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Disclaimer : Tout est à JKR, lieux, personnages -sauf certains que vous reconnaîtrez aisément- créatures, etc je ne tire aucun bénéfice de cette histoire, si ce n'est celui du plaisir que je prends à écrire et faire partager ce que j'écris… Bonne lecture.


Un petit point de grammaire : Serpentard ne prend pas de « s » car c'est un nom propre, et non un adjectif, et en français, les noms propres sont invariables. Les Serpentard, une contraction pour : les représentants de la Maison de Salazar Serpentard… (idem pour les Gryffondor, les Poufsouffle, et les Serdaigle…)


Chapitre 190

Aux Heures les plus Sombres

…….

Ginny roula sa robe de sorcière en boule et l'enfonça tout au fond du placard. Elle ramena à elle la cape d'invisibilité et la Carte du Maraudeur en s'efforçant de faire taire cette petite voix derrière son oreille, qui ressemblait tellement à celle de Ron qu'elle refusait de l'entendre.

Ce n'était qu'une escapade de rien du tout. A peine une heure ou deux, le temps d'avoir des nouvelles de Gerry. Oui, elle serait prudente. Et non, elle n'était pas inconsciente. Elle n'irait pas à Pré-au-Lard. Du moins, pas vraiment.

Elle s'était laissée convaincre par les conclusions d'Ellie. Oui, Gerry Dennis se cachait des suppôts de Celui-Dont-On-ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Oui, il était toujours à Pré-au-Lard pour servir de sentinelle à la Brigade. Et où se cacher à Pré-au-Lard mieux que dans la Cabane Hurlante ? C'était un observatoire idéal et une cachette qui avait fait ses preuves. Mais pourquoi refusait-il de lui dire où il se trouvait ? Pourquoi ne voulait-il pas la tenir au courant de ce qu'il faisait ? Il était recherché par les mangemorts ? La belle affaire ! Toute sa famille l'était aussi. Il y avait longtemps qu'elle savait ce que c'était que de se cacher. Il était tenu au secret ? Et alors ? Elle savait plus de secrets concernant la lutte contre Voldemort qu'il ne pourrait jamais en apprendre ! Il était en danger de mort ? Comme tout le monde ! Il voulait la protéger ? Il était temps de lui rappeler qu'elle avait participé à maintes batailles depuis qu'elle était entrée à Poudlard. La mort, elle l'avait frôlée à maintes reprises. Elle n'était pas de celles qui se cachaient les yeux à l'approche du danger. La vérité de ce qui les attendait ne lui faisait pas peur. Elle était une Gryffondor, par Merlin ! Et une Weasley, par-dessus le marché ! Et le sang des Prewett coulait dans ses veines ! Qu'il se mît cela en tête ! Et s'il fallait le lui répéter, elle irait le faire face à face !

Et puis, elle n'en pouvait plus de ce silence et de cette attente. De cette ignorance où on les tenait, volontairement ou non. Elle enviait Ron qui pouvait au moins déverser sur Viktor tout le fiel de sa frustration. Qui pourrait-elle rendre responsable de son malaise, sinon Gerry qui s'imaginait que son silence pourrait éloigner la tempête qui les menaçaient tous ?

Elle ouvrit la Carte et laissa passer la colère qui l'étreignait. Elle murmura l'incantation et le plan de Poudlard s'anima sous ses yeux. Le couloir du deuxième étage était vide. Cependant, elle devrait se montrer prudente dans les escaliers. Les élèves descendaient, pour la plupart, vers le rez-de-chaussée pour assister au Tournoi. Ron, Ellie, Harry attendaient déjà dans la salle des Quatre Maisons. Hermione… Où était Hermione ? Le cœur de Ginny fit un bond dans sa poitrine. Hermione était dans le couloir… Si elle entrait… Non… Elle continuait son chemin vers les escaliers… Il était temps de quitter la place. Elle prit la cape et la posa sur ses épaules. Elle repliait la carte quand son regard fut attiré par le nom de Malefoy, entre le troisième et le quatrième étage. Il était suivi par Pattenrond et précédé par Miss Teigne. Elle parcourut en souriant les alentours, cherchant Peeves, sans le trouver. Il ne devait sans doute pas être loin, puisque Malefoy se trouvait dans les parages. Elle fit glisser la cape sur ses cheveux et mit la carte dans sa poche, avec les trois éprouvettes de poudre d'estourbinette qu'elle venait de subtiliser, après une ultime vérification. La voie était libre. Elle ouvrit la porte et sortit du laboratoire avec précautions.

Dans les escaliers, elle retint son souffle. Elle avait rattrapé Hermione qui descendait lentement, perdue dans de profondes réflexions. Un bruit de pas rapides derrière elle l'alerta juste à temps. Elle se poussa contre le mur pour laisser passer Viktor Krum qui dévalait l'escalier en appelant Hermione.

La préfète se tourna vers le professeur, un sourire tendu aux lèvres.

- Oui… ? Professeur ?

- Hermione, je voudrais te voir avant que tu partes…

- Je ne suis pas sûre de partir, Professeur…

Ginny n'osait bouger. A peine s'autorisait-elle à respirer. Elle serrait la cape tout contre elle, alors qu'elle s'aplatissait contre le mur pour laisser la place aux élèves qui montaient ou descendaient par moment. Elle les entendait chuchoter les noms de Krum et de Granger.

- Tu as raison, Viktor, il faut que nous ayons une explication tous les deux… Mais pas ici.

- Dans mon bureau ?

Viktor et Hermione rebroussèrent chemin vers le deuxième étage. Ginny soupira à la fois de soulagement et pour reprendre son souffle suspendu.

Enfin ! Enfin, Hermione se trouvait au pied du mur. Elle allait régler cette histoire et tout irait beaucoup mieux. Peut-être même que Ron en serait tellement heureux qu'il cesserait de se comporter comme un imbécile… Ginny secoua la tête. Non, il fallait rester lucide et réaliste. Elle se remit en route jusqu'au rez-de-chaussée.

Elle choisit de prendre la petite porte sous l'escalier pour plus de discrétion. Par ce temps, personne n'aurait l'idée saugrenue de se rendre aux jardins. Elle vérifia quand même sur la carte qu'elle ne risquait de rencontrer personne. Elle garda la cape sur la tête, au cas où la Dame Grise ferait une apparition en son domaine. Elle ne croisa personne et fila aussi vite qu'elle le pouvait vers le parc.

Il faisait sombre déjà et pourtant ce n'était pas encore l'heure de la tombée de la nuit. Elle frissonna, tout en ayant conscience que ce n'était pas de froid. Durant une seconde, elle hésita. La voix derrière son oreille lui hurlait de rebrousser chemin. Elle avança sur le sentier, vers les serres, d'un pas qu'elle voulait ferme.

L'eau du lac était plus noire que jamais. Le ciel se couvrait de nuages menaçants. L'air qu'elle respirait se faisait plus froid et douloureux à inspirer au fur et à mesure qu'elle approchait du saule cogneur. Elle sortit sa baguette et ouvrit à peine la cape pour lancer un sortilège sur une branche morte qu'elle appuya sur le nœud du tronc. Le saule resta endormi. Elle se glissa sous les branches, jusqu'à l'entrée du passage. Elle s'efforça de chasser l'émotion étrange qui l'empêchait d'aller plus loin. Elle faillit oublier d'enlever la branche qui bloquait le saule. Une dernière fois, elle sortit la carte, pour vérifier qu'on ne l'avait pas suivie. Tout le monde, ou presque, devait être réuni dans la Salle des Quatre Maisons. Presque tout le monde y était, en effet. Sauf ceux qui auraient du s'y trouver impérativement. Elle les chercha dans le parc, sans les trouver. Elle ne sut si elle était soulagée. Elle reporta son attention sur le château. Au deuxième étage. Ah ! Ils étaient là. Dans le bureau de Viktor. Une sourde inquiétude l'effleura quelques secondes. Mais Harry était là aussi. Il ne pouvait rien se passer de grave si Harry était là. Il empêcherait Ron de faire des bêtises… Elle referma la carte, pour rester sur cette conviction. Après tout, ce n'était pas son problème. C'était celui de Ron. Et peut-être que cela deviendrait celui de Malefoy quand son frère sortirait du bureau de Krum et qu'il le trouverait sur son passage. Elle rangea la carte dans sa poche et posa le pied sur la première marche qui s'enfonçait dans l'obscurité.

Le chemin parut long à Ginny. Très long. Bien plus long que lorsqu'elle se rendait à ses visites à Remus. Elle progressait lentement, dans le noir, car elle n'avait pas voulu allumer sa baguette. Elle écoutait la nuit, s'arrêtant à chaque bruit, avant de se rendre compte que ce n'était que l'écho de ses propres pas. Elle se forçait à marcher moins vite, et plus précautionneusement.

Enfin, elle sentit le sol commencer à remonter sous ses pas. Le mur sous ses doigts devenait moins humide. Elle savait qu'elle n'allait pas tarder à rencontrer la première marche qui la mènerait du sous-sol au rez-de-chaussée de la cabane.

