Chapitre assez long par rapport aux autres mais qui conclue les notes de Viktor (pour le moment du moins, car il reviendra bientôt). On retrouvera le point de vue d'Ilona dans le prochain chapitre.

Bonne lecture!


Notes de Viktor 3 : Le retour des Corvinus

OoooooO

Ilona m'avait emmené chasser, et je profitais de cette occasion pour évaluer son niveau au tir à l'arc. Nous marchions en silence à l'affut de la moindre proie, lorsqu'en passant à proximité du campement des rebelles nous entendîmes un cri de terreur : Helén.

D'un même élan, nous partîmes en direction du cri. Ilona ne s'était pas transformée mais je dois avouer qu'elle courut exceptionnellement vite cette fois-ci. Nous arrivâmes bientôt sur une bute depuis laquelle nous avions une vue imprenable sur le campement. Je dois avouer que je n'ai pas vraiment retenu mes coups pour assommer les deux gardes qui tenaient les rôles de vigiles. Ilona grommela quelque chose à ce propos en arrivant après moi mais je sus qu'elle ne m'en voulait pas le moins du monde.

Helén devait visiblement se promener avec Olek lorsque Goran leur était tombé dessus. Il avait trainé Helén sur le sol et au vu de ses larmes j'étais certain qu'il n'avait pas du faire preuve d'une très grande courtoisie. Elle avait l'air terrifiée et je comprenais aisément pourquoi. Tous les regards étaient tournés vers elle et je voyais dans les yeux de Goran un air cruel qui indiquait qu'il avait très bien compris ce qu'était Helén et qu'il ne tolérait pas qu'un de ses hommes fréquente de près une vampire. Mon sang ne fit qu'un tour et je m'apprêtai à bondir lorsqu'Ilona m'attrapa fermement le bras. Elle me hocha négativement la tête et je compris qu'elle cherchait d'abord à évaluer un peu plus la situation et également à trouver un angle de tir.

Olek était dans un sale état. On l'avait visiblement passé à tabac, j'eus presque autant de peine pour lui que pour Helén. Son visage était maculé de sang et sa chemise en lambeaux. Si un rendez-vous romantique était prévu entre ces deux là, c'était vraiment que le sort s'acharnait.

Je ne compris pas tous les mots aboyés par Goran à ses hommes, mais dans l'essentiel, je saisis, et mes craintes furent appuyées par un grognement d'Ilona ainsi qu'un juron (que je ne citerais pas ici car je trouve que jurer ne lui va pas très bien), qu'il invitait tout simplement ceux-ci à prendre leur pied avec ma petite-fille. Cette fois-ci Ilona eut toutes les peines du monde à me retenir. Elle se mit en travers de mon chemin et je la percutai de plein fouet, l'entrainant dans ma chute sur le sol neigeux de la butée.

Elle plaqua une main sur ma bouche pour m'empêcher de nous faire repérer et sans prendre la peine de se dégager de moi (elle était quand même presque à califourchon sur mon torse) arma son arc. Elle visa et attendit. Au moment où le premier des hommes de Goran fut désigné par ses compagnons pour ''s'occuper'' d'Helén, elle lâcha la corde et le sifflement de la flèche fendant l'air fut très vite suivit d'un cri de douleur.

L'homme, fier quelques secondes auparavant hurler en agitant sa main transpercée et sanguinolente dans tous les sens, comme si ce simple fait pouvait amenuiser la douleur qu'il ressentait. Ilona tira une volée de flèches d'avertissement entre sa sœur et ses ravisseurs et se laissa glisser le long du ravin. Je l'imitai mais j'étais beaucoup moins calme qu'elle. Elle m'impressionnait à cet instant. Je pensais qu'elle se mettait en colère pour peu mais j'étais très loin du compte, elle était très posée et réfléchie. En revanche son visage était de glace et son regard menaçant, elle n'hésiterait pas à tirer.

Goran sembla mécontent de la voir, et lorsqu'il m'aperçut, il devint si rouge de colère que je crus un instant qu'il allait exploser à l'instar d'un volcan rentrant en éruption. Il aboya quelque chose en direction d'Ilona, quelque chose que je ne préfère pas relever ici. Mais mon amie (je pense avoir le droit de la qualifier ainsi) resta de marbre et lui demanda calmement, essayant de ne pas dévoiler sa rage en empêchant sa voix de trembler, de laisser Helén et Olek en paix. Il éclata de rire.

