Chapitre relu et corrigé par Alena Robynelfe :D
Nouvelle page de journal, associée à un petit bond dans le temps (vous avez certainement remarqué que mes protagonistes ont généralement le même âge lorsqu'ils embarquent dans leurs aventures, c'est juste que je trouve que 9 et 14 ans sont des âges assez importants dans la vie d'une personne... Voilà, voilà, c'était l'explication du jour! ^_^ ).
Bonne lecture
Chapitre 5 : Mort
OoooooO
19 Février 1207,
La mort n'épargne personne, elle touche toutes les catégories sociales sans distinction. S'il y a bien une chose devant laquelle nous sommes tous égaux c'est la mort. Que nous soyons riches, pauvres, intelligents ou totalement stupides, que nous soyons des humains, des loups-garous ou des vampires, nous sommes tous démunis et terrifiés face à la perspective de la fin de notre vie.
J'ai vu la mort de très près, je l'ai vue dans les yeux et je l'ai combattue, je suis une survivante. Ma famille n'a malheureusement pas eu cette chance. Mais il est certainement mieux pour mon père qu'il soit décédé lorsque je vois ce que son fief est devenu… Le seigneur Árpád, le père d'Íli, a repris toutes les terres de mon père. Je ne lui portais pas une très grande estime par le passé mais à présent, lorsque je vois comment il opprime son peuple, je le méprise.
Mais la pire des choses dans ma situation, c'est que, même si je suis l'héritière légitime de ce fief, je ne peux rien faire, on me tuerait, ainsi que toutes les personnes qui ont pu me porter assistance, et je suis fort bien placée pour savoir que le seigneur Árpád n'hésiterait pas, même, à sacrifier ses propres enfants s'il venait à savoir que ceux-ci m'ont aidée.
Il ne se rend pas compte, pourtant, que je suis là, juste sous son nez. Je suis l'écuyère de son fils Aurél, mais il ne me porte guère beaucoup d'attention. Ainsi je peux espionner tous ses faits et gestes et Aurél et Íli m'y aident beaucoup. Après tout, comme le dit si bien le proverbe : 'il faut être aussi près de ses amis que de ses ennemis'. Je trouverai bien un jour le moyen de le faire tomber de son piédestal. Oui, un jour je réussirai à rétablir la justice ici. Trop de gens sont morts, trop de familles ont été détruites dans ce jeu du pouvoir, il temps que quelqu'un y mette un terme.
C'est ce qu'Olek et moi, aidés de quelques partisans de mon père avons décidé d'entreprendre. Le jour nous sommes comme le commun des mortels, la nuit nous pillons ceux qui nous pillent et rendons leurs biens à ceux qui se sont fait voler. Nous n'hésitons pas à défier même les vampires du château. Je maîtrise les loups mieux que personne, il est donc très simple de les distraire.
Nous sommes des criminels, des parias, nous pourrions être bannis, emprisonnés, torturés ou tués pour ce que nous faisons. Seulement, il serait bien égoïste de ma part de ne rien tenter. Ces personnes sont sous ma responsabilité, mon père a failli et il faut bien que quelqu'un répare ses erreurs.
Notre problème majeur concerne les vampires. Ils ignorent, pour la plupart que je connais chacune de leurs faiblesses et que je sais très bien de quoi ils sont capables. Leurs gardes sont cependant redoutables et je suis constamment obligée de demander l'aide des créatures de William pour parvenir à les faire fuir. J'essaye de faire en sorte qu'il y ait le moins de gâchis de vie possible. Seulement, ici, dans les bois, les lois ne sont pas les mêmes : on paye ses actes le prix du sang… Si un des nôtres meure, l'autre camp doit le payer d'une vie.
Je suis parfaitement contre cette méthode, seulement personne ne m'écoute vraiment ici… Pour quelle raison ? Oh tout simplement parce que je ne suis qu'une femme… C'est plutôt Gorán, autoproclamé chef et membre de ma famille d'adoption, qui commande nos troupes. Moi je ne suis que l'espionne et le stratège.
