Vous vous arrachez les cheveux lorsque vous voulez poster une review ? Vous ne savez pas comment rechercher une histoire que vous aimez ? Vous détestez l'anglais et ce n'est pas qui vous fera changer d'avis ? Bref, vous ave besoin d'aide pour vous retrouver sur le site ? Il existe un mode d'emploi ! Vous en rêviez, Alixe et Lisandra l'ont fait !
Rendez-vous sur le profil de Fanfiction-mode d'emploi (adresse /fanfictionmodedemploi ou /u/577456) et vous saurez tout tout tout sur comment poster, comment trouver, comment naviguer sur sans attraper une migraine carabinée !
§§§
Disclaimer : Tout est à JKR, lieux, personnages -sauf certains que vous reconnaîtrez aisément- créatures, etc je ne tire aucun bénéfice de cette histoire, si ce n'est celui du plaisir que je prends à écrire et faire partager ce que j'écris… Bonne lecture.
Avertissement : niveau 2 (et demi) d'alerte sur ce chapitre.
Chapitre 195
Avant que l'aube se lève
§§§
Harry sentait le froid de la neige sur son visage et au travers de son manteau mouillé. Il ne pouvait bouger. Il restait allongé dans le froid, seul, le corps et l'esprit torturés de douleurs lancinantes.
- Tu croyais vraiment pouvoir me vaincre, Potter ? Tu croyais vraiment pouvoir vaincre le plus grand sorcier de tous les temps ?
- Dumbledore… est… le plus grand sorcier… de tous les temps…
Le rire de Voldemort emplit la nuit.
- Dumbledore ! cracha-t-il avec mépris. J'effacerai son nom même des mémoires des hommes… Rien ne peut plus s'opposer à mon règne… Cette nuit nous célèbrerons l'avènement du Maître des Ténèbres ! Et tout ce qui a existé auparavant sera anéanti ! L'aube se lèvera sur un hiver sans fin, une nuit éternelle, où seuls ceux qui me servent auront le droit de vivre.
- La nuit n'est pas encore finie, Voldemort… réussit à dire Harry qu'un désespoir violent faisait trembler, plus que le froid.
§
Il souffla Lumos ! Loin, trop loin, sa baguette s'alluma dans la nuit. L'ombre d'une silhouette encapuchonnée se dessina dans le noir et deux points rouges étincelèrent à nouveau. Harry vit la baguette dans la main de Voldemort. Il se retourna sur le sol glacé, la main tendue vers le point lumineux de sa baguette. Il l'appela de toutes les forces qui lui restaient. Voldemort la fit sauter plus loin et encore plus loin, en des ricochets qui lui arrachaient chaque fois une quinte de rire grinçant.
Haletant, Harry tendit les deux mains vers la forme menaçante qui s'avançait lentement vers lui.
- Tu m'implores, Potter ? se moqua Voldemort. Tu fais honte à ton père…
Harry vit le bout lumineux de la baguette de Voldelmort décrire un petit cercle vert.
- Expelliarmus ! cria-t-il, ivre de douleur et de colère.
Il fut projeté plusieurs mètres plus loin. La baguette était toujours dans la main de Voldemort.
- Ton père savait reconnaître la défaite, lui au moins…
- Ne me parlez pas de mon père ! hurla Harry.
§
Du moins, crût-il hurler. Sa voix n'était qu'un souffle qui se perdit dans un sanglot.
Une bouffée de rage monta à sa gorge et à sa tête. Voldemort était désormais plus puissant que jamais, en pleine possession de tous ses pouvoirs ; et toujours insensible à celui qui, seul, pourrait le détruire. A cause de lui… à cause de ce sang qu'il n'avait pas été capable de l'empêcher de prendre. Le sang de l'ennemi… La voix d'Hermione lui revint à la mémoire : la protection de ta mère, elle l'a sauvé et le fait souffrir en même temps. Voldemort avait réussi à tourner à son avantage tout ce qui pouvait le toucher. Des souvenirs d'Harry à l'amour de sa mère. Le sacrifice de James et Lily Potter avait été vain. Celui de Remus aussi. Et Sirius… et tous ses amis, là-bas, dont il ne savait rien, mais qui se battaient et se battraient encore jusqu'à leur dernier souffle, dans l'espoir qu'il tiendrait sa promesse… La vie se fiche de toutes les promesses que les hommes peuvent faire… Oh ! Rémus ! Pourquoi faut-il que vous ayez toujours raison… Et il refusait de laisser s'insinuer dans ses pensées la voix de Rogue, acide, qui persiflait et se moquait encore et encore… Tout ce temps perdu Potter… Tout ce temps perdu… Et toutes ces vies que vous avez entraînées derrière vous, sur un chemin sans issue…
Il était au fond de l'ultime impasse et il avait laissé le Vif lui échapper.
§§§§§§§§§§§
Ron et Viktor rattrapèrent très vite Neville et Théodore Nott à l'orée de la Forêt.
- Par où va-t-on ? questionna le Serpentard.
- Là où Hagrid nous a montré les Sombrals pour la première fois, répondit Neville sur un ton qu'il voulait ferme.
Il souffrait le martyre, mais il refusait de le laisser voir. Surtout à Nott, qu'il trouvait quelque peu arrogant.
Avec précautions, et appréhension également, ils commencèrent à s'enfoncer dans la Forêt. Le faisceau de leurs baguettes éclairait le sentier. Ils avançaient dans un silence oppressant.
Soudain, Nott s'écria :
- Là ! Il y a quelque chose !
Ils dirigèrent les lumières dans la direction qu'indiquait le Serpentard. Ils distinguèrent une masse sombre sur le sol parsemé de neige. Krum détourna le premier sa baguette et poussa les autres sur le chemin. Un peu plus loin, ils rencontrèrent deux autres corps étendus près du sentier. Et quelques pas plus loin encore, c'était un centaure qui gisait en travers du chemin. Viktor prit la tête du groupe, il pressa les jeunes gens.
- On ne les trouvera jamais, dit soudain Nott. Il s'est passé ici des choses qui les ont effrayés. Ils se cachent.
- L'odeur du sang va les attirer ! assura Ron sur un ton sinistre.
Et comme pour lui donner raison, les cadavres de mangemorts et de centaures proliféraient sur leur chemin.
§
Neville quitta brusquement le groupe. Krum le rappela sans succès. Le jeune homme se précipitait vers un arbre. Ils l'entendirent crier : Professeur !
Ron répondit :
- Firenze !
Il rattrapa son camarade et ils arrivèrent ensemble auprès du corps agenouillé du Centaure à la robe claire.
- Professeur, vous êtes blessé… murmura Neville.
Firenze releva lentement la tête. Il toisa le jeune homme et lui sourit.
- Toi aussi, jeune sorcier. Que venez-vous faire dans la Forêt Interdite ? Si vous cherchez votre ami, il est trop tard. Il a rencontré son destin et personne à présent ne peut plus rien changer…
- Harry est ici ? interrogea Ron avidement.
Firenze leva la tête, vers la cime des arbres.
- C'est une nuit faste pour les Centaures… Comme il n'y en a pas eu depuis des siècles… Que venez-vous faire dans la Forêt ? C'est ailleurs que vous devez vous battre…
- Nous sommes venus chercher des Sombrals, répondit Neville. Nous avons besoin d'eux pour empêcher les mangemorts de prendre Poudlard d'assaut…
Firenze tendit son bras devant lui, à l'écart du chemin.
- Ils sont là. Pour eux aussi c'est une nuit propice…
Ron frissonna. Il appela Krum et Nott, restés à l'écart.
- Viens, Neville, dit-il. Nous reviendrons, professeur…
Il releva Neville et l'entraîna dans la direction qu'avait indiquée Firenze. Nott et Krum le suivirent. Les rayons des baguettes éclairaient le sous-bois et plus ils avançaient moins ils regrettaient que l'ombre les enveloppât.
Brusquement, Ron, qui marchait devant, stoppa net.
- Qu'est-ce qu'il y a ? s'affola Neville en braquant sa baguette tout autour de lui.
- Je les vois ! fit Ron d'une voix sourde. Je les vois ! Ils… Ils sont horribles…
Il tressaillit violemment. C'était sur ces choses qu'il était monté une fois déjà. C'était ces créatures répugnantes qu'il devrait chevaucher une fois de plus…
On le poussa vers les Sombrals. Remus ! murmura-t-il. Oui ! Il se souvenait parfaitement de la mort de Remus le soir d'Halloween. Il ferma les paupières, pour chasser les images des souterrains de Poudlard. Mais il ne fit qu'occulter celles des créatures serpentines devant ses yeux. Il réalisa alors qu'ils venaient de surprendre les Sombrals en plein repas.
§§§§§§§§§§§§
Peeves s'en donnait à cœur joie. Il n'avait plus de capuches à incendier, mais il dispensait les crocs en jambes avec générosité et il décrochait les tentures de la salle avec célérité pour les enrouler autour des mangemorts. Ils avaient presque tous retiré leurs capuches enflammées et les visages révélés avaient causé bien des émois parmi les Salamandres repenties, et même parmi d'autres élèves de toutes les Maisons. Les cris de rage le disputaient à présent aux exclamations horrifiées des uns et des autres qui reconnaissaient ou leur victime ou leur agresseur.
