Deux jours étaient passés depuis la visite des Zabini. Deux jours passés sans oser monter à l'étage, à sortir de son canapé juste pour envoyer magiquement du foin aux chevaux et nourrir Albert, qui lui, n'avait pas quitté le tapis du salon.

Hermione se sentait telle un inferius, incapable de marcher sans risquer que ses genoux ne la lâchent. Elle avait vidé son stock de potions de nutrition, une mauvaise habitude que la présence de Malefoy chez elle lui avait rappelée.

Il était loin le temps où elle était obsédée par la nourriture et par ce qui entrait dans son estomac. Maintenant, tout ça n'avait plus d'importance. C'était une tâche, une corvée à exécuter trois fois par jour.

Quant aux philtres calmants et à ses somnifères magiques – comme elle aimait appeler les potions de sommeil sans rêves – il lui faudrait en refaire un chaudron ou deux, étant donné que sa réserve s'amenuisait à vue d'œil.

Elle était censée reprendre le travail le lendemain et pourtant, il lui était arrivé plusieurs fois de se demander si elle était ne serait-ce que capable de sortir de son salon. Tout lui semblait impossible, trop fatigant et inutile.

Pourquoi s'y forcer alors qu'elle pouvait se contenter de rester allongée sans rien faire ?

De plus, son esprit commençait à lui jouer des tours. Celui-ci était sans cesse partagé entre son envie de brûler la ferme – en comptant son tout nouveau colocataire – pour aller vivre sur une île déserte loin de toute civilisation et l'envie de reprendre sa vie en main et se donner les moyens d'aider Malefoy qui, lui, vivait seul à l'étage.

Elle était consciente que Blaise s'était chargé de le nourrir et le soigner depuis sa première visite. Il atterrissait en portoloin directement dans sa chambre, faisant les allers-retours depuis l'Angleterre, grâce à ses autorisations d'avocat. Il le lui avait dit avant de quitter la maison avec Pansy.

Cependant, elle ne pouvait s'empêcher de culpabiliser et de vouloir le remplacer pour alléger sa charge de travail quotidien. Bien qu'elle ne s'y soit que très peu intéressée lors des années précédentes, elle était consciente que le jeune homme se tuait à la tâche depuis la fin de la guerre.

Elle se trouvait égoïste d'être restée éloignée pendant si longtemps, quand d'autres passaient leurs semaines à se battre pour leurs amis.

Qu'est-ce que cela voulait dire d'elle ? Qu'était-elle devenue ?

Elle avait l'impression de s'être transformée en tout ce qu'elle détestait chez les autres. Égoïsme. Passivité. Cela la résumait depuis quelques années.

Elle avait l'impression que son cerveau pouvait exploser à tout instant.

Elle ruminait inlassablement les mots que Pansy lui avait adressés. Elle n'arrivait pas à se les sortir de la tête. Elle lui en voulait, tout autant qu'elle s'en voulait. Elle était en colère et à la fois plus bas que terre. Comme si la Serpentard l'avait motivée autant qu'elle l'avait enterrée.

Elle se trouvait minable, incapable de faire quoi que ce soit qui puisse sortir du quotidien qu'elle s'était imposé depuis son départ de Grande-Bretagne. Elle faisait tout pour ne pas penser à Malefoy, elle voulait se concentrer sur son propre état, état qui n'était à ses yeux qu'une profonde faiblesse.

Elle ne songeait même pas à qui il était. Elle était indifférente. Il n'était qu'un être humain qui logeait chez elle. Pas plus. Pas moins. Elle ne voulait pas laisser le temps à son esprit de divaguer à ce sujet. Il n'était rien. Il n'existait pas. Il ne pouvait pas exister. Ce serait trop dur.

Depuis quand était-elle devenue si pathétique ?

Pourtant, la simple idée de changer lui semblait insurmontable. Impossible. Infaisable. Des tas de qualificatifs lui venaient en tête.

