"Ne pense pas qu'j'ai abandonné ! Je reviendrai !"
Sa veste en cuir maintenant recousue, reposait sur ses fortes épaules. Katakuri était revenu sur son perchoir, le lendemain à la même heure et se sentait un peu idiot, devait-il se l'avouer, à triturer nerveusement cette fine brindille entre ses doigts. Après lui avoir donné son nom, la petite inconnue a disparu aussitôt sans avoir eu la décence de lui passer le sien.
Il avait perçu un début de ce dernier à travers la voix masculine qui la cherchait : Kat' ? ou bien Cat' ou Cath' ? Il n'en savait fichtrement rien et pourtant, ça serait mentir que d'omettre qu'il avait passé une bonne demi-heure à y réfléchir.
D'abord, il s'était senti pris de court par sa soudaine question. Jamais auparavant un étranger n'avait daigné lui demander son nom, pas que ça le dérangeait car encore une fois c'était la bagarre qu'on lui cherchait, mais d'une certaine manière ça représenterai de la reconnaissance envers sa personne. Partout sur Grandline, les terreurs se faisaient respecter à la simple mention de leur blase. D'autant plus que faisant partie d'un équipage tel que celui de sa mère, en constante expansion, il avait intérêt à ce que tous sachent qui il était et non à travers ce minable sobriquet qu'on lui a attribué.
Mais de toute façon, il savait que d'une manière ou d'une autre, Katakuri aura sa propre place dans leurs esprits. Il s'en assurera.
Malgré qu'il s'occupait les méninges, ses sens vifs lui permirent de sentir cette légère brise lui frôler la nuque et il n'en fallu pas plus pour sortir de la trajectoire de l'arrivante. Elle l'avait attaqué sans annoncer sa présence, bras vers l'avant et le reste du corps suivant de suite après.
Il devait admettre qu'elle avait un don pour rester furtive néanmoins sa vitesse se situait bien en dessous de la sienne. Le violet se surpris quand un sourire déséquilibré vint étirer sa bouche mais l'effaça à la seconde où une autre attaque lui fut portée.
Elle tenait bien parole, la voici en quête de revanche.
S'étant relevée après sa précédente chute, la blanche n'avait perdu de temps pour se ruer, une nouvelle fois vers Katakuri. Le regard tempétueux et les dents serrés, la petite avait balancé le haut de son corps pour se mettre en poirier et ainsi, user de ses jambes. Ses pieds pleuvaient sur la forme du Charlotte alors que ce dernier repoussait ses coups de ses avant-bras. Elle exerçait un style de combat qu'il n'avait jamais vu auparavant. Chaque partie de son corps servait à toucher. Elle balançait ses jambes tels des fouets, utilisait ses genoux pour assommer ou bien se remettait sur ses pieds afin de lui administrer son coude.
A chaque fois qu'il esquivait elle grognait et quand fut son tour de frapper, elle ne reculait jamais quitte à recevoir un poing sur la face.
Une vraie Sauvage.
Son style était brouillon et il avait vite fait de remarquer qu'elle agissait plus sur l'instinct, sans réfléchir.
Et comme le jour précédent, elle perdit. Cependant au lieu de se tenir telle une fière lionne, elle s'est retrouvée face contre terre, allongée de tout son long et expirant bruyamment.
Pour sa part et sorti vainqueur, Katakuri partit récupérer son dû avant d'aller s'installer à sa place habituelle, ravi.
A vrai dire, la situation lui était très avantageuse mais si cette petite continuait comme ça, elle se retrouvera bien vite sans le sou.
— Pourquoi tu persistes ? A ce rythme tu vas te ruiner les poches.
— Ne dis rien !
Elle s'était relevée, reniflant sèchement en pointant son petit index vers lui, de mauvaise humeur, avant de se trainer sur le sol. Elle s'aida de ses avant-bras pour parvenir jusqu'à lui puis s'enfonça une fois de plus dans la terre.
Il remarqua nettement qu'à l'inverse de la veille, la gamine n'était pas plus en forme. Fatiguée et à bout de souffle, elle demeurait. Décidant qu'elle faisait assez pitié comme ça, elle se mit à genoux avant de se balancer sans ménagement vers l'arrière pour faire face à l'horizon.
