C'est avec un peu d'appréhension que je publie ce premier chapitre. Je voulais attendre un peu avant de le poster, et puis finalement... Je suis trop impatiente ! J'espère sincèrement qu'il vous plaira. Merci pour les reviews, j'espère n'avoir oublié personne dans mes réponses. Je ne vais pas vous faire perdre plus de temps avec mon blabla, alors c'est parti !
Bonne lecture !
Hermione s'extirpa avec difficulté de son lit et commença sa journée en heurtant violemment le coin de sa table de nuit avec son genou. Elle retint de justesse un juron comme si quelqu'un - au hasard, un journaliste - risquait de l'entendre, et se rua sur sa bouilloire moldue pour préparer son thé. Elle adorait être une sorcière, mais persistait à croire que certaines choses avaient plus de saveur lorsqu'elles étaient faites avec ses mains. Elle conservait de petits rituels, comme faire son thé à l'ancienne.
La gazette du jour, glissée sous sa porte comme chaque matin, l'attendait. Et sa Une eut le mérite de la réveiller totalement. On l'y voyait elle, debout, en train de fusiller du regard une manifestante, avec en fond une affiche géante à l'effigie du candidat Drago Malefoy. Le titre choisit était des plus équivoques : Granger soutient Malefoy : quand l'ambition politique dépasse les idéaux.
« Et merde, putain ! lâcha la jeune femme qui cette fois, ne put pas se retenir."
Voilà ce qui arrivait lorsqu'on se lançait sans réfléchir dans l'espace public. Tout était déformé, sorti de son contexte, extrapolé. Ils étaient à deux doigts de titrer « Granger rejoint le camp des partisans du seigneur des ténèbres et part à la chasse aux moldus, mais c'est juste parce qu'elle veut être réélue » !
Qu'allaient penser ses électeurs ?
Qu'allaient penser les députés de son camp, et leur leader en particulier ? Remus ne se montrerait peut-être pas très conciliant.
Hermione souffla un grand coup, et déplia le torchon qu'elle avait entre les mains. Elle parcourut rapidement le compte-rendu des faits. Celui-ci relatait l'événement de manière relativement fidèle, mais il était accompagné d'une interview de la jeune manifestante qui elle, ne se montrait pas objective.
Granger m'a foncé dessus et m'a frappée l'épaule. Ensuite, j'ai vraiment cru qu'elle allait me tabasser, elle avait une lueur de folie dans les yeux. Je pense qu'elle n'a pas supporté qu'on dise la vérité sur Malefoy. Déjà à l'époque quand elle l'a défendu, j'ai trouvé sa louche. Mais maintenant... c'est clair pour tout le monde ! Ils avaient une liaison. Je pense qu'ils couchent ensemble ! Ouais, c'est sûr... C'est ce que tout le monde pense.
Suivait un long paragraphe qui démontrait la plausibilité de cette prétendue relation. La journaliste avait réuni des témoignages foireux, pour la plupart anonymes, qui étayaient sa thèse fumeuse. Elle avait même falsifié un extrait du témoignage que la griffondor avait livré au ministère pour prouver que Drago avait œuvré pour le bien, la faisant passer pour une véritable groupie. Premièrement, Hermione s'en était tenue à la plus stricte vérité, et deuxièmement ces informations étaient confidentielles ! A ce stade, la jeune femme arborait un teint écarlate.
Si la situation n'avait pas été si dangereuse, Hermione aurait ri. La seule hypothèse proposée, au lieu de se dire tout simplement qu'elle avait défendu la démocratie, ou suggéré de ne pas appeler au meurtre (ce qui relevait de la logique élémentaire), c'était qu'elle se tapait son adversaire politique. Quelle indécence ! C'était grotesque.
La sonnette de sa porte d'entrée retentit et Hermione alla ouvrir en pyjama, son journal à la main. Quasiment personne n'avait son adresse, c'était forcément un de ses proches.
Harry Potter se tenait effectivement dans le hall d'entrée, et s'engouffra chez elle comme un boulet de canon sans prendre la peine de faire des politesses.
« Ces calomnies, c'est honteux ! attaqua-t-il sans préambule. Est-ce que ça va ?