Parfois, Peeves reconnaissait un ancien élève parmi eux. Il l'interpellait alors et lui rappelait un souvenir peu reluisant de sa scolarité, ou un surnom peu flatteur. Son rire résonnait alors sous le haut plafond étoilé et de cabriole en cabriole il traversait la grande pièce, semant la panique dans tous les coins.
Andrew Archer l'évita de justesse alors qu'il se battait en duel avec un gars à la chevelure roussie, tout en protégeant Dawson de son corps. Dennis Crivey les couvrait sur l'arrière. Il ne put esquiver la pirouette de Peeves. L'esprit le heurta de plein fouet et l'envoya sur l'adversaire d'Archer. Le Gryffondor et le mangemort se retrouvèrent à terre. Le second menaça le premier de sa baguette. Jezebel lui cria une insulte et lança son pied dans le bras qui se tendait. Archer le visa au même moment. Et l'un de ses camarades de Serpentard, Salamandre tout juste repentie, s'accrocha à son bras.
- Non ! hurla-t-il. Ne lui fais pas de mal ! C'est mon frère !
Un expelliarmus retentit et un éclair frappa l'homme à terre qui pointait à nouveau sa baguette vers Andrew Archer. Le Salamandre poussa un autre cri. Il se jeta sur son frère.
- Pourquoi avez-vous fait ça ? s'écria-t-il.
Une main ferme le remit sur pieds sans ménagement.
- Parce que celui-là c'est peut-être ton grand frère, mais Andy, c'est mon petit frère, à moi !
- Duncan ! s'exclama Andrew Archer.
Il se précipita vers le jeune homme devant lui et se retint de le serrer contre lui. Il se contenta de taper sur son épaule :
- Tu fais partie de la Brigade Anonyme ? s'écria-t-il avec admiration. Mais pourquoi ne me l'as-tu jamais dit ?
- Parce qu'alors je n'aurai pas donné cher de mon anonymat ! riposta Duncan.
Il désigna Jezebel, toujours pendue au bras d'Andrew, ainsi que Dennis qui se relevait :
- Te voilà bonne d'enfant ?
- Je les amène à Flitwick… se justifia Andy. Debout toi ! ajouta-t-il à l'intention du mangemort. Et toi, ramasse la baguette de ton frère.
Il appela Montague qui venait à la rescousse.
- Tu sais ce qu'on fait des prisonniers ? demanda-t-il.
- Je l'amène à Vector ? proposa Archie Montague.
Il poussa le mangemort désarmé devant lui. Archer le rappela :
- As-tu des nouvelles d'Ellie ?
- Pas depuis que Marchinson l'a emmenée…
Montague fit deux pas et se retourna vers Archer :
- Tu crois qu'elle en a profité pour l'éliminer ? se moqua-t-il avant d'emmener le mangemort vers le professeur d'Arithmancie.
Andrew secoua la tête, non sans sourire. Il entendit Montague déclarer à leur camarade qui se lamentait sur le sort de son frère :
- Et encore, toi, tu n'as pas à te plaindre ! Oswald, lui, vient de se rendre compte qu'il a failli tuer son père.
§§§§§§§§§§§§§§
Comment ils avaient rassemblé les Sombrals, Ron préférait ne pas y songer. C'était Neville –du moins il croyait s'en souvenir- qui avait lancé le premier sortilège de cordes enchantées. Krum l'avait imité, et Nott ensuite. Il semblait à Ron que le Serpentard n'éprouvait pas plus que lui-même de sympathie pour les créatures effrayantes qui ruminaient devant eux il ne savait quelle chair –et il ne voulait surtout pas le savoir. Le Gryffondor avait fait taire sa répulsion et il s'était agrippé aux écailles. Les Sombrals avaient déployé l'envergure impressionnante de leurs membranes quand Neville avait ordonné : Aux portes du château ! sur un ton ferme. Ron avait alors remarqué que Théodore Nott n'était pas plus rassuré que lui.
Ils s'élevèrent au-dessus de la Forêt, lentement, dans un silence troublé uniquement par le tonnerre que le vent roulait sous les nuages. Ron essaya de distinguer, dans l'ombre en dessous de lui, les cimes des grands arbres et au travers, la silhouette improbable de Harry. Il était là. Quelque part. Tout près et si loin. Il était là. Luttant dans la nuit, comme eux. Pour eux.
Ron essuya les larmes que le froid mettait dans ses yeux. Ils devaient tenir, jusqu'à ce que Harry sorte de la Forêt Interdite, le Vif d'Or entre les doigts
§§§§§§§§§§§§§§§§§
Attendre. Le regard perdu vers la Forêt, d'où viendrait la délivrance. Il avait cru son espoir réalisé quand la Forêt avait frémi. Il avait vu alors s'élever au-dessus des arbres les créatures sombres, immondes messagères de mort. Ombres chevauchées par des ombres. Et il ne savait encore à qui s'adressait le funeste présage. Le vent avait dispersé depuis longtemps la marque des Ténèbres au-dessus du parc. Et voilà que la mort envoyait ses coursiers pour participer à la bataille, monstres impassibles et implacables. L'odeur du sang les attirait. Et leurs yeux pouvaient voir ceux qui portaient la marque du tombeau.
Drago Malefoy se souvenait comment ces horribles bêtes l'avaient fixé le jour de la rentrée ; ainsi que le jour où il avait quitté Poudlard pour les obsèques de son père. Et quand il était revenu, à la nuit tombée, comme leurs yeux brillaient –tant qu'il ne pouvait détourner son regard du leur.
Il frissonna. Il serra sa couverture autour de lui sans parvenir à se réchauffer. Il se tourna à nouveau vers la Forêt sans plus s'intéresser à ce qui se passait devant l'enceinte. Que lui importait la bataille. Quand le Maître se montrerait, ils trembleraient. Tous.
§§§§§§§§§§§§§§
- Professeur ! Professeur ! cria Fred en arrivant devant les portes, les bras chargés d'objets hétéroclites.
Il laissa tout tomber au sol –les balais, les boites de balles de Quiddtich, la batte qu'il tenait à la main- et se précipita vers Dumbledore.
- Professeur ! haleta Fred. Ils arrivent. Terry nous a prévenu. Les mangemorts s'étaient regroupés à Pré-Au-Lard…
- C'est ce que je craignais, répondit Dumbledore. Quand je ne les ai pas vu arriver… Y a-t-il eu bataille là-bas encore ?
- Les nôtres ont essayé de les retenir le plus longtemps possible, assura Fred. Mais les autres savent à présent que nous les attendons. Ils ont volé tous les balais dont ils avaient besoin. Ils ne transplaneront pas devant le château.
- Alors nous avons tout juste le temps de nous préparer à les recevoir… décida Dumbledore. Vous l'aurez, Fred, votre partie de Quidditch !
Le vieil homme appela autour de lui tous ceux qui étaient prêts à prendre leur envol. George distribuait les balais. Il n'y en aurait pas pour tous.
- C'est tout ce que nous avons pu trouver ! Qu'avez-vous fait des autres ? Vous avez allumé le feu avec ?
- Ne vous inquiétez pas pour les montures, rassura Dumbledore. Votre frère et ses camarades nous ont ramené de quoi les remplacer avantageusement. Je vous recommande toutefois de garder les batteurs au sol avec une couverture armée. Je vais enchanter les souafles pour qu'ils fassent office de cognards cette fois. Les balais aux plus rapides et aux plus agiles, George. Viktor ? Vous voudrez bien vous charger de commander cette escadrille ? Rappelez aux candidats au vol que c'est un exercice des plus dangereux qui les attend. Déséquilibrer l'adversaire est l'objectif primordial. Une brigade au sol s'occupera de mettre hors d'état de nuire ceux qui seront désarçonnés. Neville ? Tu veux t'en occuper, mon garçon ? Les autres, deux par Sombrals, pas plus… Si l'un de vous est blessé, il vient me rejoindre au sol. Un autre prendra sa place. Je ne veux pas que vous preniez plus de risques que cette affaire n'en comporte déjà. Ceci est un ordre, que ce soit bien clair.
Il se tourna vers les portes et appela Dennis, Malone, Goyle et Mcmillan.
- Inutile d'attendre : ouvrez-les portes !
Les garçons se mirent à l'œuvre. Dumbledore enchanta les souafles de manière à les transformer en cognards d'occasion. Krum inspectait ses hommes et leur faisait ses dernières recommandations. Il avait sous ses ordres les attrapeurs des diverses équipes, ainsi que quelques poursuiveurs qu'il avait vus jouer et s'entraîner.
- Visez les cagoules, dit-il.
- Chauve-Furie ! s'écria Ginny à l'attention des filles qui s'étaient rassemblées autour d'elle.
- Incendio ! dit Sanders, vexé de n'avoir pas eu le premier l'idée de Peeves.
- Vous faites ce que vous voulez ! trancha Krum. Ou ce que vous pourrez… Messieurs, et Mesdemoiselles… En vol, s'il vous plait…
L'escadrille des balais s'envola, alors que Dumbledore leur recommandait de ne pas s'éloigner des portes, de laisser venir les mangemorts à eux, s'ils voulaient bénéficier du soutien des batteurs.
