Suite au chaos général du dernier chapitre, il est maintenant temps d'affronter les conséquences plus ou moins dramatiques de la soirée à l'assemblée. Je sais que vous avez hâte de savoir si Drago a bien réussi à tout faire exploser autour de lui, alors c'est parti. Bonne lecture !
(Et sorry pour cet immense retard, les partiels et les fêtes de fin d'année ont eu raison de moi)
Chapter 5
Hermione Granger était plongée dans un état de perplexité tel qu'elle se tenait debout devant son miroir en pied depuis près de 10 minutes, sans amorcer le moindre mouvement. Elle avait passé la nuit à tourner en rond, alternant crises de larmes hystériques, agitation, énervement, et était allée jusqu'à mettre un coup de pied rageur dans son canapé. C'était là le geste le plus violent qu'elle puisse faire hors période de guerre ou de fin du monde.
Fort heureusement, ses connaissances en médicomagie, apprises sur le tas pendant la guerre, lui permirent de réparer facilement son orteil fracturé. Avoir très mal lui avait fait du bien pendant quelques secondes, au moins toute son énergie et sa frustration avaient été canalisées un instant et dirigées sur quelque chose qu'elle maitrisait : son orteil.
Il était 9h du matin et Hermione se fixait méchamment du regard, jugeant l'abominable personne qu'elle était. Elle était députée, bon sang ! Comment avait-elle pu laisser la situation lui échapper ainsi ? Elle avait tout simplement envoyé valser sa carrière politique et toutes ses relations professionnelles en une fraction de seconde. Elle avait tout saboté. Sur un coup de tête stupide. Parce que sa colère l'avait aveuglée un instant et que son jugement avait été obscurci par quelques agitateurs à l'assemblée.
Elle avait envie de se gifler, de pleurer, de mourir.
De se briser d'autres orteils pour penser à autre chose qu'au sombre avenir qui l'attendait.
« Je ne fais plus partie du groupe progressiste, dit la jeune femme à voix haute pour essayer t'intégrer cette idée abominable. »
Aussitôt, elle se plaqua une main horrifiée sur la bouche. Ces mots avaient une sonorité insoutenable. Ses alliés de cinq ans. Ses amis. Remus, aux côtés de qui elle avait combattu. Son pouvoir, toutes les lois en cours d'élaboration, leurs combats communs. Partis en fumée. En fumée !
Elle n'était pas carriériste, mais restait une personne ambitieuse et surtout, fidèle. Et ça, ce qu'il venait de se passer, ce n'était absolument pas elle.
De nouveau, Hermione vit les larmes perler au coin de ses yeux, et ne put retenir un sanglot violent. Qui en entraîna un autre. Puis un autre. Et bientôt, elle fut secouée de spasmes, les joues inondées et des plaques rouges sur le visage. Elle tirait une certaine satisfaction à s'observer en train de pleurer, puisqu'elle estimait mériter cette punition. Et, moins avouable, elle pouvait s'enfoncer avec délectation dans l'auto-apitoiement.
Le naufrage d'Hermione menaçait d'atteindre des sommets inavouables, lorsqu'elle entendit quelqu'un sonner à la porte.
Qui osait interrompre ainsi ses lamentations ?
Elle essuya à la va-vite ses larmes, attacha ses cheveux en queue de cheval et se traîna jusqu'à l'entrée, bien décidée à envoyer balader l'intrus. Elle ouvrit donc la porte avec un air revêche, qui se transforma bien vite en expression de surprise.
« Parkinson ?! hoqueta Hermione, figée.
- Ça fait cinq minutes que je sonne, mais tes gémissements couvraient le bruit de la clochette. Quelqu'un est mort ? l'interrogea Pansy, un peu sur la retenue. »
Elle portait un manteau en fourrure rouge et un pantalon en cuir, rehaussé par une paire d'escarpins vertigineux. Ce qui contrastait d'autant plus avec la tenue d'Hermione, qui avait opté pour un pull informe et un short de pyjama délavé par le temps. Une de ces deux femmes traversait une crise existentielle, et c'était assez facile de deviner laquelle.
« Granger ? insista Parkinson en fronçant le nez.
- Je... euh... mais qui t'a donné mon adresse ? marmonna Hermione, qui ne savait pas comment se tirer de ce mauvais pas.
- Je sais être très persuasive. Potter n'a pas eu le choix.