- Je suis furieuse. Ils n'auraient jamais osé publier ça si j'avais été un homme ! Mais comme je suis une femme, je suis nécessairement une hystérique gouvernée par ses hormones et je peux pas défendre autre chose que mon amant. Je sais pas, y a que moi que ça choque ce déferlement de haine ? s'insurgea Hermione en balançant le journal sur sa table basse. J'en reviens pas.»
Harry le réduisit en fumée d'un coup de baguette magique.
« Je dirigeais l'équipe qui est intervenue pendant l'émeute. C'était... c'était atroce. Un sale retour en arrière. T'as bien fait d'intervenir pour stopper ça, et ça m'étonne pas du tout de toi. Écoute, j'ai été trainé dans la boue dans la presse pendant toute mon adolescence, je sais que c'est douloureux. Mais ne fais rien d'irréfléchi ! l'avertit Harry en leur servant du thé comme s'il était chez lui.
- Je vais pas me laisser faire, décréta Hermione en touillant énergiquement sa tasse de thé, faisant teinter sa cuillère.
- Tu as eu raison de t'insurger. Surtout quand on sait toi et moi que Malefoy a grandement contribué dans la victoire. Si cet abruti nous avait laissé le dire à l'époque... il n'en serait pas là, pesta Harry. Mais ça ne change rien ! Ne rentre pas dans leur jeu, ils n'attendent que ça. La polémique. »
Hermione continuait à passer ses nerfs sur sa cuillère, provoquant un bruit de plus en plus strident. Son meilleur ami grimaça et lui ôta la tasse des mains. Il dévisagea son amie de toujours d'un air inquiet ; Hermione perdait rarement son calme, mais lorsque ça arrivait, elle avait une raison valable de tout dévaster sur son passage.
« Hermione. C'est toujours toi qui m'a forcé à rester dans le droit chemin et à garder la tête froide. Maintenant, c'est à ton tour !
- Ils remettent mon intégrité en cause ! Et cette manifestante odieuse... Je regrette de pas l'avoir cognée pour de vrai, au vu du résultat.
- Je vais faire comme si je n'avais pas entendu.
- Il faut que j'aille au bureau. J'ai une proposition de loi à préparer, réalisa la jeune femme en bondissant sur ses pieds. »
Elle quitta la pièce brusquement dans un tourbillon de cheveux, et Harry se retrouva seul face à deux tasses de thé. Et voilà. Elle avait son air de Celle qui allait rentrer dans le tas. Il entendit la douche couler dans la pièce voisine et s'apprêtait à partir, lorsqu'un hibou énervé s'encastra dans la fenêtre de la cuisine. Il lui ouvrit et décrocha le courrier de sa patte. Lorsqu'il réalisa qu'il était frappé du sceau de la Gazette, il déglutit difficilement. Hermione allait vraiment partir en vrille. C'était de la provocation. Aussi, à défaut de ne pouvoir faire mieux, il jeta la missive à la poubelle, lança l'oiseau dehors et repartit comme il était venu.
.
La permanence de la députée Granger était sens dessus dessous. Astoria tentait de fluidifier et d'organiser les choses, mais cela devenait très compliqué. Pourtant, la jeune femme était très compétente ; Hermione l'avait engagée dès sa première campagne électorale, et l'avait choisir parmi quantité de candidats qui rêvaient pour la plupart d'approcher une héroïne de guerre. Pas Astoria. Elle croyait dans ce qu'Hermione défendait, et partageait ses valeurs. Plus encore, elle se sentait chargée d'une mission, au nom de tous les sangs purs qui avaient pris la fuite pendant la guerre. Elle tenait à participer à la reconstruction, et c'est précisément ce qui faisait d'elle une assistante extraordinaire. Mais là, à cette seconde, il fallait avouer qu'elle était un peu dépassée.
Hermione était enfermée dans son bureau depuis près de deux heures, et avait strictement interdit qu'on la dérange.
Personne ne savait ce qu'elle préparait, mais ça sentait mauvais.
« Non, aucun commentaire ! cingla Astoria en raccrochant au nez d'un énième journaliste. »
Elle eut à peine reposé le combiné sur son socle que l'engin de malheur se remit à sonner.
