Disclaimer : My name is Erre, Jiqua Erre…Nan, jdéconne, malheureusement :( Moi j'ai rien, ni les persos, ni leurs corps de dieux, ni leurs bouches d'experts, ni leurs fesses de…Euh, hum, je m'égare là :D

Résumé : Un homme un peu détruit, un peu perdu, un peu mort aussi. Un Survivant qui n'a plus trop envie de survivre. Des mots qui ne suffisent plus vraiment. Oh, Crépuscule…Mais qui nous sauvera ?

Rating : J'ai mis T, comme troll :D Nan en fait je sais jamais vraiment quoi mettre comme rating, mais monsieur ffnet il dit que T c'est pour treize ans et plus alors on va dire T :D

Genre : J'ai mis Drama, comme dramatique, même si j'aurais bien aimé mettre tragique, aussi, parce que c'est plus tragique que dramatique:D Pi j'ai mis Poetry parce que j'voulais mettre un autre truc, mais je suis pas vraiment sûre de la définition de poetry :D voilààààà

Nda : Va y'avoir des larmes, des coups et du sang, un peu. Du désespoir. Du réalisme. Oh, et des relations homosexuelles aussi :D Et surtout attention tenez vous bien…plusieurs chapitres ! (oui, c'est une première pour moi :D Enfin ça en sera une si ça intéresse quelqu'un de les lire !)


Crépuscule.

Chapitre 1 : L'obscurité.

Il y a des fois où l'on a envie de pleurer, où l'on sent une énorme boule de chagrin monter à l'assaut de notre gorge et l'envahir sans scrupules, et des larmes amères et salées se presser à l'arrière de nos yeux qui, malgré tout, restent irrémédiablement secs.

Il y a des fois où l'on a envie de hurler, de hurler à s'en déchirer la trachée et à s'en ouvrir le thorax, quand on sent son désespoir et sa déréliction envahir chaque infime partie de notre corps et presser, pousser, se battre pour sortir mais rien, rien d'autre qu'un silence trop mort ne sort d'une bouche épuisée et abattue.

oOoOo

Harry était recroquevillé là, les genoux enserrés sous un visage tailladé, à fixer sans ciller la surface de jade du lac, en cette fin de soirée de novembre. La lune, bien que cachée par de légers nuages, jetait sur cette scène si clichée une lumière blafarde qui permettait tout juste au Survivant de distinguer les rives du lac, et de voir voleter à quelques mètres devant lui un insouciant sphinx de nuit.

Le Survivant…

Jamais avant ce soir-là ce terme n'avait été employé à meilleur escient. Oui, Voldemort était mort, oui, tué de la main d'Harry Potter et de l'épée de Godric Gryffondor, car oui, le jeune adolescent, avait réuni tous les hoxcruxes du mage noir, puis oui, les avait un par un détruits avant d'enfoncer, oui, jusqu'à la garde, l'épée d'argent dans le corps pantelant du vieillard aux pupilles vermeilles. Oui, Voldemort s'était lentement effondré au sol, avec un effet de ralenti digne des plus grands Spielberg, et oui il était resté là, gisant dans la mare de sang qui affluait de sa blessure tandis qu'Harry, l'épée à la main, avait jeté un regard dénué de toute émotion, de tout sentiment humain, sur cette loque pitoyable qui avait à jamais détruit sa vie, rayant de son vocabulaire sa simple définition.

Autour de lui, le temps avait semblé s'arrêter. Pourtant, il n'en était rien. Tout le monde, dans la grande salle, avait remarqué que la déchéance du Lord était enfin arrivée à sa fin, mais les mangemorts étaient encore bien trop occupés à tenter de s'enfuir, et les membres de l'ordre bien trop occupés à tenter de les retenir pour que le combat s'arrête avec les battements du semblant de cœur de l'homme-serpent.