- Harry a... mais... bafouilla la Gryffondor. »
Parkinson leva les yeux au ciel, exaspérée, et poussa Hermione pour pouvoir entrer dans son appartement. Puisqu'elle ne l'y invitait pas, elle le faisait elle-même. Elle posa son sac sur une table, et se retourna pour dévisager la députée que tout le monde s'arrachait. Et à cette seconde, elle se demandait vraiment pourquoi.
« Granger... J'espère que quelqu'un est mort, sinon tu n'as aucune excuse pour être dans cet état ! Tu ne crois pas que tu en fais un peu trop ? »
Hermione soupira avec fatalisme, et referma la porte. Elle se sentait beaucoup trop abattue pour se défendre face à cette envahisseuse. Elle n'avait même plus goût à la joute verbale. Elle se laissa donc tomber sur une chaise, et croqua négligemment dans un biscuit. Parkinson finirait bien par se lasser, et partir. Elle mastiqua donc avec application, sans se donner la peine de répondre.
« Arrête de manger ces trucs, enfin ! s'agaça Pansy, en levant les bras au ciel. »
Elle était venue mener une opération séduction de grande envergure pour rallier Granger à leur cause, elle voilà que la super-héroïne leur claquait entre les doigts. Au plus mauvais moment.
« Tu fais une dépression nerveuse, ou un truc comme ça ? se radoucit Parkinson, voyant que la méthode forte n'avait aucun effet. »
Hermione secoua la tête en signe de négation, et reprit sa mastication. Elle sentait bien que sa visiteuse était en train de perdre patience, et tout le monde savait que ce n'était pas du tout son point fort.
Mais contre toute attente, Pansy se résolut à s'asseoir en face d'elle et attrapa un biscuit. Elle l'étudia avec un air dédaigneux, mais croqua dedans du bout des incisives. Cette situation étrange eut le mérite de tirer Hermione de sa torpeur une fraction de seconde, mais ce fut de courte durée. À peine une brève lueur dans ses yeux.
« Je sais pas ce qu'il se passe avec toi Granger, mais tu dois te ressaisir. La cérémonie est reportée à demain, mais c'est le bordel intégral là-dehors ! Est-ce que tu as au moins une petite idée de ce que tu vas faire ? »
Cette fois, Hermione foudroya du regard Parkinson. Comment osait-elle se pointer chez elle sans y avoir été invitée et lui imposer une telle pression ? Comment pouvaient ils tous penser, encore et encore, qu'elle avait toujours une solution à tout ? Qu'elle était prête en toute circonstance à affronter n'importe quelle situation périlleuse et à garder un mental d'acier ? Elle n'était pas un robot !
« Le problème, Parkinson, c'est que je n'ai aucune idée de ce qu'il faut faire pour réparer cette énorme, gigantesque, colossale erreur, lâcha Hermione. »
Pansy en échappa son biscuit, estomaquée.
Alors, c'était ça le problème. Granger était en train de paniquer, et regrettait sa prise de position. C'était un scénario qu'elle n'avait pas envisagé. Tout avait paru si naturel ! Elle n'avait fait que réagir aux événements de la façon la plus normale et compréhensible possible.
« Ne me dis pas que tu regrettes d'avoir envoyé promener tous ces abrutis à l'ego surdimensionné qui ne te prenaient pas suffisamment au sérieux ! Granger, pas toi ! T'as vu ce qu'ils ont fait ? Tu mérites mieux que ça ! s'offusqua Parkinson, qui se retenait de ne pas réduire son gâteau en miettes. »
Hermione la regarda sans répondre, placide.
« Je mérite quoi ? De me rallier à un autre ego surdimensionné en la personne de Malefoy, c'est ça ? Je crois qu'il vaut mieux que tu t'en ailles, maintenant. »
Parkinson accusa le coup, et des miettes s'échappèrent de son poing serré. Elle ne pouvait pas repartir bredouille comme ça. Alors elle ravala sa fureur et le léger malaise que la répartie de Granger venait de causer dans ses propres certitudes. Elle ne pouvait pas nier que Drago était un despote narcissique. Seulement, il avait promis, ils avaient un plan, et c'était son ami. Elle ne pouvait pas laisser Granger ruiner tous leurs efforts.