§
Le troupeau des Sombrals s'éleva un peu plus tard, une fois que Ron eût convaincu nombre de ses camarades qu'il n'y avait aucun danger à chevaucher le vide. D'autres étaient effrayés et refusaient de s'approcher de ces bêtes qu'ils voyaient pour la première fois.
Le Gryffondor montra l'exemple. Il monta le premier, et prit Dean derrière lui.
- On travaille en équipe ! s'écria-t-il, dans le bruit de l'orage qui se rapprochait. Celui de devant attaque, l'autre protége. On y va ! Il suffit de demander au Sombral où vous voulez aller ! Accrochez-vous aux écailles. On va leur fiche la peur de leur vie !
- Ils sont vraiment si horribles ? murmura Dean dans le dos de Ron. Si seulement les mangemorts pouvaient rebrousser chemin rien qu'en voyant ces choses !
- Oh ! Ils les verront, Dean… Ils les verront… et ce sont eux qui seront saisis par la peur et l'effroi, crois-moi…
§
Ron chuchota : devant les portes de l'enceinte ! à l'oreille de sa monture. Et la créature ouvrit la voilure de ses ailes.
En bas, McGonagall les regardait monter par-dessus les portes en train de s'ouvrir.
- Albus ! Regardez ! Les voilà ! s'écria-t-elle.
- Nous sommes prêts à les recevoir, Minerva… Comment est-ce à l'intérieur ?
- Je me suis assurée que les prisonniers ne nous causerons plus de soucis. Et j'ai laissé Madame Pomfresh avec Madame Bibine pour soigner les blessés. Les elfes continuent à en amener… Ho ! Albus ! Tous ces enfants…
- Et Algie ?
Elle secoua la tête.
- Ils ont bloqué le passage... je n'ai pu parler avec lui. Mais on se battait encore dans la Grande Salle quand je suis sortie.
Dumbledore se rapprocha des portes et McGonagall le suivit. Les jumeaux Weasley disposaient les batteurs en un large cercle devant l'entrée principale de l'école.
- Dennis ! cria Fred. Ils sont là ! Dépêche-toi d'ouvrir ces fichues portes pour venir nous donner un coup de main.
- Ça va, Weasley ! lui répondit la voix de Nott dans la nuit. Contente-toi de taper dans les cognards et laisse les autres s'occuper du reste !
- C'est ça ! railla Lee Jordan un peu plus loin. Et vous les Serpentard, n'oubliez pas ! ce sont les capuches noires qu'il faut viser ! Pas les Gryffondor !
- Tiens, tu es là aussi Jordan ? Il ne manquait que toi !
- Je n'allais pas manquer la partie du siècle, Finch ! Ha ça non alors !
Un éclair illumina la nuit, éclairant les silhouettes qui volaient par-dessus la route et les portes. Ils levèrent tous la tête vers le ciel noir.
- Albus… murmura McGonagall. Vous croyez que les aurors et membres de l'Ordre pourront venir ?
- Je l'espère, Minerva…
- Ne pouvez-vous aller les chercher ?
Dumbledore ne répondit pas immédiatement.
- J'ai fait ce que j'ai pu, dit-il enfin. Ma place n'est pas ailleurs qu'ici à présent.
§§§§§§§§§§§§§§
- Quelqu'un peut me dire ce qui se passe ? demanda Ellie McGregor pour la quatrième fois en dix minutes.
Elle sentait sur son épaule la tête de Colin Crivey qui se faisait de plus en plus lourde. Parfois des éclairs passaient devant ses yeux douloureux. Et elle ne pouvait rien déduire des bruits qui lui parvenaient, que l'angoisse presque palpable d'Isadora Marchinson à côté d'elle.
Ellie enrageait. De ne rien savoir de ce qui se passait. D'être coincée sans pouvoir rien faire. D'ignorer si son appel à l'aide avait été compris. De ne savoir ce que devenaient ses amis. De devoir s'empêcher de penser à Harry sous peine de fondre en larmes et de raviver le mal dans ses yeux.
Plusieurs fois, des mangemorts s'étaient approchés d'eux. Tous les trois, ils avaient lancé autant de Chauves-furies qu'ils l'avaient pu, plus ou moins au hasard en ce qui concernait la Serpentard. C'était avant que Colin ne s'effondrât sur l'épaule d'Ellie. Que pouvaient-ils faire d'autre qu'attendre ? Si encore ils avaient eu la riche idée de se retrouver coincés tout près de Flitwick ! Mais non ! Il fallait qu'ils dussent attendre l'issue de la nuit en compagnie de ces corniauds de Salamandres, dont tout le monde se fichait bien !
- Je suis en train de penser à une chose, Ellie…
- T'es pas obligée d'en faire profiter les copines, Isadora…
- Je me disais qu'à cause de toi, on pourrait même plus se sauver par la cheminée…
- Merci, Marchinson.
- De rien, McGregor.
Ellen reprit le cours de ses pensées. Il fallait qu'elle dût attendre l'issue de cette nuit en compagnie de ces corniauds de Salamandres, et de l'ex de son petit ami, avec les yeux plein de cette saleté de poudre de cheminette. Quelle soirée de chiottes ! Par tous les serpents de Méduse ! Quelle soirée de chiottes !
§§§§§§§§§§§§§§
Attendre. Attendre encore. Laisser se battre tous ses imbéciles en bas. Lui il avait fait sa part. Il avait ouvert les portes. Il avait guidé ceux qui devaient l'être là où ils devaient aller. Il avait éliminé la menace de la sang-de-bourbe. Il avait démasqué les traîtres. Il pointerait bientôt son doigt sur eux, et il les offrirait au Maître.
§§§§§§§§§§§§§§
- A droite ! souffla Ron dans l'oreille du Sombral.
La monstrueuse monture vira sur la droite. Dean cria un sortilège d'expulsion, le mangemort en face d'eux vida le balai. L'homme tomba d'un côté, le balai de l'autre. Ron fit remonter le Sombral au-dessus de la mêlée. Les éclairs crépitaient dans un ciel d'apocalypse. Le tonnerre faisait trembler jusqu'au sol.
- Accroche-toi ! cria Ron. On plonge !
Il fonça dans la bataille. Ginny passa devant eux, précédée d'une vigoureuse Chauve-Furie. Rosalind Sheldon et Debbie Grayson s'attaquaient à un mangemort, l'une à sa cagoule, l'autre à son balai. Un peu plus loin, Krum entraînait un adversaire dans une course poursuite où il n'aurait pas l'avantage.
Ron tendit sa baguette. Le mangemort rattrapait Viktor. Ce dernier plongea vers le sol, le mangemort le suivit. Ron tourna sa baguette vers un autre ennemi. Il avait presque envie de rire. Dans son dos, Dean criait qu'il allait s'écraser au sol. Mais Viktor redressait son balai, sous les ovations de leurs camarades au sol. Son adversaire réalisa trop tard qu'il s'était fait piéger. Il s'écrasa à terre, où la brigade de Neville ne put que constater son décès.
Les cognards faisaient leur office. Fred, George et quelques autres avaient récupéré des balais ennemis et n'avaient pu résister à s'élever dans les airs. Ils renvoyaient les cognards, souafles et tout autres projectiles avec enthousiasme et énergie, vers les batteurs restés au sol.
Mais les mangemorts étaient plus nombreux qu'escompté. Et s'ils ne s'attendaient visiblement pas à un accueil aussi chaleureux, ils étaient très vite revenus de leur surprise.
On a eu les autres à l'intérieur, il n'y a pas de raison pour qu'on n'ait pas ceux-là... se répétait Ron alors qu'il pointait sa baguette sur les mangemorts à sa portée. Il fallait les occuper. Les empêcher de mettre pied à terre et de courir vers l'intérieur. Peut-être, un miracle aurait-il lieu avant l'aube. Peut-être que Harry sortirait de la Forêt avant la fin de la nuit ; peut-être que les aurors surgiraient de l'ombre à leur tour. Peut-être que s'il y croyait très fort... Après tout, Hermione était revenue de la mort alors qu'il n'espérait plus.
§§§§§§§§§§§§§§
Hermione était à bout de forces. Fermer les portes de la Grande Salle avait été l'ultime épreuve qu'elle pouvait s'imposer. Elle luttait encore pour rester consciente. Elle restait immobile, allongée sur le sol tandis que la Grande Salle retentissait d'exclamations affolées et douloureuses. Elle apercevait par moment des têtes inconnues qui s'approchaient de son refuge. Et elle ne savait rien de ce qui se passait.
§
- Wahou... c'est vrai qu'il t'a arrangée, le petit asticot... Pour une fois, elle ne racontait pas de craques, Miss Langue-de-Vipère Dawson. Il a fait comment pour te mettre dans cet état... hein ? Beauté...
- Peeves...
- Laisse-moi profiter du spectacle, ma toute belle... Je comprends que ton rouquin chéri ait eu envie de lui faire avaler sa baguette à ce ver de terre qui se prend pour un dragon...
- Peeves...
Le rire de Peeves lui vrillait les tympans.