Puis les bruits avaient de nouveau empli les oreilles d'Harry, l'odeur du sang mêlée à celle de la transpiration s'était insidieusement frayé un passage jusqu'à ses narines frémissantes, et le cœur au bord des lèvres, le Survivant avait lentement tourné le dos à son ancienne nemesis, et était sorti de la grande salle sans que personne ne cherche à le retenir.

Il avait franchi la porte principale du château, la refermant derrière lui dans un grincement lugubre. Il avait juste descendu l'escalier de pierres, marché dans l'herbe verte, y laissant de fines traces rouges à mesure que des gouttes de sang perlaient de son visage écorché par les ongles de son ennemi. Il avait regardé le parc, tout autour de lui, le saule cogneur qui s'agitait au loin après un malheureux moineau égaré, un cerisier en fleur dont la pureté semblait l'auréoler d'une aura lumineuse qui faillit éblouir le jeune homme, la roseraie, à quelques mètres de lui, multicolore et rayonnante de fleurs fânées, une abeille qui butina une violette perdue à ses pieds et repartit dans un bourdonnement paisible, la vie qui s'étalait à des kilomètres et des kilomètres, à droite, à gauche, partout dans le monde sur lequel il…vivait ? Depuis quelques minutes, le mot ne lui semblait plus si approprié que cela.

Par automatisme, ses pas l'avaient guidé vers la tombe de Dumbledore, ce bon vieux Dumbledore, BCBG, bonbons citrons et barbe grisonnante, où il était si souvent venu se recueillir durant l'année passée, en quête de réponses à ses questions, des réponses qu'il aurait aimé voir gravées sur le marbre mais qui jamais ne lui étaient apparues…

Il était monté sur le tombeau, et s'y était recroquevillé, enserrant ses jambes meurtries de ses bras endoloris, cherchant vainement un peu de chaleur, un peu du réconfort qu'il pensait pouvoir trouver à proximité du vieil homme, même s'il n'était plus, même s'il ne restait plus de lui que quelques cendres éparpillés au fond de cette boîte de pierre. Il avait laissé sa tête choir sur ses genoux, ses yeux s'égarer dans la nuit qui tombait lentement, portant le deuil d'un puissant sorcier qui, finalement, n'avait juste pas grandi au bon endroit au bon moment…

oOoOo

-Draco ?

Une main se posa sur le front du serpentard, où se mêlaient mèches humides et sang coagulé, provenant d'une entaille à l'arcade droite qui paraissait assez superficielle. Le jeune blond se redressa légèrement, prenant appui sur son coude gauche, et passa une main douloureuse sur ses traits tirés. Il lui semblait qu'il était évanoui depuis très, très longtemps, pourtant au vu de l'agitation qui régnait toujours dans la grande salle et du dernier mangemort qui venait tout juste de se faire appréhender, son absence n'avait pas dû durer plus de quelques secondes.

-Draco, tout va bien ? demanda la voix inquiète de son parrain, accroupi à ses côtés.

-Ouais…grogna le blond, alors qu'il lui semblait qu'une symphonie en marteau mineur commençait à se jouer dans son crâne. Ouais, ouais, ça va…

Il se releva péniblement, les jambes vacillantes, la tête lui tournait comme les ailes d'un moulin à vent et tout autour de lui lui paraissait plus flou que d'habitude. Il chancela un instant, ferma les yeux et, lorsqu'il les rouvrit, il lui sembla qu'il avait reprit la place qui était la sienne en ce bas monde.

-On a…On a gagné ? demanda-t-il, hésitant, appréhendant une mauvaise nouvelle qu'il savait ne pas pouvoir supporter d'entendre.

-Oui, Draco. Oui, on a gagné.

D'un geste las, Severus leva un bras fatigué qu'il tendit vers la dépouille de l'ancien Lord, à quelques mètres derrière Draco. Ce dernier ce retourna, et posa ses yeux sur le corps immobile recouvert d'une longue robe vermeille qui se fondait avec la couleur du sang répandu sur les dalles sombres. Il sentit une grosse boule se former dans sa gorge, une main invisible lui empoigner l'estomac, et il fondit en larmes dans les bras de son parrain.