« C'est vrai, je suis venue te convaincre de nous rejoindre, concéda t-elle. Mais pas pour repartir sur les mêmes bases avec d'autres personnes ! On ne reproduira pas cette hiérarchie écrasante. Tu seras libre de tes opinions, Drago s'est engagé à ne pas se laisser aller à ses penchants tyranniques et je peux t'assurer que j'y veillerai. Tu crois que je serais partie de mon propre groupe pour lui, si je n'avais pas eu la certitude de pouvoir faire bouger enfin les choses, à ma manière, en étant épaulée et écoutée ? répliqua la serpentard, qui agitait beaucoup les mains pour donner vie à ses propos. On ne veut pas devenir un de ces partis qui imposent une même voix à tous ses membres. On veut faire autrement ! Et je suis sure que toi aussi, tu aimerais que la politique ne soit pas qu'une lutte de pouvoir qui nous éloigne de ce qui importe vraiment. En plus, les membres de ton groupe, laisse-moi rire... La moitié d'entre eux sont séniles, et dans ceux qui restent, bonjour... Brown est insipide, Thomas est fou, Joubert est incapable d'aligner trois mots sans faire un AVC... Ce ne sont pas tes amis, et je suis sûre que tu as plus de points communs avec nous qu'avec eux. On a la même vision des choses Granger. On est jeunes, c'est notre monde, c'est notre avenir et on est intelligents, au moins autant qu'eux. On se doit d'au moins essayer. De prendre le risque ! C'est plutôt votre trucs, à vous les chatons. Lance-toi Granger ! »
Parkinson s'arrêta, un peu essoufflée mais satisfaite de sa tirade. Elle-même aurait été convaincue par ces arguments pertinents et brillants, il n'y avait aucun doute possible. Drago allait être fier d'elle.
Mais Hermione était dure en affaires, et ne se laissait pas facilement persuader.
De toute façon, elle n'était pas prête à prendre la moindre décision. Le brouillard qui noyait son cerveau était épais. Elle bâtit des cils, et se massa les tempes. Pansy était forte, très forte. Elle avait instillé le doute dans son esprit déjà complètement embrouillé. A ce stade, Hermione ne savait même plus vraiment qui elle était.
Une progressiste ? Est-ce que le groupe méritait ne serait-ce que de porte ce nom, après tout ça ? Où était le progrès dans la haine qu'ils attisaient dans la population, et jusqu'à l'assemblée ? Dans la manière qu'avait Lupin de gérer ses troupes, en envoyant des lettres odieuses ? Dans cette humiliation publique qu'ils avaient orchestrée ?
Alors, qu'était-elle exactement ? Hermione se mordit violemment la lèvre, sous le regard inquiet de Parkinson qui observait les rouages du cerveau de la Gryffondor turbiner à toute vitesse, sans ne produire aucun résultat probant.
« Parkinson... je ne sais même pas quoi te répondre. C'est trop confus, avoua Hermione en s'autorisant une moue désolée.
- Je comprends, dit Pansy à leur grande surprise à toutes les deux. Écoute, prends le temps de réfléchir. Il te reste 24h... Je veux juste que tu saches qu'on t'offre une porte de sortie, et c'est une très grande et chouette porte. Penses-y."
Hermione hocha la tête, et raccompagna Pansy jusqu'à la porte. Comme elle ne savait pas très bien comment la saluer, et qu'elle avait assisté à son désespoir en se montrant compatissante... elle la serra dans ses bras rapidement, et la relâcha avant que Pansy n'ait eu le temps d'éprouver de malaise. Puis elle referma la porte, laissant une Serpentard totalement étourdie sur le seuil. D'une part, elle était outrée de s'être montrée si patiente et agréable, puisque c'était contre sa nature profonde. Elle ne s'expliquait pas cette attitude de fragile sympathique. D'autre part, Granger lui avait fait un câlin. Un câlin. Ces Griffondors étaient écœurants.
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Hermione se força à avaler une salade en début d'après-midi, au moins pour ne pas ajouter un évanouissement à la liste de ses malheurs. Harry était passé avec Daphné, et ils avaient essayé d'atténuer l'ampleur de sa démission du mieux qu'ils pouvaient. Après tout, elle était Hermione Granger, et sa voix portait qu'elle fasse partie d'un groupe ou non. Daphné, qui avait probablement des informations par Zabini même si elle refusait de le reconnaître, semblait trouver que c'était une excellente idée de rejoindre les Non-alignés. Plus dubitatif, Harry s'interrogeait surtout sur l'attitude détestable de Rémus. Ron était passé lui aussi, envoyé par Astoria qui "tenait le fort" comme elle disait ; la jeune femme répondait aux courriers et colmatait les brèches du mieux qu'elle pouvait. Hermione se sentait un peu coupable de l'avoir abandonnée comme ça, mais en l'état, elle n'était utile pour personne. A commencer par elle-même.