— Je viens de me souvenir que j'm'étais pas présentée. Katakuri, Catherine, Catherine, Katakuri.
Elle lui faisait face, mimant leur présentation comme une troisième pair en initiant des va et vient avec sa main, d'une poitrine à l'autre. Il lui fit les gros yeux alors qu'elle, se moquait légèrement.
— T'es une drôle, toi.
— Je te l'fais pas dire.
Sa personnalité le rendait de plus en plus confus. Ignorant cette chaleur qui lui fourmillait l'estomac quand elle eut prononcé une énième fois son nom, le violet serait revenu calmement à sa dégustation si ce n'était cette main baladeuse qui s'invita, sans qu'il ne le permette, dans son sac de donuts.
— Arrête de faire ça, punaise !
Sous les chamailleries et les tirements de langue, le temps passa. Le ciel azuré accueillait de plus en plus de nuages et l'atmosphère se faisait douce, laissant la brise tiède leur titiller l'épiderme. L'heure s'écourta et la paire se retrouva allongée sur l'herbe comme des étoiles de mer, les yeux fermés.
Profitant du calme ambiant, le jeune Charlotte releva ses paupières pour dévoiler deux iris pourpres qui ne pouvaient s'acquitter de leur aigreur. Deux iris qui avaient vu bien trop le mal pour se permettre de se donner aussi facilement.
Tournant sa tête vers la droite, il posa sa joue contre le sol, accueillant l'odeur humide de ce dernier. Catherine arborait un air serein qu'il voyait pour la première fois. Son profil laissait trainer cette image paisible et sans souci dans le monde. En paix avec elle même et le visage tourné vers le ciel, elle avait les paupières closes et arborait un petit sourire sans se soucier de qui reposait à ses côtés.
Il l'avait trouvé naïve car au lieu de fuir comme les autres, elle restait. Et c'est ce qui le turlupinait, ça semblait bien trop suspect pour sa part, il ne pouvait dégager ce sentiment, cette balle de plomb logée dans son cœur. Alors il osa, avançant cette question qui lui prenait bien trop la tête.
— Catherine ?
— Ouais Katakuri ?
Les yeux fermés et voulant montrer qu'elle lui prêtait oreille, la blanche bougea cette dernière comme le ferait un chat, l'action faisant trembler son petit anneau doré.
La bouche agape face à son action, il trouvait ça un peu cool en fait, le violet continua :
— Pourquoi tu persistes ?
— Tu l'avais pas déjà posé celle-là ?
— Ce que je veux dire, fit-il bien conscient de son geste, c'est pourquoi tu m'as approché alors que d'habitude tout le monde fuit en voyant ma tronche. Puis t'es revenu aujourd'hui, c'est étrange.
— Les autres sont des idiots. Tu sais comment ils m'appellent ? La petite sauvageonne.
Oh, il n'était pas le seul à bénéficier d'un traitement de faveur ? A ses mots, Catherine se releva pour s'asseoir, les yeux brillants de ressentiment.
— Tu sais pourquoi ? Juste parce-que je me balade pieds nus et qu'apparemment pour une fille, je cherche trop la bagarre, pff. Poursuivit-elle avec dédain en croisant ses petits bras.
— Ils n'ont pas tout à fais faux. . .
— Mais c'est pas une raison pour refuser de devenir ami, si ? Juste à cause de ça, je me suis retrouvée sans un seul depuis ma venue sur cette île.
D'une certaine manière, la conversation s'était soudainement tournée vers les problèmes de la fillette et non les siens. Alors en l'écoutant, il se disait que peut-être, elle l'avait approché car tous deux étaient mis sur la marge.
— T'as l'air bien en rogne quand on t'appelle la petite sauvageonne et pourtant ça t'as pas empêché de m'appeler Grandgousier-pélican.
Ceci dit, le Charlotte fronça les sourcils et eut bien vite un autre avis de la gamine. Cette dernière écarquilla les yeux et commença à se triturer les doigts, embarrassée.