Le pouls un peu rapide, Ginny montait les marches tout en se disant qu'il n'était plus temps de faire demi tour de toutes façons. Elle dirait sa façon de penser à Gerry et elle retournerait au château se préparer pour le bal après avoir informé cette tête de mule de Gerry qu'elle s'y rendrait avec Dean. Cela lui ferait les pieds. Cela lui apprendrait à la traiter comme une enfant.

Elle s'arrêta en haut des marches, les sens aux aguets. Une odeur de nourriture lui parvenait du palier au-dessus. Elle sourit pour elle-même, esquissant un geste de victoire. Ses doutes s'envolèrent. Elle mit le pied sur la dernière marche et ouvrit la porte qui donnait sur l'entresol.

Elle ôta la cape de sa tête, mais la garda sur elle, au cas où… Elle sortit sur le rez-de-chaussée et fit un pas dans le couloir. Un courant d'air ascendant l'aspira vers le plafond. Elle se retrouva la tête en bas, suspendue dans les airs, les bras collés au corps. La cape glissa de ses épaules sans qu'elle pût la retenir, ni l'attirer à elle de sa baguette. Elle se retint de crier, se contentant de pester et de pester encore.

- On a attrapé quelque chose ! cria une voix à l'étage.

- Ce n'est pas possible ! répondit une autre. Personne ne peut entrer ici sans déclencher les systèmes de détection des intrus…

- Je descends voir !

- Fais attention ! ils sont peut-être plusieurs… je viens avec toi !

Ginny ragea, donna des coups de pieds au plafond, en vain. Elle tourna la tête pour essayer de voir au travers du rideau rouge de ses cheveux qui tombaient devant son visage. Le sang bourdonnait à ses oreilles. Elle n'entendait plus rien que les battements désordonnés de son cœur et cette petite voix, qui était peut-être bien celle de Ron en fin de compte, qui lui murmurait qu'elle le lui avait bien dit.

- Waaaaa ! Jolie prise ! Qu'est-ce que tu en dis, Lee ?

- J'en dis que ce serait une Weasley que ça m'étonnerait pas !

- Si tu ne me fais pas descendre immédiatement, je te promets le chauve-furie le plus cuisant que j'ai jamais envoyé, Lee Jordan ! jura Ginny dans un cri de soulagement.

- C'est bien une Weasley ! se mit à rire Lee Jordan. Attention Ginny, le choc risque d'être rude.

Ginny entendit une incantation. Elle se sentit tomber. Elle songea aux trois éprouvettes d'estourbinette dans sa poche. Elle hurla une insulte à Jordan qui se perdit dans un cri lorsqu'elle toucha le sol avec rudesse. Elle s'assit sur le sol, l'épaule douloureuse, et rejeta sa chevelure en arrière. Elle gratifia d'un long regard furibond les deux jeunes hommes qui la regardaient se redresser. Lee Jordan riait toujours. L'autre garçon s'avança vers elle pour lui tendre la main afin de l'aider à se relever. Elle refusa son aide d'un geste d'humeur.

- Tu te souviens de Danny Walters, Ginny ? Il était à Serdaigle il y a trois ans…

- Non !

Walters lui sourit avantageusement.

- Je ne pense pas que nous nous soyons rencontrés, en effet… Car si c'était le cas, moi, je m'en souviendrais…

Ginny ne daigna même pas lui accorder un regard. Elle ramassa la cape d'invisibilité et se tourna vers Lee tout en secouant ses vêtements poussiéreux.

- Qu'est-ce que vous faîtes ici ? demanda-t-elle avec hauteur.

- Dis donc, c'est plutôt à toi qu'il faudrait poser la question ! s'exclama Lee Jordan en riant.

- Mais qu'est-ce qui se passe ici ?

Ginny leva la tête vers le haut de l'escalier.

- J'aurais du m'en douter ! grogna-t-elle.

- On a de la visite, George ! répondit Lee.

George dévala les escaliers. Il se précipita vers sa sœur.

- Mais qu'est-ce que tu fiches ici ! cria-t-il. Tu devrais être à Londres à cette heure ! Pourquoi papa n'est-il pas allé vous chercher toi et Ronnie ?

- Je n'en sais rien ! Et de toutes façons, je ne serais pas partie ! Je passerai les vacances à Poudlard !

- Il s'agit bien des vacances, Ginny ! C'est ce soir que le grand encapuchonné va lancer ses troupes sur l'école !

- Vraiment ! s'écria Ginny avec colère. Je suis ravie de l'apprendre ! Et je suis sûre que ceux qui restent au château seront heureux de le savoir aussi !

Elle fit un pas en arrière, prête à courir à l'école pour donner l'alarme. George la retint vivement.

- Et où crois-tu aller comme ça, soeurette ?

- Mais… il faut avertir tout le monde…

- Il n'est pas question que tu retournes là-bas, Ginny !

- Mais… répéta Ginny.

Elle se tut cependant, inquiète soudain devant le visage sérieux de son frère.

- Où est Fred ? demanda-t-elle. Et as-tu des nouvelles de Gerry ?

George la poussa vers l'escalier :

- Tu connais le chemin, je crois…

Lee Jordan s'inclina devant elle et Walters lui montra la première marche avec déférence. Elle grogna quelque chose au sujet de chauve-furie qui se perdaient et commença à monter à l'étage.

Ginny se dirigea vers la chambre où elle et Harry avaient si souvent rendu visite à Remus. George la poussa en avant. Il sortit en même temps son miroir de sa poche :

- George... Tu as averti Dumbledore ? Bien… Qu'a-t-il dit ? Parfait… Nous sommes prêts…

- Qu'est-ce qui se passe ? demanda Ginny.

- Ça commence, répondit simplement George.

….

Il rangea le miroir dans la poche intérieure de son blouson en peau de dragon teint en noir. Ginny se rendit compte alors que Lee et Walters, qui les suivaient, étaient également vêtus de noir. George la fit entrer dans une pièce tout aussi décrépie que la chambre de Remus. Une table, des chaises, un réchaud de campagne, de quoi faire du thé et du café. Des boites de gâteaux vides, des assiettes sales dans une bassine posée dans un coin. Et contre le mur, sur une planche et des tréteaux, une sorte de bureau avec des parchemins déroulés. Le silence se fit dans la salle quand Ginny entra. Elle reconnut quelques uns de ses anciens camarades. Elle fit un signe à Angelina Johnson et salua à la cantonade. Le jeune homme penché sur les parchemins, qui tournait le dos à la porte, sursauta à sa voix.

- Ginny ? fit-il comme s'il ne voulait pas en croire ses yeux.

- Bonsoir, Gerry… fit Ginny.

Dennis bondit presque jusqu'à la porte, hésitant entre l'irritation et le ravissement.

- Mais qu'est-ce que tu fiches ici ? demanda-t-il à voix basse, conscient que tout le monde avait les yeux braqués sur lui et la jeune fille.

Elle haussa les épaules :

- Ho… tu sais ce que c'est, j'ai vu de la lumière, alors je suis entrée…

George donna une tape sur le crâne de sa sœur pour la faire avancer dans la pièce.

- Je t'assure que je n'ai rien dit ! se défendit Gerry auprès de son chef de brigade dont l'œil goguenard le fixait bizarrement –du moins, lui semblait-il.

- Ça va, Dennis, fit George. Je connais assez ma sœur pour savoir qu'elle n'a besoin d'aucun encouragement pour se mettre dans les pires situations…

Il frappa dans ses mains pour attirer l'attention de tous.

- Ecoutez-moi, je vous prie. J'ai reçu un message d'Olivier. Ça a commencé. Dennis, Angelina, faites passer le message. Lee, préviens le groupe. Qu'ils rappliquent dès maintenant. Dès l'appel des sentinelles nous nous mettrons en route.

Angelina et Dennis retournèrent à la table aux parchemins. Lee sortit un gallion de sa poche et le fit sauter sur son pouce avant d'appuyer sa baguette dessus. Walters lui fit signe qu'il se rendait ailleurs et deux ou trois autres que Ginny ne connaissait pas de nom –ni même de vue, le suivirent.

George l'emmena vers la table et lui fit signe de s'asseoir.

- Tu veux une tasse de thé ? proposa-t-il. Ça te réchauffera un peu.

Il se dirigea vers le réchaud sans attendre sa réponse et mit une bouilloire dessus. Ginny remarqua alors seulement qu'il boitait légèrement.

- Tu es blessé ? questionna-t-elle avec inquiétude.

- Ce n'est rien. Ça sera guéri dans quelques jours.

- Et Fred ?

- Il va bien. Il est à Pré-au-Lard… Enfin, je veux dire au village. Earl Grey ou Darjeeling ?

Ginny haussa les épaules.

- Je voudrais que tu m'expliques. Qui t'appelait ? Et qu'est-ce qui a commencé ?

- Je suppose que cela ne changera rien de te le dire… Assied-toi, Ginny, tu ne paieras pas plus cher…

Ginny se décida à obéir. George revenait vers la table, un mug dans chaque main et un sachet de thé dans chaque mug.

