Ses bras écorchés hurlaient de douleur sans parler de ce fessier qui plus d'une fois, s'était retrouvé en harmonie avec le sol herbeux.
En une phrase, elle s'était faite laminer.
Malgré ces défaites qui s'amoncelaient à perte de vue au milieu de la terre et de la sueur, la gamine ne permettait à la fatigue d'avoir raison d'elle. Ses yeux d'hiboux n'abdiquaient jamais face au regard électrique de son adversaire et ses jambes tremblants, pareils à ceux d'un faon-né, gardaient leur posture défensive.
A l'inverse, Katakuri ne s'est vu offrir aucune égratignure. Son souffle était légèrement haletant car mine de rien, la gamine avait de l'endurance. Il l'avait observé pendant qu'elle récupérait le tuyau de fer laissé au côté du sac de donuts, ses pupilles d'un jaune étonnamment vif ne le quittant un instant. Plus tôt, elle lui avait administré un bon coup sur la tête pour se dégager de sa prise et lui, trop obnubilé par la colère causée par cette énergumène venue l'embêter, s'était fait avoir comme un bleu mais rapidement, l'issu de leur bagarre lui avait permis de fixer son statut de dominant.
Il ne faisait pas dans la charité et avait donné les poings qu'il recevait, même s'il les avait tous bloqué, l'envoyant valdinguer comme les dizaines d'harceleurs avant elle. Malgré lui, le Charlotte atténuait la force derrière ses coups face à cette fillette. La raison était peut-être à travers ça mais aussi, jamais auparavant ses adversaires ne lui avaient promis un butin.
Son regard dériva vers le sac toujours par terre, suspicieux. Des pieds nus vinrent entraver sa contemplation avant que cette même voix, qui l'avait hélé plus tôt, ne s'invite dans cette atmosphère remplie de respirations saccadées.
— Ah non ! Combat moi encore, tu boufferas après !
Comme si c'était encore possible, le bout de ses sourcils arqués se rejoignit presque pour accentuer son mécontentement alors qu'elle recommençait de lui ordonner comme un pouilleux de clébard.
— C'est quoi ton problème ! On s'est battu une vingtaine de fois. . .t'en a pas marre de bouffer de la terre, un peu ? Fit-il en montrant ses canines. Et arrête de me traiter comme un chien.
Effrontée, la blanche se tourna sur le côté pour cracher avant de revenir à ces yeux pernicieux. Elle renifla d'amusement en voyant que le garçonnet tentait de lui faire peur et enfonça une fois de plus l'épine dans son humeur déjà limite.
— Je t'assure que la prochaine, c'est toi qui va en bouffer de la saleté. En plus je suis pas encore fatiguée alors combat moi.
— Non.
— Mais !
Si elle voulait se montrer tête brûlée, la voici devant un adversaire de taille.
— Tu sais quoi, crétine ? continua Katakuri en lui tournant le dos pour partir s'installer au bord de la falaise, garde les pour toi tes pâtisseries, j'en veux pas.
Tout ce pour quoi il se trouvait ici, résultait de son envie d'être en paix. Il avait eu sa part de rixe dans la journée et additionné à ça, la force de la concurrence frisait le négatif. Il n'avait a y gagner que les donuts mais pour cette fois-ci, il s'en privera.
Sa veste laissée avec Compote, Katakuri ne s'offusqua pas quand son dos nu rencontra l'herbe douce. Les pieds pendant dans le vide et les bras de part et d'autre de sa tête, il se laissa dériver vers les nuages, souhaitant que l'autre s'en aille.
Le silence plana pendant une, deux, trois minutes avant d'être bousculé par un long soupir mélodramatique. Cheminant le sol à grands pas, l'inconnue se déplaça telle un pachyderme vers l'allongé, les joues gonflées comme la petite fille qu'elle était.
— Tu veux vraiment pas alors ?
Ne recevant aucune réponse, elle s'avança encore plus jusqu'à ce que son visage lui barre la vue du ciel. Une tête en bas et l'autre en haut, Katakuri ne pipa mot s'attendant à ce qu'elle le harcèle encore plus.
Au lieu de ça, un lourd paquet vint atterrir sur son ventre.
— J'ai dis de les garder pour toi.
— Je suis du genre à tenir parole.
Elle tira la langue pour faire bonne mesure avant de lui rendre son ciel, partant s'asseoir non loin de lui en le surprenant à travers ce geste. Il pensait qu'elle allait partir après ça.