- C'est la cerise sur le gâteau de cette nuit... Quoi qu'il arrive j'aurais vu tous mes rêves se réaliser... ou presque.
Hermione mit tout son souffle dans un cri :
- PEEVES !
Peeves se tut. Cette fille l'étonnait encore. Même aux portes de la mort, elle avait ce regard... ce regard... Brrrrr !
- Peeves... Dans mon bureau, dans l'armoire... il y a des bombabouses... une poche de poudre à éternuer... et deux ou trois autres babioles de ce genre...
Peeves siffla longuement.
- Et moi qui croyais que tu étais du genre pisse-froid... Tu voulais t'amuser toute seule... C'est pas bien d'être égoïste...
- Peeves... ! Tu devrais aussi aller faire un tour dans le bureau de Rusard...
Peeves prit un air compassé :
- Pauvre Argus... soupira-t-il faussement chagriné. Il va me manquer... mais tu as raison, il n'a plus besoin de son bric-à-brac à présent... tu crois que je peux hériter de ses chaînes et de ses menottes ?
- Je suis sûre que tu leur trouveras une utilité, Peeves... Mais pour le reste, porte-les aux jumeaux...
Peeves s'approcha d'Hermione. Il lui fit un sourire grotesque.
- Tu sais... tu n'es pas si mal finalement... pour une harpie...
§
Il disparut dans un nouveau rire. Hermione ferma les yeux. Elle ne pouvait rien faire de plus. Elle ne pouvait qu'espérer. Les visages de tous ses amis passèrent sous ses paupières fermées. Elle ignorait tout de ce qui était arrivé à chacun d'entre eux. Où étaient Viktor, Ellie, Ginny... Ron ? Pourvu qu'il ne fît pas d'imprudence. Jamais elle n'avait autant détesté le Quidditch ! Que faisaient les jumeaux ? Et tous les autres ? Et Harry ? Depuis combien de temps était-il aux prises avec Voldemort ? L'absence du Seigneur des Ténèbres sur les lieux des combats était de bon augure en ce qui concernait la bataille. Mais Harry ? Qu'en était-il de lui ? Pourquoi ne revenait-il pas, lui non plus ? Ou ils se battaient encore. Ou ils étaient morts tous les deux. Non ! Non ! Si Voldemort était mort, ils le sauraient. Tous... Ils auraient senti la marque sur leur poignet s'effacer. Viktor les aurait avertis. Oui, Viktor aurait crié victoire. Non, Voldemort était encore vivant. Et Harry aussi puisque son adversaire ne s'était pas encore précipité pour ordonner la curée. Harry était vivant. Et tant qu'il serait vivant, tout était possible.
§§§§§§§§§§§§§§
Ron avertit Dean de les protéger d'un bouclier, et chargea les balais qui fondaient sur eux.
- Ron ! hurla Thomas à son oreille. Regarde ! Il y en a qui s'échappent !
§
Du côté des portes, un groupe de mangemorts profitait de la confusion de la nuit pour se rapprocher du château. Viktor appela son escadrille à leur poursuite. Les balais quittèrent la mêlée.
- On va pouvoir foncer dans le tas ! commença Ron.
Il se pencha vers la tête du Sombral. Finalement, ils étaient bien plus faciles à piloter qu'une voiture volante... Un cri de Dean l'interrompit. Ron dérouta le Sombral. Il plongea vers les portes. Vite ! Vite ! hurlait-il à la créature. Dean tendit les bras, il attrapa Ginny par la robe et les cheveux. Elle rugit des insultes. Dean préféra croire qu'elles étaient destinées à celui qui l'avait fait tomber de son balai. Il n'entendit pas exactement ce qu'elle disait, d'ailleurs. Un autre cri attirait l'attention de tous.
Un instant, les combats faiblirent. D'autres balais surgissaient de la nuit. Viktor hésita. Les mangemorts continuaient leur fuite vers le château. Si ceux qui arrivaient étaient des leurs, la partie de Quidditch allait tourner au cauchemar.
En bas, Dumbledore levait sa baguette, alors que McGonagall entraînait à sa suite une partie des élèves, vers le perron. Un faisceau de lumière monta dans la nuit et un phénix d'argent ouvrit ses ailes. Un rayon cristallin vint de l'essaim sorti du néant et un faucon plongea vers les combattants.
Une voix s'éleva dans le silence soudain de l'orage et des affrontements.
- Olivier ! Olivier et sa Brigade volante !
Le tonnerre lui répondit, et le fracas de la bataille reprit. Viktor se lança à la poursuite des mangemorts. Ron posa son Sombral. Il poussa Ginny et Dean à terre.
- Courrez au château ! leur ordonna-t-il.
- Ron ! hurla Ginny.
Dean retint la jeune fille qui s'accrochait au vide.
- Viens, Ginny... Laisse-le !
Le tonnerre roula juste au-dessus de leurs têtes.
- Ron ! cria à nouveau Ginny.
Mais Ron s'élevait déjà vers le ciel que les éclairs illuminaient. La jeune fille et son camarade restaient la tête levée vers les nuages, offerte à la pluie qui commençait à tomber.
Ron filait vers le château, précédant d'autres mangemorts échappés du combat aérien des portes. Il décrivit soudain un large demi-tour et se rua vers le rang serré de l'ennemi, le bras tendu et la bouche tordue dans une incantation puissante.
- Il a perdu la tête ! hurla Ginny.
- Non ! Il va les empêcher de marquer des buts ! répondit Dean avec admiration.
- Mais il est nul comme gardien !
- On s'en fiche ! Pour une fois qu'il ne joue pas comme une patate...
- Vous avez tous perdu la tête ! hurla Ginny.
Dean l'entraîna vers le château.
- Ne t'inquiète pas ! On va la gagner, cette coupe ! On va la gagner pour Seamus... !
§§§§§§§§§§§§§§
Harry sentait sous lui des pointes dures qui s'enfonçaient dans ses reins, ses mollets et son dos. Il saisit entre ses doigts l'une des flèches des Centaures. Il tremblait de tous ses membres. La rage et les larmes glacées brouillaient sa vue. Il sentit monter en lui la magie en une onde violente. Il ne la retint pas. Il n'y avait aucune lumière à souffler cette fois, si ce n'étaient les deux points flamboyants sous la capuche noire. Il sentit le souffle de la magie l'envelopper. Les flèches autour de lui fusaient dans un sifflement aigu.
Un nouveau rire retentit. Les pointes tombèrent aux pieds de Voldemort sans l'atteindre.
- Tu ne peux rien contre moi, Potter… insinua la voix sifflante. Ne l'as-tu pas encore compris ? Ou bien est-ce le désespoir qui te pousse à ces actes absurdes et vains ?
Il avançait lentement mais inexorablement vers Harry à terre, éperdu d'une douleur qui étreignait son cœur et écrasait sa poitrine. Le jeune homme reculait, traînant ses coudes et ses reins dans la neige sale. Sa baguette était là quelque part… mais que pouvait-il faire avec si la magie ancienne n'avait aucune prise sur Voldemort. Il avait perdu son combat contre l'esprit du seigneur de l'ombre. Et la magie ne le sauverait pas. Sa main ne tuerait que son corps, s'il parvenait jusqu'à lui.
Il avait échoué.
§
- Je pourrais te tuer tout de suite Potter… Oui… cela fait si longtemps que j'attends ce moment… Mais ce serait mettre un terme à ton supplice un peu trop tôt… seize ans, Potter… Seize ans de patience et de souffrances… Voilà ce que j'ai enduré à cause de toi ! Potter !
§
Un éclair rouge jaillit de la baguette au même moment où la bouche haineuse de Voldemort hurlait pour la troisième fois le nom de Potter. Le Doloris atteignit Harry une demi seconde plus tard. Il ne chercha pas à lutter contre la torture infinie qui le crucifiait tout entier. Il ferma les yeux.
Il avait échoué. Plus rien n'importait.
Il avait échoué.
§§§§§§§§§§§§§§
YEAAAAAAAH ! Peeves se balançait au travers du Hall, accroché d'une main au grand lustre, dans l'autre une bombabouse.
- Aux abris ! cria Dean.
Dans un réflexe, les élèves dans la trajectoire de l'esprit se rejetèrent sur le côté. Un mangemort fut mis hors jeu pour un moment. Mais d'autres arrivaient, de l'extérieur, et du couloir, tout dégoulinant d'une bave étrange et malodorante. Ceux-là avaient retiré leur cagoule et leurs visages reflétaient la plus grande des déterminations.
Peeves se balançait toujours au lustre. Il sortit de sa poche un petit sachet qu'il saupoudra dans le hall, au gré de ses passages. On se mit à éternuer dans tous les coins, maudissant cet idiot de Peeves qui ne savait différencier l'ami de l'ennemi. Et quand le passage de la petite salle attenante au réfectoire laissa passer les Serpentard menés par le professeur Vector, Peeves lâcha le lustre dans un long hurlement d'exultation. Il sortit des chaînes qu'il portait à la ceinture et se mit à les faire tournoyer au-dessus de sa tête comme un lasso.
Vector fit reculer les jeunes gens dans la petite pièce. Dean et Ginny se mirent à l'abri sous le passage des cuisines, où ils retrouvèrent Susan et Hannah, avides de nouvelles. Krum les rejoignit quand la plupart des mangemorts battirent en retraite dans le couloir du rez-de-chaussée.