- C'est du thé moldu, ça ne vaut pas le vrai thé, mais on est en période de pénurie et plutôt mal placés pour faire les difficiles, pas vrai… Encore heureux qu'on peut en avoir par les membres de la brigade qui ont des attaches dans le monde moldu. Ça et le chocolat, c'est ce qui manque le plus. Nous, on se fournit chez les moldus pour nos chocogrenouilles rebondissantes… Mais avec toutes ces attaques de Détraqueurs un peu partout, le chocolat est devenu une denrée rare. Les gens se sont jetés dessus. Il y a eu des menaces de rupture de stock. Mais les fabricants moldus ont du faire fortune…

- George ! l'interrompit Ginny en retenant son impatience.

George fit venir à lui la bouilloire et versa l'eau bouillante dans les tasses avant de renvoyer l'ustensile sur le réchaud qu'il éteignit ensuite d'un coup de baguette.

- Désolé aussi pour la théière… fit-il sur une grimace. On en avait une mais Lee l'a cassée. On n'a même pas eu le temps de s'en servir.

Il poussa le sucrier devant sa sœur.

- On n'a pas de lait non plus.

Ginny poussa un long soupir d'exaspération.

- Je ne suis pas venue pour prendre le thé avec toi, George !

- Tiens, c'est vrai, ça… Pourquoi es-tu venue, au fait ?

Ginny mit trois cuillerées de sucre dans son mug et se mit à touiller sans relever la tête vers son frère.

- Je suis venue, se décida-t-elle enfin, sur un ton particulièrement énervé, pour vérifier une théorie. Et si on n'avait pas jugé bon de nous tenir dans l'ignorance de ce qui se tramait, je ne serais pas là à essayer de comprendre ce que vous pouvez bien faire tous ici ! Vous avez déménagé le QG de l'AD dans la Cabane ou quoi ?

- C'est à peu près cela, en effet, répondit George calmement.

- Pourquoi ?

- Parce que la boutique n'était plus très sûre. Elle est toujours surveillée d'ailleurs. Et elle sert toujours de relais. Seulement les réunions n'ont plus lieu là-bas. Elles ont lieu ici… Du moins, elles avaient lieu, car il semblerait que ce soir, nous vivions les dernières heures de la clandestinité. Quand l'aube se lèvera, ou nous serons vainqueurs, ou nous serons tous morts, et l'AD aura vécu ! Puisse-t-elle finir avec dignité et dans la gloire !

Il leva son mug et le cogna à celui de Ginny resté sur la table.

- Vous êtes là depuis quand ? interrogea la jeune fille.

- Dumbledore est venu trouver Fred mardi matin.

- Dumbledore ? s'étonna Ginny. A la boutique ?

- Oui, ce vieil Albus en personne… Bien sûr, il n'est pas entré à la boutique. Il est venu chez nous, à l'aube. Fred dormait encore. C'est Terry qui lui a ouvert la porte. Il a failli en tomber sur le…

- George ! Epargne-moi les détails, par pitié !

George but une gorgée de thé brûlant tandis que Gerry venait prendre place à côté de Ginny.

- Angelina s'en va retrouver Wood et la Brigade Volante, annonça-t-il. Elle lui transmettra les dernières consignes.

En effet, Angelina Johnson se tenait devant la porte, son balai à la main et saluait ses camarades d'un « Bon… A plus tard, j'espère… » qui fit frissonner Ginny. La jeune joueuse de Quidditch sortit de la pièce et on entendit son pas s'éloigner dans un silence recueilli.

- Elle ne transplane pas ? demanda Ginny, davantage pour chasser son malaise que parce que la question lui semblait d'une importance vitale.

- On a placé des sortilèges anti-transplanage quand nous sommes arrivés, expliqua George. Tu penses bien que la Cabane intéressait les mangemorts tout autant que nous.

- Mais ils peuvent essayer d'y entrer d'une autre manière… dit Ginny.

- Impossible, affirma George. Quand tu essaies de démonter les planches qui ferment les fenêtres ou bloquent la porte, tu les prends sur la tête quand ce n'est pas carrément dans la figure. Nous, on passe par la cheminée… Percy et papa sont au Ministère, avec Charlie et Bill en couverture. Je crois que Tonks doit les rejoindre dès que possible.

- Non, le coupa Dennis. Ils ont fait parvenir un message, il y a un instant. Je pensais que tu l'avais eu. Tonks et Bill Weasley ont été envoyés en renfort sur une attaque au sud de Londres. C'est Fleur Delacour qui est venue les remplacer au Ministère.

George hocha la tête.

- Je suppose que c'est la raison pour laquelle Papa n'est pas venu vous chercher, toi et Ronnie. S'ils sont en sous nombre au service du Réseau de Cheminette, il n'aura pas voulu laisser Percy tout seul.

Cependant, Ginny avait un peu pâli.

- Alors, c'est vrai, murmura-t-elle. Harry avait raison quand il disait que Voldemort faisait tout plein de diversions loin de Poudlard pour éloigner tout secours…

Gerry avait frissonné au nom de Voldemort et George fit une grimace, un peu impressionné toutefois. Dennis mit son bras autour des épaules de Ginny, comme pour la rassurer.

- Ne t'inquiète pas, petite sœur, répondit George. Nous sommes là. On peut toujours compter sur la Brigade Anonyme pour jouer les trouble-fêtes !

- Et où est Fred ? insista Ginny.

- A la Tête de Sanglier… Il a élu domicile dans la cave avec une escouade d'Anonymes… J'espère qu'ils n'auront pas fini la réserve de bièraubeurre… Terry Higgs est chez Honeyduke avec ses hommes…

Le visage de Ginny s'illumina :

- Vous allez arriver par les passages secrets ?

- On va essayer… fit George en levant sa tasse de thé. On va d'abord empêcher les mangemorts de prendre possession des passages…

- Alors c'est moi qui avais raison ! s'exclama sa sœur sans prendre garde à la suite de son intervention. J'en étais sûre ! C'est vous que la prophétie de Luna annonçait ! C'est vous qui portez l'espoir dans une main…

- On ne se bat pas avec de l'espoir, dit Gerry Dennis. On a plutôt intérêt à porter notre baguette dans une main et quelques autres babioles dans l'autre !

Ginny se mit à rire.

- Vous ne comprenez pas ! s'écria-t-elle. Mais cela ne fait rien.

Elle mit ses bras autour du cou de Dennis.

- Et bien sûr qu'on se bat avec l'espoir au cœur…

Elle embrassa les lèvres de Gerry avant de quitter sa place.

- Il faut que je rentre…

George releva vivement la tête.

- Non ! asséna-t-il. C'est trop dangereux.

- Il faut que je rentre au château, George, répéta Ginny.

- Non ! répéta George à son tour. Tu restes ici.

- Il n'en est pas question ! s'entêta Ginny. Il faut que j'aille porter la nouvelle à nos camarades. Ils ont tous le moral à zéro depuis les nouvelles de cette semaine ! Il faut leur redonner confiance… Il faut que je trouve Harry aussi pour lui dire que nous ne serons pas seuls et qu'il doit garder l'espoir lui aussi…

- Non !

- Ginny… essaya Dennis à son tour.

Elle retira sa main de la sienne qui voulait la retenir. Elle les regarda tous les deux, l'un après l'autre, dans un sentiment grandissant de colère.

- Vous ne pourrez pas m'en empêcher !

George reposa sa tasse sur la table et se leva à son tour. Il mit sa main sur l'épaule de Ginny pour la forcer à s'asseoir.

- Quel est le mot que tu ne comprends pas quand je dis non, Ginny ? demanda-t-il.

- C'est vous qui ne comprenez pas ! explosa la jeune fille au bord des larmes. Vous ne comprenez pas qu'il y a là-bas des gens qui se sentent pris au piège et abandonnés de tous. Vous ne comprenez pas qu'à l'intérieur même de l'école il y a des ennemis qui n'attendent qu'un signe pour leur faire du mal. Vous ne comprenez pas que nous sommes tous à deux doigts de nous effondrer et qu'il suffirait juste d'un message d'espoir pour nous redonner courage… Pourquoi n'avez-vous pas prévenu Hermione ? Pourquoi ne lui avez-vous simplement pas dit que vous étiez là et que vous veilliez sur nous ?

- Ginny… depuis lundi soir nous sommes sur la brèche vingt-quatre heures sur vingt-quatre… Nous sommes partout à la fois, et nous nous battons à chaque heure du jour et de la nuit… Nous n'avons pas le temps de donner des nouvelles… Et c'est dangereux aussi… Si Hermione parlait…

- Hermione ne parlerait pas !

- Si on l'obligeait à parler…

- Elle résiste à tous les impérium !

- Ginny…

- Vous croyez que vous êtes les plus forts parce que vous êtes libres de vos mouvements ? Mais qu'est-ce que vous croyez que nous faisons depuis des mois à l'intérieur de Poudlard ? On se bat nous aussi ! Contre un ennemi d'autant plus sournois qu'il ose à peine se dévoiler ! Contre le découragement et l'ignorance. Contre l'inaction et l'attente. Cela fait des mois que nous nous battons tous les jours, que nous nous défendons pied à pied, que nous fourbissons nos armes sans savoir si on nous laissera nous en servir. Vous croyez que nous allons laisser la place ainsi ? Nous aurions fait tout cela pour rien ? Ceux qui sont prêts à se battre à l'intérieur le sont autant que vous. Et que vous le vouliez ou non, ils devront se battre quand même car l'ennemi ne viendra pas que de l'extérieur. Nous l'avons identifié, et vous avez besoin de nous pour le reconnaître. C'est ensemble que nous vaincrons les Ténèbres ! Si vous ne l'avez pas compris, c'est que vous n'avez rien écouté de ce qu'a pu dire le Choixpeau tout au long de ces années. Si vous n'avez pas compris cela, vous n'avez rien appris.

