. Le regard vide d'Evie et son expression complètement neutre lui confirmèrent ce qu'il savait déjà. Il dirigea lentement sa lampe vers elle, vit les égratignures sur ses avant-bras et ses mains, sentit son cœur faire un bon en remarquant les contusions dessinant des doigts sur son cou, remarqua le sang qui coulait de son nez, de ses oreilles aussi...
Ce n'était pas bon.
« Evie ? »
Elle ne revenait pas.
Carlos sauta sur ses pieds, sortit de sa poche ses outils et ne mit que deux minutes à forcer la serrure de la cage. Puis il entra doucement, s'agenouilla près d'Evie sur le sol poussiéreux et tâché (du sang frais, du sang ancien).
Des petits spasmes faisaient tressauter le corps avachi de la jeune fille.
Pas bon du tout.
Et il n'avait pas le temps d'être prudent. Alors il posa une main sur l'épaule d'Evie et une autre sur sa joue, et avec toute la tendresse dont il était capable à cet instant il tourna sa tête et essaya de capter son regard éteint.
« Evie ? C'est Carlos. Evie. J'ai besoin que tu reviennes. »
Elle avait l'air faible et sa peau était froide et moite, et Carlos sentit sa gorge se serrer avec ses larmes. Un bruit provenant des étages supérieurs le fit sursauter, sa main glissa de la joue d'Evie à sa gorge et l'effet fut immédiat.
La terreur rendit la vie au regard de la jeune fille alors qu'elle se dégageait de sa prise avec un gémissement à peine audible. Surpris, Carlos faillit basculer sur le côté.
« Evie ! C'est moi, Carlos. C'est moi ! »
Elle avait encore une main levée vers lui pour se protéger, son visage plein de sang et de frayeur, et il rencontra son regard sans bouger.
« C'est Carlos, » insista-t-il, la voix étranglée. « C'est Carlos, Evie. »
Une quinte de toux la plia en deux et Carlos l'observa cracher du sang et essayer de reprendre son souffle. Elle se redressa difficilement, la respiration douloureuse, et il tendit doucement la main vers elle, paume vers le haut.
« C'est Carlos, » répéta-t-il en essayant de ne pas paniquer. « Evie, t'es avec moi ? »
Le regard d'Evie ne s'éclaircit pas, mais elle l'observait, perdue, puis paniquée, puis stupéfaite, puis incertaine.
« Carlos. »
C'était à peine un murmure, et Carlos lui sourit.
« C'est moi. Je suis là. Evie, tu sais où t'es ? »
Il y eut une seconde d'hésitation, puis deux, et Evie regarda autour d'elle, puis hocha faiblement la tête.
« La tour. Carlos. Tu n'es pas censé être là. »
« On est venus te chercher. Evie, dis-moi ce que je dois faire. »
« Antidote, » souffla Evie avant de tousser. Elle cracha encore un peu de sang et essaya d'essuyer faiblement celui qui coulait de son nez et sur son menton. Sa voix râpeuse et basse témoignait de l'état de sa gorge et elle avait le souffle court. « Elle doit... en avoir un. Étagère de droite. »
Carlos sauta sur ses pieds et sortit de la cellule.
« À quoi ça ressemble ? »
« Noir. Très fluide. »
Il chercha, finit par trouver un petit tube au milieu d'autres flacons pleins, et courut jusqu'à elle.
« Ça ? »
Il lui tendit sa trouvaille mais elle recula, sembla lutter contre une vague de nausées alors qu'elle secouait la tête avec crainte.
« Non... »
Pendant une seconde il crut qu'il s'était trompé, puis il comprit qu'elle avait glissé une nouvelle fois, qu'elle n'était plus là avec lui une nouvelle fois parce qu'il lui avait tendu une potion pour qu'elle la boive et bien sûr qu'elle avait glissé.
« Evie ? »
Seul un petit son de terreur monta de la gorge sans doute douloureuse de la jeune fille alors que son regard était baissé entre eux deux, son corps tremblant. Elle gémit et un sanglot coupa sa respiration. Des larmes coulèrent sur ses joues.