« _ Et tu crois pouvoir faire quoi pour m'empêcher de donner une bonne leçon à ton cousin ? Il n'avait pas à fréquenter cette… cette… petite trai…

_ Je te conseille vivement de faire très attention aux prochains mots que tu diras Goran ! » L'avertit Ilona en le tenant en joute.

De mon côté j'avais très bien compris où il voulait en venir et je sentais mon sang bouillir dans mes veines. Je ne supporte pas que l'on puisse faire du mal à ceux qui me sont chers, c'est intolérable. Que l'on s'en prenne à plusieurs à deux enfants qui n'ont rien demandé de plus que d'être tranquilles me révoltait. Ils avaient tous que ce soit Ilona ou Olek, déjà suffisamment souffert comme cela, inutile d'en rajouter. Je trouvais décidemment Ilona trop bonne d'aider Goran et sa famille. Il n'en vaut pas la peine… Certes je ne connais pas les autres membres de cette fratrie, mais les plus âgés sont de vrais hypocrites.

« _ Sinon quoi ? Vous comptez m'attaquer toi et ton vampire ? » Demanda Goran, un sourire mauvais lui seyant à merveille, étalé sur son visage.

La tournure de sa phrase me fit tressaillir, j'avais l'impression d'être un vulgaire animal de compagnie à ses yeux. Je grommelai mes pensés à Ilona qui me dit juste d'un petit air sarcastique que pour une fois les rôles étaient inversés. Je lui dis que ce n'était pas vraiment le moment de se monter l'un contre l'autre et elle haussa les sourcils. De son côté, Goran semblait presque s'impatienter.

« _ Qu'est-ce-que tu veux ? Demanda alors Ilona.

_ Plusieurs choses. Répondit-il avec un petit sourire satisfait.

_ Fais vite, ''mon vampire'' n'est guère très patient. Rétorqua-t-elle d'une voix ferme. Mais je voyais très bien que comme moi elle se crispait sur son arme.

_ En premier lieu je voudrais vous soumettre ton cousin et toi. Après tout, sans ma famille vous ne seriez rien. Personne n'aurait voulu de deux pitoyables orphelins comme vous sans le moindre sous et la moindre trace de cervelle. Ensuite, je pense qu'il serait temps que tu cèdes à mes avances. Ce serait une bonne évolution, pour toi, de devenir ma femme…

_ Rien que ça ? Questionna Ilona en me retenant par la main. » J'avais une envie subite de lui arracher la tête à cet avorton. Rien que le fait d'imaginer Ilona à la merci d'une crapule pareille me rendait malade.

« _ Ah je voudrais me débarrasser de la fille aussi. Indiqua-t-il en désignant Helén qui tremblait toujours. Et aussi que tu me fasses le plaisir de me livrer le chef vampire qui se tient juste derrière toi.

_ Ma réponse va être très concise Goran. Ouvre bien grand tes oreilles. Je vais formuler cela d'une façon que tous les idiots ici présents vont pouvoir comprendre, oui, même pour toi, ça devrait être possible… Tu es prêt ? C'est non !

_ Je t'ai connue plus maligne Ilona, tu me déçois… Mais soit, tu as choisi ton camp après tout… Occupez-vous d'eux. Je commence par la fille… »

Mais Goran n'eut pas le temps d'en dire plus car sa respiration fut coupée par un vif coup, très bien placé, d'Ilona. Elle le regarda tomber au sol avant de reprendre.

« _ Ah oui, j'ai oublié un petit détail. La famille pour moi c'est sacré. Alors ne t'avise pas de toucher à un seul des cheveux de ma sœur ! » Sa voix montait dans les aigus à cause de la colère qui prenait possession d'elle. Et je pus voir le visage de Goran se décomposer. Il ne savait visiblement pas qu'Helén et Ilona étaient sœurs. En même temps, Ilona était elle-même sensée l'ignorer. C'est à cet instant que je me rendis compte que j'avais confirmé les doutes d'Ilona à ce sujet en lui montrant mes souvenirs quelques nuits auparavant.

Helén et Olek aussi furent extrêmement surpris. La première car elle pensait qu'Ilona l'ignorait et le second parce cela lui paraissait vraiment très improbable et surtout que personne ne le lui avait jamais dit.