Elle se sentait engourdie, épuisée alors qu'elle n'avait rien fait depuis deux jours, et affamée à cause du peu de nourriture qu'elle avait dans son organisme. Mais elle se complaisait dans cet état, elle n'était de toute manière pas capable de faire autre chose. Elle n'était qu'un amas de chairs endormi.

Le soleil était levé depuis… elle n'en était pas certaine. Pas très longtemps. Elle était sortie du canapé pour aller faire bouillir de l'eau quelques minutes plus tôt et entendait la bouilloire siffler depuis un long moment. Elle ne fit rien pour l'arrêter. L'effort qu'elle avait dû fournir pour se mettre debout l'avait bien trop épuisée.

Albert était installé sur…

Le tapis ?

Il était vide. Elle était seule dans la pièce. Elle fronça les sourcils, une certaine inquiétude se formant dans sa poitrine. Était-il sorti sans qu'elle ne l'ait remarqué ? Il était pourtant bientôt l'heure qu'elle lui serve de quoi manger.

– Albert ? l'appela-t-elle en relevant la tête.

Aucune réponse, pas même un aboiement lointain.

Son rythme cardiaque s'accéléra, elle crispa ses doigts de pieds dans ses chaussettes. Et s'il lui était arrivé quelque chose ? Et si quelqu'un l'avait enlevé ?

– Albert ? répéta-t-elle plus fortement en se redressant dans le canapé.

Elle ne pensait plus à rien d'autre. Les efforts qu'elle avait à faire pour bouger étaient totalement insignifiants face au reste. Elle n'y songeait même pas.

Mais il n'y avait toujours aucune réponse. Ses mains commencèrent à trembler. Ce n'était pas normal. Quelque chose avait dû se passer, elle ne voyait pas d'autre explication.

Elle sauta sur ses pieds, dégaina sa baguette et, pour la première fois depuis trois jours, quitta le séjour en direction de l'extérieur, sans même prendre la peine d'enfiler des chaussures.

Sa baguette n'était qu'une sécurité. Quelque chose qui devait la rassurer, alors même qu'elle était consciente que le moindre sort qu'elle tenterait de lancer pourrait échouer. Mais elle n'y pensait pas. Elle se concentrait sur les sensations qu'elle avait dans les doigts lorsqu'elle tenait ce bout de bois à l'allure insignifiante.

Le cœur battant et la respiration hachée, elle ouvrit la porte d'entrée de la maison et mit un pied dehors.

– Albert ? cria-t-elle les larmes aux yeux.

Il ne pouvait pas avoir disparu, ce n'était pas possible. Elle ne survivrait pas sans lui. Il était son seul point d'ancrage dans le monde réel. Son seul ami.

– Albert ! beugla-t-elle une nouvelle fois en courant vers les écuries.

Des larmes roulaient sur ses joues alors qu'elle faisait un tour du jardin proche de la maison, sans rien trouver. Tout était vide.

C'était comme si son terrain s'était agrandi, il lui semblait interminable. Elle en avait le vertige.

– Non, non, non…

Elle pleurait fortement qu'elle faillit trébucher en s'éloignant vers les hectares de campagne. Elle s'écorcha le bras mais n'y prêta pas attention. Elle ne pouvait pas s'empêcher de penser à son chien, son compagnon, son meilleur ami, le seul qui la soutenait depuis tant d'années.

– Albert ! Je t'en prie ! sanglota-t-elle en marchant avec difficulté vers le ruisseau du bout de son terrain.

Et soudainement, elle les entendit. Les aboiements lointains qui résonnaient dans la vallée.

Elle sentit son cœur s'arrêter l'espace d'une seconde, avant que ses genoux la lâchent et qu'elle tombe au sol, dans l'herbe verte de fin de printemps. Les doigts mêlés à la terre, les jambes écorchées par sa chute et les joues couvertes de larmes, Hermione pleurait de soulagement.