Elle fit un pas en arrière ;

- Tu ne peux pas retourner au château, Ginny… C'est dangereux. Nous avons bouclé la plupart des entrées, mais il reste bien des endroits par où les mangemorts peuvent arriver…

- J'ai la cape, et j'ai la Carte !

George bondit vers sa sœur.

- La Carte ? Tu l'as sur toi ?

Ginny mit vivement sa main sur sa poche d'un air farouche.

- C'est la carte que Fred regrettait de ne pas avoir ? interrogea Dennis.

- Ginny ! essaya d'amadouer George. C'est la providence qui t'envoie…

- La providence n'a rien à voir là-dedans ! répliqua Ginny circonspecte. Je suis venue toute seule !

- Il faut que Fred ait cette carte ! insista Gerry.

- La carte n'ira nulle part sans moi ! affirma Ginny avec un peu plus d'assurance.

Gerry et George échangèrent un regard.

- Très bien, fit ce dernier. Tu vas aller rejoindre Fred. Tu pourras retourner au château s'il le juge nécessaire, en toute sécurité… Du moins, tu n'auras pas à traverser le parc.

- Je ne me déferai pas de la carte !

- Tu verras ça avec Fred, éluda George. Gerry, emmène-là à la cheminée de secours pendant que je préviens Fred de son arrivée à la Tête de Sanglier.

Il mit la cape entre les mains de sa sœur et la serra contre lui de longues minutes. Il essuya une trace de boue sur la joue de Ginny et ébouriffa ses cheveux roux d'un geste maladroit.

- Gerry, tu fais court, j'ai besoin de toi ici…

Il tourna les talons vers les tréteaux et Dennis entraîna Ginny qui s'attardait à observer son frère.

….

….

La chambre où Remus avait passé les dernières semaines de sa vie était encore plus sombre et sinistre que dans le souvenir de Ginny. Gerry alluma un feu magique dans la cheminée et attendit le feu vert de Fred.

Il revint vers Ginny, immobile au milieu de la pièce, et caressa sa joue pâle.

- C'est ici que nous retrouvions le professeur Lupin, cet été, dit-elle dans un sourire douloureux. J'ai l'impression que c'était il y a des siècles. Il s'est passé tant de choses depuis…

- Ginny… commença Gerry à voix basse.

Elle repoussa sa main qui plongeait dans la chevelure rousse.

- Tu étais avec nous l'année dernière, reprocha-t-elle vivement. Tu t'es battu avec nous. Tu sais tout ce qu'on peut endurer à rester enfermé sans rien savoir du dehors… Tu as donc tout oublié de ce qui s'est passé l'an dernier ?

- Bien sûr que non, Ginny… C'est juste que tu es là-bas et moi ici et que je ne peux rien faire pour empêcher qu'il t'arrive quelque chose…

- Alors tu peux me comprendre… Mon frère est toujours là-bas, et mes amis aussi. Il faut que je les rejoigne…

Gerry Dennis prit les deux mains de Ginny et hocha la tête.

- Tu seras prudente ?

Elle l'entoura de ses bras. Il la serra contre lui.

- Je suis désolé que ça passe comme ça, Ginny…

- Tu n'y peux rien…

Elle se hissa sur la pointe des pieds tandis qu'il se baissait pour l'embrasser.

….

….

- Salut ! Désolé de vous interrompre, mais on n'a plus le temps pour les adieux, les enfants… Vous continuerez quand on aura terminé le travail, d'accord ?

Ginny se précipita vers Fred et le serra contre elle. Il l'entraîna vers l'âtre sur un dernier signe de tête à Dennis qui lui répondit de même.

- Prête, soeurette ? On y va ! A la Tête de Sanglier !

Fred jeta une poignée de poudre de cheminette dans les flammes factices et Ginny se blottit contre son frère comme un tourbillon les emportait.

….

….

Fred ouvrit religieusement la Carte sur la petite table dans l'alcôve attenante à la cuisine de la taverne de Pré-Au-Lard. Il caressa longuement les bords du parchemin tout en examinant le plan.

- Parfait… Parfait… murmurait-il. Je vois que Harry en a bien pris soin… Alors… Où en est-on ? Pas d'intrus encore dans l'école ? C'est une bonne chose… Ah ! Dumbledore met en place les systèmes de surveillance…

- Les lentilles de Sinistra ? s'intéressa Ginny.

- Quelque chose comme ça oui…

- Et où est passé Ron ? Il ne devrait pas être dans votre salle de quat'sous ? occupé à gagner son tournoi d'échecs ?

Ginny se pencha un peu plus.

- La salle des Quatre Maisons ! corrigea-t-elle en cherchant le nom de son frère parmi ceux qui se serraient dans la pièce commune à l'école. Je ne vois pas Hermione non plus… Ni Harry…

Elle tourna la page pour vérifier s'ils se trouvaient encore tous au deuxième étage dans le bureau de Krum. Mais Viktor était seul dans son bureau et il n'y avait nulle part trace de Ron et Hermione, pas même chez les Préfets où Ginny s'empressa de se rendre. Fred s'empara de la carte :

- Ils doivent être chez les Gryffondor…

Ginny la lui reprit des mains, avec agitation.

- Hé ! fit Fred. Ils ne sont pas encore portés disparus, pas la peine de s'affoler…

- J'y crois pas ! s'exclama Ginny en revenant au cinquième étage et au bureau des Préfets. Regarde ça, Freddy, et dis-moi que je ne rêve pas…

Fred eut beau écarquiller les yeux sur la carte, il ne voyait rien d'extraordinaire. Il n'y avait qu'un seul nom dans le bureau des Préfets qui se déplaçait vers la porte du couloir.

- Qui est Ida Norton ? demanda-t-il.

- Une saleté de sournoise de raclure de fond de chaudron de préfète de cinquième année de Poufsouffle…

- Qu'est-ce qu'elle t'a fait ? s'étonna Fred.

- Par Merlin ! Je n'arrive pas y croire ! s'énervait toujours Ginny.

Elle dépliait la carte pour suivre la progression de la fille.

- Tu n'arrives pas à croire à quoi ? insista Fred.

- Tu as entendu parler des Norton ? demanda Ginny.

Fred secoua la tête.

- Qui sont-ils ?

- Ceux qui servaient de relais à Malefoy pour contacter son maître !… cracha Ginny. Ha ! regarde ! Les toilettes des filles du premier étage !

- Heu… Oui… et alors ?

- Alors ? Alors qu'est-ce que tu croyais que faisait cette… dans le bureau de Goldstein ?

- …

- Elle allait chercher les baguettes de Malefoy ! parce que c'est une Salamandre sous-marine ! Et là elle est allée les cacher dans les toilettes des filles pour que les Salamandres les trouvent quand Malefoy leur donnera le signal du début de l'attaque.

Ginny reprit son souffle.

- Ça veut dire que Malefoy a reçu l'appel…

- Non, nous le saurions, coupa Fred.

- Alors, ça veut dire que Malefoy savait quand l'attaque aurait lieu…

Fred haussa une épaule.

- C'est possible, mais il est possible aussi qu'il l'ait deviné… Si Dumbledore a déduit la date de l'attaque des mangemorts d'après les maigres indices que nous avions, pourquoi Malefoy ne l'aurait-il pas fait lui aussi, surtout s'il possédait davantage d'informations que nous ? Peu importe, Ginny… Hermione a remplacé les baguettes par les nôtres : cela n'a aucune importance qu'elles tombent entre les mains des Serpentard…

- Des Salamandres, Fred…

- Si tu veux… Cela ne change pas grand-chose non plus…

- Plus que tu ne le crois ! s'énerva Ginny.

Fred lui prit la carte des mains.

- Mais ça ne nous dit pas où se trouvent Ron et Hermione… conclut-il. Par contre… Que fait « Nott Théodore » dans le bureau de son directeur de Maison ?

- Il doit chercher les baguettes des Salamandres punies… répondit Ginny simplement.

Fred leva un sourcil sur elle.

- Ça c'est plus inquiétant, fit-il.

- Pas forcément…

- Je suppose que Dumbledore sait à quoi tu fais allusion ?

Ginny hocha la tête, pas mécontente d'en savoir un peu plus que son frère pour une fois.

- Et tu peux me dire ce que fait Harry dans une salle de classe avec une Serpentard ?

- C'est pas une Serpentard ! C'est sa petite amie… faut se tenir au courant, Freddy ! Qu'est-ce que tu as contre les Serpentard…

- Rien ! grommela-t-il. Sauf qu'ils sont plutôt envahissants depuis quelques temps…

Il marmonnait encore lorsque le gallion qu'il avait posé sur la table près de lui se mit à changer de couleur. Lui-même pâlit légèrement.