Nous profitâmes de l'inertie de Goran pour relever les deux infortunés adolescents et primes la direction du retour. Je ne croyais pas vraiment qu'ils nous laisseraient filer de la sorte, et j'avais raison. Ilona avait beau espérer une issue pacifique, Goran se saisit d'une arbalète et je n'eus que le temps de tirer Olek à moi que le carreau de l'arme le transperçait au niveau de la hanche.

Il hurla de douleur et Ilona fit sa première victime : un homme qui la visait qu'elle abattit froidement lorsqu'il me visa. La suite se passa très vite. En quelques secondes je me retrouvais à combattre aux côtés d'Ilona pour protéger Olek qui se tordait de douleur, et Helén qui tentait d'extraire l'arme de son corps.

Nous étions dos à dos et rien ne semblait pouvoir arrêter le combat qui faisait rage. Ils se ruèrent sur nous avec leurs épées et nous dûmes les repousser tant bien que mal. Ilona tenait à faire le moins de victimes possible, malheureusement, à l'instar du jeune homme qu'elle avait été obligée d'abattre, d'autres connurent le même sort. Je remarquais tout de même que certains ne prenaient pas part au combat. Ils ne nous aidaient pas pour autant, mais j'en conclu que seuls les fidèles de Goran étaient sur nous. Il y avait peut-être un peu d'espoir.

Ilona empêcha un coup de m'atteindre et j'arrêtai de ma main une flèche volant dangereusement dans sa direction. Nous nous remerciâmes mutuellement et reprîmes le combat. J'étais beaucoup plus fort que tous ces humains réunis et Ilona se débrouillait très bien, aussi nous pûmes venir à bout de nos assaillant et je pus m'emparer de Goran qui se mis presque à trembler. Je ressentis une certaine joie à le voir moins fier qu'avant.

Je lui fis connaître ma façon de penser concernant les tirs dans le dos et il ne sembla pas apprécier la remontrance. Il grogna de rage avant de s'adresser à Ilona qui nettoyait son épée rougie par le sang avec un mouchoir.

« _ Que comptes-tu faire à présent ? Tu sais très bien que mes hommes ne te laisseront jamais en paix !

_ Exact, sauf si tu es descendu de ton piédestal de leader des rebelles. Alors ce que nous allons faire est simple. Tu vas nous laisser partir, sinon, je te garantis que Viktor, ici présent, ce fera un plaisir de te raccourcir.

_ Tu sais très bien que ça ne marche pas comme ça. Rétorqua-t-il, et je vis qu'une quarantaine d'hommes arrivaient de toutes parts avec des arcs. Nous n'avions pas une chance cette fois-ci…

_ Très bien. Dans ce cas, j'invoque le droit au duel. » Dit-elle avec résolution. Goran sembla pâlir, et si ce droit au duel était bien ce que pensais, il commençait à douter de ses capacités à pouvoir battre Ilona. Mais j'avais quand même peur. Goran ne me paraissait pas assez digne de confiance. Il ne respecterait jamais ce droit à sa juste valeur et trouverait forcément le moyen de s'en sortir face à Ilona. Cependant mon amie semblait savoir ce qu'elle voulait. Et je compris, lorsque je la vit se redresser totalement face à Goran qu'elle comptait faire ce qu'elle aurait du faire il y déjà longtemps, à savoir prendre la tête du mouvement qu'elle avait créé.

Des murmures parcouraient l'assemblé. Goran voulut rejeter la proposition mais un des gardes qui ne s'était pas battu s'interposa. Il lui rappela qu'il était obligé d'accepter la proposition d'Ilona et que maintenant que le duel était programmé, ils n'avaient plus le droit de se battre. L'homme rappela alors à la foule qui s'amassait que le vainqueur, en plus de devenir le chef du clan, aurait le droit de vie ou de mort sur le vaincu et pourrait en faire ce que bon lui semble. Ils disposaient à présent d'un peu moins d'une journée pour se préparer. Le duel aurait lieu, place publique, au prochain coucher du soleil.

Nous pûmes partir, mais je me fis la promesse de dissuader fortement Ilona d'y aller. Je soupçonnais un piège. Je pris Olek dans mes bras (moi seul pouvait le porter) pendant qu'Ilona soutenait sa sœur. Nous regagnâmes ''la cabane'' en silence, silence parfois interrompu par les gémissements d'Olek dont le sang commençait à sérieusement tacher ma chemise.