Les aboiements se rapprochèrent petit à petit et enfin, elle put apercevoir le pelage blanc d'Albert courir dans sa direction. Il lui sauta dessus une minute plus tard. Hermione éclata en sanglots en se blottissant contre Albert, ne prenant même pas garde aux coups de langue de ce dernier sur son visage.

Elle réalisait combien il lui était précieux. Elle ne s'imaginait pas vivre sans lui. Il était sa seule bouée de sauvetage, le seul à être là pour elle, à la soutenir chaque heure de chaque journée.

Elle se laissa tomber sur le dos et Albert posa sa tête sur son ventre en fermant les yeux.

Les battements de cœur d'Hermione se calmèrent lentement, alors qu'elle caressait le museau de son meilleur ami.

Elle se sentait si bête. Paniquer autant pour une simple escapade dans la campagne… Elle n'était plus capable de rien, elle s'en rendait bien compte désormais. Comment était-elle censée vivre sa vie paisiblement, comme elle le souhaitait depuis la fin de la guerre, si ses journées se résumaient à des crises de panique pour un rien et à un quotidien passé entre son canapé et son garde-manger ?

Ce n'était plus possible. Elle le réalisa, les larmes aux yeux.

– Albert, les choses vont changer, murmura-t-elle en retenant un sanglot.

Il aboya doucement en réponse avant de se lever et de courir en direction de la maison. Elle soupira longuement et se passa une main sur le visage. Elle se sentait perdue. Seule. Terriblement seule. Abandonnée.

Le chemin serait probablement long, elle n'était pas naïve au point de penser que son quotidien changerait du jour au lendemain, mais elle se devait de faire quelque chose. Personne ne le ferait à sa place.

Elle se leva à son tour, marcha quelques mètres jusqu'au ruisseau et mit les pieds dans l'eau, le regard braqué vers la forêt.

Elle avait tout pour être heureuse. Une grande maison. Un chien qui se révélait être le meilleur ami du monde. Des chevaux magnifiques. Une librairie qui lui permettait de passer ses journées à lire. Des amis, bien qu'ils ne soient plus aussi présents qu'auparavant.

L'eau froide à ses pieds était agréable. Le courant chatouillait ses chevilles. Elle ferma les yeux pour profiter de ces sensations et de la légère brise qui soufflait sur la vallée. C'était paisible, doux. Un contraste frappant avec la tempête qui avait lieu dans sa tête.

Les aboiements lointains d'Albert, qui devait avoir rejoint la maison, la sortirent de ses pensées. Elle quitta le ruisseau et se mit en marche.

Elle fit un tour dans les écuries avant de rentrer, enfilant des grandes bottes en caoutchouc qu'elle laissait toujours dans l'entrée, histoire de nettoyer les box délaissés des chevaux. Elle était motivée, rassurée. Elle avait recouvré l'envie de faire quelque chose.

En sortant de l'écurie, un seau d'eau sale à la main, elle se sentit observée. Elle sortit sa baguette aussitôt et leva la tête brusquement. Son rythme cardiaque s'accéléra.

Elle croisa alors le regard gris et à peine vivant de Drago Malefoy. Elle se figea.

Elle sentit toutes ses résolutions s'évaporer aussi vite qu'elles étaient apparues. Ces yeux… Ils lui inspiraient tant d'émotions. Elle lâcha le seau dont le contenu se répandit au sol. Ses mains tremblaient. Elle était complètement retournée par son regard.

Malefoy était debout à la fenêtre de la chambre d'ami qu'il occupait et la regardait sans qu'aucune émotion ne traverse son visage. Hermione déglutit. Elle aurait préféré l'oublier. Qu'il ait disparu mystérieusement. Qu'il n'ait jamais existé.