— Bah euh, marmonna t-elle le bout des oreilles empourpré, je voyais tout le monde te fuir et vu qu'ils attiraient ton attention comme ça alors. . .je me suis dis que j'allais faire la même chose. Mais juste pour attirer ton attention sur moi promis ! En plus vu que moi non plus j'me fais pas d'amis alors je me suis dis qu'on formerai une belle paire !
Katakuri était partagé entre cette chaleur implacable qui lui agrippait une nouvelle fois le ventre face à ses mots ou bien le tique agacé de ses yeux face à son idiotie. En dernier recours il opta pour le deuxième état.
— T'es bête, ça t'aurais juste suffit de venir me parler directement comme une humaine civilisée au lieu de te jeter sur moi, griffes en premiers. T'es une vraie sauvageonne en fait.
Il s'attendait à ce qu'elle prenne amèrement les insultes qui composaient en partie sa déclaration cependant ce fut tout autre alors qu'elle s'exclama, d'une voix si aigüe qu'il prit peur pour ses tympans.
— ALORS ÇA VEUT DIRE QU'ON EST AMIS ?! Ne s'empêcha t-elle de crier, ses yeux jaunes brillants et le cœur entraîné.
Bien qu'il s'était bouché les oreilles, sa voix avait su passer la barrière de ses mains et donc, sa conclusion hâtive en avait fait de même.
A son tour, Katakuri cacha son embarras en retournant son visage, le dirigeant vers la voûte céleste en prenant soin de ramener son avant-bras.
— Ça reste à voir.
— Hein ? Tu veux dire quoi par là, Grandgousier ?
— Juste de la fermer, la sauvageonne.
Et elle rigola une fois de plus avant de se balancer en arrière, bras tendus. Elle atterrit sur le dos dans un bruit sourd, les lèvres tellement tirées dans son sourire que cela dévoila une prémolaire manquante.
— Ouah, c'est l'pied d'avoir un ami.
Et malgré le silence qu'elle reçut, Catherine referma ses paupières prête à faire la sieste du siècle. Mais le calme trouva vite une fin quand une fois de plus, le bruissement des feuilles s'invita. Croyant qu'il s'agissait de ses frères, la petite se releva d'un bond, mimant les mêmes actes que la veille.
— Oh, les frangins ? Vous êtes venus plus tôt aujourd'hui.
— J'vais t'en faire voir moi des frangins ! Sale petite voleuse !
Comprenant que cette voix haut-perché n'appartenait nullement à l'un de ses frères, et sachant exactement de qui il s'agissait, Cath' gela une seconde sur place, consciente de l'approche imminente des ennuis.
— Uh Oh, Kata' ?
— C'est Katakuri pour toi.
— On s'en fout juste, à trois on s'tire d'ici ok ?
— Qu'est-ce que tu racontes encore ?
Entre-temps et curieux de son commentaire, Katakuri avait relevé le regard. Ni une ni deux, l'albâtre se rua vers lui afin de lui empoigner le poignet et malgré ses protestations, cette fois-ci elle fut étonnamment plus forte.
Ce fut comme une longue seconde étirée en trois temps. Quand son poignet se fit prisonnier de sa main et que ses yeux pourpres capturèrent l'expression de son visage, soit un mélange d'excuse et d'amusement, il sut que ce qui allait se passer ensuite allait le déplaire. Et devinez quoi ? Il avait raison car juste après, il se demandait que diable faisait la boulangère du coin, les narines évasées et le teint rouge à brandir un rouleau de pâtisserie de la sorte mais encore, pourquoi la folle qu'il venait tout juste de rencontrer les balançait par-dessus la colline, tête en bas et le vide sous-eux ?
— Qu'est-ce qui se passe ? Fit-il les pupilles dilatées et la gorge sèche.
— Tu t'souviens des donuts que j'te refile depuis hier et qui te remplissent la panse ?
— Oui ?
— Bah de base j'ai jamais eu un sou pour les acheter.
— Laisse moi deviner, tu les a volé c'est ça ?
— Yupp.
— Sale morveuse ! Où crois-tu fuir comme ça ?!
Et pour la première fois depuis le berceau, Charlotte Katakuri regretta amèrement d'avoir accepté de la nourriture provenant d'un inconnu.
Damnez sa gloutonnerie.