"Merlin, Hermy... ces gens ils te méritent pas ! T'as qu'à faire ton propre groupe, comme quand t'as créé la S.A.L.E... Sauf que cette fois, ça marchera. Je veux dire, des gens vont s'inscrire quoi, et... Mais non, pleure pas ! Olala, pardon..."
Autant dire que Ron ne s'était pas montré d'une grande utilité non plus.
Ensuite, Ginny et Luna étaient venues lui apporter un pot de glace et une bouteille de vin, qu'elles avaient placée au frigo dans l'idée de revenir la boire le soir même, quand l'heure serait jugée décente. Elles avaient bien failli entamer la bouteille malgré tout lorsqu'elles avaient répété à Hermione que ses anciens alliés la traînaient dans la boue dans la presse, et qu'elles avaient vue la jeune femme à deux doigts de réduire en miettes son mobilier. Mais Hermione s'était contenue.
Au milieu de tout ça, et malgré l'infinie reconnaissance qu'elle ressentait pour ses amis... Hermione ne se sentait pas mieux. Elle se contentait de donner le change et d'essayer de les rassurer, même si aucun d'eux n'était vraiment dupe. Elle ne savait même pas pourquoi elle cachait les tourments qui l'agitaient réellement. Parce que ce qui était sûr, c'est que la situation ne se débloquait toujours pas. Elle ne voulait même pas lire la presse, ou voir ce qui se disait sur les réseaux sociaux sorciers. Elle avait jeté les courriers de Lupin, qui arrivaient à intervalles réguliers avec un hibou de plus en plus agressif. Elle avait renvoyé la beuglante de Thomas sans même l'ouvrir.
Elle n'avait ouvert que la lettre d'Abelforth Dumbledore, qui n'avait rédigé qu'une seule phrase : « ces gens n'ont de progressiste que le nom, je quitte le groupe et j'irai où tu iras (comme dit cette moldue québécoise) »
Hermione n'avait pu s'empêcher de pouffer malgré son état.
Puis elle avait poursuivi sa politique de l'autruche.
Vers 15h, devant une tasse de thé, elle fit un progrès capital. Cela lui sauta au yeux comme une évidence, aussi clairement que le miroir du Riséd l'aurait fait. Elle le pouvait pas se renier, se trahir, abandonner sa fierté et ses idéaux. Elle en mourrait. La conséquence directe de ça... C'est qu'elle ne pouvait décemment pas revenir dans le groupe dirigé par Lupin. Ce serait ça, son humiliation publique : revenir en rampant demander à des gens de l'accepter dans leurs rangs. Ravaler sa rancœur. Oublier le fossé qui s'était creusé insidieusement jusqu'à devenir un énorme canyon. Non, Hermione ne pouvait plus faire marche arrière.
Et elle repensa à Albelforth, et à Céline. Qu'importe la place et qu'importe l'endroit, elle ferait son travail de députée. Elle n'abandonnerait pas.
C'est ce moment là que choisit le patronus de Lupin pour pénétrer bruyamment dans son appartement.
« Tu me déçois profondément. J'exige des excuses publiques pour ce que tu as fait à l'assemblée, tu as jusqu'à ce soir. Passé ce délai, tu seras virée. »
Paradoxalement, Lupin simplifiait sa décision. Hermione redressa le menton face au patronus, et lui lança un doigt d'honneur. Ça ne servait strictement à rien, mais ça avait au moins le mérite de la soulager. Tout à coup revigorée, elle fonça sous la douche, enfila son tailleur le plus strict, se coiffa soigneusement, et empoigna son sac. Puisqu'elle devait affronter cette situation au lieu de la fuir, autant mettre tous les atouts de son côté.
Elle transplanna donc à son QG, où elle retrouva une Astoria surmenée. Assise à son bureau, elle disparaissait derrière une montagne de missives, de documents, et même de colis. Elle écrivait à une vitesse effrénée sur un parchemin, tout en parlant au téléphone, et repoussait de son pied un hibou qui essayait de lui picorer le mollet. Lorsqu'elle remarqua que la star du jour était enfin sortie de sa dépression - et de sa caverne, elle raccrocha abruptement et se leva d'un bond.
« Qu'est-ce qu'on fait, Hermione ? demanda directement son assistante, clairement alarmée par cette situation. J'ai passé la journée à dire à tout le monde que tu refusais de répondre aux sollicitations pour le moment, et que tu reviendrais vers eux... Je me suis faite insulter, Hermione. Ils sont devenus fous. Tu as lu les journaux ? Des députés conservateurs se sont battus dans un pub... Des militants progressistes ont foncé sur des journalistes en voiture, mais les ont loupé de peu. Apparemment, ils n'avaient jamais conduit de véhicule moldu, alors ils ont prétendu ne pas avoir fait exprès... Lupin t'a envoyé cinq lettres ! Karacter a menacé de démissionner en direct à la télévision... Et Laura est passée, elle t'a laissé une note... Ah, tant que j'y pense, Parkinson t'a envoyé une boîte de Xanax et des biscuits au chocolat, je n'ai pas trop compris le message."