Alors voilà, ça y était, tout était fini. La tension qu'il avait accumulée au court de ces derniers mois, toutes ces craintes, tous ces tourments, tous ces cauchemars, tout était fini, bien fini.

Il se laissa aller encore quelques secondes dans l'étreinte chaude et réconfortante de son parrain, puis releva vers lui un regard empreint d'angoisse, la dernière qui subsistait en lui, celle qui n'était pas liée au Lord, celle qui était liée à…

-Harry ?

-Je ne sais pas, Draco. Je l'ai vu quitter la pièce après…

Il désigna du regard le cadavre étendu au sol.

-Je ne sais pas où il est allé.

Draco s'écarta de son parrain et se dirigea à pas rapides et décidés vers la porte de la grande salle. Il traversait le hall d'entrée quand il entendit une voix résonner dans le vide de la pièce, une voix qu'il ne connaissait que trop bien.

-Draco…

-Luna ? demanda-t-il inutilement en se retournant, pour voir la jeune fille sortir à sa suite de la grande salle, relevant sa longue jupe de satin mauve et vert pour ne pas s'emmêler les pieds dedans.

-Draco…Je sais où tu vas, mais je crois que ton petit lion à plus besoin de solitude que de sarcasmes amicaux ce soir…

-Mais…Luna…Je ne peux pas le laisser seul, il a, il a forcément besoin d'en parler, il…

-Tu crois que tout va s'arranger maintenant, petit serpent, tu crois que le soleil va remplacer la brume et que le survivant va perdre son préfixe ? Mais il a ôté plus d'une vie à cette planète ce soir Draco, et il sera long, bien long de refaire naître celle que tu espères tant…Laisse-le seul, Draco, ajouta-t-elle après avoir laissé quelques secondes au serpentard pour comprendre ses paroles ambiguës, il ne veut voir personne.

Le jeune blond releva vers elle un regard empreint de chagrin et de désespoir, elle venait de lui faire comprendre la triste réalité : ce n'était pas parce que le mage noir était mort que tout allait s'arranger, encore moins pour Potter. Draco ne pouvait pas juste se contenter de courir vers lui, de le prendre dans ses bras en riant et de lui offrir, plutôt de lui voler ce baiser auquel il aspirait depuis tellement longtemps…

Abattu de tristesse, il fit demi-tour et se dirigea vers les cachot, vers son lit qui, comme chaque soir, l'attendait patiemment, même si plus aucune nuit ne serait pareille à présent.

oOoOo

Quand la bouche n'ose pas crier…

Que les larmes ne veulent plus pleurer…

oOoOo

Cela devait bien faire trois bonnes heures qu'Harry n'avait pas bougé. Il ne savait pas pourquoi personne n'était venu le voir, si c'était par peur de sa réaction, par compréhension de sa solitude ou juste par pur désintérêt, mais quoi qu'il en soit, il était heureux d'être seul. Il avait toujours apprécié la solitude, cette douce chaleur qui vous enveloppe dans vos moments de tristesse, recueille vos larmes et vos confidences sans jamais vous trahir.

Quand il avait vu le mage noir mordre enfin la poussière, il avait pensé qu'il allait hurler, pleurer, déverser toute cette haine finalement inutile, toute cette pression, tous ces sentiments confus qui s'étaient emparés de lui et n'avaient fait que croître à l'approche du combat final.