En biais, ses yeux la suivirent alors qu'elle se passait les mains sur le visage, essayant de nettoyer le peu de saleté qu'elle pouvait. Finalement son attention retourna au sac posé sur lui. De sa position, les effluves sucrées lui parvenaient sans peine et il n'en fallait pas plus pour lui certifier la chose.
Pêchant hardiment à l'intérieur, le glaçage fondu ne le fit reculer d'un iota et il s'en goinfrait, oubliant sa compagnie.
De sa place, les jambes écartées et son tuyau laissé de côté, la petite le fixait, les paupières papillonnant. Elle l'espionnait depuis un bon bout de temps déjà et à chaque fois, elle se retrouvait hypnotisée par ce glouton. Au fond d'elle, la gamine se disait s'il n'avait pas peur de se briser les coutures tellement il écartait sa mâchoire. Les idiots du coin le pointaient du doigt en le surnommant Grandgousier-pélican et bien sûr elle ne valait mieux. Elle voyait que ça le mettait en rogne et s'était donc décidée de l'utiliser pour attirer son attention sur elle. Bien, ça avait marché, beaucoup trop même et elle se devait de trouver une explication crédible pour ses parents au sujet de tous ces bleus et bosses.
Inconsciemment, alors que son esprit fourmillait d'idées et d'excuses, sa main se retrouva d'elle même dans le sac destiné à l'autre.
— Hé !
Reprenant ses esprits et la friandise déjà entamée, elle le fixa d'un air morne.
— Quoi ?
Comprenant l'allusion à travers ces pupilles qui lançaient tonnerres et grêles, l'audacieuse finit d'avaler en toute tranquillité.
— C'est bon ! J'en ai pris qu'un seul !
— Mouais.
Toujours méfiant, Katakuri accéléra son rythme ne voulant pas d'une énième tentative. Un éclat de rire accompagna ses grognements et il se retrouva à décélérer sa cadence en l'entendant se fendre la poire.
En dehors de sa famille, les rires qu'il percevait à l'extérieur et étaient destinés à son encontre ne signifiaient que dérision. À ses oreilles il s'agissait du son le plus laid au monde.
— Qu'est-ce qui t'fais marrer ?
— Bahaha ne l'prend pas mal mais c'est juste hilarant de te voir te goinfrer de quelque chose que tu disais prêt à abandonner.
Avalant un coup et ne comprenant pas exactement son humour, il haussa les épaules en délaissant sa posture défensive croyant qu'elle se moquait d'autre chose. Cette situation était à la fois étrange et nouvelle pour lui. Outre le surnom détestable qu'elle utilisait pour l'appeler, cette fillette ne semblait pas voir ce qu'il y avait sous son nez. Pas une seule fois il n'avait vu du dégoût ou de la terreur dans son regard. Pas une seule fois ses yeux s'étaient posés plus de dix secondes sur sa bouche, ses dents tranchants et sa cicatrice. Son cerveau l'empêchait d'accepter totalement cette réalité et il mettrait sa main à couper que ses deux frangins, Oven et Daifuku, ne le croiraient sans preuve.
Alors qu'il terminait son dernier morceau sous les babillages incessants de la blanche, un bruit dans le feuillage les alarma tous deux.
— Cath' t'es là ?
— Oh punaise, les frangins !
Se remettant sur ses pieds, elle se passa frénétiquement les paumes sur le short et le débardeur bleu qu'elle portait, les dépoussiérant. Son malheureux tuyau de fer fut projeté quelque part dans les buissons pendant qu'elle s'y dirigeait. Katakuri observait tout ça, ne pipant mot et comprenant que leur entrevue touchait à sa fin.
Cependant, une chose lui disait qu'elle n'allait décoller de ses baskets aussi facilement. Chose qui fut certifiée quand, dans sa hâte, elle tourna sa tête vers lui, faisant voleter ses pointes blanches sous la lumière de l'après-midi, avant d'ouvrir sa bouche.
— Ne pense pas qu'j'ai abandonné ! Je reviendrai ! Ponctua t-elle expressément avant de disparaître derrière les hautes herbes.
Ses coudes supportant le haut de son corps, le concerné ne quittait d'un œil la verdure qui continuait de bouger après son passage. Il releva son sourcil, ça voulait dire qu'elle cherchera encore à se battre ?
À peine termina t-il sur cette pensée que le feuillage fut une nouvelle fois perturbé, laissant apparaître une certaine petite tête.
— Hé Grandgousier, c'est quoi ton prénom ? J'entends les crétins d'en bas t'appeler comme ça mais j'mettrais ma main au feu qu'c'est pas vraiment ça.
:)
