Relecture et correction effectuées par Alena Robynelfe que je remercie :-)
Chapitre 2 : Promesses
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7 Janvier 1202,
Lorsque je me suis réveillée dans mon lit quelques jours plus tard, je n'ai pas été surprise par l'absence de mon père. Après tout s'il ne m'avait pas cherchée vraiment après ma disparition il n'y avait pas de raison qu'il vienne me voir maintenant. Cependant, je n'étais pas seule, quand j'ai aperçu Viktor je me suis même faite la réflexion que j'aurais préféré être seule plutôt qu'en sa compagnie au vu des derniers événements. Il somnolait tranquillement dans un fauteuil à côté de mon lit toujours vêtu de son armure et la main sur la garde de son épée, comme si j'allais l'attaquer… même si j'avais tenté de faire quoique ce soit pour le mettre dehors il m'aurait envoyée au tapis en deux temps trois mouvements.
C'est à ce moment que je me suis rendu compte de deux faits pourtant essentiels : premièrement j'étais vivante, les loups ne nous avaient pas réduits en lamelles et surtout deuxième point important j'avais deux bras et deux jambes en état de marche, autrement dit, j'étais encore humaine et qui plus est en un seul morceau ! J'étais en train de me réjouir lorsque l'immortel a décidé de sortir du sommeil.
Il m'a regardée comme si un troisième œil m'était poussé sur la tête avant de marmonner qu'il allait dire à mon père que j'étais de nouveau consciente. Il avait vraiment l'air ravi d'être là avec moi, j'ai failli lui dire que moi non plus ça ne m'enchantait pas mais je n'en ai pas eu le temps.
Il a claqué la porte, sa mère n'a jamais dû lui dire que ce n'était pas poli, enfin, comme j'ai également cette habitude lorsque je suis énervée je lui ai pardonné. J'en ai profité pour me lever. Je me suis avancée jusqu'à mon miroir et j'ai remarqué que quelque chose n'allait pas : William m'avait mordue il y avait environ une semaine ( enfin c'était une supposition ), je ne pouvais pas avoir déjà cicatrisé, c'était impossible ! Seulement si une marque était bien présente, je ne pouvais la sentir qu'en passant le bout de mes doigts dessus.
Un bruit venant de dehors m'a fait tourner la tête vers ma fenêtre. Je l'ai ouverte et suis montée sur le rebord, ma petite taille ne me permettant pas de voir à l'extérieur. Le loup-garou blanc était juste au pied du mur, il aurait voulu narguer les vampires qu'il n'aurait pas pu se placer mieux. Je l'ai observé en silence, il me fixait avec une telle intensité que j'ai dû baisser les yeux devant son air curieux.
Ilona. M'a-t-il interpellée dans mon esprit. Cette voix m'a fait sursauter. Comment diable entendais-je William dans mon esprit ? Je pouvais entendre les animaux mais jamais auparavant je n'avais pu entrer en contact avec ces êtres.
Qu'est-ce-que vous me voulez ? Lui ai-je répondu.
J'ai besoin de savoir si, le moment venu, tu me rendras un service.
Quoi ? Vous croyez vraiment que je suis disposée à vous aider ? Je ne suis qu'une humaine ! Et au cas où vous ne l'avez pas encore remarqué, je me prends suffisamment de pierres comme cela ! Je vous suis très reconnaissante de m'avoir sortie de l'eau, mais je ne comprends pas pourquoi vous m'avez mordue…
J'ai besoin de toi. Tu es liée à moi désormais, rien ne pourra y changer, toute ta vie tu seras en mesure de communiquer avec moi et si j'en crois ce que j'ai vu, avec les autres membres de mon espèces. J'ai conscience de ce fardeau que je t'impose, mais il est nécessaire, nécessaire pour mettre fin à tout cela.
Tout cela quoi ? Je ne comprends rien du tout !
Un jour je te demanderai d'aider mon frère Markus à m'arrêter et tu le feras.
Quoi ? Mais pourquoi ? Je ne comprends pas, pourquoi ne vous rendez-vous pas dans ce cas si vous tenez à cesser ces massacres que vous engendrez ?
L'humain que j'étais le souhaite mais pas le loup que je suis à présent.
Je.. je comprends. Mais pourquoi moi ?