Voir autant d'émotions chez Evie restait aussi rare qu'alarmant. Carlos avait appris à deviner derrière les illusions qu'elle tissait, mais il se demandait parfois s'ils arriveraient un jour à assez chasser les ombres pour libérer la lumière.
« Evie ? Où es-tu ? » demanda-t-il doucement, sans faire un mouvement. « Evie, c'est Carlos. »
« Je... Je vais le faire, Mère. J'obéirai, je... S'il vous plaît... S'il vous plaît... »
« Evie, c'est Carlos, » répéta-t-il, et il était difficile de retenir ses larmes, difficile de retenir sa frustration parce que le temps leur était clairement compté et il était seul et il fallait qu'Evie boive cet antidote, mais elle avait l'air fragile et jeune et terrifiée et tout ce qu'il avait envie de faire était la prendre dans ses bras, et cet instinct faisait presque dérailler ses propres pensées. « Evie, c'est Carlos. Reviens. Ça va aller, c'est juste moi. Il n'y a que nous, Evie. »
Une respiration sifflante, deux, elle releva le regard prudemment, une fatigue extrême dans ses yeux, et il hocha la tête.
« Où es-tu ? » guida-t-il.
« Carlos ? Carlos. Carlos. » Elle sembla lutter pour s'accrocher à son prénom, s'accrocher à lui, et il garda ses yeux dans les siens. « La tour. Carlos. »
« Est-ce que c'est l'antidote ? » demanda-t-il, prenant soin cette fois de poser la fiole entre eux deux, sur le sol.
Elle l'observa, tendit une main tremblante vers la potion qu'elle prit et analysa, et il fut soulagé de la voir hocher la tête.
« Mal et Jay sont en haut. On doit partir. Ça ira si tu bois ça ? »
« Oui... D-dans quelques heures, oui. C'est pas... pas un poison rapide. »
« D'accord. »
Il s'assit et attendit sans un mot qu'elle prenne l'antidote. Elle dut lutter contre elle-même pendant de longues secondes et il crut qu'elle allait le recracher, son instinct prenant presque le dessus, mais elle réussit à avaler le sombre liquide et Carlos ne savait pas s'il avait envie de tout casser dans cette pièce ou de tuer quelqu'un mais la vague de haine qu'il ressentit le fit presque bondir sur ses pieds.
Il savait en revanche ce qu'il avait besoin de faire.
« Je vais te toucher, d'accord ? »
Le regard zébré de fatigue et de douleur d'Evie le contempla quelques secondes avec cette curiosité avec laquelle elle les observait parfois, puis elle acquiesça. Avec des gestes doux, il s'approcha d'elle et passa un bras autour de ses épaules. Elle tremblait, était glacée, sa respiration inégale et bruyante trahissait un problème avec ses poumons, mais elle était là et en vie. Carlos la serra un peu plus fort contre lui un court instant, se souvint de toutes ces fois où Evie lui avait retiré ses vêtements en silence, ses gestes doux et prudents, pour appliquer des crèmes qui avaient endormi la douleur, qui l'avaient aidé à guérir, pour coudre ses plaies et arrêter les saignements, toutes ces fois où elle avait posé sa main dans son dos jusqu'à ce que ses sanglots se tarissent, jusqu'à ce qu'il se rendorme.
Il se demandait si elle avait ressenti cet instinct étrange elle aussi, qui lui donnait envie de la serrer contre lui, de la bercer, de déposer un baiser sur son front, de ne plus la lâcher jusqu'à ce qu'elle aille mieux, jusqu'à ce qu'il soit certain qu'elle était en sécurité.
« On va se lever. »
Il l'entraîna lentement avec lui puis descendit son bras autour de sa taille le temps qu'elle soit assez stable pour se tenir seule sur ses jambes. Elle cracha encore un peu de sang puis se redressa faiblement.
Il préféra la laisser passer devant lui, de peur qu'elle perde l'équilibre dans les escaliers. Une fois en haut, il repassa un bras autour d'elle et elle le laissa faire. Elle avait effacé de son expression la douleur (il la sentait dans chacune de ses inspirations), mais il y avait encore des traces de peur dans ses yeux et elle semblait un peu ailleurs. Lorsque des pas rapides se firent entendre venant des escaliers, Carlos se tendit et leva la tête, la main sur le manche de son couteau, mais ce n'était que Mal et Jay.
