— Encore ? Combien de fois vas-tu te ramener dans un état pareil ?

Sa grande sœur soupira d'exaspération alors qu'elle tendait la main pour récupérer sa veste. Katakuri venait tout juste de rentrer et il n'avait fallu qu'une seconde avant que la plupart de ses frères et sœurs ne viennent l'entourer, tous posant un regard critique sur son apparence.

— Ils ont commencé, je n'allais pas me laisser faire.

Le jeune Charlotte ôta son habit, ce dernier n'ayant malheureusement pas échappé à un coup de couteau qu'on lui avait porté. Ses reflexes avaient sauvé la peau de son dos mais ce n'était pas le cas pour sa veste. Elle était vraiment dans un piteux état avec ce trou béant.

— Ce n'est pas comme si Mama allait rechigner, après tout elle aime bien quand on fout le trouble partout. S'insurgea le cadet des triplés, Oven, qui s'avança aux côtés de son ainé en essayant à sa manière de lui apporter son soutien.

Cependant, Compote n'était pas de cet avis là alors que d'une poigne ferme, elle agrippa l'oreille du roux, la tirant légèrement pour lui faire la leçon.

— Peut-être mais c'est pas le moment, n'oublie pas que maman va se marier avec le maire du coin alors on a intérêt à se mettre à carreau. Au moins jusqu'à la fin de l'évènement.

Itte, ça fait mal.

Puis un à un, chaque enfant était venu mettre son grain de sel et les sujets divergèrent allant du mariage qui pointait le bout de son nez au goûter qu'ils allaient déguster plus tard. Katakuri se retrouva bien vite éclipsé, ce qui n'était pas pour le déplaire, regardant d'un air ramolli ses frangins discuter telle une joyeuse petite bande. Il ne le disait jamais haut et fort mais il n'aimait pas ça, quand sa famille engageait la discussion sur les troubles qu'il rencontrait à l'extérieur. Il ne voulait pas partager ce fardeau avec eux, estimant qu'il était le seul permit de s'en charger, à sa manière. Bien sûr, ce n'était en aucun cas l'avis d'Oven et de Daifuku. Si ses ainés n'y voyaient aucun inconvénient, ses jeunes triplés se montraient parfois - excessivement - protecteurs et collants. Bien qu'il pouvait se débrouiller seul, il ressentait toujours derrière son dos leurs regards prévenants et soucieux.

Ses iris s'éloignèrent du petit groupe, voyageant plus bas en sentant le léger tiraillement sur son pantalon. Brûlée se tenait là, ses mains agrippant timidement une trousse de secours. Son nez rose et pointu tourné vers lui alors que de ses grands yeux jaunes se dégageait une inquiétude non dissimulée.

— Dis grand-frère ? Ils t'ont fait mal ? Je peux te soigner si tu veux.

Douce, voilà ce qui la caractérisait le plus. Jamais il n'avait connu de personne aussi empathique que sa petite sœur, au moins envers lui, elle était toujours celle qui l'attendait au pas de la porte quand il rentrait tard, cherchant toujours sa compagnie alors que d'autres le fuyait. Quand ça leur arrivait de se promener tous les deux, elle était toujours la première à élever sa petite voix contre ceux qui l'attaquaient verbalement et malgré la petite gêne qu'il ressentait d'être ainsi défendu par plus jeune que lui, fierté oblige, il était reconnaissant de l'avoir à ses côtés. Elle ne manquait jamais de lui rappeler que peu importe ce que les autres pensaient, il était bien comme il était. Rien de plus, rien de moins.

Un léger sourire prit forme sur sa bouche recousue, relevant une main pour frotter sa chevelure lavande.

— T'inquiètes pas va, je suis intouchable.

— Ça tu l'as dis grand-frère Kata' !

La petite rigolait à présent, ses pommettes saupoudrées de rouge, soulagée devant la confiance qu'il ne manquait jamais de montrer. Son admiration envers son grand-frère décuplait de jour en jour et ce n'était pas prêt de s'arrêter.

Délaissant sa main de sa chevelure, Katakuri tourna le pas, se dirigeant vers la porte. Pensant sortir discrètement, il fut rapidement stoppé par la voix de Daifuku, ce dernier ne tardant pas à venir le rejoindre.