Nous réussîmes à hisser les deux malchanceux en haut et pendant qu'Ilona s'occupait un peu d'Helén j'allongeai Olek et comprima avec mes mains la plaie. Lorsque les deux jeunes filles revinrent, quelques secondes plus tard, Ilona tenait la trousse de sa sœur à la main. Elle l'ouvrit et en sortit une pince afin de retirer l'éclat de flèche de la hanche de son cousin. Olek bougea, la douleur était-elle qu'il ne pouvait pas rester immobile. Je le maintenais au sol comme je le pouvais, mais j'avais peur de lui faire mal. Ilona m'ordonna alors de le lâcher et Helén, qui commençait à se ressaisir, pris ma place. Elle essaya de calmer son amant en lui parlant mais rien ne semblait y faire quoi que ce soit. Ilona s'activait autour de la plaie, jugeant de son état, elle grimaça. Ce n'était pas bon signe.

Elle suppliait presque son cousin de ne pas bouger et de se laisser faire, mais celui-ci hurlait encore de douleur et à chacun de ses mouvements saccadés, l'arme s'enfonçait un peu plus, lui faisant perdre davantage de sang. Ilona hésitait à l'assommer lorsqu'Helén fit quelque chose d'extrêmement inattendu : elle se pencha sur Olek et l'embrassa. Alors que j'écarquillais les yeux, Ilona comprit le message et retira d'un seul coup le carreau d'arbalète. Olek tressaillit contre les lèvres d'Helén et lorsque celle-ci rompit le baiser, le rouge aux joues, il laissa échapper une plainte de douleur.

Ilona désinfecta la plaie avec de l'alcool et Olek saisit la main d'Helén. Celle-ci ne cessait de le fixer en murmurant des paroles apaisantes et il ne bougea plus pendant le reste des soins qu'on lui prodigua. Lorsque la plaie fut propre, recousue et bandée avec soin. Ilona m'attira dans la pièce adjacente de celle où nous avions l'habitude de dormir.

Elle se lava les mains et rangea le matériel d'Helén. Puis elle ressortit avec une pile de couvertures qu'elle tendit à sa demi-sœur. Cette dernière était installée à côté d'Olek et leurs doigts étaient toujours liés. Elle rougissait en caressant timidement la joue du jeune homme qui semblait au moins aussi gêné qu'elle. Ilona attira Helén un peu à part pour lui faire enfiler des affaires propres et l'aida à s'allonger à côté d'Olek. Elle installa confortablement son cousin et borda ses deux amis. Elle les embrassa, d'une façon très maternelle, sur le front et leur souhaita une bonne nuit. Une main d'Olek, passée autour de la taille d'Helén nous indiqua cependant qu'ils n'allaient pas dormir tout de suite et je sentis une sorte d'appréhension s'emparer de moi.

Ilona me rejoignit et m'adressa un sourire amusé.

« _ Nous allons les laisser un peu seuls. Indiqua-t-elle. Je pense qu'ils en ont bien besoin. Ne vous inquiétez pas, Helén ne craint rien avec Olek. Il a fallut qu'il soit blessé pour qu'ils se décident enfin à s'embrasser, alors faire autre chose… vous imaginez bien que ce ne sera pas de si tôt ! »

J'hochai la tête et Ilona entreprit de nous aménager un lit dans la petite pièce séparée par un rideau du reste de l'habitation. Lorsque ce fut fait, elle m'aida à me débarrasser de ma chemise couverte de sang et m'en tendit une autre que je devinais avoir appartenue à son père. Elle se changea également avant de m'inviter à dormir. Elle s'allongea sur le dos et poussa un soupir d'aise.

De mon côté, j'étais plus qu'inquiet. D'une part pour Helén parce que j'étais tout de même responsable d'elle et d'autre part pour Ilona qui avait défié Goran en duel. Je jetais un coup d'œil aux deux adolescents en poussant le rideau du bout des doigts. Je le refermais bien vite car ils étaient de nouveau en train d'échanger un baiser. J'hésitais à leur dire de dormir mais Ilona me retint en glissant sa main dans la mienne. Elle m'attira vers elle et m'obligea à m'assoir. Elle se moqua un peu de moi et me traita gentiment de ''grand-père poule'' avant de me lâcher. Elle se rallongea et je l'imitai. Je fis passer un de mes bras par-dessus elle pour pouvoir caler son dos contre mon torse. Elle se laissa faire et prit ma main, entremêlant nos doigts.