La première tremblante encore de rage et d'un tas d'émotions à peine contrôlées, le second plus froid et sombre que Carlos ne l'avait jamais vu. Tous les deux se figèrent lorsqu'ils virent Evie, soulagés puis horrifiés puis inquiets. Ils ne lui demandèrent pas si elle allait bien ou ce qu'il s'était passé.
Et lui ne demanda pas où était la Reine.
« Carlos ? »
Il tendit son sac à Mal, incapable de lâcher Evie, et elle le prit sans un mot en lui faisant signe de sortir.
Dix minutes plus tard, la tour s'écroulait dans un vacarme assourdissant et aucun d'entre eux ne réagit. Carlos vit Mal se tourner vers Evie avec inquiétude, une expression si humaine sur son visage et tant de chaleur dans ses yeux que le garçon crut un instant avoir rêvé, car Mal cachait ses émotions beaucoup mieux que ça même quand elles bouillaient tellement sous la surface qu'elles en étaient presque palpables.
« Prête, Evie ? » murmura-t-elle, et dans sa voix aussi il y avait de la douceur.
Evie hocha la tête, laissa tomber le tissu qu'elle avait utilisé pour essuyer au mieux le sang sur sa peau, toussa encore un peu, et Carlos la lâcha à contrecœur. Il devait ouvrir la voie, connaissant le mieux les quartiers de Facilier, mais l'inquiétude et le soulagement qui se mélangeaient en lui le rendaient nerveux. Il fut surpris de voir Mal prendre sa place immédiatement, elle qui se montrait encore parfois frileuse lorsqu'il s'agissait de contact, et comme Jay il prétendit ne pas prêter attention aux filles alors que Mal serrait Evie contre elle dans une courte étreinte avant de passer un bras autour de sa taille pour marcher avec elle.
Le voyage de retour fut long, ils n'arrivèrent au repaire que quelques heures avant l'aube, et Evie ne tenait debout que par pure détermination. Mal lui demanda de se servir dans le placard pour boire un peu d'eau, elle l'aida à laver les traces de sang restantes sur sa peau, le saignement ayant enfin stoppé, et à se changer dans des vêtements propres. À peine fut-elle allongée sur un matelas qu'elle s'endormit, et Carlos soupira de soulagement.
L'antidote semblait faire lentement effet sur sa respiration et il supposait qu'après quelques heures de sommeil elle irait mieux. Il l'espérait.
« Tu sais qu'elle va boire cette horrible potion orange quand elle se réveillera, hein ? » lança Jay en s'asseyant sur le canapé, l'expression fermée.
Carlos se demanda ce qui le poussait à dire ça à Mal alors qu'il était évident qu'elle essayait de contenir toutes ses émotions et qu'elle était à deux doigts d'exploser. Puis il se souvint qu'ils devaient partir pour Auradon, et Evie avait des coupures et des hématomes visibles et ils pourraient difficilement prétendre qu'elle avait trébuché dans les escaliers et que la dernière marche avait essayé de l'étrangler avec ses cinq doigts. Et c'était sans compter les dommages qu'avait déjà dû faire le poison aux poumons et aux organes.
Mal ne répondit pas et le fusilla du regard, parce qu'elle savait, et elle savait qu'elle ne pourrait l'en empêcher parce que c'était la chose la plus sensée à faire pour qu'ils aient une chance de rester assez longtemps à Auradon pour mettre un plan sur pied. Ça ne voulait pas dire que ça ne la bouffait pas de l'intérieur.
Carlos tourna la tête vers Evie, s'assura qu'elle dormait bien, puis se recentra sur les deux autres.
« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? »
« Cette tarée, » cracha presque Jay, ses yeux soudain illuminés d'émotions terribles. « Tu ne veux pas savoir ce qu'elle a dit. Elle allait laisser Evie crever en bas, juste pour gagner. »
Oh, Carlos pouvait tout à fait imaginer. Cruella, Jafar et Maléfique n'étaient pas différents. Il pouvait très bien se représenter la vieille sorcière décider que si elle ne pouvait plus avoir ou contrôler Evie alors elle devait l'éliminer.