Elle n'arrivait pas à croire qu'il se tienne là, face à elle. Il avait l'air d'un cadavre, bien qu'en meilleure santé que la dernière fois qu'elle l'avait vu. Il la fixait et elle eut la sensation que son regard la transperçait, qu'il pouvait voir à travers elle. Il ne clignait même pas des yeux et elle se demanda comment il pouvait rester si longtemps ainsi.

Elle sentit une certaine colère se former dans sa poitrine, alors qu'elle réalisait une nouvelle fois ce que sa présence signifiait.

Il avait du soutien et on lui demandait de lui en apporter en supplément, alors même qu'elle n'était qu'un déchet vivant. Du moins, c'était ainsi qu'elle se considérait. Ne voyaient-ils pas qu'elle n'en était plus capable ? Qu'elle n'en avait pas envie ? Que cela lui coûterait le peu qu'il lui restait ?

Elle voulait être seule. Elle aurait voulu qu'il s'en aille, qu'il n'ait jamais mis les pieds dans sa maison. Elle ne voulait pas de lui, aussi discret puisse-t-il être. Elle regrettait tellement d'avoir accepté, bien que cela n'ait été fait qu'après de multiples négociations.

Harry lui avait fait du chantage affectif, elle en était consciente désormais. Il l'avait poussée à accepter sans même réfléchir aux conséquences. Et elle se retrouvait désormais avec un autre déchet humain en guise de colocataire. Un déchet humain vénéré par ses proches.

Elle lui en voulait, sans même réfléchir au fait qu'il n'y était pour rien. Elle en voulait à ses amis de l'avoir poussée à faire cela. Elle en voulait à Madame Laroche de l'avoir abandonnée. Elle en voulait à Albert de lui avoir fait peur. Elle en voulait à Pansy pour son foutu discours dont il n'était ressorti qu'une colère immense. Elle en voulait au monde entier, pour la solitude qu'on lui imposait.

Elle s'en voulait d'être incapable de faire quoi que ce soit d'autre que de se lamenter et de fixer Malefoy à travers cette fenêtre. Ce même homme qu'elle aurait préféré voir mourir dans sa chambre d'ami, plutôt que de le supporter plus longtemps.

Elle avait l'impression que des heures s'écoulaient, alors qu'ils se tenaient ainsi, les yeux dans les yeux.

Elle avait chaud. Et froid à la fois. C'était étrange.

C'était perturbant. Elle était pétrifiée, incapable de bouger ou de détourner le regard. Celui-ci était plein de colère, de rage, de rancœur, de jalousie et de haine, elle n'en avait aucun doute.

Et alors qu'elle semblait enfin sur le point de tourner la tête, il le fit à sa place. Il baissa les yeux et serra fort les paupières.

Une seconde plus tard, il s'était éloigné de la fenêtre.

oOo

Blaise accrocha le dernier bandage neuf autour de l'épaule pratiquement réparée de Drago et le fixa magiquement.

Ce dernier avait la tête baissée sur ses mains et se contentait d'attendre en silence, comme chaque fois que son ami lui rendait visite. Il sentait qu'il avait repris des forces, qu'il n'était plus aussi frêle qu'avant. La plupart de ses hématomes et égratignures avaient disparu. Il ne lui restait plus que les plus grosses blessures. Blaise lui amenait des repas tous les jours, préparés par Pansy, et en profitait pour le soigner.

Son amie était venue une ou deux fois lui rendre visite, elle aussi. Ils ne quittaient jamais la chambre.

S'il avait trouvé cela étrange au départ, Drago n'avait pas cherché à en savoir plus. Il avait appris à ne plus se poser de questions avec les années.

Pourquoi le sortait-on de sa cellule un jour sur deux et pas tous les jours ? Pourquoi était-il le seul à se faire battre quand il se rendait dans le quartier des surveillants ? Pourquoi avait-il soudainement eu droit à du papier ? Pourquoi sa nourriture était-elle toujours fade et bouillie ?