- On les tient ! s'exclama Dean dans une excitation nerveuse.
- Oui mais si le sortilège qui bloque le couloir cède... ils auront accès à la Grande Salle ! répondit Viktor.
- Et ça recommence ! gémit Ginny. C'est quand l'aube ?
- Juste avant l'aurore... dit Luna. Vous savez où est Neville ?
- Dehors, dit Dean. Avec Justin, et Ernie aussi... et tous les autres... Ils empêchent les renforts des mangemorts d'arriver jusqu'ici.
- Ils ne sont pas très efficaces, fit remarquer Luna en désignant d'autres encapuchonnés qui pénétraient dans le hall.
Ginny se mit à rire, avec exaspération.
- Peeves ! appela-t-elle. Qu'est-ce qu'il te reste comme munitions ?
- Des pétards du Dr Flibuste !
La voix de Peeves venait du palier au-dessus du passage.
- Mais je les garde pour la fin ! prévint-il.
- Peeves ! le feu d'artifice c'est maintenant ou jamais !
- C'est toi qui le dis, Weasley !
- C'est parce que je suis sûre que le couloir du rez-de-chaussée est parfait pour ça, Peeves ! Et le public appréciera !
Peeves tordit sa tête pour apercevoir l'entrée du corridor ; il vit qu'on s'y battait.
- Ça pourrait être intéressant, en effet ! dit-il en sautant sur la rampe.
Il poussa un long cri alors qu'il se laissait glisser sur la balustrade.
- Attention ! cria Ginny. Ils vont sortir ! Tenez-vous prêt !
Viktor retourna dans le hall afin d'amener les jeunes gens à prendre la place des mangemorts délogés.
Il lui semblait à lui aussi qu'il était en train de revivre à l'infini les mêmes moments effroyables. Il sentait ses compagnons d'arme épuisés, à bout de nerfs. Si la peur les animait, cela ne se voyait guère. L'inconscience des premiers échanges avait fait place à une détermination qui l'étonnait encore. Et le laissait quelque peu admiratif. Si ces enfants ne flanchaient pas devant l'épreuve, il se devait de les encourager par l'exemple. Il était leur professeur. Ils comptaient sur lui pour leur montrer le chemin. Il devait se montrer digne de leur confiance. Avant la fin de la grande nuit de Yule... il aurait tout perdu. Mais qu'avait-il perdu en somme ? La gloire ? L'honneur ? Sa propre estime ? Rien qui ne pouvait se reconquérir. Des amis ? Des proches ? C'était dans l'ordre des choses et des expériences inévitables de la vie. Hermione ? Elle était vivante. Et elle l'aimait aussi. Pas comme il l'avait cru, ou voulu le croire. Mais elle était restée son amie, malgré tout. Avant la fin de la grande nuit de Yule... la seule chose qu'il avait à perdre, c'était la vie. Et il n'était pas prêt à la brader.
Les explosions et les cris fusèrent du couloir. Il y eut des étincelles et de la fumée. Peeves se tapait les cuisses. Il fondit sur les mangemorts, en attrapa deux au hasard qui se retrouvèrent menottés ensemble, et accrochés au lustre. Krum se rapprocha du professeur Vector qui lui apprit que les elfes avaient commencé à transporter les blessés auprès de Madame Pomfresh, et qu'ils avaient également ramené de la poudre de cheminette. Flitwick surveillait les prisonniers. Algie Londubat s'occupait de mettre les plus jeunes à l'abri. Viktor, lui, annonça l'arrivée du renfort de la Brigade Volante.
- Nous le savons, dit Vector. Nous l'avons vu dans les lentilles magiques. Ils sont bienvenus, mais suffiront-ils ?
Viktor n'eut pas le temps de répondre, s'il en avait eu le cœur. Vector le poussa sur le côté, mais sans pouvoir lui éviter un sortilège. Krum s'affala dans les bras du professeur.
- Gervase !
Vector releva la tête.
- Gervase ! Rejoins-nous et tu auras la vie sauve !
Vector déposa Krum au sol. Il se redressa lentement. Le mangemort qui l'interpellait ainsi enleva sa capuche.
- Michael ?
- Rejoins-nous, Gervase ! répéta le mangemort. Il est encore temps.
- Michael ! Je ne peux pas le croire...
Vector semblait atterré. Il en oubliait Viktor à ses pieds.
- Je t'offre une chance de réparer tes erreurs, Gervase. Au nom de notre amitié...
- Une chance... murmura le professeur. Michael... Alors... tu nous as menti... Quand tu as prétendu... Simon avait raison... C'est pour ça que tu l'as tué aussi...
Vector fit un pas en avant la baguette levée.
- Comment as-tu pu, Michael !
- Il refusait de nous suivre...
- Toi et tes amis veniez de tuer Laura et Connor ! Comment voulais-tu que nous te suivions ? Ils étaient nos amis, Michael !
- C'étaient des ennemis du Maître ! Et ce n'est pas moi qui ai tué Simon...
- Comment veux-tu que je te croie ! Vous portiez tous des cagoules ! Tu aurais aussi bien pu me tuer moi aussi ce jour-là ! On venait d'enterrer Laura et Connor... On sortait du cimetière... tu as oublié, Michael ? Mais c'est vrai ! Tu n'étais pas avec nous ! Tu étais avec eux ! Tu te souviens de Robin Bennett, et de son frère Mark... Et Dotty Richards ! Ne me dis pas que tu as oublié Dotty ! Elle était folle de toi ! Ce jour-là, Michael... on n'avait pas fini de pleurer les Cullen quand tu es arrivé avec tes complices...
- Ce n'était pas moi... ! Je ne sais même pas de quoi tu parles !
Vector fit un seul pas en avant.
- Tu ne sais pas de quoi je parle ! cria-t-il. Je te parle de Dotty, de Robin, de Laura, de Connor et de Simon ! Je te parle de nos amis et toi tu ne sais pas de quoi je parle !
- Tu me déçois, Gervase... Je ne pourrai rien pour toi quand le Maître punira ceux qui se sont levés contre sa puissance. Il entrera bientôt par cette porte, et tu regretteras de ne pas m'avoir écouté...
- Michael... qu'est-ce qui nous est arrivé ?
- Tu as fait le mauvais choix, Gervase...
Michael leva le poignet. Gervase fut moins rapide. Cependant un coup assez rude au jarret, le fit fléchir. L'éclair vert passa tout près de son épaule. Et un autre partit du sol, presque en même temps ; un éclair bleuté qui frappa Michael en pleine poitrine. Le mangemort tomba en arrière.
- Vous connaissez cet homme ? demanda Viktor qui se relevait avec peine.
- Il a été mon meilleur ami... C'est vous qui l'avez frappé ?
- Il vous aurait tué...
Vector massa son jarret.
- Oui... Sans vous, il ne m'aurait pas épargné, cette fois... Vous êtes blessé, Viktor...
- Je peux bouger encore... la douleur s'estompe... Nous verrons plus tard...
Il s'appuya sur le bras du professeur pour se remettre debout.
- Vous avez fait partie de la bande de cet homme ? demanda encore Krum à voix basse.
- Non... répondit Vector. Mais j'aurais pu... Venez... Entrez dans la pièce.
- Je ne veux pas me cacher... Je peux me battre encore...
Vector le poussa à l'intérieur de l'antichambre pour le mettre à l'abri.
- Vous vous battrez, Viktor... Il en vient de plus en plus... je crains pour nos amis de Pré-au-Lard...
§
- Gervase !
Vector se retourna vivement. Mais ce n'était que le professeur McGonagall, échevelée, essoufflée, épouvantée...
- Algie a-t-il pu envoyer les enfants à l'abri ?
- Il était en train de le faire ! cria Vector pour se faire entendre. Pourquoi ?
- Dumbledore m'a fait prévenir... de nombreux mangemorts viennent de transplaner devant les portes de l'enceinte. Il pense qu'il s'agit de ceux de Pré-au-Lard qui aurait été secourus...
- Avez-vous des nouvelles des Aurors et des membres de l'Ordre ?
- Pas depuis que Bill Weasley et Nymphadora Tonks nous ont avertis qu'ils intervenaient sur une attaque de Détraqueurs... Et au Ministère ?
- Ils tiennent bon... C'est déjà ça...
McGonagall se mordit le poing.
- Quelle nuit, par Merlin ! se lamenta-t-elle. Je n'en ai jamais connue de pire ! De toute ma vie... ! J'espérais que Dubois pourrait nous ramener davantage de renforts... et voilà qu'Albus en a renvoyé une partie sur le village...
- Il faut tenir, Minerva... Au moins jusqu'à l'aube... Ensuite chacun choisira sa route...
Vector se retourna vers Krum :
- Allez vous faire rafistoler par Algie ou Filius, Viktor... Vous ne vous battrez pas longtemps si vous vous obstinez à refuser les soins... Nous tiendrons la porte, à nouveau...
- Et moi je vais renforcer la défense des cuisines... ajouta McGonagall qui s'était ressaisie. S'ils parvenaient à descendre ce serait un carnage...