« Aucun commentaire ! répéta-t-elle. Oh ! Daphné. Oui, excuse moi, c'est un peu agité ce matin. Non, elle est très occupée, mais je peux prendre un message. Oui... oui... d'accord, je lui dirai que cette connasse doit aller se faire enculer. Ah, cette grognasse. Oui, tu as raison, il faut faire attention au vocabulaire employé. »
Astoria abrégea la conversation lorsque sa patronne mis enfin le nez hors de son bureau. Curieusement, Hermione semblait très calme. Ce qui n'augurait rien de bon. Elle avait mis ses escarpins rouges, ceux aux talons vertigineux, et c'était un signe qu'elle était sur le sentier de la guerre.
« Accepte l'interview pour Wizards Chanel. J'imagine qu'ils ont appelé, pas vrai ? Je vais y aller. En direct."
La jeune femme avait l'air féroce, mais sereine. Dangereux mélange. Par moments, Astoria se demandait si le choixpeau ne s'était pas trompé en ne l'envoyant pas à Serpentard... Quoi que, non. Elle était trop courageuse pour ça.
"Oh... bon. Tu es sure ? Tu ne veux pas consulter ton groupe avant ? Remus ?
- C'est fait ! Remus m'encourage à m'exprimer. Il dit que mon message était le bon, et qu'il a seulement été véhiculé de la mauvaise manière. Je vais donc arranger ça. »
Hermione lui fit un clin d'œil guilleret et enfila son manteau, prête à partir pour son rendez-vous avec un groupe de travail sur l'entraide en milieu carcéral. Rien ne se mettrait sur la route d'Hermione Granger. Une tempête politique ne modifierait pas son agenda. Elle disparut dans un craquement sec, et le téléphone se remit à sonner.
.
Astoria avait passé un après-midi éreintant et avait vu, pour couronner le tout, une foule d'amis d'Hermione débarquer. Ils étaient tous bien décidés à l'attendre et, si elle ne repassait pas avant, à regarder son interview dans son QG.
« Sœurette, lâche un peu ce téléphone et viens avec nous ! la pria Daphné en tapotant la place à côté d'elle sur le canapé.
- Alors déjà, non, je travaille. Et en plus, Ron a mis des miettes partout sur le canapé, je ne vais pas m'asseoir dans cette porcherie.
- C'est pas moi ma puce, c'est Dahlia ! protesta le rouquin en désignant la petite fille de deux ans, assise sur ses genoux.
- Je trouve que ce local dégage une aura très crispante, souffla Luna en se levant pour déplacer des meubles. Les énergies ont du mal à circuler, ici.
- Luna, tu viens de renverser un pot de fleur, la prévint Harry en réparant les dégâts d'un coup de baguette. »
La petite Dahlia se mit à pleurer et Astoria se prit la tête entre les mains, irritée. Elle n'en pouvait plus. Ils la rendaient folle. Et Hermione qui ne revenait pas...
Aussi, lorsque le son caractéristique d'un transplannage résonna devant la porte du bureau, la jeune femme se précipita sur la porte.
Définitivement pas le visiteur qu'elle attendait.
« Fais parvenir ça anonymement à la Gazette ! »
Astoria regarda la liasse de parchemins que lui tendait Drago Malefoy, attendant une explication. Enroulé dans une cape, il la fixait d'un air placide. Elle ne put s'empêcher de remarquer que, de près, sa chevelure décoiffée et ses petites mèches rebelles avaient l'air plutôt disciplinées ; le jeune homme devait passer du temps à créer ce petit effet décoiffé.
Drago se racla la gorge, agacé de devoir attendre.
« Mon équipe ne peut pas savoir que ça vient de moi. Et je ne peux pas me salir les mains moi-même, finit-il par maugréer en secouant les feuilles sous le nez d'Astoria. »
Le silence s'était enfin fait derrière elle, mais étrangement elle n'en prit pas immédiatement conscience. C'est la présence d'Harry derrière elle qui la sortit de sa torpeur.
« Qu'est ce que c'est, Malefoy ? demanda le survivant en s'emparant des papiers.
- La planche de sauvetage de Granger. Ne me remerciez pas. »
Il lança un dernier regard sarcastique à l'assemblée, et repartit aussi vite qu'il était arrivé. Interdite, Astoria referma la porte et interrogea Harry du regard.
« Drago Malefoy vient de dire qu'il ne voulait pas se salir les mains. Lui. C'est si grave que ça ? Il y a quoi, dans ces documents ? s'inquiéta Ron.