Seulement…Il était simplement resté là, debout, les bras ballants, le corps vide de toute émotion. Aucune larme n'avait coulé de ses yeux le long de ses joues creuses, aucun son ne s'était échappé de sa bouche entrouverte, aucune lueur, de victoire ou de désespoir n'avait traversé son regard perdu. Il se sentait juste…vide, comme une bouteille bue, une pile usagée, un magnum déchargé, et après tout, il n'était pas grand chose de plus, juste une arme qui avait servi et qui n'était plus désormais utile à rien, si ce n'était à figurer en première place dans la vitrine d'un collectionneur chevronné…Mais les amateurs de héros ne couraient pas les couloirs de Poudlard, ces temps-ci.

Alors, qu'est-ce qu'il allait devenir maintenant ? Il allait juste retourner au château, aller se coucher et puis se lever le lendemain matin, prendre son petit déjeuner et assister gentiment à ses cours ? Devoir supporter les tapes dans le dos, les sourires chaleureux et reconnaissants, les fausses amitiés qui ne tarderaient pas à naître maintenant qu'être vu en sa compagnie n'était plus une menace ? Se voir remettre par un ministre hypocrite une médaille superflue et par trop tardive, suivie d'un discours de ce même ministre sur l'utilité de resserrer encore et toujours plus les liens entre sorciers alors que lui-même surveillait le moindre de ses subalternes qui pourrait prétendre à son poste ? Allait-il réussir à continuer de vivre sa bonne petite vie de Parfait Saint Potter, comme tout le monde s'attendait à ce qu'il le fasse ?

Il n'avait pas à chercher bien loin pour connaître la réponse à cette question, elle tenait en trois lettres : non.

Il savait que rien ne serait jamais plus pareil. Que personne ne pourrait plus jamais voir son innocence d'enfant dans ses yeux. Que sa vie d'étudiant ne l'intéressait plus. Que plus aucune vie ne l'intéressait, depuis qu'il en avait volé une. Bien sûr, il fallait qu'il le fasse, il ne savait pas vraiment pourquoi, mais tout le monde s'attendait à ce qu'il agisse de cette manière, alors pourquoi emprunter un chemin autre que celui que toute une population lui avait tracé, s'inspirant pour cela des paroles d'une vieille folle datées d'une bonne vingtaine d'années ?

Mais le fait était là : il avait tué quelqu'un. Il avait pris une vie qui ne lui appartenait pas. Il en possédait deux, désormais, et on ne peut pas vivre avec deux vies, on ne peut pas, et il ne le pouvait pas, et il ne le voulait pas. Il avait juste envie de rester là, espérant que le temps qui passerait transformerait son corps en une statue de pierre qui se fondrait dans la masse de granit sous lui.

Il voulait juste mourir.

oOoOo

Draco se réveilla le lendemain matin, une désagréable sensation nichée dans son estomac, quelque part entre ses côtes gauches et son plexus solaire. Il tira ses couvertures d'une main nerveuse, et se précipita, sans trop savoir pourquoi, vers la fenêtre du dortoir des serpentards. Fenêtre factice, bien sûr, un serpentard loge dans les cachots et ne quitte jamais ce doux monde dans lequel il se complait. Mais fenêtre qui avait aussi l'avantage d'offrir une des plus belles vues, même fausse, du parc. Une vue qui donnait directement sur le lac, plus récemment sur la tombe d'anciennement le directeur de Poudlard, et actuellement sur un petit groupe de personnes s'agitant autour de cette-dite tombe.

Draco plissa les yeux, et il sentit son cœur tomber jusque dans ses orteils quand il aperçut qui était le centre d'attraction de cette petite foule. Là-bas, sur la pierre froide, était étendu, immobile, le corps frêle d'un jeune homme brun, tout juste vêtu d'un jean bleu et d'un pull noir, un pull que Draco avait pour la rentrée offert à…

-Harry !

Le serpentard enfila à toute vitesse un pantalon sur son boxer noir, attrapa une chemise jetée au hasard dans la pièce et se précipita vers l'extérieur. En quelques minutes, il était au bord du lac, rouge comme une écrevisse qui aurait pris un coup de soleil, haletant, le souffle court, et une petite goutte au coin de l'œil qui ne semblait pas s'apparenter à de la transpiration…

-Harry ! Poussez-vous, par Merlin dégagez, laissez-moi passer !