Je t'ai bien observée et tu es une petite fille hors du commun, tes talents ne feront que s'accentuer avec l'âge et tu risques de te faire des ennemis, beaucoup d'ennemis. Tu as besoin d'aide, une aide que les humains ne peuvent te fournir. Mes frères loups veilleront sur toi jusqu'à ce que tu puisses te défendre seule. Et lorsque je t'ai mordue, je n'ai fait que te transmettre un héritage de souvenirs, cette force que tu as employée pour repousser mes compagnons tu l'avais déjà en toi, je n'ai fait qu'accélérer le processus…
C'est à ce moment de notre conversation que la porte de ma chambre s'est de nouveau ouverte sur Viktor qui visiblement avait dû se faire envoyer paître. J'ai voulu dire autre chose à William mais il était parti. Le vampire m'a détaillée en silence avant de s'approcher de moi en tendant une main et en me murmurant de ne pas avoir peur et de ne surtout pas faire de geste brusque. Devant son visage sérieux et soucieux j'ai alors détaillé ma position : j'étais en équilibre sur le rebord de la fenêtre, à genoux dans l'épaisse couche de neige qui s'était accumulée sur celui-ci, et autre fait notable, je pleurais.
Je l'ai laissé approcher, il a passé son bras autour de moi et refermé la fenêtre. Il m'a attirée contre lui et toute la peur accumulée de ces derniers jours a jailli hors de moi, incontrôlable. Je me suis accrochée à son armure, enfouissant mon visage dans son torse. S'il y a bien une personne dans les bras de laquelle je ne pensais jamais pleurer c'est bien le froid et impitoyable Viktor. Et je me suis mise à lui parler, à lui confier toute ma vie et mes craintes les plus profondes, toutes les choses que j'ai toujours gardées pour moi je lui ai dites sans exception aucune.
Il n'a rien dit, se contentant de me tenir dans ses bras en me frottant le dos. Lorsque je me suis un peu calmée, il m'a regardée dans les yeux et en replaçant mes cheveux derrière mes oreilles il m'a confié que mon père était trop occupé pour venir me voir pour l'instant. Je n'ai même pas pris la peine de lui demander pourquoi, il devait être aux côtés de ma mère et lui expliquer ce qui m'était arrivé, ou alors il avait peur de m'affronter, d'affronter mon regard d'enfant devenue contre son grès une adulte à part entière. D'affronter le regard de sa fille qui voit chaque jour sa famille se détruire davantage et ses ennemis gagner en puissance. Sa fille qui ne parvient à trouver sa place que parmi les loups et les créatures chimériques.
Je m'attendais à ce que Viktor se décide à m'abandonner à son tour mais il n'en a rien fait. Il est resté, il m'a recouchée et a repris sa place dans le fauteuil. Et enfin il m'a fait la morale, en me sermonnant sur mon imprudence. J'ai pour habitude de lever les yeux au ciel lorsque l'on me gronde car généralement mon interlocuteur perd tellement patience qu'il laisse tomber et me fiche la paix. Avec Viktor ça ne marche pas, il a gardé son regard dans le mien jusqu'à ce que ce soit moi baisse les yeux, lorsqu'il a jugé que j'avais compris il a soulevé mon menton afin que je le regarde de nouveau et m'a dit qu'il avait eu peur qu'il m'arrive quelque chose, que je ne revienne pas, il m'a bien fait comprendre que je devais être là pour mon père et mon frère.
Il m'a obligée à m'allonger avant de me border et de m'ordonner de dormir. Je me suis retournée dans mon lit pour lui tourner le dos, j'étais furieuse qu'il se soit permis de me disputer, après tout, il n'est pas mon père ! Je n'ai aucun compte à lui rendre ! Me voyant bouder, il a soupiré avant d'éclater de rire moins de deux minutes plus tard. Je suis restée stupéfaite, jamais je n'aurais pensé qu'il était capable d'être souriant et rieur. Il s'est fichu de moi, il m'a dit toujours hilare qu'il allait falloir que j'apprenne à perdre une fois de temps en temps, que j'accepte d'avoir des adversaires plus forts que moi. Je me suis retournée rouge comme une tomate, de honte et d'embarras, face à mon comportement puéril. Il m'a regardée de nouveau puis reprenant son sérieux m'a dit qu'il comprenait ce que je ressentais, que ce qui m'arrivait était parfaitement injuste mais que je ne pouvais rien faire pour retourner en arrière. Il a ajouté avant que je ne tombe dans le sommeil que je pouvais lui faire confiance et que si le monde des Hommes refusait ma présence sa porte me serait ouverte.
Mon père m'a souvent dit que je n'avais pas ma place dans le monde des humains, aujourd'hui encore je me dis que c'est vrai. Viktor m'a promis que si tout le monde me rejetait lui ne me tournerait pas le dos, sur le moment ces simples petits mots m'ont paru être les plus porteurs d'espoir étant parvenus à mes oreilles en toute une vie.