« Elle a eu la bonne idée d'essayer de nous tuer, » continua Jay. « Et avec une potion d'Evie. Pas de chance, elle nous a appris à la contrer, celle-là. La rouge avec laquelle elle se balade, tu te rappelles ? Ça a mal fini pour la vieille garce et c'est tout ce qu'elle méritait. Putain c'est même poétique que ce soit une création d'Evie qui l'ait éliminée. »
Carlos ne savait pas s'il avait envie de rire ou de pleurer, de soulagement ou de rage ou de tristesse, il ne savait plus trop où ils en étaient. Jafar, Cruella et maintenant Grimhilde et un jour, il l'espérait, ils verraient Maléfique tomber à son tour.
Il jeta un œil à Mal, la vit perdue dans ses pensées, le regard posé sur Evie.
Ils seraient à Auradon bientôt, Maléfique ne pourrait plus atteindre Mal ni aucun d'entre eux, et Carlos se dit que si ce n'était pas un piège, si les Auradoniens étaient vraiment sérieux, ce serait peut-être bien une chance pour eux.
Jay se leva, alla attraper le matelas vide et le tira pour l'accoler à celui sur lequel dormait Evie. Puis il le pointa du doigt et se tourna vers Mal.
« Dors, » dit-il.
« Excuse-moi ? » s'étouffa presque leur capitaine.
Jay leva les yeux au ciel.
« C'est pas un ordre, c'est une invitation. On a beaucoup à faire aujourd'hui. On devrait tous dormir. »
Sans un regard de plus pour elle, il alla vers son petit placard, retira tous ses vêtements et enfila une tenue plus confortable. Carlos se leva pour l'imiter alors que Mal les fusillait du regard.
« C'est pas mon tour pour le matelas, » protesta-t-elle.
Jay s'allongea sur les couvertures qu'il venait d'étaler dans un coin de la pièce.
« C'est pas le tour d'Evie non plus, tu veux que je la pousse et prenne sa place ? »
Carlos ne put retenir son petit ricanement alors qu'il se couchait à son tour au sol, passant une fine couverture sur lui et tassant le petit coussin trop usé pour être plus confortable.
Mal insulta copieusement le voleur, ne prit même pas la peine de se changer et retira juste ses chaussures avant de se coucher à son tour, déposant ses armes près d'elle. Elle laissa une lampe éclairée, une mesure de sécurité, et leur tourna le dos pour faire face à l'autre fille.
Carlos tout comme Jay savait qu'elle ne dormirait pas beaucoup, de toute façon. Mais au moins elle se reposerait alors qu'elle veillerait sur Evie.
O
L'épuisement des derniers jours devait vraiment lui peser, parce que Carlos mit plus longtemps que d'ordinaire pour chasser le sommeil de son esprit.
Il faisait toujours nuit, et Evie toussait. Il redressa légèrement la tête pour jeter un œil vers l'autre bout de la pièce. La jeune fille était assise, et Mal était près d'elle et lui murmurait quelque chose, alors il reposa la tête contre son coussin et referma les yeux.
Finalement la crise passa, mais il pouvait entendre la respiration laborieuse d'Evie, et plus surprenant encore, il pouvait entendre l'inquiétude non déguisée dans la voix de Mal.
« Tu es sûre que l'antidote suffit ? » murmurait-elle.
« Je sais ce qu'il fait. Oui, il suffit, » rassura doucement Evie, sa voix rauque et étranglée, conséquence de la toux et de sa gorge douloureuse. « Ça va déjà mieux. Il faut juste encore un peu de temps. »
Un silence.
« Elle est morte. »
« Je sais. »
Un autre silence.
Puis le murmure d'Evie se fit plus silencieux encore, presque tremblant, et Carlos se sentit coupable d'écouter ce qui était clairement une discussion n'étant destinée aux oreilles de personne d'autre qu'elles.
« J'ai essayé, une fois. De la tuer. »
« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? »
« J'ai jamais réessayé. »
Mal ne demanda pas plus d'explications, et Carlos l'en remercia parce qu'entendre Evie si fragile lui brisait un peu plus le cœur.