Il bouscula sans ménagement le professeur McGonnagal, Lupin et Tonks, son parrain Severus, et enfin Madame Pomfresh, penchée sur le corps inanimé d'Harry.

-Harry ! Harry !

Il attrapa les épaules du brun et le secoua vivement. Sa peau était pâle, d'une pâleur marmoréenne qui fit onduler un désagréable frisson le long de l'échine du blond. Les yeux verts, d'ordinaire si brillants, étaient mi-clos et paraissaient ternes et fatigués, vides, comme une herbe fanée, une herbe morte.

-Draco…

Un ultime lueur traversa ces deux prunelles voilées avant que les paupières d'Harry ne les recouvrent, et que son corps ne se laisse mollement aller dans les bras tremblants de Draco.

Le blond sentit sa mâchoire se contracter, et une larme roula le long de sa joue pour aller se perdre dans la masse noire des cheveux de l'homme évanoui dans ses bras. Du bout du doigt, il caressa les paupières closes, les joues creuses et glacées, les lèvres pâles et fines, le menton écorché…

-Monsieur Malfoy, il faut l'emmener à l'infirmerie immédiatement, trancha Madame Pomfresh d'un ton indiscutable. Il a besoin de soins de toute urgence.

Lupin et Severus s'avancèrent prestement avec en tête l'idée de porter Harry, mais Draco glissa un bras sous sa nuque, l'autre dans la pliure de ses genoux, et il se redressa, portant dans ses bras ce fragile petit être dont la vie ne tenait plus qu'à un fil.

Mais n'était-il pas déjà coupé ?

oOoOo

Souvent, on voudrait mourir, n'est-ce pas ? On a tous éprouvé, un jour, cette douleur qui nous dit que ça ne vaut plus le coup de souffrir pour nos cinq minutes de bonheur annuelles, celle qui commence dans la gorge et qui se propage dans chaque centimètre carré de notre peau, celle qui fait que le moindre mot, le moindre geste d'une personne de notre entourage nous donne envie de le gifler si fort que la marque de notre main resterait tatouée dans sa peau à tout jamais…

On a tous, un jour, éprouvé une douleur qui nous a donné l'envie d'arrêter de se mentir, l'envie de se regarder dans une glace, de se dire enfin 'je ne sert à rien', et d'en finir, une bonne fois pour toute.

Oui, mais le plus souvent, on reste juste devant la glace, en se disant 'je ne sert à rien, oui, mais demain ?'

Il est bien étrange, que l'on puisse sur commande s'arrêter de marcher, s'arrêter de rire, s'arrêter de pleurer, s'arrêter de parler, s'arrêter de bouger, s'arrêter de respirer, mais jamais s'arrêter de vivre, simplement.

oOoOo

Draco se réveilla en sursaut, une affreuse douleur irradiant sa nuque. Il pressa sa main sur le nœud de tension dans l'espoir de le résorber un peu, et releva sa tête pour poser son regard sur la même image du même visage impassible du même Harry Potter qu'il veillait nuit et jour depuis un peu plus d'une semaine. Enfin, nuit et jour…Entre ses cours, et ses repas. Il aurait été illusoire de penser que McGonnagall l'aurait laissé entacher sa belle éducation pour rester auprès d'un corps immobile et quasi sans espoir de réveil !

Le jeune blond se redressa pour tenter de trouver une position un peu plus confortable, mais décidément, les fauteuils pour visiteurs de cette infirmerie semblaient plutôt destinés à les faire fuir qu'à les inciter à rester auprès des malades ! Bien sûr, il aurait pu dormir dans un lit, mais le plus proche se trouvait tout de même à quatre mètres de là…

Il tendit la main vers la couverture râpeuse, et la remonta lentement vers le menton d'Harry, comme s'il avait peur de le réveiller…Geste de tendresse assez dérisoire, au vu des circonstances actuelles, Harry semblait aussi enclin à ouvrir les yeux que la Belle au Bois Dormant au bout de seulement soixante-sept années de profond sommeil !