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21 Janvier 1202,
Je suis face à un dilemme et je ne sais que faire. Markus a débarqué au château de mon père au milieu de la nuit avec toute une armée et ses deux enfants. Les jumeaux ont été confiés à ma gouvernante et les trois aînés tiennent conseil avec mon père. J'ai peur de ce que j'entends, ils savent tous que je peux communiquer avec les loup-garous, c'est Markus qui a vendu la mèche, je lui en veux un peu mais ça passera sûrement, il avait probablement une très bonne raison de le faire. J'ai plusieurs fois entendu mon nom et à l'instant où j'écris Amélia l'a encore employé. J'ai peur que ce qu'a prédit William n'arrive, je ne veux pas que le loup-garou souffre et connaissant Viktor et Amélia je sais pertinemment qu'ils ne vont pas juste se contenter de l'attraper. Oh, ils ne vont pas se risquer à le tuer, non ils ont trop peur des conséquences sur Markus pour cela ! Mais je doute que la prison qui lui est réservée soit très accueillante. Et si ça ne tenait qu'à moi, entre mourir rapidement et une lente agonie dans une cage, le choix serait vite effectué !
Visiblement ils ne sont pas tous d'accord, mon père, Markus et Amélia semblent s'opposer à Viktor, ce qui m'étonne d'ailleurs… je me demande bien de quoi il en retourne…
Ah, ils viennent de sortir, Viktor a vraiment l'air furieux, Markus se dirige vers moi, malgré son sourire j'ai le vif pressentiment qu'il va me demander quelque chose qui sera très loin de me réjouir.
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Effectivement ça ne me plaît pas du tout ! Mais alors là vraiment pas ! J'avais vu juste ils veulent que je les aide à trouver William et aussi que j'essaye de le neutraliser car selon Markus je suis capable d'influencer le comportement des loup-garous et de les rendre plus dociles. Je ne sais pas comment était William humain mais je doute qu'il ait un jour été docile, d'ailleurs qui est serein lorsqu'on cherche à l'enfermer ?
Et puis de toute façon c'est hors de question, je ne ferai pas de mal à William un point c'est tout ! Le seul problème c'est que visiblement on ne tient pas compte de mon avis. Markus m'a abordé gentiment mais après mon deuxième refus à sa requête mon père a haussé le ton en me disant que de toute manière je n'avais pas mon mot à dire et que je ferai ce que les vampires veulent, Amélia semblait de son avis et à mon plus grand désespoir, Markus après s'être excusé de me demander une telle chose, s'est rangé de leur côté. Je m'attendais à ce que Viktor les rejoigne mais il est parti en direction de la cour. Il veut sûrement prendre l'air, après tout cela fait presque une journée qu'ils sont ici et le jour sera entièrement tombé dans moins d'une demi-heure. Il avait l'air dans une colère montreuse ( pardonnez mon expression ).
Après que j'ai pour la centième fois répondu « non » à leur requête, mon père m'a hurlé que pour une fois dans ma vie j'allais lui faire le plaisir de lui obéir. J'ai répondu que celui que j'ai considéré un jour comme mon père est mort en même temps que ma mère et que jamais cet homme là ne se serait jamais laissé aller comme il le fait lui. Markus a émis un hoquet, Amélia a écarquillé les yeux et je me suis prise une gifle dans les règles de l'art. Il s'attendait sûrement à ce que je me mette à pleurer en lui demandant pardon, il pouvait toujours rêver, je sais de source sûre qu'il y a plus grande douleur que la douleur physique et l'humiliation. Je l'ai regardé droit dans les yeux, il a détourné le regard, il sait que j'ai raison, mais bien sûr il ne l'admettra pas. Il m'a congédiée et a posté deux gardes vampires devant la porte de ma chambre pour ne pas que je leur fasse faux bond. Ils n'ont pas pris la peine de surveiller la fenêtre jugeant sûrement que je n'étais pas désespérée au point de sauter.
Cela va bientôt faire une heure que je cherche un moyen de me calmer mais rien n'y fait, je suis faible, les sanglots m'échappent et les larmes que j'essuie rageusement reviennent continuellement mouiller mes joues.
Je me demande bien où est passé Viktor, les deux autres ont l'air de le chercher. Bah, pourquoi je pense à ça ? Je m'en fiche pas mal de la façon dont il occupe ses nuits ! C'est juste que j'aurais aimé avoir son point de vue, il était en désaccord avec eux et je me demande bien comment cela peut être possible ! Je vais dormir une heure ou deux, pleurer me fatigue et les entendre hurler aussi.
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J'ai à peine eu le temps de poser ma tête sur mon oreiller qu'une voix maintenant familière résonnait dans ma tête.
Ilona, fais le ! Fais le !
Fichez-moi la paix vous ! Ce n'est pas le moment.