Hermione hocha la tête, engrangeant la masse d'informations qui lui parvenaient. Elle s'était terrée trop longtemps, il était temps de reprendre en main cette situation cauchemardesque.
"On doit établir un plan de bataille. Lupin se croit en guerre, je vais lui en donner. Mais d'abord, je vais officiellement démissionner. Donne-moi ma plume. »
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La nuit était tombée sur Londres depuis un long moment, et Hermione et Astoria planchaient toujours sur leur plan de bataille. Elles avaient ensorcelé un immense tableau noir, sur lequel elles faisaient apparaitre des arguments pour chaque possibilité.
Possibilité un : revenir chez les progressistes. Autant dire que les arguments en faveur de cette hypothèse étaient minces. A tel point qu'Hermione avait noté "excellente machine à café" et "les photocopies sont remboursées" dans la liste, preuve qu'elle ne voyait que d'infimes avantages à renier ses principes.
Possibilité deux : créer son propre groupe. L'obstacle principal ici était qu'il fallait demander une procédure spéciale, puisque les noms de groupe avaient déjà été déposés, et le délai dépassé. Et puis, il lui fallait trouver neuf partenaires pendant la nuit, ce qui pouvait poser problème même à quelqu'un de très motivé comme Hermione Granger.
Possibilité trois : rejoindre les conservateurs. Astoria avait simplement écrit trois lettres, résumant l'absurdité de cette idée. "LOL".
Possibilité quatre : accepter la proposition de Parkinson et convoler gaiement avec Malefoy et sa clique. Malheureusement, au grand dam d'Hermione, le nombre d'arguments en faveur de cette idée s'accumulait, les petits tirets s'empilaient sur la liste, menaçant de déborder du tableau. Le constat était terrible. Sa meilleure option, à l'heure actuelle, était de demander l'asile politique à son meilleur ennemi.
"Ajoutons que Malefoy est doté d'un charisme indubitable et d'une grande force de persuasion, il aura du poids à l'assemblée, lança Astoria.
- Tu veux aussi que je note "ma secrétaire fantasme secrètement sur Malefoy" dans la liste des pour ? grogna Hermione. Je crois qu'on a suffisamment d'éléments. Ça sert à rien de continuer à faire l'éloge des Non-alignés."
Astoria se lança dans un vif applaudissement, avant de s'interrompre face au regard sombre de sa patronne. Elle devait calmer son enthousiasme, il était trop tôt pour qu'Hermione accepte de changer de camps dans la joie. Pour elle, c'était différent. Elle avait toujours trouvé les collègues d'Hermione fades, médiocres, peu aventureux. Clairement pas à la hauteur des ambitions et du talent de sa patronne, qui devait constamment se battre contre eux pour faire bouger quoi que ce soit. Hermione semblait accepter l'idée que cela faisait partie du jeu, mais pas Astoria, qui détestait perdre du temps. Alors, même si elle doutait des capacités des non-alignés à s'imposer et à être pris aux sérieux, elle préférait intégrer leur groupe. Au moins, ils osaient. Et Astoria savait qu'à un certain point, Hermione s'en apercevrait.
"Alors, ta décision est prise ? Tu vas l'annoncer toi-même, ou demander à Malefoy de le faire ?"
Hermione écarquilla les yeux, effarée. Demander un service à Malefoy, qui impliquait pour lui une parade devant les caméras ? Double peine pour elle.
"Certainement pas, je vais l'annoncer moi-même ! Mes électeurs ont besoin de comprendre pourquoi je pars, et que je n'ai pas changé pour autant. Et puis, surtout, je veux rester indépendante. Hors de question que Malefoy laisse penser qu'il m'a emprisonnée dans son truc comme un trophée. Non, je vais préparer un discours, et demander aux gens de me faire confiance, débita la jeune femme en fouillant le capharnaüm du bureau pour mettre la main sur une plume.
- J'invite les journalistes pour demain, alors ? suggéra Astoria, un petit sourire en coin, ravie de la tournure des évènements.
- Oui, on les préviendra à la première heure demain matin, confirma Hermione, qui préparait déjà mentalement son discours."
