La trempette improvisée dans cet étang a malheureusement dépeint sur l'humeur d'une certaine albâtre.

Les vêtements toujours collants et l'odeur de la poiscaille sur la peau, une Catherine bien calme se releva de l'arbre contre lequel elle s'était adossée, s'avançant vers le trio qui se bagarrait. Katakuri, n'ayant pas une seule fois oublié la farce d' Oven et Daifuku, avait tenu sa promesse silencieuse en se jetant poings les premiers sur les deux têtes de nœuds quand la fillette est partie s'asseoir.

Apparemment, la rancune fut vite oubliée car le trio avait plus l'air de s'amuser qu'autre chose, les rires et les exclamations joyeuses étant des preuves suffisantes. Les coups de poings et les balayettes restaient ludiques mais au milieu de toute cette bonne ambiance, rythmée par un nuage de poussière, Catherine n'y trouva pas son compte et boudeuse, elle rechignait dans son coin, les joues gonflées en voyant que le violet ne lui portait plus du tout son attention.

Cette journée, ils devaient la passer qu'tous les deux, de base ! Ne cessa t-elle de maugréer dans sa barbe en jetant des œillades acérées à un certain duo non-invité.

Couplé à ça, le temps passait ce qui annonçait son départ imminent. Son humeur d'ordinaire entrainante et solaire rencontrait un énorme cumulonimbus qui n'était pas prêt de partir, à son plus grand malheur. Arrivée à leur hauteur, Catherine se râcla une première fois la gorge, sans succès. Elle tapa ensuite furieusement son pied nu contre le sol, ses poings posés sur ses hanches pour montrer son agacement bien que de l'extérieur, le tout donnait une image plus que comique. Ses cheveux ébouriffés voilaient légèrement ses sourcils froncés et son regard ocre, certaines mèches blanches partant dans tous les sens. Haute comme trois pommes, il était difficile de trembler face à l'image qu'elle tentait de diffuser encore moins quand les principaux concernés faisaient une bonne tête de plus qu'elle.

— Hé LES GNARDS ?!

Miraculeusement, leur réaction fut totale et immédiate. L'un après l'autre, Katakuri, Daifuku et Oven enchaînèrent leurs exclamations, s'arrêtant momentanément de s'offrir des bleus.

— QUI. . .

—. . .TRAITES TU. . .

—. . .DE GNARDS ?! Et 'pis c'est quoi ?

Fière de se faire enfin entendre, l'expression de Catherine se dérida quelque peu alors qu'elle desserrait ses poings pour libérer ses paumes meurtries.

— J'en sais fichtrement rien, fit-elle à l'encontre du roux en hochant les épaules, mon père nous appelle comme ça quand moi et mes frangins on commence à faire des bêtises. Et généralement ça marche car tout de suite après on se calme. C'est p'têt un mot magique, tiens.

Elle reçut trois paires de mirettes qui la sondaient de travers.

— Bref, je pars Kata'.

A ses côtés, l'interpellé sentit les regards plein d'amusements de ses deux frères et il savait qu'il n'allait pas voir le bout du tunnel de si tôt. Pour preuve, Daifuku porta son coude dans ses côtes, le poussant alors qu'il pouffait.

— T'as bien entendu au moins, hein ? Kata-chan ?

— Tu veux manger d'autres poings, Daifuku ?

Et il repartirent de plus belle, se roulant par terre sous le regard sidéré de Catherine. Il ne lui avait même pas répondu. . .

Les épaules basses signant sa défaite, l'albâtre tourna son pas vers la forêt. Ils étaient venus à deux mais elle repartait seule, triste. Trainant des pieds, elle pria silencieusement qu'il pleuve à torrent comme ça les idiots derrière elle seront aussi obligés de partir. Ce n'est que quand elle fut à quelques mètres de rentrer au sein de la verdure que la voix de Katakuri s'éleva jusqu'à elle, emprunte d'une bienveillance très très voilée.

— Surtout te fais pas bouffer par un gros serpent, ça serait dommage faiblarde !

Tel un sort qu'on lui jetait en pleine face, son expression autrefois bougonnante laissa place à une lueur de défi dans ses orbes vibrantes, la menant à faire rapidement face à son nouvel ami.

— Pff, comme si ! Et m'appelle pas la faiblarde je le suis pas !

— À d'autres.

Et elle lui lança un sourire en retour.

OoO

La petite sifflotait, sifflotait au milieu de ce paysage émeraude alors qu'elle sautillait entre les gros racines pour ne pas tomber. Ses bras se balançant au rythme de sa mélodie, Catherine fixait le chemin devant elle, le parcourant comme une petite soldate. Elle avait retrouvé son entrain et planifiait déjà la future rencontre qu'elle allait imposer à son ami aux dents pointus. Et cette fois-ci, personne ne viendra les déranger, elle s'en assurera !

La voilà avec un ami alors il serait bête de ne pas en profiter, encore moins si son séjour sur cette île était compté.