S'il-te-plaît, respecte ta parole. Aide mon frère à m'arrêter, le moment est venu.
Non je refuse de vous faire ça ! Je... je ne peux pas ! Je me suis trop attachée à vous, je ne peux pas vous faire de mal !
Justement, tu m'aides en le faisant, je t'en prie, je suis si las de tout cela, de cette course, je ne veux plus y penser, je veux que cela se termine…
Mais vous ne vous rendez pas compte ! Ils vont vous enfermer, vous allez passer le reste de votre vie en prison ! Vous ne reverrez jamais la lumière du soleil, ni même celle de la lune, vous allez passer l'éternité dans l'obscurité ! C'est cela que vous souhaitez vraiment ?
Tu te trompes, Markus ne laissera jamais faire cela !
Il n'aura pas le choix ! Je vous en supplie, partez, partez loin d'ici tant qu'il est encore temps !
Je refuse de te croire, mon frère m'aidera !
Je dis la vérité, je les ai entendus ! Amélia et Viktor ne souhaitent que votre mort ! Et s'il ne vont pas vous tuer c'est parce qu'ils ne veulent pas perdre Markus et également qu'ils pensent que si vous mourez , tous les loup-garous meurent avec vous ! Ils ne veulent pas perdre leurs esclaves !
N'essaye pas de me convaincre, tu n'y arriveras pas Ilona ! De toute façon je crois comprendre que tu n'as pas le choix, que cela te plaise ou non, tu feras ce dont j'ai envie !
Je vous déteste ! Je vous déteste tous ! Jamais personne ne m'a laissé le choix depuis que je suis née ! On ne me demande qu'une chose : obéir sans broncher, sans jamais me demander mon avis ! Je veille constamment sur mon frère et mon père, jour et nuit et le second ne s'en rend même pas compte… Lorsque ma mère est décédée je lui ai promis que je prendrais soin d'eux, je l'ai fait ! Et je le fais toujours ! Cela n'empêche pas les autres enfants de me courir après avec des torches et des cailloux, cela n'empêche pas mon père de me disputer lorsque je m'oppose à son opinion. Ma mère n'a jamais vraiment fait attention à moi, lorsqu'elle allait mieux elle passait tout son temps avec mon père et mon frère, lorsque je voulais lui montrer un dessin elle me regardait deux minutes en me disant que je pouvais m'améliorer et que ce n'était pas parfait. Mon père me souriait avec un petit sourire triste et venait me voir dans ma chambre pour m'expliquer qu'elle réagissait de cette façon car elle était malade. Moi je pense surtout que je ne lui convenais pas. Elle venait d'une famille très croyante et à ses yeux mes talents sont une malédiction, un signe du destin qu'elle et mon père ont commis une faute. Le fait que je me comporte différemment l'a toujours effrayée ! Et pourtant malgré mon amertume, malgré mon chagrin j'ai toujours fait ce que l'on me disait à savoir : « Ilona tais-toi ! Ilona concentre toi ! Ilona arrête de rêver ! Ilona pose tes jouets et vas aider ta mère à s'habiller! Ilona obéis ! Ilona je t'interdis de sortir ! Ilona arrête de pleurnicher tu n'es plus une petite fille ! Ilona viens ici ! Ilona regarde moi ! Ilona ne claque pas la porte ! Ilona excuse toi ! Ilona fais ce que je te dis ! » Alors pour une fois dans ma vie, je voudrais avoir le choix et le droit de dire non.
Tu…
Non ! Je suis une enfant, alors s'il-vous-plaît, laissez moi l'être ! Laissez moi vivre !
Et il est parti, je le sentais troublé mais certainement pas autant que moi.
Je pense que je vais lire, ou peut-être dessiner, cela me videra la tête de toute la bêtise humaine qui hante ce château. Ah visiblement quelqu'un en a décidé autrement, on fait encore du bruit du côté de ma fenêtre. Mais ils ne peuvent donc pas me laisser en paix juste quelques minutes ?
C'est Viktor… mais qu'est-ce qu'il fait là ? Visiblement il me fait signe de lâcher mon carnet et de venir le rejoindre. Il en a de bonnes je suis censée faire comment pour sauter de cinq mètres de haut ? Je lui demande quand même ce qu'il veut exactement.
Me parler, bon, voilà autre chose… Si Viktor veut me parler à moi, l'enfant qui parle aux loups, c'est que ce doit être important. C'est pourquoi je viens d'enfiler mon manteau, il fait vraiment froid et si je reviens glacée mon père va se douter que je me suis offerte une petite escapade au clair de lune. J'emmène mon carnet, il est hors de question que quelqu'un tombe dessus. J'ai hâte d'entendre ce qu'il a à dire.
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