- Cette planche de sauvetage est pourrie, je vous le dis ! lança Daphné.»
Harry fronça les sourcils, et grimaça en tournant les pages.
« Je sais pas où il a déterré ça, mais il y a de quoi faire virer la journaliste politique de la Gazette et ruiner l'existence sociale de la manifestante.
- C'est top ! Elles n'auront que ce qu'elles méritent ! se félicita Ron en se frottant les mains.
- Ron... souffla Astoria en levant les yeux au ciel.
- Hermione ne voudra jamais faire publier ça, le contredit Harry en lui remettant le dossier sensible. Déontologiquement... c'est pas possible. »
Ron commença à lire, avec Daphné, Astoria et Luna par dessus son épaule. Au fil des lignes qu'elles lisaient, leurs visages s'animaient de plus en plus.
« Euh... mais c'est fou, souffla Astoria. Il veut faire couler le journal ou quoi ? On parle de collusion entre une journaliste et un ministre quand même. Et... elle a volé des documents classifiés par le ministère ?
- On savait qu'il y avait une fuite, maintenant on sait d'où elle vient, grinça Harry. »
Trois ans auparavant, une intervention qu'ils avaient préparé depuis des mois dans le plus grand secret avait par miracle atterri dans un dossier spécial du journal, ruinant toute l'opération. Les criminels avaient pu s'en sortir grâce à ça.
« C'est un scandale d'État... paniqua Astoria.
- Malefoy utilise Hermione pour faire son sale boulot et ternir l'image de la presse et des élus. Il sert ses propres intérêts, voilà tout. C'est comme ça qu'on renverse un gouvernement. On ternit ses institutions, on jette le doute, et hop. J'ai vu la même chose au Chili, les informa Luna d'un air rêveur, avant de se remettre à déplacer des meubles. »
Luna avait souvent l'air totalement déconnectée du réel, et obsédée par des absurdités qu'elle seule voyait. Pourtant, elle était beaucoup plus lucide qu'eux parfois, et lâchait à intervalles réguliers des informations capitales.
Harry approuva donc son intervention d'un hochement de tête.
« Je sais pas si Malefoy a prévu de renverser le gouvernement, mais en tout cas c'est sûr que ces infos ne sont pas gratuites. Il ne rendrait pas service sans une idée derrière la tête, ajouta Daphné.
- Écoutez, je donnerai ce dossier à Hermione et elle décidera de ce qu'elle doit en faire, décréta Astoria en embarquant les feuilles de la discorde pour les ranger dans un tiroir. »
.
Il était 21h et Hermione était assise sur le plateau de Wizards Chanel, écoutant le décompte annonçant le direct. Elle n'appréciait pas particulièrement l'exercice, mais cette fois elle n'avait pas le choix. Elle respira un grand coup, redressa le menton et écouta en souriant poliment l'introduction de la journaliste, qui récapitulait les faits. Lorsqu'elle lui donna la parole, Hermione se lança sans perdre de temps.
« Je suis la première à défendre la liberté de la presse et à laisser les gens, quelles que soient leurs opinions, s'exprimer. Mais ce qu'il s'est passé hier, ça n'a rien à voir avec la liberté : c'est même tout l'inverse. On ne peut pas sortir des faits et des mots de leur contexte et les tordre pour en changer le sens. On ne peut pas non plus mentir dans le quotidien le plus largement diffusé dans le monde sorcier, et espérer qu'une rumeur infondée se répande sans jamais être contredite. C'est de la malhonnêteté intellectuelle pure et simple. Ce n'est pas de l'information mais de la désinformation. Et c'est à vous, la presse, d'être vigilants et de vérifier vos sources. Puisque ça n'a pas été fait, c'est à moi de rétablir la vérité. Voilà ce qu'il s'est réellement passé hier soir. Je me suis rendue au QG d'un candidat élu légalement par les électeurs de sa circonscription. Comme l'a dit le leader du mouvement progressiste, auquel j'appartiens depuis mes premières minutes en politique, nous n'avons pas à contester le résultat d'un scrutin pour la seule raison qu'il ne nous convient pas. Lorsque nous le faisons, nous nions le libre choix des électeurs et nous ne respectons pas leurs convictions. J'ai donc choisi d'aller féliciter un ancien camarade de Poudlard, que je respecte en tant que personne et en tant que député. Mon rôle n'est pas de condamner, mais de travailler et de débattre avec lui dans le cadre de l'assemblée. Les invectives brutales, les démonstrations de haine dans les rues, les appels au meurtre, ce sont autant de choses qui me révoltent et que je me refuse à tolérer. Le monde sorcier les a trop subies sous le règne de Voldemort et c'est notre responsabilité collective de ne plus jamais, sous aucun prétexte, laisser se dérouler de telles choses sous nos yeux. Je n'aurais pas été honnête envers moi même, mes électeurs, mon engagement politique ou les valeurs que je porte si je n'étais pas intervenue. Si c'était à refaire, je recommencerai sans hésitation. Je me suis élevée contre une injustice comme je l'ai toujours fait. Je n'ai fait preuve d'aucune violence.