Son corps était en parfait état, d'après l'infirmière, seules subsistaient de son combat quelques légères contusions, et une nouvelle cicatrice, au menton celle-là, et sans forme particulière…Bien que des petits malins pourraient toujours dire qu'elle ressemblait à une baguette magique, droite comme toute cicatrice classique, ainsi Harry aurait la panoplie complète !

Il était en bonne santé, donc. Et pourtant, la maladie du sommeil semblait l'avoir emporté. Tous les adultes autour de lui ne cessaient de répéter à Draco qu'un sort avait dû altérer son esprit, l'emprisonner ou un truc comme ça, un truc stupide quoi, un mensonge digne d'un gamin de quatre ans, et encore, un nourri aux pokemons…

Draco savait pourquoi Harry ne s'était pas réveillé, depuis ce fameux soir. Il n'était pas né de la dernière goutte de pluie, il savait parfaitement que rien n'avait jamais altéré l'esprit d'Harry. Si il n'avait pas rouvert les yeux, c'était tout simplement qu'il ne le voulait pas. Il ne voulait plus avoir à poser ses grands yeux verts plus tout à fait emplis d'innocence et de candeur sur ce monde pourri mais qui hurlait au bonheur parce qu'on venait de lui retirer l'une de ses innombrables tumeurs. Il ne voulait plus avoir à supporter cette vie autour de lui, toute cette fausseté, tous ces mensonges, tous ces gens

Il avait juste voulu se laisser mourir, là-bas, sur la tombe de cet homme qui avait été l'un des rares à le regarder autrement que comme un morceau de choix dans la vitrine d'un boucher, il avait juste voulu fermer les paupières et les rouvrir dans un autre monde, peut-être plus beau, peut-être pas, mais juste autre…

Seulement, on avait contrecarré ses plans, encore. On l'avait retrouvé à temps. On lui avait sauvé la vie. Merveilleux, n'est-ce pas ? Même si il ne devait plus jamais se réveiller, après tout, son cœur battait, c'était l'essentiel, non ? On s'en fichait pas mal, qu'il ne veuille plus vivre, n'est-ce pas ? Et on s'en foutait bien, aussi, de ruiner la vie d'un jeune blond au passage, hein ? Au moins, la conscience était tranquille, toujours aussi pure et intacte, sans souillure, sans un suicide pour la salir un peu, mais, attendez, vous êtes sûrs qu'il n'y a vraiment aucune trace ? Oh, oui, c'est vrai, j'oubliais la lessive universelle, le fameux pardon ! C'est sûr qu'il aurait été plus difficile de lui demander pardon à travers une pierre tombale que sur un lit d'hôpital…

oOoOo

Dans la mélancolie je me noie en enfer
Et la fumée de ma cigarette grimpe dans l'air
Les murs de la chambre
Oh crépuscule
Mais qui nous sauvera ?

(Saez)

oOoOo

Draco était appuyé contre le dur mur de pierre, à côté de la porte de l'infirmerie, une cigarette au bout des doigts. Madame Pomfresh lui avait gentiment ordonné 'd'aller se suicider à petit feu de l'autre côté du mur, s'il vous plait', juste avant de réaliser quels mots elle venait de prononcer, et de lancer un petit sourire gêné au dos déjà tourné du serpentard. Comme si l'odeur d'une cigarette allait déranger Harry ! Comme s'il n'en avait pas pris l'habitude, après les heures qu'il avait passées en compagnie du blond…

Draco ferma les yeux, et son cœur se serra au souvenir de ce passé pas si lointain mais qui semblait déjà si révolu. Il n'avait pas été facile de gagner la confiance du Gryffondor, mais une fois acquise, elle avait été entière et passionnée. Personne n'avait jamais vraiment compris comment, après ce qui c'était passé l'été précédent, après la mort de Dumbledore, Harry avait pu donner ainsi son amitié à ces deux personnes, les deux personnes qu'il avait, aussi loin que tout le monde pouvait s'en souvenir, toujours haïs. Il faut dire aussi que personne, mis à part Ron, Hermione et Ginny, ne savait ce qui c'était réellement passé.