Un bruit sec contre la porte les stoppa net, et le juron qui suivit leur fit froncer les sourcils. Quelqu'un venait de se cogner contre la porte du QG.
"Ça doit être Ron, gloussa Astoria en levant les yeux au ciel, habituée aux maladresses de son petit ami."
Elle s'avança donc vers la porte, le sourire aux lèvres, et ne put masquer un mouvement de recul en l'ouvrant.
"Bonsoir, Mesdames, lança Drago Malefoy en entrant prestement dans la pièce sans attendre d'y avoir été invité."
Il retira sa cape d'un mouvement sec du bras, la balança sur le dossier d'une chaise, et redressa le menton d'un air un peu sauvage. Ses sourcils étaient froncés et faisaient apparaitre une petite ride sur son front. Une de ses veines palpitait sur sa tempe, la même que lorsque Dean Thomas l'avait affronté dans l'hémicycle. Hermione en déduisit qu'il devait être particulièrement tendu, ce qui n'était pas étonnant au vu des circonstances. D'ailleurs, elle remarqua que ses lèvres étaient légèrement pincées, et que ses narines palpitaient un peu quand il inspirait.
Astoria, qui attendait que les deux aient fini de s'observer pour amorcer le moindre mouvement, finit par abdiquer au bout de deux longues minutes et se laissa tomber sur le canapé. L'air était devenu électrique, la tension était palpable. Ils campaient sur leurs pieds et se dévisageaient, elle d'un air curieux, lui d'un air impatient.
"Il faut qu'on parle sérieusement., finit par lâcher Malefoy. Qui faut-il culbuter ici pour avoir une verre de whisky ?
- Tu as failli tomber, en arrivant ? répondit Hermione d'un ton neutre, en lui remplissant un verre d'eau."
Malefoy accusa la coup, dévasté d'avoir été pris en flagrant délit de maladresse par Granger, qui était certes très agaçante mais restait une héroïne de guerre dont l'agilité n'était plus à prouver.
"Cette maudite cape est trop longue, j'ai trébuché, marmonna-t-il en s'emparant du verre qu'elle lui tendait."
Il fronça le nez en étudiant son contenu, mais décida de ne pas faire d'esclandre. Il était là en opération séduction, puisque Pansy avait lamentablement échoué le matin même. Alors il bomba le torse pour faire oublier son accident de cape, et planta ses yeux gris dans les prunelles noisette de sa collègue.
"Nous devons parler de... commença-t-il avant de se taire brusquement."
Il haussa un sourcil étonné, et un des coins de sa bouche se releva dans un rictus goguenard.
"Tiens, finalement je n'aurais pas besoin de déployer mes talents de persuasion, ta décision semble être déjà prise..."
Hermione se glaça en comprenant de quoi il parlait, et ne put que regarder Astoria foncer sur le tableau noir pour le recouvrir d'un rideau. Mais trop tard, le mal était fait.
"Je n'ai eu le temps que de lire que nous étions un groupe jeune, et que j'étais charismatique, regretta Malefoy, qui s'amusait beaucoup."
De plus en plus, à vrai dire. A mesure qu'Hermione se décomposait et rougissait de gêne et d'agacement, il sentait se déployer en lui toute son assurance. Elle considérait très sérieusement de les rejoindre, la partie était gagnée, et il n'avait donc pas à s'abaisser pour la persuader. Il détestait faire des courbettes et montrer aux autres qu'il avait besoin d'eux, alors vraiment, ce tableau tombait à pic.
Malefoy redressa fièrement le menton et tira sur son nœud de cravate pour le détendre un peu. Extatique. Voilà, il était extatique et extrêmement satisfait.
"C'était les seules choses positives à ton sujet, tu as eu beaucoup de chance de les lire parmi tous les inconvénients que nous avons listés, persiffla Hermione.
- Allons Granger, j'ai menti, tu t'en doutes. J'ai eu le temps de lire beaucoup plus de choses, répliqua Drago en lui faisant un clin d'œil."
Embarrassée, Hermione commença à s'empourprer et se mit à danser d'un pied sur l'autre.
"Très bien, ça suffit ! le coupa-t-elle. J'accepte. Mais j'ai des conditions."
Malefoy haussa un sourcil, et retira ses gants avec une lenteur exaspérante. Il avait bien conscience d'avoir repris le dessus, et tirait un malin plaisir à jouer avec les nerfs de la jeune femme. Qui tapait du pied par terre.