Nous restâmes un moment dans cette position avant que je ne brise le silence.

« _ N'y vas pas. L'implorai-je presque.

_ Je vous promets que je ferai attention. Et ce sera pour moi le moyen de peut-être faire changer les choses. Qui sait ? Peut-être que si je bats Goran les autres accepteront de me suivre et qu'il y aura moins de morts ? Répondit-elle.

_ En place publique les gardes d'Árpád se rueront sur toi. C'est beaucoup trop dangereux Ilona !

_ Sauf si je leur dis que je suis vraiment. Il y a une chance qu'ils m'écoutent Viktor ! Il faut que j'essaye… Et puis, de toute façon, vous me protégerez à distance… Ajouta-t-elle. » Et je pouvais deviner qu'elle s'empourprait.

Je ne pus répondre que par l'affirmative. Et elle serra mes doigts entre les siens avec force et je sentais soudain que quelque chose de totalement différent était en train de se produire. Son pouce se mit à dessiner de petits cercles sur le dessus de ma main et je nichai mon visage dans ses cheveux. Son cœur s'accéléra et elle se retourna pour me faire face. Elle se remit à me parler, mais garda toujours nos doigts enlacés.

Elle me demanda si je pouvais lui rendre son médaillon et j'acceptai. Je lui passai autour du coup et elle me confia la chevalière de son père qu'elle portait jusque là en pendentif. Je lui promis d'en prendre soin et elle me remercia. Nous restâmes un instant à nous fixer en silence, cela nous arrivait beaucoup ces derniers temps, nous finissions toujours par nous retourner chacun de notre côté sans nous adresser la parole. Sauf que cette fois-ci ce fut différent. J'ignore ce qui provoqua ce changement, était-ce la fatigue ? Etait-ce la peur du lendemain ? Etait-ce l'espoir fou de mettre un terme aux agissements des assassins de son père? Je n'en ais encore aucune idée. Toujours est-il que cette fois-ci, Ilona glissa sa main sur ma joue et me caressa du bout des doigts. Je frissonnais malgré moi et lorsque je vis qu'elle rapprochait son visage du mien en fermant les yeux je comblais rapidement cette distance devenue presque insupportable.

Nos lèvres se frôlèrent d'abord une première fois, timidement, avant de se sceller définitivement. Le cœur d'Ilona battait la chamade pendant que ses mains se perdaient dans mes cheveux, et je la pressais contre moi avec une douce fermeté. Mes mains caressaient son dos et ses hanches tandis que nous nous embrassions. J'ignore combien de temps dura cette première véritable étreinte, mais elle me parut beaucoup trop courte. Nous nous détachâmes l'un de l'autre avec regret, et nous allongeâmes, sur le dos, l'un contre l'autre. Nos mains se joignirent de nouveau et nous nous décidâmes finalement à dormir.

oOo

Le lendemain, nous ne reparlâmes pas de ce baiser, mais je notais tout de même qu'Ilona semblait plus encline à sourire. Nous laissâmes Olek et Helén seuls dans la grande pièce et nous occupâmes comme nous le pouvions avant que l'heure du duel ne soit proche. Ilona avait aidé Helén à changer le bandage d'Olek et lorsqu'elle s'était retourné pour leur dire quelque chose, une seconde plus tard, elle les avait vus se coller de nouveau l'un contre l'autre.

Elle me rapporta avec un petit air amusé l'atmosphère chargée d'amour qui envahissait la pièce voisine et je lui souris. Je savais qu'il lui faudrait un peu de temps avant de se décider à parler de ce qui nous arrivait à nous deux. Mais je n'étais pas pressé, je savais que lorsqu'elle serait prête elle me ferait part de ses pensés.

L'heure du duel arriva trop vite à mon gout, et je ne pus m'empêcher de ressentir une vague d'angoisse lorsqu'Ilona m'indiqua que je ne pourrais la rejoindre que presque la moitié d'une heure après l'heure prévue. Elle tenta de me rassurer mais je ne pouvais m'empêcher de m'inquiéter pour elle. Ilona me demanda si je doutais de ses capacités avec un regard agacé. Je lui répondis que non mais le cœur n'y était pas. Elle soupira et après avoir jeté un œil à Helén et Olek toujours étroitement enlacés et endormis, m'embrassa sur la joue. Je la serrais brièvement contre moi et la laissai partir.