« Tu aurais dû me dire qu'elle nous menaçait. »
« Tu aurais fait quelque chose de stupide. »
« Plus stupide que de placer la vie d'autres avant la tienne ? On ne fait pas ça. On est mauvais. »
« Tu aurais fait quelque chose de stupide, comme risquer ta vie pour la faire tomber avant qu'on soit prêtes, avant qu'on ait une vraie opportunité. »
« Je suis ta capitaine, moi je suis censée le faire. »
« Je suis trop fatiguée pour prétendre que vous trois et Java n'êtes pas précieux au point de briser toutes les règles. »
Carlos retint sa respiration. Ce n'était pas parce qu'ils ne le disaient jamais qu'ils ne le pensaient pas et qu'ils ne le savaient pas.
Mais ils ne le disaient jamais.
Jamais avec des mots, jamais à voix haute, jamais, surtout quand Evie faisait sonner ses mots comme s'ils étaient je vous aime et ils ne le disaient jamais.
Ils ne devaient pas avoir de faiblesse, même si pour ça ils devaient se mentir à eux-mêmes.
Ils ne pouvaient pas avoir de faiblesse.
« Evie... »
Il y avait du reproche et de l'affection, de la crainte, de la frustration et de l'admiration dans ce simple murmure, et Carlos savait que Mal ne s'autoriserait jamais à montrer tout ça si elle avait conscience qu'il écoutait. Il se demanda si les filles avaient souvent ce genre de conversations, ouvertes et dangereuses et sincères, et il se demanda jusqu'où il serait capable d'aller pour s'assurer qu'elles puissent continuer à en avoir.
« Pourquoi tu l'as suivie ce soir ? On part bientôt, elle aurait rien eu le temps de faire. »
« À ma décharge, je pensais pas qu'elle me tuerait cette nuit, » confia Evie entre dérision et regret.
« Imbécile. »
C'était peut-être des larmes qui étranglaient la voix de Mal, et c'était sans aucun doute de la tendresse que Carlos entendit.
La même tendresse qui s'invita dans le ton d'Evie.
« Mal, je vais bien. J'irai bien dans quelques heures. »
« Tu dois dormir. »
« Mal. »
« Dors. »
Il entendit les filles se rallonger, attendit quelques secondes avant d'ouvrir les yeux et fut surpris de rencontrer le regard de Jay couché à deux mètres de lui.
Un serment silencieux, puis Carlos baissa ses paupières une nouvelle fois.
Il y avait toujours eu un lien spécial entre Mal et Evie. Une fascination, quelque chose d'incroyablement innocent qui les avait toujours poussées l'une vers l'autre, dès leur première rencontre. Au fil du temps, la complicité silencieuse avait grandi, le respect aussi. Evie pouvait défier Mal et Mal pouvait pousser Evie, Evie avait su déjouer les barrières de Mal et Mal avait su voir au-delà des masques d'Evie. Carlos avait vu ce lien se développer en périphérie de leur existence, sans vraiment y prêter attention ni le comprendre immédiatement.
Ça ne voulait pas dire que Jay et lui n'en avaient pas conscience. Ça ne voulait pas non plus dire qu'ils comprenaient.
Ça voulait seulement dire qu'ils n'en parleraient jamais. Parce que les faiblesses tuaient. Et celle-ci... celle-ci retournerait l'Île entière contre elles.
Il n'était pas stupide, savait que Cruella n'avait pas décidé d'aller se promener il ne savait où sur un coup de tête pour ne jamais revenir.
Ils se devaient la vie, tous, resteraient loyaux les uns envers les autres jusqu'au bout. Evie et Mal, peut-être dans l'une de leurs conversations ouvertes et sincères et dangereuses, semblaient avoir décidé de sacrifier pour les protéger. Si Carlos les confrontait, elles diraient que c'était leur rôle, en tant que capitaine et second.
Jay et Carlos garderaient ce secret-là comme tous les autres, et ils protégeraient ce lien qu'elles avaient jusqu'à la mort s'il le fallait. Et si quelqu'un les interrogeait, ils diraient que c'était leur rôle de lieutenants de veiller sur elles.
Mais Carlos pensait que ses mots sonneraient sans doute autrement, peut-être comme ce sont mes amies ou ce sont mes sœurs.
Peut-être comme je les aime.