"Je t'écoute, Granger. Qu'est-ce que tu veux, une carte de bibliothèque version gold ? Une équipe de subalternes pour écrire tes projets de lois ? Des fonds pour te lancer dans la charité ?
- Rien de tout ça, Malefoy ! le coupa Hermione en levant une main en l'air."
Drago réalisa avec stupeur qu'à cet instant, elle ressemblait férocement à Minerva McGonagall, et c'était assez intimidant.
"Je veux être sûre de garder ma liberté d'action, même dans votre groupe. Je ne veux pas me plier à nouveau à des ordres stupides et défendre des choses en lesquelles je ne crois pas. Et par-dessus tout, je ne veux pas t'obéir à toi, je ne serai jamais à ta botte Malefoy."
Hermione lui lança une œillade farouche, et attendit d'être renvoyée dans les cordes. Mais le blond la fixait, ses gants à la main, et après un silence interminable, finit par hausser les épaules.
"Comme tous les membres de ce groupe, Granger, tu es là de ton plein gré, et tu es libre de tes actes. Bien sûr, il y aura des limites à ne pas franchir. Pour que chacun comprenne bien quelle est sa place, on rédigera une charte tous ensemble au plus vite, et chacun la signera. Est-ce que ça te convient ?"
A la mention du mot "charte", Astoria comprit que Malefoy avait définitivement remporté la partie. Sa patronne avait besoin d'un cadre, de règles, et il les lui servait sur un plateau. Avec un hochement de tête appréciateur, Astoria reconnut que ce fourbe de Drago Malefoy avait bien préparé son coup.
"Sur le principe, oui, ça me convient, répondit Hermione. Mais qui est dans ce groupe, exactement ? Hors de question que je m'associe avec n'importe qui.
- Tu veux dire, comme avec un fils de mangemort ? marmonna Malefoy."
Face à l'air ahuri de sa nouvelle collègue, qui ne comprenait définitivement pas son humour décalé, il se racla la gorge et reprit :
"Je te communiquerai la liste des membres dans la matinée, il va s'en dire qu'elle est confidentielle jusqu'à la cérémonie. Tu n'auras qu'à venir la chercher au siège, comme ça tu pourras prendre possession de ton nouveau bureau.
- Mon nouveau bureau ? sursauta Hermione avant de déglutir avec difficulté.
- Je t'ai connue plus vive d'esprit que ça, Granger. Tu ne croyais quand même pas que les Non-alignés allaient se contenter de pourrir dans les locaux insalubres disséminés un peu partout à travers la ville ! expliqua Malefoy en fronçant le nez d'un ai très aristocrate. J'ai acheté un penthouse. On sera tous au même endroit, ça nous facilitera le travail.
- Un penthouse ? grimaça Hermione en cherchant le soutient d'Astoria du regard.
- Mille mètre carrés de bureaux, avec un espace commun pour qu'on puisse échanger. Il y aura de la place pour tes bibliothèques, ne fais pas cette tête d'hippogriffe. Le penthouse est entre le Ministère de la magie et l'Assemblée, c'est idéal. Rien de trop clinquant, ne t'en fais pas.
- Clinquant... Mais... bafouilla Hermione, qui avait l'impression de s'enfoncer un peu plus dans un marécage poisseux au fur et à mesure que Malefoy déblatérait avec son air si fier de lui.
- Tu vas arrêter de répéter tout ce que je dis, ou c'est une sorte de jeu que pratiquent les Gryffondors entre eux ? Si c'est le cas, il fallait me briefer, je ne suis pas contre un peu de distraction.
- Tu crois vraiment que c'est une bonne idée de travailler dans un penthouse luxueux dans les beaux quartiers quand on est des représentants du peuple sorcier ?
- Peuple sorcier, répéta Malefoy.
- Qu'est-ce que... Non mais je suis sérieuse, là. Pourquoi t'as pas acheté un manoir, tant qu'à faire ?
- Manoir, répéta Malefoy, imperturbable.
- Astoria, fais quelque chose, sinon tu vas devoir m'aider à faire disparaitre un cadavre dans les minutes qui viennent.
- Cadavre, gloussa Malefoy."
Hermione serra les poings, bien consciente qu'il était en train de fuir la discussion en essayant de la faire sortir de ses gonds. Il n'y avait qu'à le regarder pour s'en apercevoir ; il se retenait visiblement à grand peine de rire, un sourcil relevé en arc au-dessus de son œil de glace.
"Très bien, continue à éviter le sujet. Ça m'est égal. Je reste ici, décréta la jeune femme en croisant les bras contre sa poitrine.