Les minutes qui suivirent furent les pires de mon existence. Même si j'avais la certitude qu'elle allait bien, je ne pouvais m'empêcher de m'inquiéter. Je tournais en rond et mes pas bruyants finirent par tirer Helén du sommeil. Elle m'observa avec interrogation et lorsque je lui expliquai où était sa sœur elle laissa échapper un petit cri de surprise. J'attendis encore quelques insupportables secondes que le soleil passe définitivement derrière les arbres avant de m'élancer vers le village.

J'atteignis la place centrale très rapidement et la première chose que j'aperçue c'est que Markus et le seigneur Árpád étaient présents et semblaient porter un vive intérêt à la scène qui se déroulait sous leurs yeux. Ilona avait battu Goran et celui-ci était à genoux devant elle. Elle s'adressa à lui d'une voix forte et claire pour répondre, semblait-il à une remarque un peu déplacée.

« _ Tu te trompes Goran. Je sais parfaitement quelle douleur cause la perte de ceux qu'on aime le plus. Tu n'es pas le seul à avoir vu ta famille morte, sauf que moi je l'ai vue se faire tuer, on m'a obligé à regarder. Il y a cinq ans, on a égorgé mon frère jumeau et exécuté mon père devant moi et il ne passe pas un jour sans que je pense à cette scène glaçante. Seulement j'ai appris quelque chose, on n'obtient rien par la vengeance, c'est l'arme des faibles. Il vient un moment où il faut accepter ce qui arrive et se relever de ce qui reste de nous. Il vient un temps où il faut se battre avec son esprit et non plus avec ses sentiments. Tu es encore trop aveuglé par la haine Goran, pour le moment tu ne peux comprendre qu'il faut livrer un combat et non simplement se battre. Relève-toi. Je t'ai certes battu mais mon estime à ton égard n'a pas changée. Je ne peux te forcer à me suivre, mais si tu le souhaite, je peux vraiment t'aider. »

Elle lui tendit la main et le jeune homme s'en empara pour se lever. Il lui adressa un bref regard avant de lui tourner le dos et de partir en direction de ses hommes. Puis, alors qu'Ilona prenait un chemin opposé, il lui parla fébrilement :

« _ Ilona… Tu ne m'as jamais rien dit de ta famille, seulement ton histoire, telle que tu l'as décrite aujourd'hui n'est étrangère à personne. Alors s'il-te-plait ne me donne pas de faux espoirs et dis moi ce qu'il en est vraiment… Es-tu la fille d'Auban Corvinus ? »

Pour toute réponse, mon amie sortit avec précaution le médaillon de sa tunique. Toute l'assistance se figea et des murmures fusèrent, criant à l'impossible. Certains blêmissaient alors que d'autres commençaient progressivement à s'incliner. Puis le temps parut brusquement suspendu alors que tous les paysans et même certains soldats s'agenouillèrent face à Ilona. Tous savaient que la fillette d'Auban n'avait jamais été retrouvée et qu'elle portait ce médaillon. Médaillon que j'ai trouvé. Et nul ne doutait du fait que je l'avais remis à la bonne personne. Lorsque les yeux d'Ilona se parèrent de vert, tous furent persuadés de son authenticité. Toute l'assistance s'était inclinée devant une Ilona plus que gênée. Elle leur demanda de se relever et leur fit comprendre qu'à présent ils lutteraient ensemble. Lorsque la devise de la famille Corvinus fut scandée par la foule je compris que nous vivions un moment historique.

Árpád fit signe à ses gardes d'intervenir mais les villageois les retinrent d'un même mouvement. Markus lui ordonna d'arrêter et il l'écouta avec une lueur de crainte de son regard. Il avait suffit d'une seule personne, d'un seul discours pour rallier tous les humains, il avait perdu. Markus n'en croyait pas ses yeux. Il fixait Ilona avec insistance en tentant de comprendre, mais il dut se faire à la vérité, l'héritière légitime du trône du plus important fief de la région se tenait à quelques mètres de lui. Son regard arriva brusquement sur moi et en voyant mon air satisfait il parut comprendre le rôle que j'avais joué dans tout ceci. Mais finalement, à part donner la foi qu'il manquait à Ilona je n'y étais pas pour grand-chose. Le nouveau leader des humains s'éloigna avec un groupe de rebelles et je me dis qu'il était temps que je file à la planque d'Ilona récupérer mes affaires pour rentrer chez les miens. Je me disais que ce serait certainement beaucoup plus simple si je ne la revoyais pas.