- Que répondez-vous au rumeurs quant à une relation amoureuse avec Drago Malefoy ?
- Est-ce vraiment la peine que j'y réponde ? C'est tout simplement grotesque.
- Un des députés de votre parti affirme que vous lui avez envoyé une lettre de menace après qu'il a émis des doutes sur la capacité d'un fils de mangemort à voter des lois. Qu'en est-il ? »
Hermione déglutit, verte de rage. Elle ne laissa pas ses émotions fissurer son masque et serra les poings sous la table pour stopper ses tremblements. Puisqu'il voulait jouer à ça, elle n'allait certainement pas le laisser la salir dans l'ombre. Cet inconscient allait être exposé.
« Je n'ai pas menacé Dean Thomas. Je lui ai simplement rappelé quelles étaient ses responsabilités en tant que représentant du peuple. Ses propos anonymes, qui ont été relayés dans les médias et largement commentés, ont été à l'origine d'un déferlement de violence et d'une émeute. On ne peut pas, lorsqu'on est une figure politique, attiser la haine. Il a agit en totale contradiction avec la charte de notre mouvement politique et son inconscience aurait pu aboutir à des accidents. C'est ce que je lui ai dit, et je l'ai fait parce que je collabore avec lui et que je pensais que nous étions en accord total sur les méthodes à utiliser. Visiblement, ce n'est pas le cas. Il faut croire que ceux qui ont combattu pendant la guerre ont retenu des leçons que les fuyards n'ont pas encore comprises. »
Dès que ce tacle franchit ses lèvres, Hermione le regretta. Les attaques ad hominem ne faisaient pas partie de ses méthodes, et elle sentit immédiatement une vague de honte la submerger. La journaliste face à elle, qui l'avait déjà interviewée à plusieurs reprises, semblait surprise. Elle ne traînait pas ses adverses dans la boues, et n'allait pas sur un terrain personnel : elle attaquait les idées, les arguments, les chiffres. Pas les personnes.
Mais ça, c'était avant d'être elle-même attaquée une énième fois. La fois de trop.
« Il y a donc une division au sein de votre camp, le parti progressiste... souligna la journaliste.
- Non, répondit Hermione avec fermeté. Il s'agit d'un élément isolé qui a agit impulsivement, sans songer aux conséquences de ses actes. Il n'y a pas d'animosité entre nous, juste un petit désaccord. Qui sera réglé par nos supérieurs hiérarchiques, et non pas par nous. J'ai une confiance absolue en mon groupe et en ce que nous défendons. Je regrette qu'un petit commentaire déplacé fasse une telle polémique, c'est une tempête dans un verre d'eau qui détourne des vrais sujets... J'ose espérer que maintenant que la vérité est rétablie, cette triste affaire sera oubliée.
- Une question reste encore sans réponse. À l'époque de la guerre, quelle était la nature exacte de vos relations avec Drago Malefoy ? »
La garce. Il avait été négocié en amont de cette interview un contenu précis. Il devait s'agir de politique. Pas de gossip de bas étage ! Cette fois, Hermione ne parvint pas totalement à masquer son agacement.
« Je ne vois pas bien en quoi cette information est pertinente. J'ai accepté votre invitation pour parler de politique, parce que c'est mon métier. L'identité et la nature de mes relations personnelles ne regarde personne d'autre que moi.