- Oh ça, certainement pas, la contredit Malefoy en dégainant sa baguette."
Il fit apparaitre des cartons devant lui, et agita sa baguette dans tous les sens pour y faire entrer tout un tas d'objets hétéroclites. Effarée, Hermione vit passer sous ses yeux des piles de dossiers, des plantes, son fauteuil préféré et même ses tenues de rechange, qui venaient se ranger en sifflant dans les cartons. Malefoy était littéralement en train de vider son bureau, faisant tournoyer sa baguette dans toutes les directions.
"Mais qu'est-ce que tu crois que tu es en train de faire ! s'interposa Hermione en essayant d'attraper au vol quelques-un de ses livres.
- Je te fais gagner du temps, expliqua Malefoy comme s'il énonçait une évidence. C'est non négociable Granger, tous les Non-alignés viennent.
- Astoria, fais quelque chose ! la supplia Hermione en sautillant, bras écartés, pour tenter d'atteindre son diplôme d'Oxford qui lévitait au dessus de sa tête.
- Bof, c'est plutôt sympa de sa part de nous aider à ranger... Pourquoi on irait pas dans des locaux plus spacieux, avec tes nouveaux collègues ? Ce serait plus sympa, argumenta Astoria en aidant Malefoy à refermer les cartons à coup de ruban adhésif.
- Mais arrêtez ! Arrêtez ! hurla Hermione en sortant sa baguette à son tour."
Elle menaça immédiatement Malefoy avec, qui abaissa son bras d'un air irrité. Le manège des objets s'arrêta aussi sec, et ils restèrent suspendus en l'air, flottant dans l'attente d'un ordre.
"Tu joues déjà les tyrans, alors que je n'ai pas officiellement rejoint ce groupe ! protesta Hermione, écarlate.
- C'est une condition non négociable, je te l'ai dit Granger, expliqua calmement Malefoy. Je veux faire de la politique autrement, je veux qu'on collabore au quotidien tous ensemble, et qu'on s'entraide. On est une équipe, une vraie. Et pour ça on a besoin d'être sous le même toit pour travailler. Comment veux-tu qu'on établisse des stratégies ensemble et qu'on prépare des lois si on ne se côtoie pas ?"
Hermione abaissa sa baguette, songeuse. Aussi difficile que ce soit pour elle de l'admettre, il marquait un point. C'est précisément ce qui avait conduit les Progressistes à leur perte : ils avaient passé leurs temps à avancer chacun de leur côté, à s'éviter, à fomenter des coups les uns contre les autres. Leur groupe s'était disloqué devant les ambitions individuelles.
La jeune femme jaugea le Serpentard dressé en face d'elle, au milieu d'un océan de cartons. Elle haïssait qu'on prenne des décisions qui la concernaient à sa place. Même quand elles étaient bonnes.
"Je veux un bureau qui ferme à clef. Je veux pouvoir entrer et sortir quand bon me semble pour aller où je veux, sans avoir à en avertir qui que ce soit. Je veux que mon courrier arrive sur mon bureau sans que personne d'autre n'y touche. Je veux pouvoir recevoir qui je veux sans demander d'autorisation, énuméra Hermione.
- Ok, répondit simplement Malefoy en levant les yeux au ciel."
Il n'en revenait pas qu'elle fasse un tel mélodrame pour rejoindre son merveilleux penthouse qui, en plus d'être incroyablement beau et décoré avec goût, possédait une vue à couper le souffle sur la Tamise, un réseau de cheminées sécurisé, un concierge, et un accès au toit qui leur permettrait de transplanner. Tout ça parce que madame faisait semblant d'être pauvre, pour paraitre proche de son foutu peuple sorcier. Quelle hypocrisie. Drago se promit de lui pointer du doigt cette incohérence dès qu'elle se serait calmée.
"Bien, finissons ces cartons, conclut Hermione en commençant elle aussi à faire voler ses précieux livres à travers la pièce."
C'est sur cette scène digne de Merlin l'enchanteur que s'achève ce chapitre ! Bon, j'espère quand même que vous visualisez un député Drago un peu plus sexy que Merlin.
Que pensez-vous de la décision d'Hermione de rejoindre les Non-alignés ? Est-ce que notre petite Pansy a bien fait son travail de persuasion ? Et comment vous imaginez les futurs bureaux du groupe ?
Merci encore à celles et ceux qui prennent le temps de laisser une review, je réponds à celles du chapitre précédent au plus vite. Comme j'étais très en retard sur la publication, j'ai préféré poster en priorité.