- On n'a plus le temps de discuter, Ginny… Cette fois, c'est vraiment commencé.

Il plia la carte pour la mettre dans sa poche. Ginny tenta de la lui reprendre sans y parvenir.

- C'est mon héritage ! Où va la carte, je vais aussi…

Fred la toisa de la tête aux pieds. Il sortit sa baguette et la pointa sur sa sœur. Il murmura une formule et les vêtements de Ginny prirent une teinte sombre. Il ouvrit le tiroir de la table et sortit deux passe-montagnes noirs. Il en lança un à sa soeur.

- Bienvenue à la Brigade Anonyme, Ginevra Weasley…

….

Le barman de la taverne fit irruption dans la cuisine.

- Ils arrivent ! dit-il d'un ton bourru.

- Nombreux ? demanda Fred.

- Plus que toi et ta petite bande là en bas…

- Le piège que nous avons placé à l'entrée en mettra KO quelques uns… J'appelle les gars…

- Vous deviez nous porter secours, non ? demanda Ginny.

- L'important c'est de les empêcher d'atteindre Poudlard. George et son équipe s'occupent de ceux qui viendront par l'extérieur. J'espère que Higgs et les autres pourront tenir.

….

Il passa la tête dans un passage étroit au fond de la cuisine et siffla deux coups brefs. Quelques instants plus tard, une douzaine de jeunes gens se glissaient dans la pièce et filaient prendre place dans la salle de l'auberge plongée dans la pénombre. Ginny en reconnut quelques uns. Elle suivit Fred qui lui assigna un poste près de la porte de la cave.

- Si ça tourne mal, tu t'échappes. Tu cours sans te retourner dans le passage secret. A quelque cent mètres, tu buteras sur une grosse pierre. Tu la pousses sur le côté et tu te remets à courir, très vite sans t'inquiéter de ce que tu entendras derrière toi…

- Et vous ?

- L'important c'est de les empêcher d'atteindre Poudlard…

Il lui fourra la carte dans la main.

- Je t'envoie des munitions…

Et avant qu'elle eût pu ajouter quoi que ce fût, il était à l'autre bout de la salle. Un jeune homme vint vers elle sur les ordres de Fred. Il devait avoir l'âge de Percy, et bien qu'elle fût certaine de ne pas le connaître, il lui disait vaguement quelque chose. Il poussa devant la porte de la cave deux tables pour en faire une barricade derrière laquelle il invita Ginny à passer.

- Ginny, c'est ça ? Duncan Archer…

Il lui tendit une main que Ginny prit avec méfiance.

- Fred vous a chargé de me surveiller…

- Non, je fais seulement la livraison, répondit le jeune homme en prenant place à son tour derrière la barricade.

Il sortit de sa poche des petites boules de verre remplies de poudre.

- On partage… proposa-t-il.

- Pas la peine, j'ai ce qu'il faut…

Ginny lui montra les trois éprouvettes qu'elle avait ramenées du labo.

- Chez nous, on travaille en équipe, annonça le jeune homme en rangeant sa poudre d'estourbinette. On ne gâche pas les munitions. Je lance et tu empêches l'ennemi d'avancer.

- Non, le contra Ginny. Je lance et toi tu empêches l'ennemi d'avancer. J'ai jamais raté les buts, ni à l'entraînement, ni dans les matches…

- On ne joue pas, Ginny Weasley… dit Duncan Archer avec un sourire. Mets ça sur tes yeux.

Il lui enfonça sur la tête une sorte de paire de lunettes grossières, dans le genre que portait Hagrid le jour où il était venu amener la moto de Sirius à Bill et Tonks l'été précédent.

- Je ne vois plus rien ! tempêta Ginny.

- C'est normal ! répondit Duncan en enfilant sur ses yeux une paire semblable. Garde-les tant que je ne te dirai pas de les enlever. Prête pour ton baptême du feu ?

Ginny lui rendit un sourire ironique qu'il ne vit pas. Elle n'eut pas le temps de lui répondre. Au travers des vitres sales, une lueur rouge embrasait la rue et un brouhaha de clameurs parvenait de la rue. Il sembla à Ginny qu'on se battait dehors. La porte explosa. Des ombres se ruèrent dans la salle. La voix de Fred cria : Lumière !

A travers les verres de ses lunettes de moto, Ginny y vit soudain comme en plein jour. Les mangemorts encapuchonnés étaient stoppés net dans leur avancée, les mains sur les yeux dans des cris de surprise ou de douleur.

- Maintenant !

Des ampoules de poudre d'Estourbinette volèrent, des éclairs rouges fusèrent en même temps que des incantations d'immobilisation. Il y eut quelques ripostes au hasard de la part des mangemorts, puis les ampoules touchèrent le sol en une série de petites explosions. Les mangemorts immobiles tombèrent comme des mouches. La lumière s'estompa lentement.

- Tu peux enlever les lunettes, conseilla Archer. Tiens-toi prête, d'autres vont arriver.

Ginny releva les lunettes sur son front. Elle serra sa baguette dans une main, une éprouvette de poudre d'estourbinette dans l'autre.

- Archer ? fit-elle sur le ton de la conversation. Comme Andy Archer ?

- C'est mon petit frère ! Il va être drôlement surpris de me voir…

- Ça ! je n'en doute pas… dit Ginny.

Mais sa réponse fut perdue dans l'arrivée d'une nouvelle vague de mangemorts.

Harry sentit le sol sous ses pieds et le froid autour de lui. Il sentait l'odeur humide de la forêt, et le silence inhabituel emplissait ses oreilles. Une brume glacée montait du sol et obscurcissait davantage la nuit.

- Il est plus près que je ne l'escomptais, murmura Dumbledore.

Il lâcha le bras d'Harry comme à regrets et le jeune homme comprit que le professeur ne l'accompagnerait pas plus loin.

- Nous allons l'attendre ici ? demanda-t-il quand même.

Harry distinguait à peine les traits du vieil homme. Sa chevelure et sa barbe blanches luisaient dans la nuit. Et dans ses yeux, la petite flamme qui brillait d'ordinaire était éteinte.

….

Un bruit derrière lui le fit se retourner dans un sursaut. La forme claire d'un Centaure sortit du brouillard.

- Ils approchent… dit la voix de Firenze.

- Sont-ils nombreux ? questionna Dumbledore.

- Ils devaient l'être quand ils sont entrés dans la forêt. Ils traversent en ce moment le territoire des Acromentules et le réseau des toiles ne cesse de frémir. Les araignées se précipitent en masse à l'appel de leurs pièges.

-Avez-vous vu Hagrid ? demanda encore Dumbledore.

- Pas depuis qu'il est parti rejoindre le Géant…

….

Firenze s'approcha lentement et plia le genou devant Harry. Le jeune homme frissonna. Il tourna la tête vers Dumbledore.

- Va, Harry… Il n'est plus temps de regarder derrière soi, mon garçon…

Dumbledore l'aida à monter sur le dos de Firenze. Harry retint la main du vieil homme.

- Vous restez avec eux, Professeur ? demanda-t-il en montrant les lumières du château.

Firenze se redressa. Harry serra la main de Dumbledore, comme pour se raccrocher à lui.

- Harry… Ne perds pas l'espoir…

Il sentit sa main glisser dans celle du vieil homme. Firenze lui conseilla de s'accrocher à ses épaules et partit au galop. Harry vit la monture d'argent des lunettes de Dumbledore briller une seconde dans la nuit qui l'engloutit. Il n'entendit plus que le bruit étouffé des sabots du Centaure sur le sol enneigé.

….

Firenze traversait la forêt sans une hésitation. Il fendait l'obscurité épaissie d'un froid brouillard et le vent faisait pleurer les yeux d'Harry. Il était transi jusqu'au cœur et la brûlure à son front s'intensifiait. Il ne sut pas combien de temps ils galopèrent ainsi, s'enfonçant dans les ténèbres.

….

….

Firenze ralentit, puis s'arrêta. Il se pencha une fois encore pour qu'Harry mît pied à terre.

- Ils ne sont plus très loin, chuchota Firenze. Sens-tu l'odeur de l'incendie ? J'entends la terre qui tremble…

Mais Harry n'entendait rien. Il ne sentait rien d'autre non plus que l'air glacé. La nuit l'aveuglait. Le froid paralysait son corps. Il avait à peine conscience de la présence de sa baguette dans sa main.

Chaque battement de son cœur lui faisait mal. Il s'efforçait de ne pas penser à ceux qu'il avait laissé là-bas, au château.

….

….

L'obscurité autour d'eux se mit à rougeoyer. Harry sut qu'ils étaient là. Le brouillard s'estompa légèrement. Les ombres sombres portaient des torches, ensanglantaient la nuit. La douleur dans le front d'Harry se fit violente et le froid plus vivace au tréfonds de lui.

Il y eut un mouvement parmi les formes encagoulées et deux yeux rouges brillèrent dans le noir.

La voix sifflante déchira la nuit, à la fois railleuse et impérieuse.

- Voilà le comité d'accueil, mes amis… Un enfant et une créature… C'est tout ce que Dumbledore a à nous opposer… Ecarte-toi, Centaure… Cela ne te concerne pas.