Ses sens à l'affût, en repensant à la mise en garde précédente du violet, Catherine restait consciente de son environnement malgré sa démarche nonchalante au milieu de toute cette faune. Bien vite, sa fine ouïe lui avertie d'un bruit dans le feuillage environnant. Cette personne ou cette chose se voulait furtive alors qu'elle se déplaçait de buisson en buisson, d'arbre en arbre. Il était clair que l'albâtre se faisait traquer et étonnamment, ce n'était pas pour lui déplaire alors qu'un long sourire s'immisçait sur ses lèvres. Elle continuait alors de siffloter, se gardant de ne pas avertir cette créature que sa présence ne passait plus inaperçue.

Le seul problème pour Catherine restait que les intentions de cette chose lui étaient inconnues mais qu'elle lui veuille du mal ou non, ses pieds s'assureront d'agir en conséquence. Ses doigts frétillaient d'impatience, se demandant quand ça allait enfin se montrer ou bien, devait-elle être la première à lancer les hostilités ?

Ce n'est que quand ses pas la portèrent à l'orée de la forêt, où les arbres commençaient à manquer que Cath' se retourna, décidant finalement de mettre fin à la mascarade.

Elle qui pensait qu'une embuscade allait lui être offerte !

— Qui ou quoi que tu-sois j't'ai déjà cramé ! Sors de ta cachette et vient te battre si t'es un bonhomme !

Gonflant sa poitrine, l'albâtre élargit ses appuis, ramenant ses bras devant elle. Ses pupilles fouillaient chaque coin et recoin, prête à toute éventualité. Du coin de l'œil, juste derrière un tronc, un mouvement brusque happa son attention. Un flou de blanc s'invita dans son champ de vision avant de rapidement disparaître dans sa cachette, laissant vite place à une petite tête à la seconde suivante.

— Oh. S'exclama doucement Catherine, un tantinet déçue en apprenant que la créature qui se faufilait depuis tout à l'heure était en fait, une petite gamine.

Elle abaissa ses bras, son visage de marbre fixé sur des yeux aussi jaunes que les siens sinon moins vifs.

— Je veux pas me battre.

— T'es qui ? Tu m'veux quoi ?

Maintenant prise la main dans le sac, l'autre fillette se dépêtra lentement de sa cachette, s'avançant sous le soleil et empoignant sa robe blanche entre ses petites mains. Elle renvoya la même lueur sérieuse et agacée que lui offrait Catherine, relevant son nez pointu dans un air dédaigneux alors que sa chevelure mauve vibrait de la même manière.

— Je m'appelle Brûlée.

— Et ?

— Je voulais juste voir à quoi ressemblait la supposée nouvelle amie de grand frère-Kata.

À ses mots, Catherine écarquilla des yeux, surprise, avant d'arrêter de taper du pied d'agacement. Ses épaules se relâchèrent, ayant maintenant la confirmation qu'aucune bagarre n'allait être engagée enfin, seulement si elles ne commençaient pas à se crêper le chignon.

— T'es donc une autre frangine à Kata' ?

Kata ? S'offusqua intérieurement Brûlée face à cette familiarité. À priori, cette dernière s'était sentie vite heureuse pour son grand frère et cette nouvelle connaissance. Cependant, les prémices d'une jalousie qu'elle tentait d'étouffer ne tardèrent pas en apprenant qu'il s'agissait d'une fille et couplé à ça, l'inquiétude de ne pas savoir si la fille en question fera du mal à son frère, à l'avenir. La plupart de la fratrie Charlotte était au courant des difficultés et moqueries que subissait Katakuri quand il s'agissait de faire ami-ami. Bon nombre de gamins retournaient bien vite leur veste quand le violet était sur le point d'intégrer un groupe et ça avait toujours fait fulminer sa petite sœur.

Pour qui se prenaient-ils ? Son grand-frère est bien comme il est !

Ainsi, ce fut armée de son meilleur regard noir qu'elle avait décidé de suivre Catherine et de s'assurer de mettre les points sur les i, les pendules à l'heure bref, toutes ces expressions qui assureront le bien-être de son frère.

— Comptes-tu faire du mal à grand-frère Kata' ?

— Hein ?

Catherine pencha sa tête sur le côté, pas sûre d'avoir compris le sens de sa question. Le regard que lui lançait cette Brûlée la laissait franchement perplexe. Avait-elle fait quelque chose de mal ?

— Bah, quand on se bagarre c'est plus lui qui me touche mais ça va vite changer ! Tenta l'albâtre.

— Non t'as mal compris, s'interposa Brûlée en secouant la tête de droite à gauche, ce que je veux dire c'est, est-ce que tu comptes t'attaquer à lui comme les idiots de la ville ? Le blesser sur son apparence ?

Sa lanterne illuminée, Catherine se défit de son incompréhension. Alors, tout ce que cherchais cette petite était de s'assurer qu'elle sera une bonne amie pour Katakuri. D'une certaine manière, Cath' comprit bien vite son inquiétude. Elle repensa à ses frères et savait que si une quelconque personne osait porter la main sur eux, que ce soit verbalement ou physiquement, elle sortirait de ses gonds. Ils comptaient plus que la vie elle même après tout.

— Jamais été mon intention de le blesser comme ça. Tout ce que je voulais c'était un ami. Je l'ai eu et je compte bien le garder.