Elle repartit dans le hall, saluée par Peeves qui se frottait les mains à la vue de tant de nouvelles têtes à houspiller.
§§§§§§§§§§§§§§
Théodore Nott entendit derrière lui une voix qui le fit se retourner. L'homme ne portait pas de cagoule. Il le reconnut immédiatement dans la lumière fulgurante. Il ne l'avait vu qu'une seule fois. Lors des obsèques de son père. Son oncle le lui avait présenté sous le nom de Mulciber. Ezechiel Mulciber. Il était arrivé la veille de l'enterrement, à la nuit tombée, par un passage dérobé. Mulciber... Son père lui avait souvent parlé de lui. Un homme implacable. Qui maniait l'Impérium comme d'autres les sortilèges d'attraction. Il comprit soudain, d'où venaient ces hommes, brutalement surgis de la nuit. Weasley leur avait raconté que les mangemorts avaient soumis les habitants de Pré-au-Lard à l'Impérium pour les tourner contre leurs défenseurs. Mulciber était là-bas, il en aurait juré. Et il allait faire de même à Poudlard. Obliger les élèves à se tourner contre leurs camarades et leurs professeurs, avant de se voir éliminés à leur tour...
Mulciber était déjà loin, vers le parc, une cohorte de mangemorts à sa suite. Nott s'élança sur leur pas. Il croisa Neville Londubat, qui faisait face à plusieurs adversaires. Son collier de bouchons de bièraubeurre le désignait comme une victime facile et le pauvre garçon se démenait avec une frénésie ridicule qui aurait fait sourire si elle n'avait été si vaine.
- Passe derrière les portes ! lui cria Nott.
Le bruit était assourdissant. Les éclairs qui allumaient le ciel donnaient au visage grimaçant de Neville l'expression effrayante des grotesques. Mais il ne bougea pas, rendant sort pour sort, sans céder un pouce de terrain.
- Rentre !
Neville ne répondit pas. Il ne desserrait les dents que pour lâcher un sortilège.
Nott cracha un juron sur l'entêtement des Gryffondor et leur stupide fierté. Il poussa Neville au moment même où un mangemort plus malin que les autres dirigeait le rayon de son sortilège sur son bras gauche. Neville poussa un cri à la place du Protego qu'il comptait lancer. Nott buta sur un corps à terre. Il glissa et tomba dans la boue en même temps que Neville. Les mangemorts se précipitèrent vers eux.
- On est fichus ! se lamenta Londubat.
Et Nott souhaita de toutes ses forces qu'il n'y eût personne parmi eux qui ne pût le reconnaître pour le fils de son père.
§§§§§§§§§§§§§§
Ron avait beau multiplier les manœuvres, il était bien conscient de l'inutilité de ses efforts. Pour un mangemort envoyé à terre, il en surgissait quatre ou cinq de la nuit. Fred et George avaient abandonné les cognards disparus dans la mêlée, en l'air ou bien à terre... Ils ne se servaient plus que de leur batte pour frapper l'ennemi, de toutes leurs forces.
En bas, cela n'allait guère mieux. Des mangemorts avaient transplané, et des corps par dizaines jonchaient le sol. Ron était bien incapable de dire à qui ils appartenaient. Il ne pouvait qu'espérer que ce n'était pas ceux de ses camarades. Il voyait par moment, quand il distrayait son attention de ses adversaires, la silhouette claire de Dumbledore, dressée dans l'orage, ainsi que d'autres qui courraient vers le château, par troupes entières. Personne n'arrivait à les intercepter. La défense de Poudlard s'essoufflait. Se laissait déborder. Sur tous les fronts, la bataille reprenait. Plus âpre, plus brutale, plus meurtrière que jamais. Ron résista à l'envie violente de se tourner vers la forêt. Si Harry n'en était pas sorti, c'était qu'il ne le pouvait pas. Et s'il ne le pouvait pas, c'était que Voldemort n'était pas encore mort. Il ne voulait pas songer à d'autres possibilités. Il savait qu'Harry ferait tout ce qui était en son pouvoir. Lui, il devait tenir et tenir encore, malgré la fatigue, le froid et la pluie qui le gelait jusqu'aux os. Il devait tenir jusqu'à l'aube.
§§§§§§§§§§§§§§
Ginny ne pouvait s'ôter de l'esprit l'image de la silhouette dérisoire de son frère s'agitant dans le ciel. Même si elle avait vu les jumeaux le rejoindre, elle gardait au cœur cette étreinte douloureuse qui l'avait saisi quand elle s'était rendue compte qu'ils se faisaient déborder par les mangemorts.
L'arrivée de Dubois et de ses camarades n'avait pas réussi à lui rendre son ardeur au combat –ils n'étaient pas assez nombreux pour empêcher les mangemorts de reprendre l'avantage. C'était la colère qui la submergeait. La colère et la peur. La même colère et la même peur qui animaient ses amis. A nouveau, il leur fallait se battre dans le Hall. A nouveau, il leur fallait défendre pied à pied des positions qu'ils avaient déjà gagnées de haute lutte. Cette nuit n'en finirait donc jamais...
Ils ne savaient même plus pourquoi ils se battaient. Sauf parce qu'ils savaient que s'ils cessaient de se défendre, ils tomberaient comme les autres. Sauf parce qu'ils voulaient voir l'aube se lever sur l'école. Même s'ils ne savaient sur quoi elle se lèverait.
§§§§§§§§§§§§§§
La voix de Dumbledore couvrit un grondement encore lointain, qui n'était pas celui de l'orage. Théodore Nott roula sur le côté, entraînant Neville avec lui.
- Bouge tes fesses, Londubat ! cria-t-il.
Mais il était trop tard, partout c'était la débandade. Elle leur évitait de tomber entre les mains de l'ennemi, mais sans leur garantir la vie sauve. Nott rampait dans la boue, traînant Neville inconscient vers les portes. Le sol tremblait. Théodore se coucha à terre, sur le corps de Neville, les bras sur sa tête. Il ne distinguait plus rien au travers de la pluie battante qui le glaçait tout entier, que des sabots d'argent et la blancheur des poitrails au-dessus de lui.
§§§§§§§§§§§§§§
Ron leva les yeux vers le ciel au-dessus des portes, par-delà les silhouettes sombres qui formaient un ballet rapide au-dessus du sol. Il vit, du fond de la nuit, un nuage clair envahir l'horizon bouché par la pluie. Il crut que c'était l'aube qui se levait enfin.
Le nuage fondait sur eux dans un roulement de tonnerre. Il remplissait tout le ciel. Dans une vague ondulante, il descendit vers la lande nue et sombre. Le grondement ne venait plus du ciel. La terre tremblait. Dans un éclair gigantesque, Ron crut voir des crinières flotter dans le vent d'une course éperdue.
En bas, Dumbledore criait quelque chose que Ron n'entendit pas. Echappés des nuages, il vit venir vers lui des chevaux d'une blancheur presque irréelle dans cette nuit noire et rouge. Une clameur monta du sol. Comme un cri sauvage, de guerre, de peur.
Le galop des cavaliers inconnus traversa les portes. Une bannière flottait à leur tête.
§§§§§§§§§§§§§§
La chevauchée n'en finissait pas. Le cœur de Théodore Nott battait aussi vite et aussi fort que le galop des chevaux innombrables. Ils ne les éviteraient pas éternellement et ils allaient être piétinés devant les portes ouvertes, à quelques pas du refuge. Il se sentit soudain traîné, soulevé, arraché à la fange dans laquelle ils s'enfonçaient, Neville et lui. Dans les cris et le grondement de la course effrénée, il vit la silhouette massive de Gregory Goyle retourner dans la bousculade. De longues minutes plus tard, quand Théodore eut enfin retrouvé son souffle et assez d'esprit pour se rendre compte que sa cheville lui faisait un mal de chien, Goyle revint et laissa tomber Neville aux pieds de son camarade de Serpentard.
- Qu'est-ce qui se passe ? cria Goyle terrorisé.
- Je sais pas... haleta Nott. Je n'ai rien vu...
- Il y a un homme à leur tête... avec une bannière... Théo ! Je crois que j'ai vu Godric Gryffondor à la tête d'une armée de fantômes !
Nott éclata de rire. C'était plus fort que lui. Il en tremblait tout entier, sans pouvoir s'arrêter.
- Je te le jure, Théo ! Il avait une bannière avec un lion d'or ! Leurs chevaux touchaient à peine le sol et leurs sabots faisaient des étincelles d'argent !
Le rire de Théodore Nott redoubla. Il attrapa la tête de Goyle pour le forcer à se calmer un peu.
- Je suppose en effet que c'est ce que l'histoire retiendra de cette chevauchée, dit-il. Si nous gagnons cette bataille...
Il se calma enfin et pointa sa baguette sur sa jambe blessée. D'un sortilège, il calma la douleur lancinante de sa cheville, et s'apprêta à quitter l'abri des portes. Goyle se prépara à le suivre. Nott le retint vivement.
- Non ! fit-il avec autorité. On en a assez fait, Gregory. Laissons ceux qui arrivent prendre leur part des combats. Si nous devons gagner cette bataille, il est inutile de nous faire tuer jusqu'au dernier. Et si nous devons la perdre... on avisera plus tard. Retrouve les nôtres et rassemble les ici. Empêche ces monstres assoiffés de mort de les achever. Il n'y a pas qu'une seule manière de se battre.