….

Le Centaure s'avança de deux pas au devant de la forme imprécise qui parlait. Ses cheveux clairs et son torse pâle semblaient concentrer toute la lumière dispensée par les torches.

- Je suis seul à même de juger de ce qui me concerne ou ne me concerne pas, dit-il d'une voix forte. Je sais qui tu es… Il est inutile de te cacher dans les ténèbres. Les étoiles ont depuis longtemps annoncé ton retour.

Un rire froid lui répondit.

- Alors tu sais ce que je suis venu faire… Et si les étoiles elles-mêmes parlent de moi, elles ont du te dire qu'il ne faisait pas bon se mettre sur mon chemin. Ecarte-toi. Tu n'empêcheras pas l'enfant de mourir.

- Peut-être, répondit Firenze. La mort aussi était écrite dans le ciel, comme chaque fois que la grande nuit de Yule revient, avec son lot de ténèbres. Ce soir s'achève la saison du Centaure. Nous vivons les dernières heures sombres et ce sera peut-être aussi la dernière nuit des Centaures. Nous y sommes préparés.

Un long ricanement retentit.

- La nuit éternelle, voilà ce qui attend tous ceux qui s'imaginent pouvoir me résister. Un hiver sans fin, où l'ombre régnera en maître. Nombreux sont ceux qui supplieront la mort de venir les délivrer de leur calvaire. Nombreux sont ceux qui regretteront de n'être pas mort cette nuit… Ecarte-toi, Centaure.

….

Harry vit se lever un point brillant et il voulut crier à Firenze de se méfier de la baguette de Voldemort. Son cri resta dans sa gorge. Il était incapable de crier, de bouger ou de faire quoi que ce fût. Ses membres ne lui obéissaient pas. La peur le paralysait tout entier.

….

Il ignorait combien Voldemort avait emmené de mangemorts avec lui. Les images qu'il lui avait montrées quelques jours auparavant revenaient à sa tête et avec elles l'accablement qu'il avait ressenti alors. Sa baguette inutile dans la main, il laissait le désespoir envahir son cœur et ses pensées.

- Ecarte-toi, Centaure… menaça Voldemort. Laisse-moi le garçon, et tu pourras retourner à la contemplation des étoiles…

….

Ils entendirent un mouvement furtif tout autour d'eux. Les torches les encerclèrent d'un halo sanglant. Harry se demanda pourquoi Voldemort ne tuait pas Firenze. Il suffisait d'un mot.

….

Le Centaure recula de deux pas, jusqu'à toucher Harry de sa croupe.

- Je ne suis pas venu seul, dit-il. Les Centaures de la Forêt Interdite ont repris les armes contre les sorciers. C'est leur territoire que vous foulez et vous y êtes entrés sans leur permission.

- Je n'ai nul besoin de permission… commença Voldemort.

Il leva sa baguette. Dans un réflexe, Harry leva la sienne. Au même moment, Firenze bondit vers les torches.

- Adieu, jeune sorcier ! l'entendit crier Harry.

Il vit briller dans l'air des centaines de flèches et les torches embrasèrent le brouillard.

….

Harry sentit sa baguette s'échapper de ses mains sans qu'il pût la retenir. Son front s'ouvrait dans une torture insupportable.

Voldemort s'avançait vers lui, tandis qu'autour d'eux retentissaient des cris de surprise et de douleur. Des éclairs verts et rouges surgissaient de la brume. Un grand bruit de piétinement fit trembler le sol de la forêt tout entière. Des voix criaient : « Maître ! » et celle de Voldemort plus sifflante que jamais leur ordonnait de courir sus au château.

….

Une vague de révolte prit le cœur d'Harry. Il referma sa main vide. Il ignorait où était passée sa baguette. Cela n'avait pas d'importance. C'était de sa main qu'il devait vaincre Voldemort. Il sentit brusquement l'odeur du bois qui brûle, portée par le vent. Elle se mêlait au parfum de l'écharpe d'Ellen à son cou. Il entendait la course des Centaures qui s'éloignait et des gémissements d'agonie tout près de lui.

….

Voldemort s'était approché encore. Harry voyait les yeux rouges sous la capuche rabattue et le visage anguleux qui se découpait en ombres morbides. Voldemort pointait sa baguette sur lui.

- Tu es à ma merci, Potter. Il y a longtemps que j'attends ce moment…

- Ne comptez pas sur moi pour vous faciliter la tâche…

Voldemort se mit à rire.

- Tu es seul, Potter. Et sans arme. Ils t'ont tous abandonné. Tu as peur, tu as mal et tu as froid. Tu aurais du me laisser te tuer depuis longtemps déjà. Ton calvaire serait achevé.

- Vous me permettrez de n'être pas d'accord avec vous, Tom… et vous avez sans doute raison en ce qui concerne la peur et le froid, mais vous avez bien vu que je n'étais pas seul.

Le rire méprisant de Voldemort se fit entendre une fois de plus.

- Tu comptes encore sur ce vieux fou de Dumbledore, Potter ? Je ne le vois pas auprès de toi ce soir… Va-t-il surgir de derrière un arbre creux ? Ou bien t'a-t-il abandonné pour essayer de sauver sa chère école ? Cela ne te fait donc rien de passer après un tas de vieilles pierres, Potter ? Tu vois quel cas il fait de ta vie, cet homme en qui tu as mis toute ta confiance.

- Etes-vous donc si déçu de ne pas le trouver ici, Tom ? se moqua Harry.

Voldemort ricana.

- Et toi ? Que vas-tu faire sans lui ? Sans tes chers amis ? Ils sont sans doute morts à l'heure qu'il est…

- Ca m'étonnerait ! cracha Harry sans pouvoir cacher sa colère ni ses craintes.

Le rire de Voldemort lui fit mal cette fois. C'était le même rire qu'il entendait dans ses rêves.

….

Il se reprit cependant, malgré l'angoisse. Il leva la main vers la baguette de Voldemort et elle vola dans la brume.

- Vous êtes seul et sans arme aussi, Tom, dit-il. Et vous avez encore plus peur de la mort que moi.

- Tu as fais bien des progrès depuis notre dernière rencontre, Potter… mais cela ne suffira pas.

….

Il s'avança vers Harry et Harry s'avança vers lui.

- Et je n'ai pas peur de la mort, corrigea Voldemort en tendant ses mains décharnées vers Harry. Je l'ai soumise à ma volonté. Je la nourris et elle me sert. Tout comme mes mangemorts. Comme j'ai soumis d'autres créatures réputées sauvages.

- Vraiment ? fit Harry froidement. N'est-ce pas vous qui la servez plutôt ? En lui offrant en pâture toutes ces vies que vous prenez ? Quand vous n'aurez plus rien à lui offrir, prenez garde qu'elle ne vienne à rompre le pacte que vous avez signé avec elle… quel qu'il soit.

- Je n'ai signé aucun pacte avec la mort… gronda sourdement Voldemort. C'est moi seul qui ai fermé les portes de l'au-delà. Et personne ne peut les ouvrir à ma place. Et si tu crois que tu pourras le faire, insignifiant insecte que tu es, tu te trompes lourdement. Je suis bien plus puissant que toi. Tu crois que tu m'as désarmé en me prenant ma baguette, mais je pourrais te forcer à te détruire toi-même sans même te toucher du bout des doigts.

- Je le crois, répondit Harry patiemment. Et ensuite ? Quand vous aurez montré à tous – du moins à ceux qui resteront- que vous êtes le plus fort, que ferez-vous ? Quand vous serez lassé de voir se battre vos esclaves pour quelques miettes de pouvoir illusoire ? Que vous restera-t-il ? La mort garde ceux qu'elle prend. L'éternité est longue, Tom, et il n'est pas drôle de jouer tout seul.

- Que sais-tu de l'éternité, toi qui n'a pas encore vécu ? se moqua Voldemort avec hauteur.

- Pas grand-chose, c'est juste, admit Harry. Mais je connais des fantômes qui m'en ont touché deux mots, et je sais que je n'aimerais guère en faire l'expérience. Je suis certain aussi que l'ennui est une chose que vous fuyez autant que la mort…

….

Il s'approcha encore et, dans un frisson, saisit les mains de Voldemort. Celui-ci essaya de les retirer dans un mouvement instinctif.

- Qu'essaies-tu de faire ? Je ne crains plus de te toucher, Potter, depuis que ton sang coule dans mes veines.

- Je n'ai pas oublié, Tom, que je vous ai rendu à la vie. Je peux vous rendre à la mort également…

- Tu es d'une prétention sans borne, Potter…

- Je sais…

Harry serra un peu plus l'étreinte de ses mains sur les poignets secs de Voldemort.

- Laissez-moi vous conduire, je connais le chemin.

….

Le rire aigre de Voldemort retentit dans l'esprit d'Harry. Il avait mal, très mal. Dans sa cicatrice et dans son cœur.