En effet, il n'y a guère beaucoup de volontaires pour aller risquer sa vie chez les vampires. Même si la grande majorité ignore qui ils sont. Ce secret fait partie d'un accord que j'ai passé il y a longtemps avec Viktor. J'ignore pourquoi je le respecte encore sachant qu'il a lâchement abandonné mon père. Certains des hommes d'Amélia étaient au château le soir du meurtre, je le sais, j'y étais. Et en cette funeste nuit fut signée la fin de mon enfance.
oOo
J'ignore qui était le vampire qui me tenait en me forçait à tout regarder, je ne l'ai pas vu d'une part parce que j'ai essayé de fermer les yeux et également parce qu'il faisait noir et que leurs visages m'étaient totalement inaccessibles car encapuchonnés. Ce dont je suis sûre c'est qu'il s'agit des hommes d'Amélia grâce au tatouage qu'ils ont tous sur l'avant-bras, celui, discret, représentant leur appartenance aux groupe de fidèles d'un des aînés.
Je sais également que j'ai brûlé cet homme. Si un jour je voyais cette blessure je suis persuadée que je le reconnaîtrais. Et si un jour je le retrouve je le tue.
Je hais les vampires pour ce qu'ils ont fait ! Je les hais tous ! Et encore plus les aînés pour m'avoir manipulée lorsque j'étais enfant. Il y a tout de même deux d'entre eux que je classerais différemment : Helén qui m'a sauvée la vie il y a cinq ans et Viktor qui a parfaitement compris que j'ai survécu mais qui le cache bien. Je suis certaine qu'il accepterait de m'écouter mais je suis bien incapable d'aller le voir. J'ai trop peur de ce qu'il pourrait penser de moi et de ce que j'ai fait lorsque j'étais totalement loup. Il y a deux jours je l'ai encore croisé, j'ai eu envie de foncer vers lui mais tout mon corps était comme paralysé. Il y a quelque chose de différent avec ces deux vampires là.
J'ai l'impression de connaître Helén depuis toujours mais je n'ai pourtant aucun souvenir d'elle en moi. J'ai souvent l'intime intuition que je ne suis pas entière… Qu'il me manque quelque chose pour être vraiment moi. Comme si l'on m'avait volé une partie de ce que je suis… Ce qui est bien sûr fortement improbable…
oOo
Helén, mystérieuse Helén, je ne sais pas pourquoi tu veux m'offrir ton amitié, je ne pense pas la mériter. Tu passes tes nuits à soulager les autres avec tes remèdes alors que moi je me bats juste pour essayer de faire comprendre à ces noblaillons langés de satin qu'ils n'ont pas tous les droits sur leurs sujets.
Tu soulages quand je blesse, tu fais le bien lorsque je fais le mal, pourquoi cherches-tu donc à me sauver alors que je ne suis qu'une cause perdue ?
J'avais dix ans, j'avais froid malgré la fourrure qui recouvrait tout mon corps. J'avais chassé quelques heures auparavant et avais encore le goût métallique du sang dans la gueule. J'étais prête à envoyer de nouveau les loups sur les vampires et tu es apparue. La première fois il ne s'est rien passé, nous sommes juste restées l'une en face de l'autre à nous toiser, puis petit à petit tu as su m'apprivoiser... J'ignore comme tu as fait pour pénétrer ainsi mon âme mais quelque chose en toi m'a permis de redevenir humaine.
J'ai eu la force de me traîner jusqu'à une maison que je ne connaissais pas. Je suis persuadée que malgré le froid tu m'as portée à l'intérieur. Lorsque je me suis réveillée, tu étais toujours là, à mon chevet, un vieil homme semblait perdu dans ses pensées. Pendant tout le temps où je suis restée chez lui, tu n'as pas cessé de me parler et lui de rester silencieux. Je n'ai su qui il était uniquement en entendant ces mots : « Alors voilà la dernière victime de mon fils… pauvre petite comme si ce que les vampires et sa mère lui ont fait subir n'était pas suffisant… Helén tu n'imagines pas la chance que tu as d'être née du bon côté... ».