Personne n'avait su que, le 31 juillet dernier, Severus Snape et Draco Malfoy avaient frappé à la porte du 4, Privet Drive, leurs robes en lambeaux et leurs corps constellés de contusions et d'entailles diverses. Personne n'avait vu Severus s'effondrer en larmes aux pieds de Harry, sous le regard affolé des Dursleys. Personne n'avait vu Harry prendre la main d'albâtre qu'il avait refusé lors de son premier jour à Poudlard, et la serrer avec force et conviction. Personne n'avait su que ce trio, plus puissant et plus déterminé que tous les adeptes de Voldemort réunis, avait passé le mois d'août à voyager, de grottes sombres en forêts humides, à la recherche de petits bouts d'âmes éparpillées aux quatre coins du monde.

Tout ce que le monde magique savait, c'était qu'en septembre, Severus Snape avait repris son poste de professeur de défense contre les forces du mal, et que Draco Malfoy avait réintégré sa maison, et une nouvelle place en classe : la place à la gauche de Potter.

Parce qu'Harry n'avait jamais oublié, les larmes qu'il avait vu couler sur les joues de Draco, à deux reprises, l'année passée. Des larmes qui voulaient juste sauver une mère. Des larmes que lui-même avait souvent versées au souvenir de ses propres parents qu'il n'avait jamais connus…

Et aussi parce qu'Harry avait compris que si Dumbledore avait placé sa confiance en Snape, c'était qu'il avait eu une bonne raison. Alors, en bon homme de Dumbledore qu'il était, il avait pris la main du professeur amassé à ses pieds, et l'avait aidé à se relever. Après tout, ça n'était pas vraiment de sa faute s'il était tombé amoureux de Lily, ça n'était pas vraiment de sa faute si la jalousie l'avait consumé…

Draco écrasa le bout de son mégot sur le mur, et le fit disparaître d'un léger mouvement de baguette. Il soupira, un long soupir de désespoir à en fissurer le cœur du plus endurci des insensibles, et rouvrit la porte de l'infirmerie, pour aller reprendre place dans cet inconfortable fauteuil, auprès de ce corps si immobile qu'il paraissait presque transparent, parfois.

oOoOo

La beauté d'un corps figé dans son absolution…

La beauté d'une paupière close sur une vie écourtée par son absurdité et son néant…

La beauté de lèvres refermées sur une éternité de silence apaisant…

La beauté d'un mort…

oOoOo

-Je m'inquiète vraiment pour lui, tu sais…

-Je sais, Mione, mais il n'y a pas grand chose à faire, on ne peut qu'attendre et espérer qu'il se réveille un jour.

-Non, murmura la jeune fille, le regard perdu dans les flammes lascivement dansantes du feu qui ondulait à quelques mètres d'elle. Je ne parlais pas d'Harry…Je parlais de Draco.

-Oh…

Le rouquin se passa la main dans les cheveux, geste chez lui synonyme de gêne et d'incertitude.

-Tu sais, je…enfin…

-Je sais que tu ne l'aimes pas, Ron. Moi-même…J'ai beau faire des efforts, parfois, je ne comprends pas. Mais nous n'avons pas appris à le connaître autant qu'Harry l'a fait, et au fond, nous ne savons quasiment rien de lui.