- Es-tu naïf à ce point Potter ? Ou bien stupide… ? A moins que tu n'aies pris à la lettre cette stupide prophétie… Crois-tu vraiment avoir le pouvoir de me vaincre ? Oh oui ! Potter ! Tu es dramatiquement naïf…

- Pas beaucoup plus que vous, Tom… Vous y avez cru vous aussi à cette prophétie. Et vous y croyez encore, puisque nous sommes là tous les deux ce soir…

Ce fut au tour de Voldemort de serrer ses doigts maigres autour des mains d'Harry, comme pour le retenir vers lui.

- Je ne suis ici que pour une seule chose, Potter… grinça-t-il à voix basse. Reprendre ce qui m'appartient. Ensuite, plus rien ne se mettra sur ma route.

- Je ne vous laisserai pas faire, Tom… même si je dois y laisser ma vie.

- Ta vie ! se mit à rire Voldemort. Tu es déjà mort, Potter. Autant que tes stupides parents qui avaient eu l'audace de croire qu'ils pourraient se montrer plus forts que moi. Allons, Potter… Rends-moi donc ce que tu m'as pris. Et peut-être t'épargnerais-je…

- Vous savez que ce n'est pas possible… Tant que je survivrai vous ne pourrez pas vivre. Et tant que vous vous serez vivant, je ne ferai que survivre… Il faut que l'un de nous meure… ou tous les deux… Vous ne me tenterez pas par de fausses promesses…

Harry s'avança encore d'un pas. Il serrait ses mains sur celles de Voldemort.

- Venez, Tom…

- Ne m'appelle pas ainsi ! gronda Voldemort.

- Comment voulez-vous que je vous appelle ? Je ne vous reconnais pas comme maître, ni seigneur, je ne peux vous donner ces titres. Dois-je vous appeler Monsieur Jedusor ?

….

Les yeux rouges flamboyèrent. Les ongles s'enfoncèrent dans la peau d'Harry. La douleur dans son front n'était plus supportable. Harry luttait contre les larmes et cette vague de désespoir qui le submergeait soudain.

- Il faut en finir… murmura-t-il.

- Tu as raison… finissons-en… répondit Voldemort. Je te tuerai donc, puisqu'il doit en être ainsi…

….

Harry sentit les os sous ses doigts se dissoudre et les deux points rouges disparurent. Harry ferma son esprit.

- Vous avez oublié ce qui est arrivé la dernière fois que vous avez voulu me posséder, Tom ? Vous n'avez pas supporté l'épreuve...

- Toi non plus, Potter… Mais rassure-toi, cela ne durera pas assez longtemps pour me causer quelque désagrément que ce soit… Comment comptes-tu m'emmener vers la mort à présent ?

….

Le rire emplissait Harry tout entier. C'était glacé et désagréable. Il sentait s'insinuer dans son esprit la présence froide de Voldemort. Et il sentait aussi le malaise de son ennemi. Il s'imaginait sans doute que ce serait facile, qu'il trouverait Harry abattu et faible ; qu'il ne ferait de lui qu'une bouchée, comme le prétendait Malefoy. Il ne s'attendait sans doute pas à autant de résistance, ni de détermination.

….

La douleur dans son corps était doublée par celle que ressentait Voldemort. Lui faire mal, pour le mettre à sa merci, pour atteindre son esprit, c'était ce que cherchait le seigneur des Ténèbres. Harry se décida brusquement. Algie Londubat avait raison, ce serait un combat de l'esprit.

….

Harry songea qu'il n'avait jamais tenté de transe dans des conditions aussi extrêmes. Il se laissa d'abord tomber à genoux. Il entendit un cri de victoire et il eut envie de rire. Il serra ses mains sur ses poches et il sentit sous ses doigts la forme de l'épingle dorée qu'il devait porter pour le bal. Il eut conscience que son corps tombait en avant tandis qu'il emportait dans son esprit l'image d'un phénix doré et l'odeur de l'écharpe d'Ellen.

Ellen McGregor remontait des dortoirs, poussant en avant le corps stupéfixé et entravé de la fille qui avait tenté d'attaquer Grenouille pour lui prendre sa baguette. Betsie n'était pas remise de sa frayeur et s'accrochait au manteau qu'Ellie n'avait toujours pas retiré. La petite avait cru que la fille était morte –qu'elle l'avait tuée- quand elle était tombée sur son amie Natalie. Natalie s'était mise à hurler et elle, elle avait eu peur de voir les autres salamandres se jeter sur elle à leur tour.

Elle ne comprenait pas pourquoi les quatre salamandres n'avaient rien tenté contre elle et Natalie. Elles étaient plus nombreuses. Elles étaient plus âgées et plus fortes aussi, physiquement. Et leur main, à toutes les deux, petites Deuxième Année effarées, tremblait. Quelle menace pouvait être leur baguette tendue ? Natalie pleurait de douleur et elle, elle était incapable de prononcer un son…

….

Ellie bouscula la petite encore stupéfaite. La surprise de voir la préfète confier la baguette de Natalie à l'une des filles pour qu'elle lui fît une attelle et la faire léviter pour monter les escaliers ne passait pas. Et quand elle vit les deux Trolls en liberté, Nott qui leur donnait des ordres pour rassembler les Salamandres attachés, Archer et Grayson qui s'occupaient des blessés – des Salamandres qui n'étaient pas entravés et qui avaient retrouvé une baguette… ; Quand Ellie lui fit lâcher le pan de son manteau pour la laisser au milieu de la pièce dévastée… elle se mit à pleurer.

Andy Archer se tourna vers elle :

- Hé Grenouille ! fit-il. Ce n'est pas encore le moment de flancher … Ça ne fait que commencer !

- Je veux rentrer chez moi ! renifla Betsie.

Archer la fit asseoir à côté de lui :

- Et rater le bouquet final ? Allons, Betsie… Tu imagines, dans dix ou vingt ans, quand on parlera de cette nuit comme de celle qui aura vu la fin du maître des ténèbres, tu pourras dire : j'y étais !

- Et si on peut pas le dire, on aura toujours nos noms sur un mémorial dans la salle des Trophées ! ajouta Bobbins.

Tous relevèrent la tête vers lui, avec une grimace dégoûtée, et Archer se retrouva avec une petite fille en larmes sur les bras, dont il ne savait que faire.

- Si on s'en sort, Fergus, tu me paieras ça ! menaça-t-il.

….

Devant la porte de la salle commune, Ellie détourna son attention de ses camardes et de Grenouille pour retenir Nott par la manche de sa robe.

- Où vas-tu ? demanda-t-elle abruptement.

- Trouver Malefoy avant qu'il ne me trouve… répondit Nott après une hésitation.

Ellen ne le lâchait pas cependant.

- Et que crois-tu pouvoir faire tout seul…

- Il n'est pas tout seul.

Gregory Goyle vint se placer derrière Nott, et Crabbe le suivit de peu.

- Vincent et moi, on a aussi un compte à régler avec Drago, dit Goyle.

- Tu nous as promis la vengeance… gronda Crabbe.

Ellen se retourna vivement vers lui.

- Et vous vous vengerez aussi des mangemorts qui accompagneront Malefoy ? demanda-t-elle acerbement.

- Elle a raison, répondit Nott plus posé. Vous n'êtes pas obligés de venir avec moi.

Crabbe et Goyle s'entreregardèrent.

- Oui, nous le sommes… dit Goyle avec répugnance et Crabbe baissa la tête.

….

Nott s'éloignait vers la sortie, sans laisser à Ellie le temps d'argumenter davantage, lorsque la s'ouvrit brutalement. Tous les Serpentard eurent leur baguette en main au moment où le professeur Vector passait le seuil, la sienne brandie également.

- Tout va bien ! cria-t-il derrière son épaule, juste avant que Neville Londubat, Dean Thomas et Seamus Finnigan ne fissent leur apparition dans la salle commune des Serpentard.

….

Neville se précipita vers Ellie.

- Tu vas bien ? s'inquiéta-t-il. Tu n'es pas blessée ?

- Je vais bien, Neville, lui sourit-elle.

Il se mordit les lèvres, comme pour s'empêcher de parler. Ellen lui sourit encore, un peu triste.

- Dumbledore est venu le chercher, répondit-elle à sa question muette. Je ne sais pas où ils sont partis.

….

Cependant, Finnigan manifestait par un long sifflement impressionné sa stupeur devant l'étendue des dégâts. Dean s'avança également, visiblement intéressé par le décor de la pièce. Il marcha sur Wilford, et assura à Vector qui le réprimandait, que c'était tout à fait involontaire.

Le professeur Vector commanda à chacun de se préparer à le suivre jusqu'à la Grande Salle.

- Et qu'est-ce qu'on fait d'eux ? demanda Bobbins en montrant d'un geste dédaigneux les corps étendus par terre.

- Réveillez-les, commanda Vector. Et détachez-les.

Il y eut un murmure parmi les Serpentard.

- Ils se déplaceront plus vite sur leurs propres jambes, leur assura le professeur.

- On peut quand même laisser leurs mains attachées… ronchonna Bobbins. On s'est donné du mal pour les entraver, professeur…

Vector eut l'air de réfléchir un instant. Il haussa une épaule sur une moue d'acceptation.

- Je suppose que cela ne les empêchera pas de marcher… Après tout, ce sont vos prisonniers…

Il se tourna vers Nott qui soutint son regard.