— Tu sors encore frangin ? Je viens avec toi !

— Hé, moi aussi j'viens !

Katakuri soupira devant l'entêtement de ses triplés.

— Pas question, je veux rester seul.

Et sur ses mots, il n'attendit pas de réponses alors qu'il engageait son meilleur sprint. Sûrement qu'il les avait indigné mais pour ce qu'il allait faire, il n'avait aucunement besoin de compagnie.

OoO

Plus tôt, il avait fouillé le gouffre qu'était la poche de son pantalon et ce qu'il était parvenu à sortir l'avait plus que ravi.

Pile ce qu'il faut, s'était-il dit alors que ses jambes le menaient sans attendre dans la seule pâtisserie du coin.

Sa bouche n'avait pas tardé, salivant devant le spectacle paradisiaque qui s'offrait à l'intérieur. Il s'était senti comblé de la plus belle des manières alors que les effluves de crèmes, de pâtes divinement cuites et égayées par multiples décorations voyageaient jusqu'à son nez, attisant son estomac.

Eclair, croque-en-bouche, forêt noire, paris-brest, financier, millefeuille et plus que tout. . .

Même les regards désenchantés des clients et de la serveuse n'étaient que mirages alors qu'il récupérait son sac en papier brun, l'insigne du magasin imprimé dessus, remettant ses pièces avant de détaler de la même manière qu'il était venu.

Et le voilà maintenant, assis en haut de la plus haute colline de l'île avec pour fidèles compagnons, une vue panoramique et des donuts ronds, dodus à souhait et abondants d'un glaçage à faire tourner en bourrique une fourmi.

Goulument, avec gourmandise, sans gêne, comblé, il s'en gavait.

Les sutures qui reliaient sa bouche se défaisaient presque alors que celle-ci s'élargissait, accueillant avec hâte la délicieuse pâte sucrée. Un à un il les enfournait dans sa bouche, ses papilles tressautant de plaisir, l'esprit flasque, l'estomac ravit. Un petit grognement joyeux s'éleva de sa poitrine, chantonnant presque de louange face à cette douce bonté.

Plus d'idiots, plus de bouches aux allures de gueules de serpents, les mots ne blessaient plus, ne tranchaient plus, il n'y avait ni rires moqueurs, ni vilenies, il n'y avait que lui et ses donuts.

Oh donuts. . .de si délicieux donuts. . .

On en rigolerait presque de ce monstre que tout le monde disait voir en lui. Une apparence que l'on transformait en défaut, trop étroit d'esprit pour le reconnaître, cherchant toujours à nuire car c'est ce qui les excitait et c'était comme ça qu'ils pensaient trouver un sens à leur vie bien morne alors qu'à côté de ça, lui vivait ses meilleurs moments.

Katakuri continuait à chantonner autant que les miettes pleuvaient dans sa bouche, aussi souvent que ses longues dents pointues fendaient la pâtisserie, sa main faisant des allers-retours vers le paquet posé sur ses genoux. Ses joues rouges, ses yeux vitreux d'un trop plein de plaisir alors qu'il profitait de l'après-midi et du paysage qui s'offrait sous ses pieds, pendant sur le rebord de la falaise.

Un énième voyage fut entrepris mais ses doigts luisants de crème et recouverts de miettes ne s'accrochèrent à rien, ressortant bredouille du sac.

Soupirant à s'en fendre l'âme, il prit d'un geste sec le papier avant de le rouler en boule, y mettant toute son exaspération sur ce festin fini trop tôt, ponctuant ce geste en balançant la pauvre boulette par-dessus-bord.

Il était réellement insatiable.

Ses yeux suivirent la trajectoire du papier brun avant que ce dernier ne dérive pour de bon dans la forêt. Voyant qu'il était encore tôt, Katakuri décida de rester un peu plus longtemps et de lézarder sous le soleil.

Un bras replié vers l'arrière et l'autre posé sur un genou, il s'autorisa à fermer les yeux appréciant la chaleur de l'île. D'ordinaire, il hésitait à baisser sa garde de la sorte mais cette colline, il y venait depuis que la flotte de sa mère avait amarré dans le coin. Il avait trouvé l'endroit alors qu'il explorait les environs par soif d'aventure. Et il en était satisfait.