Il en fut cependant autrement car une fois sur place et mes affaires emballées, Helén me convainquit de rester. Elle insista beaucoup, avec Olek, sur le fait qu'Ilona ne voudrait certainement partager cette victoire qu'avec moi. Je décidai donc de rester encore un peu. Je m'assis dans la petite pièce et pris un livre, mais j'étais incapable de me concentrer car la seule chose qui envahissait mon esprit à cet instant était le souvenir de l'étreinte d'Ilona.

oOo

Ilona rentra au lever du jour, exténuée mais plus heureuse qu'elle ne l'ait jamais été. Elle se dirigea à pas de loup jusqu'à notre chambre improvisée et se défit de ses armes avant de me rejoindre sur le fin matelas de paille. J'essayai de trouver les mots pour exprimer la fierté que je ressentais à son égard mais aucun mot ne me vint. Elle voulait aussi parler mais demeurait aussi muette que moi. Au bout d'une dizaine de minutes à nous fixer en silence, je passai mes mains autour de sa taille et l'attirai.

Elle frissonna, mais le froid n'y était pour rien, et la seconde suivante je m'emparai de ses lèvres. Lorsque je sentis la passion m'embraser alors qu'elle répondait avec ardeur à mon baiser je me rendis compte qu'hier n'avait été que la prémisse de quelque chose de bien plus important. Mes mains se perdirent dans ses cheveux avant de descendre doucement vers le creux de ses reins. Je soulevai sa tunique et caressai sa peau marquée par les coups qu'elle avait pris depuis son enfance par sa mère, jusqu'à ceux plus récents causés par le fouet. Elle me défit de ma chemise et se colla contre moi. La douceur de ses mains parcourant mon torse me fit pleinement comprendre à quel point j'avais sous-estimé les sentiments que j'éprouvais depuis toujours pour cette jeune fille si extraordinaire. Le tourbillon d'émotions était tellement intense que nous retrouvâmes assez rapidement en sous-vêtements et étroitement enlacés.

Mon esprit sembla alors se réveiller et sortir de sa léthargie. Je me rendis compte que si nous ne nous freinions pas un tant soit peu, nous risquions de nous retrouver dans une situation trop précoce à mon gout étant donné l'âge de ma partenaire, situation que nous pourrions regretter. Elle s'en rendit également compte et c'est d'un commun accord que nous rompîmes le baiser.

Ilona posa sa tête contre ma poitrine et je la pressai contre moi avec amour. Et cette fois-ci j'étais réellement certain que cela en était bien, de l'amour. Sa main posée sur mon torse continuait ses légères caresses pendant que je faisais de même au niveau de ses épaules et du bas de son dos. Nous étions encore enlacés et nos respirations, devenues un peu haletantes, reprenaient un rythme normal. Aucun de nous ne prononça le moindre mot pendant les minutes qui suivirent. Nous n'en avions nullement besoin pour expliquer ce qui venait de se passer.

Ma dernière pensé, avant de me laisser bercer par la respiration apaisée d'Ilona fut que j'allais vraiment avoir beaucoup plus de mal que prévu à partir, et surtout que nous étions engagés sur une voie que je n'avais jamais rêvé d'emprunter, même dans mes rêves les plus fous.

J'étais sincèrement tombé amoureux d'un loup.

OoooooO


Que pensez-vous de la fin de ce chapitre? Est-ce-que l'évolution de leur relation vous parait trop précipitée (sachant qu'elle sera forcément ralentie par la suite)? Ou est-ce-que vous trouvez que c'est au contraire comme vous auriez pu vous l'imaginer?

Je veux bien votre avis général également :D

Et je vais aussi faire un petit sondage: Que pensez-vous des personnages? Et quel est celui que vous préférez parmi ceux d'origine? et parmi les OC?

Bonne nuit! ^^