- Monsieur Nott… dit-il. Je suis heureux de vous trouver ici…

- Qu'y a-t-il de surprenant à trouver un Serpentard dans sa salle commune, Monsieur, répondit Nott avec un regard peu amène sur les Gryffondor qui aidaient les blessés à se tenir debout.

Il fit un signe de tête à Crabbe et Goyle qui se hâtèrent d'aller déloger Finnigan et Thomas. Ils n'osèrent cependant bousculer de même le neveu de leur directeur de Maison et Neville put continuer à consoler Betsie tandis qu'Archer disparaissait prestement.

….

Ramenés à la réalité, si ce n'était à la conscience, les Salamandres reprenaient rudement connaissance. Vector les faisait tous se hâter.

- Dépêchez-vous ! Il nous faut atteindre la grande salle dans les meilleurs délais… Rangez-vous, je vous prie. Silence dans les rangs et pas de mouvements suspects…

- On n'a qu'à les faire marcher devant, Monsieur, suggéra Bobbins en montrant les Salamandres encore sonnées pour la plupart.

- Monsieur Bobbins ! soupira Vector en secouant la tête. Vous croyez vraiment que cela arrêterait les mangemorts du seigneur des ténèbres ?

Les Salamandres baissèrent tous la tête, un peu nauséeux, et tout à fait conscients que ce n'était pas seulement à cause du mal au crâne qui persistait depuis leur réveil.

….

Ellie retint Neville auprès d'elle.

- Qu'est-ce qui se passe ? s'inquiéta-t-elle.

- On a volé ses clés à Rusard…

- Il a dit qui ?

- Il est mort, Ellie…

- Et les portes étaient ouvertes ?

Neville hocha la tête.

- Dumbledore et Flitwick les ont refermées magiquement, mais elles ne tiendront pas autant que si nous avions les clés…

Ellen essaya de rester impassible.

- Dumbledore, as-tu dit ? répéta-t-elle. Il est ici ?

Et comme Neville hochait la tête, elle reprit :

- Alors cela veut dire que Harry est tout seul.

Neville prit le bras de la jeune fille alors que tous se mettaient en route et passaient en silence la porte de la salle commune de Serpentard.

- Non, Ellie… Non, il n'est pas seul. Nous sommes tous avec lui, comme il est avec nous.

Il serra sa main sur son poignet.

- Neville, dit-elle encore d'une voix basse. J'ai peur.

Neville ne répondit pas. Il tourna la tête vers le fond du convoi. Nott et les deux Trolls fermaient la marche. Il leur trouva des airs de conspirateurs. Il serra sa baguette dans sa main un peu plus fort et s'efforça de ne pas perdre de vue la silhouette du professeur Vector qui ouvrait le chemin, avec Archer et Bobbins.

Une épaisse fumée s'élevait au-dessus de la Forêt Interdite. Le ciel rougeoyait au fond de l'horizon et le vent portait une odeur âcre.

- La Forêt brûle, murmura Lee Jordan d'une voix assourdie par le passe-montagne sombre qu'il portait.

George détourna les yeux de la multiplette qu'il fixait sur la brume du lac.

- Oui… dit-il simplement.

Il s'interrompit dans son geste alors qu'il remettait les jumelles à ses yeux.

- Tu entends ? chuchota-t-il à son tour.

- On dirait que la terre tremble… Cela vient de la Forêt !

George tourna les lunettes vers l'orée de la forêt mais rien ne venait de la nuit.

- C'est le vent, Lee… C'est le vent.

Il se retourna vers le lac. Au travers des verres de sa multiplette, il aurait presque pu toucher la brume qui montait de la surface invisible de l'eau. Elle prit soudain la même teinte enflammée que le ciel au dessus de la forêt.

- Tenez-vous prêts ! commanda George.

Un mouvement dans l'ombre sous le saule cogneur lui assura qu'il avait été obéit. Lui-même installa sur son front une paire de lunettes de moto. Il regarda un instant les capuchons des mangemorts sortir de la brume et mettre pied à terre sur la berge du lac avant de descendre les lunettes sur ses yeux.

….

Le bruit de la forêt s'amplifiait. George entendit Lee Jordan murmurer que le vent seul ne faisait pas autant de bruit. C'était un piétinement qui emplissait la nuit rendue plus noire par le port des lunettes spéciales.

- Pourquoi ne lancent-ils pas encore les fusées ? s'impatientait Jordan.

- Laisse-les venir… murmura George. Walters sait ce qu'il fait, Lee… il en sort encore de la brume…

- On aurait du couler les barques…

- Ils seraient venus par un autre moyen, Lee… Chut, maintenant… Il n'est plus temps…

….

Un sifflement monta dans le ciel, puis un autre et encore d'autres.

- Attention ! fit George.

Il pointa sa baguette au moment où plusieurs explosions couvraient les cris de surprise des mangemorts. Le parc fut illuminé comme en un plein jour d'été. Une clameur vint du perron et de derrière les serres.

George entraîna ses hommes vers le château, la baguette crachant des éclairs rouges et sa bouche hurlant des incantations furieuses.

Drago Malefoy avait froid. Il était immobile dans la nuit et il n'avait pas songé à prendre son manteau. Il n'avait pas prévu, il est vrai, qu'il ferait le pied de grue caché derrière l'entrée du jardin. Il avait beau scruter l'obscurité, il ne voyait toujours pas arriver son maître et ceux qui devaient semer la terreur dans le château. Et rien non plus ne venait du château qui lui fît penser que ses partisans tenaient le rôle qu'il leur avait assigné.

Il se mit à l'abri du vent derrière une haie. Il avait une odeur étrange, qui prenait à la gorge. Comme une odeur d'incendie. La nuit était rouge. Et il se répétait que c'étaient des signes. D'excellents signes. Et que si la nuit n'avait pas été si noire, on eût pu lire dans les étoiles la victoire du Seigneur des Ténèbres. Sa propre victoire. Il se mit à trembler, autant d'excitation que de froid. Sa main crispée sur sa baguette lui faisait mal. Il était impatient. Oui, impatient. Il avait pris un peu d'avance sur l'horaire. C'était normal qu'il dût attendre. Mais au final, son impatience serait payante. Ce serait lui qui ouvrirait les portes. Ce serait lui qui conduirait les lieutenants du maître. Ce serait lui qui les mènerait à Potter. Cet imbécile se cachait sans doute dans l'école. Personne n'avait quitté le château, il en était certain. Et il savait comment le faire sortir de son trou. Oui… Il savait exactement comment le faire venir à lui…

…..

…..

La tête pleine de rêves violents, il n'entendit que vaguement le tumulte de la forêt. Un sifflement monta dans le ciel, puis un autre. Malefoy sortit de son abri. Enfin ! Ils étaient là ! Et la fête allait vraiment commencer ! Une fusée laissa une trace rouge dans la nuit. Des étincelles multicolores s'élevaient en une ligne parallèle. Il réalisa que des torches trouaient la brume. Oui, ils étaient là, mais ils n'étaient pas seuls !

Drago Malefoy vit bouger des ombres derrière les serres. Et d'autres encore sous le perron du château. Il ouvrit la bouche, mais la referma aussitôt. Qui étaient ces ombres, il l'ignorait. Des aurors du ministère, sans doute… Ou plus probablement des membres de ce stupide Ordre du Phénix. Manifestement, il n'avait pas été le seul à anticiper. Dans ces conditions, il ne pouvait rentrer au château. Pas tout seul, en tous cas. Et il ne pouvait rester là, à la vue de tous.

….

La cabane d'Hagrid était à portée de course. Il n'y avait aucune lumière à l'intérieur. La demi créature qui leur faisait les cours avait levé le camp. Malefoy se mit à courir vers la maisonnette. Quand il aurait pris la mesure des évènements, il serait temps alors de se montrer. Oui, il pourrait bien mieux réfléchir à l'abri. Il fut stoppé en pleine course par une fulgurante lueur qui lui fit mal aux yeux en même temps qu'une explosion secouait le parc. Il resta quelques secondes, qui lui parurent des siècles, immobile sur le sentier, le temps que sa vue se réhabituât à la lumière. Il parcourut les derniers mètres qui le séparaient de l'appentis d'Hagrid sans se retourner. Il s'accroupit derrière le tas de bois.

La Forêt était face à lui. Il lui sembla que les arbres frémissaient et il sentit sous ses pieds un tremblement de plus en plus violent. Une vague de panique le saisit. La lumière baissait peu à peu et cela ne le rassura pas.

Malefoy vit sortir du sous bois la course désordonnée de robes noires et de capuchons de travers. Une horde de Centaures s'arrêta à l'orée de la Forêt. Ils levèrent leurs arcs dans un même geste de menace. Drago, dans un mouvement de recul instinctif, tomba à terre. Les mangemorts se précipitaient vers lui dans une confusion paniquée.

La lisière vibra d'un long appel sauvage, et de trépignements farouches. Le sifflement des flèches se perdit dans le bruit de la bataille qui se déroulait déjà dans le parc. Les Centaures brandirent leurs arcs dans un geste de victoire, puis ils firent demi tour et leur galop roula sous les frondaisons comme un tonnerre qui s'éloignait.