Je suis restée une longue semaine chez le père des immortels Alexander Corvinus. Il ne m'a presque jamais adressé la parole mais il a vraiment été bon avec moi alors que je ne le méritais certainement pas…
Íli est finalement venue me chercher, elle ignorait qui était mon hôte mais elle semblait avoir déjà vu Helén. Depuis ce jour, il ne passe pas une seule nuit sans que j'aie de contact avec Helén. Elle ne vient que très rarement mais elle m'envoie tous les jours un des louveteaux que nous avons dressés ensemble pour me porter un message. Nous partageons le même don, j'ignore pourquoi, mais je sais qu'elle ne devrait pas me parler et qu'elle serait sévèrement punie si quelqu'un découvrait notre amitié. Nous nous ressemblons beaucoup, physiquement comme de caractère même si elle est beaucoup moins impulsive que moi. Lorsque je passe du temps avec elle j'ai l'impression d'être beaucoup moins seule. Íli nous rejoint souvent lorsque son père est occupé à autre chose qu'à la réprimander et je garde tous ces merveilleux moments jalousement au fond de moi. C'est certainement cela qui m'a sauvée, elles elles ne m'ont jamais abandonnée.
Un jour je trouverai pourquoi Helén me paraît si familière !
oOo
J'en ai longtemps voulu à Viktor. J'ai longtemps pensé qu'il m'avait trahie et abandonnée, jusqu'au jour où je l'ai rencontré, seul dans les bois.
J'aurais pu lancer les loups sur lui mais je ne l'ai pas fait. Je suis restée en face de lui et l'ai observé, à ce moment la seule chose que je désirais c'était revenir en arrière et sauter dans ses bras pour qu'il m'emmène loin de tout cela… Mais ça non plus je ne l'ai pas fait. Alors, devant mon silence il s'est passé quelque chose de totalement improbable : Viktor, l'impitoyable Viktor s'est mis à pleurer. Il est descendu de son cheval et s'est approché de moi, c'était quelques temps après qu'Helén ne me convainque d'arrêter les massacres. Il a avancé sa main vers moi, en fait il me l'a tendue et je suis venue à sa rencontre, en posant ma truffe sur sa paume et en fixant mes yeux dans les siens.
« Excuse-moi Ilona ». Ont été ses seuls mots, et il était sincère, on ne peut plus sincère. La suite me restera toute ma vie et je sais que je verrai toujours Viktor différemment pour cette raison : il m'a serrée dans ses bras, moi le loup, moi l'assassin, moi le monstre, il m'a serrée dans ses bras en me suppliant presque de redevenir humaine.
Aujourd'hui encore, j'ignore pourquoi je suis si différente à ses yeux alors que je ne suis qu'une bête parmi celles qui peuplent ces bois…
Il m'a indiqué de le suivre et c'est ce que j'ai fait. Il m'a conduite dans une clairière près d'une cascade et je les aie vues. Les tombes de mon frère et de mon père étaient là, des fleurs posées sur chacune d'elles. Et là j'ai su, su qu'il ne m'avait, lui, jamais trahie. Alors depuis ce jour je me suis fait une promesse, je trouverai le moyen de lui rendre la pareille.
Je suis bien loin de la fillette qui lui a proposé d'être son écoute, mais je sais que je peux le sauver le jour où il sera en danger. Je sais que je veux l'aider, après tout, nous sommes tous les deux brisés au fond de nous, dans un sens il est l'un des seuls à pouvoir me comprendre.
oOo
L'autre personne pour qui je serais capable de tout donner jusqu'à ma vie c'est Olek, mon cher cousin. C'est lui qui nous a retrouvés un foyer, c'est lui qui m'a fait sortir du château de mon père lorsque je n'étais capable que de hurler de terreur. Il a battu les bois pendant des jours dans le froid pour me retrouver, il prend ma défense contre vents et marrées. Il est plus qu'un cousin, plus qu'un frère pour moi, il est ma seule et unique famille.
Olek qui est là pour me supporter lorsque le chagrin est trop intense, Olek qui m'a appris à chasser et à me battre, Olek qui empêche les gardes du château de s'approcher de moi, Olek mon gardien du secret. Olek qui observe si souvent Helén lorsqu'elle m'apprend les vertus des plantes, cela fait un moment qu'ils ne se parlent que par sourires.