- Vous refusez donc de répondre ? insista la femme en face, réjouie à l'idée d'avoir réussi à acculer ainsi Hermione Granger. Vous avez conscience que, pour nos spectateurs, c'est un aveu de culpabilité ?»
Cette dernière soupira ostensiblement, et songea que même si elle avait voulu répondre, elle n'aurait pas pu, parce que ça reviendrait à révéler le véritable rôle de Drago pendant la guerre et qu'elle ne pouvait pas le trahir. Elle était coincée.
« Si refuser de répondre à des questions intrusives et déplacées revient à avouer sa culpabilité alors oui, je suis coupable. »
Sur ces paroles, Hermione retira son oreillette en souriant et se leva sous les applaudissements des quelques spectateurs présents dans les petits gradins du plateau. Elle ne savait pas que penser de ce qu'il venait de se passer ; elle avait réussi à exprimer exactement ce qu'elle voulait dans la première partie de l'émission, avant d'engager une guerre avec Dean Thomas et de renforcer le doute concernant sa prétendue liaison avec Malefoy. Le bilan était donc mitigé. Voire dramatique. Elle avait beau tenter de rester intègre, d'agir avec bienveillance... elle n'en sortait presque jamais indemne. Cela la rendait vulnérable. En réalité, son éthique était une faiblesse en politique.
Écœurée par cette prise de conscience, la jeune femme récupéra ses affaires en silence et transplanna à son QG.
Elle gravit les escaliers plutôt que de prendre l'ascenseur dans l'idée de calmer ses nerfs. Ce n'était pas la première fois qu'elle avait des doutes, et se demandait si la politique était vraiment un milieu fait pour elle. Et puis elle percevait une injustice et se lançait à l'assaut, animée par la volonté de faire le bien.
Tout ça pour se faire attaquer en direct à la télévision.
Elle poussa la porte de son bureau et fut surprise d'y trouver ses amis, visiblement en plein débat. Ils étaient tellement occupés à parler tous en même temps qu'ils ne la virent même pas entrer.
Sauf Luna, qui lui fit coucou d'un air distrait.
« Tu es restée digne et c'est le principal, lui dit la blonde en souriant avec chaleur. »
C'était une autre façon de dire, avec politesse, qu'elle avait échoué lamentablement. Mais la remarque de Luna eut le mérite d'attirer l'attention des autres, qui se tournèrent comme un seul homme vers Hermione. Leurs expressions oscillaient entre la colère, la peine et une espèce de fièvre que la jeune femme ne comprenait pas très bien.
Qu'est-ce qu'ils mijotaient ?
« Quel culot cette journaliste ! T'as bien fait de l'envoyer bouler ! la félicita Ron en lui tapotant maladroitement dans le dos.
- Je suis passée pour une menteuse colérique qui, en plus, envoie des piques à ses alliés politiques... c'était une tragédie, cette émission ! le contredit Hermione en se laissant tomber sur le canapé.
- Pas du tout ! T'es restée professionnelle et ça se voyait que t'étais sincère ! s'offusqua Astoria. »
Hermione haussa les épaules, abattue. Elle ne se faisait pas d'illusions : elle était tombée dans une embuscade.
« Je vois pas par quel miracle je pourrais réparer ça... marmonna Hermione. »
Le silence qui suivit ses lamentations l'étonna, et la força à lever les yeux vers ses amis. Ron fixait Harry qui fronçait les sourcils, Daphné se mordait la lèvre inférieure en caressant distraitement les cheveux de sa fille, et Astoria regardait vers son bureau d'un air angoissé. Luna souriait toujours, d'un air énigmatique.
« Qu'est ce qu'il y a...? s'enquit Hermione, qui sentait qu'on lui cachait quelque chose. »
Ils échangèrent un regard hésitant. La jeune femme se leva, les poings sur les hanches.
« Alors ? insista-t-elle.
- Et bien, à vrai dire... on a peut-être une solution, mais... commença Astoria. »
Mais elle fut coupée par sa sœur, qui bondit sur la télécommande pour augmenter le son de la télévision, toujours branchée sur Wizards Chanel.