Elle se tut pendant un instant, laissant ses pensées rejoindre l'âtre et danser un tango éhonté avec les longues mèches orangées. Puis elle ajouta, presque inaudiblement :

-Mais je suis sûre qu'il souffre…

Ron souleva sa main gauche de l'accoudoir de son fauteuil et y emprisonna celle de la jeune fille, la serrant fort, fort, pour lui donner l'illusion que tout autour d'eux n'était pas plus détruit qu'avant.

-T'inquiète pas, Mione…T'inquiète pas.

oOoOo

Depuis de longues secondes, Draco fixait sans ciller les lèvres roses du Plus-Très-Vivant allongé devant lui. Il repensait à ces contes de fées moldus que sa mère lui racontait, lorsqu'il était petit, quand il n'arrivait pas à dormir, ces contes où une belle princesse endormie était réveillée par un doux baiser vaporeux de son prince…

Il pensait aussi que sa princesse à lui était plutôt un prince, un prince déçu, un prince détruit, un prince qu'un baiser ne pourrait éveiller, et pourtant il mourrait…pardon, il éprouvait l'envie intense et grandissante de se pencher sur ces lèvres offertes à lui sans résistance aucune. Il avait tant envie d'en connaître le goût, avant qu'il ne soit trop tard, avant qu'elles ne deviennent trop froides.

Au fond de lui, il était sûr qu'elles devaient avoir un goût de kiwi, comme le rire de leur propriétaire. Sucrées au premier contact, juteuses, et puis elles vous laissaient ensuite un arrière goût amère en bouche, mais un goût dont on ne pouvait plus jamais se passer…

Il se pencha vers le visage de sa princesse assoupie, laissant ses cheveux ruisseler en cascade le long des joues blafardes, et approcha ses propres lèvres de celles tant convoitées, tout juste assez près pour en sentir la présence, mais pas assez pour les toucher.

-Draco ?

Il se redressa précipitamment, se passa une main sur le visage pour tenter de faire bonne figure, et vit le rideau de séparation se relever pour laisser passer une Hermione au teint pâle et aux yeux cernés. Soulagée de constater que la jeune fille n'avait pas été témoin de son égarement passager, il se laissa tomber dans son fauteuil attitré tout en levant une main fatiguée pour saluer la jeune femme.

Cette dernière se saisit d'un siège proche et s'assit à ses côtés au chevet d'Harry.

-Comment va-t-il ?

Question inutile d'entrée en conversation, songea Draco en son for intérieur.

-Comme tu vois, répondit le serpentard d'une voix faible.

Un ange passa, laissant derrière lui une traînée voilée d'espoir destinée aux deux (trois ?) âmes meurtries présentes dans la pièce, puis Hermione rassembla tout son faible courage de petit bout de bonne femme, et se tourna vers Draco, plongeant dans son regard de ciel d'orage deux prunelles brunes décidées et inflexibles.

-Et toi ?

Draco réprima un mouvement de surprise. Durant les trois dernières semaines, il n'avait quasiment pas échangé un mot avec qui que ce soit, et personne n'avait osé lui demander comment il allait. Prudence, respect, ou simplement peur d'affronter un désespoir trop grand pour être contenu ?

-Oh, moi…

oOoOo

On a tellement envie de partager sa douleur, quand elle nous ronge de l'intérieur et nous enveloppe tout entier, mais pourtant, il suffit qu'une oreille s'approche de notre bouche pour que plus aucun son n'en sorte.

On préfère souffrir seul, tout seul, toujours, pour se faire plaindre, pour se sentir vivre…Parce qu'on se sent malgré tout plus vivant à travers les regards désolés et incompréhensifs des gens qui nous entourent que dans la douceur moite d'une confidence à cœur ouvert…


Nda : Alors, vos impressions ? Suite or not suite ? Je suis ouverte à toute demande ou proposition…Vous n'avez qu'à cliquer sur le petit bouton juste en dessous ! ;)