Pourquoi ne sortaient-ils jamais de la chambre ? Pourquoi Pansy était la seule à préparer les repas ? Est-ce que Granger avait voulu le tuer lorsqu'il l'avait vue pour la dernière fois ? Quand verrait-il enfin sa mère ?

Il ne demandait plus rien. Il restait silencieux, écoutait, comptait et attendait que le temps passe. Il était devenu passif. Docile.

Il comptait. Cela l'occupait.

Il y avait quarante-huit planches en bois par mètre carré dans la chambre. Elles étaient assez petites, l'équivalent d'un de ses pieds, et se croisaient les unes les autres. Sous le matelas, il y avait douze lattes, coupées en deux au milieu, soit l'équivalent de vingt-quatre. Le plateau sur lequel Blaise posait ses repas était décoré par trente-deux fleurs, avec quatre motifs différents et sept couleurs. La housse de couette à carreaux de son lit en comportait quatre mille neuf cent trois.

La voix de son meilleur ami le sortit de ses pensées. Il s'était concentré pendant tout ce temps sur les nombres exacts de ses comptes, cela lui permettait de ne pas perdre la raison. Il faisait comme ça depuis des années et n'avait pas l'intention de s'arrêter. Cela semblait fonctionner.

– Je crois que je n'aurais plus besoin de venir tous les jours, lui annonça-t-il d'un ton grave.

Drago ne répondit rien, comme à chaque fois. S'il remarqua le regard de son ami sur son cou tatoué, il ne dit rien. Il se contentait d'écouter.

Est-ce que cela changerait vraiment quelque chose ? Après tout, il était habitué à être seul. Et il le méritait, n'est-ce pas ? Peut-être serait-il perturbé par ce changement de routine, mais cela ne durerait pas longtemps, il en était certain.

– Je suis conscient que le fait que je vienne tous les jours t'est bénéfique, d'une certaine façon, mais avec tout le travail que j'ai au ministère, je ne peux pas me permettre de continuer comme ça. Surtout si tu vas mieux, continua-t-il en déposant tous ses ustensiles de médicomagie sur la table de nuit. Tes blessures sont refermées pour la plupart et si tu t'en sens capable, il te suffira d'appliquer ce baume tous les soirs, jusqu'à ce que les cicatrices se résorbent.

Blaise lui tendit le pot de baume et Drago l'attrapa pour l'inspecter rapidement du regard. L'appliquer tous les soirs. Sur ses blessures.

La consigne était simple et claire.

– Est-ce que tu penses que c'est possible ? lui demanda Blaise.

Drago releva lentement la tête vers lui et plongea son regard dans le sien.

En était-il capable ? Il le pensait.

Il hocha la tête et vit Blaise esquisser un léger sourire. Si léger qu'il crut presque l'avoir imaginé.

– Parfait. Je vais essayer de venir le plus souvent possible, mais je ne te promets rien. Pansy viendra aussi, mais avec son nouveau projet de fondation, elle est presque aussi occupée que moi. Si tu as le moindre souci, tu te souviens comment me contacter ?

Drago hocha une nouvelle fois la tête. Il le lui avait déjà expliqué plusieurs fois.

Il lui suffisait de passer son doigt sur le Gallion posé sur sa table de nuit. Un système inventé par Potter. Ou Granger. Il ne se souvenait plus. Il avait du mal à tout écouter si les consignes n'étaient pas simples et concises.

– J'essaierai de te faire plus de repas à chaque fois. Pansy t'en apportera aussi. Et n'oublie pas que tu habites ici, Drago. Tu peux visiter la maison quand tu te sentiras prêt. D'accord ?

Il hocha la tête. C'était devenu une sorte d'automatisme.

Sortir de la chambre ? Il n'en savait rien. Il ne se sentait pas capable d'une telle chose. Il y avait tant de possibilités, tant de liberté derrière cette porte. Il y avait pensé de nombreuses fois. Il avait cauchemardé à ce propos, s'imaginant quel genre d'horreurs pouvait l'y attendre.