Elle se tenait là, sérieuse du bout de la mèche à la pulpe de l'orteil. Bien que Brûlée fit la moue face à la possessivité emprunte dans ses propos, elle les prit pour argent comptant et de toute manière, elle s'assurera de lui refaire le portrait si elle ne tenait pas parole.

— T'as intérêt alors, sinon j'te botte les fesses ! Acquiesça hardiment la violette.

— Bahaha, t'es marrante en fait !

Rigolant de vive voix en se tenant l'estomac, Catherine scella ainsi son entente avec la huitième fille de la famille Charlotte.

OoO

Il faisait bon vivre dans la maisonnette de la famille Cafew.

Catherine était maintenant sèche après avoir traversé le pas de la porte. Enfin, pas tout à fait car ses vêtements restaient collants, ses jambes et le haut de son crâne grouillaient de brindilles. Elle fit son entrée dans la salle de séjour, accueillant à pleines narines l'odeur de l'encens et de l'encre qui planait continuellement chez eux. Qu'importe où ils allaient et la durée de leur séjour, ces senteurs s'invitaient dans leur quotidien. L'intérieur ressemblait à la boutique d'un antiquaire. Dû au boulot de ses parents, babioles et parchemins trouvaient leur place dans le décor. Pas besoin de cadres photos quand on possédait d'innombrables cartes en tout genre et des portraits de personnages historiques. Leur vie respirait la passion de sa mère, son père et de ses frangins. Pour sa part, elle préférait l'odeur saline de la mer et les paysages tous frais devant soi mais malgré son penchant pour une vie de piraterie pure et dure, elle avait des obligations auprès de sa famille qu'elle ne pouvait ignorer.

— Yeleen, t'es de retour ?

Sa mère fit son apparition, son deuxième prénom coulant doucereusement dans sa bouche. Elle était la seule de la famille à posséder des cheveux frisés, aussi noirs que le ciel de minuit. Elle les resserrait en un chignon bas et aucune mèche ne s'y échappait. Malgré un extérieur qui semblait rugueux, comme le laissaient entendre ses expressions faciales très restreintes, sa mère n'en restait pas moins aimante et loyale envers le reste des Cafew. Sa peau mate faisait ressortir l'éclat ocres de ses yeux, d'où échappait un puits toujours désireux de connaissance qui ricochait sur la surface transparente du verre de ses lunettes ronde. Elle était grande, habillée d'une paire de jean pattes d'éléphant et d'une simple chemise blanche. Elle se déplaçait gracieusement du haut de ses talons vertigineuses et Catherine voyait en elle tout ce qu'elle n'était pas mais qu'elle, au fond, souhaitait devenir.

Même si ça ne risquait pas d'arriver du jour au lendemain.

Quand ses yeux amandes se posèrent sur sa personne pour vérifier son apparence, allant de l'état de ses cheveux à ses pieds baignant dans la boue, elle cligna légèrement des paupières avant de faire demi-tour, sûrement pour aller lui récupérer une serviette. D'ordinaire, elle débarquait tout le temps crasseuse à la maison et chacun s'était habitué à la voir de la sorte.

Cette fois-ci cependant, sa mère la regardait inquiète après qu'elle soit revenue, des affaires en main. S'accroupissant à sa hauteur, elle lui remit des chaussons afin de ne pas d'avantage salir le parquet puis enroula une serviette autour de son petit corps.

Son teint était devenu légèrement pale.

— Dis moi, es-tu tombée dans une quelconque étendue d'eau Yeleen ?

— C'était juste un accident, ne t'en fais pas maa'.

Sa mère soupira bien que la boule de stresse coincée dans sa gorge ne daignait partir. Contemplative, elle s'enquit de lui frotter ses joues sales avec un gant en coton, cherchant une quelconque blessure sur sa peau ébène.

Catherine ne manqua pas de bouder, embarrassée de se faire pouponner de la sorte. Elle répéta encore et encore à sa mère qu'elle n'avait mal nulle part, que son corps ne souffrait pas, qu'aucun grand méchant loup ne s'était jeté sur elle.

— Bien, j'ai compris. Lâcha sa mère, un sourire traître venant jouer sur ses lèvres fines face à l'entêtement de sa fille. Et tes mains ? Tu te sens capable de continuer à travailler ?

Yupp, tu peux compter sur moi maa'.

Face à son signal enjoué, sa mère se releva, plaçant doucement sa main sur ses cheveux blancs afin de la guider jusqu'à la salle d'eau.

— Heureuse de te l'entendre dire mais d'abord, une petite douche s'impose.

Alors que Cath' la suivait, une soudaine réalisation s'invita dans son esprit en voyant que certains membres de la famille manquaient.

— Au fait, ils sont où papa, Oury et Hery ?

— Ils sont partis faire les premières courses pour notre départ. On doit s'y préparer petit à petit.

Ah, le départ. Ce mot ne lui semblait plus aussi excitant qu'avant, se dit Catherine, sa serviette ramenée plus près de son corps et son sourire parti alors qu'elle traçait de son regard, le bois usé du parquet.

:)

Yeleen, "celle qui représente l'équilibre."