Mais peut-être avait-il supposé trop vite car à peine commençait-il à somnoler qu'un bruit sourd, semblable à un sac que l'on jetait par terre, le brisa de sa méditation.

— Toi là, Grandgousier-pélican ! Combat moi !

Hein ?

Le violet balança négligemment sa tête vers l'arrière à l'entente de la voix, de l'intruse. Son regard perçant capta deux prunelles jaunes vives, dénuées de crainte. C'était une fillette, haute comme trois pommes, des cheveux courts, d'un blanc éclatant qui contrastaient fortement avec sa peau ébène. Elle se tenait fièrement derrière lui, les pieds écartés et les bras reposants de part et d'autres de son petit cadre mince. Elle se tenait là comme si au lieu du surnom détestable qu'elle venait de prononcer, ce n'était qu'un simple bonjour qui était sortit de ses lèvres.

— Grandgousier, combat moi ! Répéta t-elle une nouvelle fois, osant avancer d'un pas.

Le mouvement fit tinter les breloques qui ornaient ses chevilles et Katakuri, toujours assis, se demandait comment n'avait-il pas pu l'entendre arriver.

Il n'était pas désemparé seulement, c'était la première fois qu'il entendait une fille l'appeler comme ça. D'ordinaire, quand il ne s'agissait pas de ses sœurs, elles fuyaient toutes dès qu'il se montrait alors ouais ça faisait quelque chose mais il décida de ne rien dire, préférant arquer ses sourcils et arborer la meilleure expression intimidante de son registre.

La fillette commençait à s'impatienter du manque de réponse, roulant ses poings en boule, son petit nez s'enfonçant alors qu'elle arborait une expression renfrognée. Elle s'abaissa rapidement sous l'oeil curieux de Katakuri, empoignant le sac qu'elle avait jeté plus tôt, le relevant pour le balancer sous son nez.

— Regarde ! J't'ai même ramené des donuts ! Alors combat moi et tu les auras !

Inconsciemment ou non, l'image d'un maître soudoyant son chien prit forme dans l'esprit du Charlotte, la pensée le faisant tiquer alors que les coins de sa bouche s'abaissaient de renfrognement. Mais la chose la plus troublante dans tout ça c'était, comment ?

Il ne se souvenait pas de l'avoir déjà vu quelque part ou bien ne faisait-il pas attention ?

Cette étrange fille se ramenait avec son met le plus aimé, debout dans son havre de paix. Avec ce combat qu'elle mentionnait depuis son arrivée et ce surnom, il ne pouvait que supposer qu'elle avait assisté à au moins une de ses bagarres. La pensée que cette fille l'espionnait le plongea encore plus dans son mécontentement.

Sa nuque commençant à hurler de douleur, il releva sa tête, décidant de l'ignorer jusqu'à ce qu'elle se décourage et fasse demi-tour. Qu'elle l'espionne ou non, il n'allait pas être son gentil petit toutou et lui donner ce qu'elle demandait. Si elle voulait se battre, les idiots de la ville étaient plus que disposés à le faire.

— Hé m'ignore pas je suis sérieuse !

Malheureusement pour Katakuri, le phénomène semblait encore plus têtu car elle n'avait pas bougé d'un pouce, sa voix aigüe infatigable alors qu'elle chantait à tue-tête, lui rabâchant le même discours depuis son arrivée.

Il n'avait jamais autant entendu 'Grandgousier-pélican' et 'combat' dans une même phrase, cela se traduisant par un mal de tête qui battait son plein. Son visage se contorsionnait alors qu'il commençait à voir rouge, des veines apparents le long de sa gorge. Il essayait toujours de garder son sang-froid mais peine perdue car la dernière goutte qui fit déborder le vase prit la forme du caillou que cette folle venait de lui jeter sur le haut du crâne avant qu'il ne rebondisse et parte rejoindre le papier brun qu'il avait balancé plus tôt.

—. . .DENTS DE CHIEN !

— FERME LA !

L'ébène poussa un cri de surprise alors que d'un bond, le jeune garçon qu'elle insupportait depuis maintenant une bonne demi-heure s'élança vers elle, la plaquant douloureusement au sol. L'impact lui coupa net le souffle et ce n'est qu'à ce moment là qu'elle mesura le danger mais c'était trop tard.

Beaucoup trop tard.