Il ne s'en sentait pas encore capable.

Il vit au regard de Blaise qu'il n'était pas convaincu par sa réponse, mais ne réagit pas. Il n'avait rien d'autre à dire ou à faire. Il se tint donc la tête basse et le dos légèrement voûté. Les mains bandées posées sur ses cuisses et les pieds serrés l'un contre l'autre, il se contenta d'attendre – comme tous les jours – que Blaise se lève et s'en aille.

Ce dernier ne le déçut pas. Il rangea ses affaires, jeta un sort de stase à la nourriture qu'il avait apportée pour ne pas qu'elle refroidisse ou ne s'abîme, puis se leva.

Drago regarda longuement la baguette de son ami.

Il repensa alors à la sienne, qui était toujours rangée dans le sac que Blaise lui avait apporté quelques jours plus tôt. Il ne l'avait pas touchée une seule fois. Il n'avait pas osé.

Comme si ce qu'il contenait risquait de lui exploser au visage. Comme si ce qu'il contenait était bien trop précieux pour être ne serait-ce que frôlé.

Il en avait presque peur.

Que se passerait-il lorsqu'il recouvrerait l'entièreté de sa magie ? Et s'il n'y parvenait pas ? Et s'il restait incapable de produire la moindre étincelle, comme cela avait été le cas depuis son entrée à Azkaban ?

Il ne voulait pas y penser, il préférait oublier la présence de ce sac.

Les vêtements, l'argent, sa baguette, ses papiers… Ils n'existaient plus. Ils n'étaient pas là, à quelques mètres à peine de lui.

Il aurait aimé en faire un feu de joie, les faire disparaître à jamais.

– Bon, eh bien, je vais rentrer, fit Blaise, d'un ton gêné, le sortant de ses pensées. Pansy m'attend pour déjeuner. Elle a fait des pâtes bolognaise. C'est le bocal bleu, ajouta-t-il en pointant du doigt l'une des boîtes contenant la nourriture qu'il lui avait apportée.

Drago hocha vaguement la tête. La nourriture était si goûtue, contrairement à celle de la prison, qu'il aurait pu manger des plats qu'il avait toujours détestés, sans que cela ne le gêne pour un sou. Il mangeait tout ce que l'on lui donnait jusqu'à la dernière miette. Si bien qu'il en voyait déjà les résultats sur sa physionomie.

Même s'il n'avait pas voulu s'observer dans un miroir, il avait vu à ses poignets et à son ventre que son corps avait commencé à reprendre sa forme d'antan.

Bien sûr, Drago se doutait qu'il ressemblait toujours à un cadavre n'ayant pas vu la lumière du jour depuis des années, mais il était tout de même –d'une certaine façon– rassuré de voir que les efforts de ses amis portaient leurs fruits. Ils étaient utiles. Pourtant, cela n'empêchait pas Drago de culpabiliser à cause du temps qu'il leur faisait perdre.

– Il va pleuvoir demain, l'informa Blaise, comme s'il s'agissait d'une information qui impacterait Drago.

Celui-ci songea que son ami souhaitait simplement gagner quelques secondes supplémentaires avec lui. Il ne sut cependant pas quoi faire pour lui prouver qu'il était tout de même heureux d'être à ses côtés. Il se trouvait minable à rester aussi silencieux et amorphe, alors que ses amis se donnaient tant de mal.

Ainsi, regroupant toutes ses forces et son énergie, il inspira un grand coup et releva la tête vers Blaise.

– J'aime la pluie, lui répondit-il d'une voix rauque et cassée.


Et voilà pour aujourd'hui ! Merci à Kat, Lyra, Damelith, BBTea, Genny et Akhmaleone pour leur aide et soutien !

On se retrouve jeudi 01/12 pour la suite !

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