- Mais... et toi ? demanda Goyle un peu incertain.
- Moi, j'ai encore quelque chose à faire, Greg. J'espère qu'il n'est pas trop tard.
§
Il partit en courant vers le château, coupant à travers le parc, loin de la piste creusée par les chevaux. Au-dessus de lui des Pégases et quelques Sombrals prenaient en chasse des balais qui cherchaient à s'évader dans une fuite désordonnée. Il courait, à perdre le souffle. Si seulement il avait des ailes...
Il leva la tête vers le ciel. Au-dessus de lui tournoyait un Sombral et un rayon de lumière toucha son visage tourné vers le ciel. Il ferma les yeux, un instant ébloui, sans cesser de courir.
Quand il les rouvrit le Sombral volait à sa hauteur.
- Qu'est-ce que tu fais ? lui hurla Ron Weasley. J'ai failli te stupéfixer de là-haut !
- Il faut... que j'arrive... au château ! répondit Nott.
- Alors, saute ! ordonna Weasley.
Il tendit son bras vers l'arrière et Nott le saisit. Il s'accrocha à la robe du Gryffondor. Sa course s'accéléra. Ses pieds ne touchèrent bientôt plus le sol. Il ne put s'empêcher de hurler quand il se sentit aspiré vers le ciel, les jambes pendantes dans le vide. Il s'agrippa à la peau écailleuse. Ron le hissa comme il put.
- Qu'est-ce que tu vas faire ? lui cria-t-il.
- Il faut que je retrouve quelqu'un... avant qu'il soit trop tard...
- Malefoy ? hésita Ron.
- Je me fiche de Malefoy !
§
En bas, le sillage blanc des chevaux fonçait droit vers le château, sans se soucier des groupes de mangemorts qui s'écartaient de leur chemin. Le cavalier à la bannière lança son cheval vers les marches et s'engouffra dans le Hall suivi de quelques autres.
Les autres chevaux stoppèrent devant le perron et les hommes mirent pied à terre pour se jeter dans la bataille. Nott désigna un point au sol et cria : Là ! Laisse-moi ! Ron mit le cap vers le sol et fit atterrir le Sombral. Ils sautèrent à terre en même temps. Ron détala vers le château et Nott dans la direction opposée.
§
Mulciber rassemblait ses hommes un peu désemparés par l'irruption de cette cavalerie inattendue. Il les exhortait à se rapprocher du château.
Théodore Nott ralentit le pas, pour retrouver son souffle et calmer les battements de son cœur.
- Mulciber ! cria-t-il.
L'homme se retourna vivement. Il vit un jeune homme, couvert de boue, sans cagoule, qui portait la robe des élèves de Poudlard. Il leva sa baguette mais ne prononça pas de sortilège. Le nouvel arrivant le connaissait manifestement. Il ne pouvait s'agir que d'un rejeton de l'une de ses relations.
- Qui le demande ? répondit-il à son tour.
Nott s'avança. Mulciber dirigea le faisceau de lumière de sa baguette vers le visage du jeune homme.
- Tu es le fils de Théodore... reconnut-il avec satisfaction. Enfin ! Où sont les autres ? Tes camarades ? Ceux dont Drago Malefoy avait promis qu'ils prendraient Poudlard pour le Maître ?
- Malefoy est hors course, répondit calmement Nott. C'est moi qui mène les Serpentard à présent.
Malgré l'ombre, il vit le sourire de Mulciber s'élargir sur son visage encore méfiant.
- Bien... fit l'homme. Tu vas te joindre à nous pour terminer le travail ?
- Et les chevaux ? s'inquiéta un mangemort.
Il désigna la bataille sur les marches du château et le troupeau blanc éparpillé dans le parc.
- Ce n'est qu'une poignée d'hommes ! cracha Mulciber devant les hésitations des autres, manifestement peu d'accord avec leur chef.
- Ils sont plus nombreux que vous le pensez, dit Nott. Mais je sais comment créer la surprise...
Mulciber jeta un regard méprisant vers ses acolytes.
- Faut-il que ce soit un enfant qui vous donne l'exemple ? Va mon garçon montre-nous le chemin...
- Sur l'arrière du château, reprit Nott. Il y avait une verrière. Elle est brisée. On pourra entrer et prendre tout le monde à revers...
§
Il rebroussa chemin et courut vers la classe de Firenze, suivi par les mangemorts. A nouveau son cœur battait à se rompre. Il n'avait pas droit à l'erreur. Au moindre doute, Mulciber le tuerait.
- Par ici ! cria-t-il. Tout droit !
Il fit passer les mangemorts devant lui et retint Mulciber qui s'engouffrait avec enthousiasme dans la nuit.
- Mon oncle est-il parmi vous ? demanda-t-il en tâchant de conserver son calme.
Son cœur allait exploser. Il attendait la réponse sans oser respirer.
- Il a refusé de nous suivre... Je suis pourtant allé le chercher moi-même...
La main de Théodore Nott se mit à trembler. Il fut heureux que la nuit cachât son visage.
- Je suis désolé, Théodore... Quand je l'ai présenté au Maître après la mort de ton père, je croyais sincèrement bien faire. Naturellement, si j'avais su...
- Vous l'avez mis sous Imperium, n'est-ce pas...
- Je lui ai sauvé la vie, mon garçon... En mémoire de ton père, j'étais prêt à cela pour lui, bien que j'aie toujours su qu'il n'avait pas comme nous cette ferveur pour le Maître. J'espérais qu'avec le temps... J'espérais qu'il ouvrirait les yeux...
Nott serra sa main sur sa baguette. Il parvint à maîtriser l'émotion de sa voix lorsqu'il poursuivit sur un ton à peine moins froid qu'il ne le souhaitait :
- Et vous les lui avez fermé à tout jamais, n'est-ce pas... Vous croyiez le ranger de votre côté en lui racontant que Malefoy avait causé la mort de mon père ? C'est pour cela que vous êtes venu nous trouver la veille de son enterrement... Ou bien simplement pour avoir un prétexte pour l'approcher sans qu'il se méfie outre mesure ? Vous avez voulu me pousser à me venger de Lucius Malefoy sur son fils, pour que je prenne sa place auprès de mes camarades. Vous vouliez vous servir de moi aussi ?
- Tu vaux bien mieux que cette larve rampante, Théodore... C'est aussi ce que je disais à ton père. Il me répondait que Lucius était son ami. Mais Lucius n'avait pas d'amis. Et son fils est de la même eau. Ils ne servent pas le Maître. Ils ne servent que leur intérêt personnel... Le Maître a besoin de garçons comme toi. Ton oncle n'avait pas le droit de t'empêcher de prendre la place qui te revient.
Théodore Nott secoua la tête.
- Il est trop tard pour revenir en arrière, mon garçon... continua Mulciber. J'avais raison et ton oncle avait tort. Il n'était pas de notre côté... Tu le sais, n'est-ce pas : celui qui n'est pas avec le Maître et contre lui...
- Ça ! fit Nott avec une pointe de hauteur. Ça ne laisse pas grand choix, à quiconque...
Il y eut des cris dans l'ombre. Mulciber s'avança :
- Qu'est-ce que...
Il n'acheva pas sa phrase. Il sentit la pointe de la baguette de Théodore Nott sur sa nuque et l'entendit murmurer dans son dos. Il s'affala au sol, tout son corps insensible, et il réalisa qu'il se trouvait au bord d'une sorte de mare car son visage s'enfonça dans une eau glacée et saumâtre.
Théodore enjamba le corps de Mulciber et sortit du marécage.
- Quelque chose m'a mordu ! cria l'un des mangemorts.
- Mais par où ce stupide garçon nous a-t-il fait passer ?
- Aïe ! Moi aussi quelque chose m'a mordu.
- Par ici ! cria Nott sur la droite.
Et sur la gauche aussi. Et derrière. Et devant. Puis il prononça Accio baguette ! et tous les côtés répétèrent le sortilège. Les baguettes des mangemorts s'envolèrent tour à tour jusque dans la main de Nott. Ensuite, il chuchota un sortilège de confusion et l'écho le répéta à l'infini dans un murmure assourdissant, doublé des cris de douleur sans cesse recommencés et des jurons des hommes qui ne pouvaient sortir de cet endroit maudit.
- Rassurez-vous ! leur cria-t-il en s'éloignant. Les Fangieux ne sont pas si dangereux que cela... pour des sorciers compétents...
Et il partit en se réjouissant d'avoir pour professeur de Soins aux Créatures Magiques quelqu'un comme Hagrid, spécialiste des bestioles inutiles et potentiellement dangereuses.
§§§§§§§§§§§§§§
- Miss McGregor, c'est à vous !
Isadora Marchinson aida Ellie à se relever.
- On arrive, Professeur, dit la jeune fille de Poufsouffle.
- Je ne vais nulle part ! se défendit Ellie.
- Ellie ! Sois raisonnable ! haleta Colin Crivey appuyé sur l'épaule de son frère.
- Ellie ! Il faut partir. Tu as besoin de soins.