Flash info : Nadia Croutch, la manifestante qui a accusé la députée Granger de l'avoir agressée, est en réalité une usurpatrice. Son véritable nom est Caroll Croupton. Elle est membre d'un groupuscule qui se revendique sataniste et a déjà été mêlée à une affaire de meurtre, pour laquelle elle a purgé une peine de prison, comme le prouve l'extrait de casier judiciaire qui est parvenu à notre rédaction de manière anonyme. Voilà qui explique la prise de position courageuse de madame Granger ! Et maintenant, place au Quidditch...
Daphné coupa de nouveau le son de la télévision, au grand dam de Ron qui ravala malgré tout sa déception.
« Ah bah non, pas besoin, Malefoy a pris les devants... Tadam ! annonça Astoria en souriant d'un air crispé. »
Hermione ouvrit la bouche, avant de la refermer aussi sec. Qu'est ce que Malefoy venait faire là-dedans ? La logique lui échappait, tout à coup.
Mais elle avait toujours eu du mal à comprendre le serpentard, comme la veille au soir d'ailleurs.
« Qu'est ce que tu fiches ici d'ailleurs, Granger ? Tu viens vérifier si je n'ai pas trafiqué les votes, toi aussi ? avait demandé Drago d'un air goguenard.
- Comment ça, moi aussi ? grimaça la jeune femme.
- La commission des fraudes est passée. Elle n'a rien trouvé. Peut être tout simplement parce qu'il n'y avait rien à trouver. »
Le blond ne s'était pas départi de son sourire en coin, mais Hermione n'était pas tombée dans le panneau : il était agacé, et passablement vexé.
« Je n'en doute pas. Il y avait un engouement pour toi pendant la campagne... en réalité, j'étais venue te féliciter. »
Malefoy la dévisagea d'un air circonspect.
« Et au passage, Sainte Grangy n'a pas pu s'empêcher de défendre l'opprimé et de lâcher sa petite leçon de morale. »
Hermione encaissa le coup sans broncher. Il l'avait habituée au pire, et elle ne s'attendait pas à ce qu'il la remercie de l'avoir défendu.
« J'ai surtout évité que tu n'aies à te lancer dans une bagarre générale à mains nues. Mais bon, c'est mon côté pacifiste. À bientôt Malefoy ! »
Le serpentard lança un petit salut militaire en plaquant deux doigts sur sa tempe, et lui octroya un léger tressautement de lèvres qui ressemblait à un sourire.
.
Hermione avait décidé de rentrer chez elle directement, plutôt que de se torturer en lisant des réactions à son interview puis à la révélation de la malhonnêteté de cette madame Croûton. Elle avait besoin d'une pause. Elle avait donc concocté une plâtrée de pâtes plus ou moins gastronomique, et les engloutissait devant un épisode de sa série préférée. La somnolence la gagnait petit à petit, et elle se serait assoupie si un petit aigle aux yeux perçants ne s'était pas mis à toquer à sa fenêtre.
Elle laissa le rapace entrer, lui donna un biscuit, et déplia le papier qu'il avait à la patte.
« Je savais que t'allais jamais oser utiliser la bombe que je t'ai laissée entre les mains. Alors j'ai pris les devants. Bien entendu, je nierai toujours toute implication. Je te félicite néanmoins pour ce délicieux moment sur Wizards Chanel ; j'ai particulièrement apprécié le moment où tu as sorti ta carte héroïne de guerre pour renvoyer Thomas pleurnicher chez sa mère. À demain, Sainte Grangy. »
Hermione se frotta les yeux, fronça le nez, se massa les tempes. Elle ne comprenait pas du tout à quoi il faisait allusion. Quelle bombe ? Et pourquoi comptait-il la voir le lendemain ?
Et donc... voilà ! Les conséquences de l'élection de Drago et des bêtises de Dean Thomas commencent à tomber... C'est un premier chapitre qui présente un peu le quotidien d'Hermione, et doit commencer à répondre à vos questions sur ses relations avec les autres. J'espère que tout ça reste compréhensible, j'ai essayé de pas noyer le chapitre sous trop d'informations sur le système politique, l'assemblée, les groupes etc... Ça se fera petit à petit. N'hésitez pas à me dire s'il y a des choses qui ne sont pas claires ! (D'ailleurs, merci à Elladora-Silverhawk de m'avoir fait remarquer ma confusion de prénoms)
A bientôt pour le chapitre 2 !