L'autre soir il m'a avoué, du haut de ses dix-sept ans qu'il était tombé amoureux d'elle et moi je n'ai rien su dire, pour la simple bonne raison que l'amour est un sentiment inconnu pour moi depuis des années. La haine je la maîtrise sans peine, mais aimer, j'ignore totalement ce que c'est.
oOo
Mes journées se composent simplement. Le jour je travaille aux champs avec les autres membres de ma nouvelle famille, lorsque vient la tombée du jour je rejoins Aurél qui m'enseigne l'escrime et bien d'autres disciplines. Il estime que je n'ai plus besoin de son aide et que je le surpasse en technique mais je ne suis pas aussi optimiste que lui. Je manque cruellement de puissance, je ne suis pas très musclée. En revanche je suis extrêmement précise, c'est en grande partie pour cela que mon arme de prédilection est l'arc. Je me débrouille aussi très bien avec des armes de jets et je suis très discrète. Malheureusement au corps à corps je ne fais pas le poids.
Après la fin de l'entraînement, s'il n'a pas besoin de moi je file dans la forêt retrouver mes autres compagnons. Ils élaborent leurs plans en début de nuitée. Généralement je suis soit celle qui couvre leurs arrières, soit celle qui part en reconnaissance. Olek seul sait pour ma capacité à communiquer avec les loups, ainsi personne ne peut m'utiliser dans ce but.
Lorsque je trouve du temps je file chasser et cueillir. Les villageois ont peur de s'aventurer dans les bois, je peux donc aisément rapporter un peu d'argent à la maison en vendant au marché noir mes prises et trouvailles. Les riches commerçants me font généralement de bonnes offres, ce qui me permet d'en redistribuer un peu aux nombreux bambins qui sillonnent les villages, abandonnés ou orphelins. De même, avec le travail à la forge d'Olek, cela permet d'avoir généralement assez pour acheter du grain supplémentaire pour les semis. Les nobles nous laissent à peine de quoi replanter.
Tous n'ont malheureusement pas cette chance. Et le prix, en cas de non paiement peut vite devenir très élevé. Je ne compte même plus le nombre de garçons et de fillettes qui ont été donnés en tribu pour arrondir la dote. Alors quand je peux, je donne ce que j'ai à ceux qui en ont le plus besoin. Il faut impérativement pouvoir compter les uns sur les autres, ceux qui refusent de marchander se retrouvent généralement servis comme esclaves aux vampires, faute d'avoir pu payer l'impôt colossal.
La jeune sœur de Gorán, Edina a bien failli être vendue durant un mois d'hiver difficile. Heureusement, Olek et moi avons battu ciel et terre pour lui trouver un rôle d'apprentie chez un teinturier qui ne passe qu'une fois la saison. Ainsi, même si nous ne la voyons que rarement, nous savons qu'elle est en sécurité, elle nous rapporte souvent un peu d'argent dès qu'elle le peut.
La vie n'est pas simple, et les châtiments corporels publics, quotidiens. Je ne compte même plus le nombre de fois où j'ai dû serrer les dents pour ne pas leur donner satisfaction de ma douleur et de mon humiliation. Ils n'ont pas la moindre preuve pour prouver que je braconne et fais partie des rebelles, mais cependant j'ai tendance à vouloir trop souvent prendre la défense des plus démunis et à ne pas mâcher mes mots. Et les provocateurs dans mon genre, les paysans, on leur fait rarement de cadeaux.
Heureusement qu'Helén est là pour soigner mes blessures et m'obliger à me reposer, car avec mes maigres deux heures de sommeil par nuit je suis bien souvent exténuée. Mais je pense que le jeu en vaut la chandelle, et je n'ai guère le choix, je ne peux pas laisser ces pauvres gens se faire prendre leurs enfants et leurs biens. Je ne tolère pas que l'on exploite ces pauvres âmes jusqu'à leur dernier souffle alors que les nobles dans leurs châteaux, vivent très confortablement.
oOo
Mais tout cela va bientôt changer, ce soir, je m'introduirai dans le château des vampires et en ressortirai avec j'espère le moyen de détruire ces imposteurs qui nous oppriment.
OoooooO
Le prochain chapitre sera de nouveau une page d'archives du conseil, je vous laisse deviner de quoi ça pourrait bien parler!
A bientôt!