- Miss McGregor, je vous en prie... La bataille n'est pas encore finie et il n'est pas dit qu'elle ne tourne pas à notre désavantage... Partez tant qu'il est encore temps !
- Je veux être là quand Harry reviendra !
- Mais il ne reviendra pas ! se mit à crier Isadora. Tu n'as pas compris que tout était fichu ! On va tous mourir si on reste ici ! Colin ne tient pas debout ! Dennis est nul en défense contre les forces du mal. Et toi, tu n'es même pas fichu de distinguer l'ami de l'ennemi...
Un grand cri de terreur l'interrompit. La voix de Londubat cria un sortilège d'extinction. Une autre lui répondit avec un Expelliarmus. Dolohov ! interpella Krum. Ellie voyait, au travers les larmes de ses yeux irrités, les tentures et les oriflammes prendre feu. Avec une vitesse déconcertante, les flammes montaient jusqu'au plafond étoilé. Les cris redoublèrent quand les rideaux tombèrent dans la salle. Le feu se propageait très vite.
- Il faut faire sortir tout le monde ! cria la voix de Krum.
Celle de Dolohov à nouveau s'éleva, couverte par une autre clameur qui venait des prisonniers entravés au sol. Ellie plissa les paupières. Elle vit un homme faire un bond sur le côté et une masse sombre s'abattre dans la pièce. Il y eut un bruit de chute qui fit trembler le sol, et de bois brisé, des hurlements et un crépitement –comme quand on jette du bois dans le feu. Isadora cria à son tour et voulut l'entraîner vers la cheminée. « Attention ! » hurla Dennis Crivey sans qu'elle sût à qui s'adressait l'avertissement.
- Sortez ! cria Londubat en même temps qu'il demandait à ceux qui en étaient capables d'essayer d'éteindre le feu.
On poussa Ellie d'un côté, puis d'un autre. Elle sentait sur son visage la chaleur d'un brasier. La voix de Krum à nouveau, tout près :
- Le Hall n'est pas sûr ! avertit-il. Les mangemorts l'ont à nouveau investi ! Il faut ouvrir les portes et faire sortir les enfants par l'autre côté !
- Non ! s'écria brusquement Colin. Si vous faites cela, vous allez provoquer un retour de feu ! On apprend ça en école élémentaire, voyons...
- Bien sûr... fit Londubat dans une quinte de toux générée autant par la fumée que par la réprimande du jeune homme. Passez dans la petite salle ! ordonna-t-il. Viktor, aidez-moi à éteindre le feu. Et retrouvez Dolohov. Il a disparu dans les branches du sapin. Il est peut-être inconscient mais je ne veux pas prendre de risque. J'ignore comment il s'est délivré de ses sortilèges et je ne veux pas que cela se reproduise...
- Professeur ! le rappela le plus jeune des Crivey. Hermione Granger... Elle est près des portes et elle est blessée...
Au moment où Viktor Krum se tournait dans la direction indiquée par le jeune Dennis, un fracas effroyable retentit dans le Hall. Ils crurent tous entendre un hennissement et, parmi les cris qui s'élevèrent de plus belle, le nom d'Ellie.
Londubat ouvrit vivement le jeu de lentilles enchantées qu'il retira dans sa poche et poussa un juron. Ellen restait figée. Elle écarquillait les yeux et la chaleur de l'incendie lui faisait mal. A nouveau elle se sentit poussée vers la petite salle. La voix du professeur Vector couvrait les vociférations. Il y avait dans son ton une excitation nouvelle. Il envoya Archer et Montague chercher leurs camarades pour les sortir du brasier. Ellie se sentit attrapée par les mains et tirée en avant. Elle entendit crier :
- Ellie ! Ellie !
Son cœur se mit à battre à se rompre. Elle essayait de se faire entendre mais sa voix s'éteignait dans l'âcreté de l'air.
- Ellie ! Ellie !
Le souffle bruyant des chevaux, le cliquetis des sabots sur les dalles. Les yeux d'Ellie s'emplirent de larmes et elles ne devaient rien cette fois à la douleur ou à la fumée.
- Ellie ! Ellie !
- Robbie ! Je suis là !
- Ellie !
- Robbie !
Deux bras solides la soulevèrent et la poussèrent hors de la cohue qui refluait vers le Hall. Elle s'accrocha au cou de son frère.
- Robbie ! Tu es venu ! sanglota-t-elle.
- Les McGregor répondent toujours quand on les appelle à l'aide, Ellie.
Il la serra dans ses bras et l'entraîna hors de la fournaise.
§§§§§§§§§§§§§§
Nott repartit vers le perron. Il heurta une ombre. Ils se retrouvèrent à terre tous les deux et deux secondes après, on se jetait sur lui pour le saisir à la gorge.
- Je te tiens, sale traître !
- On se calme, Weasley ! s'étrangla Nott.
Il pointa sa baguette sur la gorge de l'un des jumeaux Weasley au moment même où il sentit celle de son adversaire sur sa poitrine.
- Fred ! Arrête ! s'écria Ron Weasley.
- Il était avec Mulciber ! s'exclama Fred. Je l'ai vu sur la carte ! Il les conduisait vers la salle de divination !
- C'est ce qu'ils ont cru aussi... essaya de dire Nott.
Ron tira son frère en arrière.
- Fred ! Laisse-le !
Il se tourna vers Nott.
- Si tu ne les as pas conduit à l'intérieur, qu'est-ce que tu en as fait ?
Théodore se massa la gorge. Les jumeaux Weasley avaient une réputation de brutes, et cela se confirmait.
- Je les ai perdus dans le marécage...
- Il n'y a pas de marécage à Poudlard...
- Si, il y en a, Fred ! Et grâce à toi et George, même ! Mais pas assez grand pour qu'on s'y perde...
- Sauf si on les a enchantés avec un charme de confusion, répété à l'infini par un sortilège d'écho...
Le silence des Weasley laissa Nott perplexe.
- J'ignorais que tu savais faire ce genre de choses... laissa échapper Ron.
- Qu'est-ce que tu sais de moi ? répartit Nott avec amertume.
- Tu sais que Mulciber avait mis sous Impérium une partie des villageois de Pré-au-Lard ? demanda Fred.
- C'est sa spécialité, confirma Nott. Mon père et Lucius Malefoy parlaient parfois de lui comme le meilleur briseur de volontés qu'ils connaissaient. Je le soupçonne d'avoir mis mon oncle sous Impérium afin de l'amener à son maître... Et je suppose que son intention était de monter les élèves les uns contre les autres...
Ron se racla la gorge.
- Tu sais que Hagrid élève des Fangieux dans ce marécage ? reprit-il.
- Oui, répondit simplement Nott. J'ai entendu Madame Chourave lui reprocher la perte de quelques plants de mandragore il y a quelques semaines...
Fred éclata de rire. Il se releva et tendit la main à Nott pour l'aider à se relever.
- Malin, rusé, imaginatif, intelligent... terriblement machiavélique... énuméra Weasley sur un ton enjoué.
Nott prit sa main pour se remettre debout. Il secoua sa robe alourdie par la boue et la pluie, et tira sur son col mis à mal par l'empoignade de Fred.
- Un vrai Serpentard ! conclut-il, légèrement narquois.
§
Une explosion au-dessus d'eux leur fit rentrer la tête dans les épaules. Ron lança un bouclier qui les protégea tous les trois. Une pluie de vitraux tomba tout autour de lui depuis les fenêtres de la Grande Salle.
- Bien joué, Ron ! dit Fred dans un soupir de soulagement.
- Merci, Weasley... fit simplement Nott alors qu'une épaisse fumée sortait par les fenêtres brisées et que des cris emplissaient la nuit.
Ron se mit à hurler le nom d'Hermione. Il courut vers les portes.
§§§§§§§§§§§§§§
Harry retomba sur le sol brutalement, suffocant. Voldemort sifflait encore son nom, dans une plainte grinçante. Il n'entendait plus que ce chuintement discordant. Seize ans, Potter… Seize ans… Seize ans… Il lui semblait qu'il souffrait depuis des siècles. Il ne souhaitait qu'une seule chose : que cessât ce calvaire. Oublier le bruit au loin qui roulait un long tonnerre qui n'en finissait pas. Faire taire les voix qui l'appelaient comme un reproche incessant. Et surtout –surtout- celle qui lui disait de garder l'espoir…
La pointe rouge de la baguette de Voldemort se tendit vers lui une fois de plus. Harry se crispa, dans l'attente de l'impact qui tardait à venir.
- Tu voudrais mourir, Potter… Tu voudrais mourir, n'est-ce pas…
§
Il sembla à Harry que la lueur dans l'obscurité tremblait un peu. Mais sa vue se troublait. Les larmes froides de la pluie coulèrent sur ses joues. Il songea qu'Ellen serait déçue qu'il ne neigeât pas. Il attendit l'élancement qui allait le foudroyer une dernière fois.
- Tu voudrais mourir… mais tu vas attendre encore… je veux que tes amis te voient supplier devant moi. Je veux que tu lises la désillusion dans leurs yeux, et leur rancœur. Je veux que tu assistes à ma victoire.
§
Harry fut soulevé par l'écharpe à son cou et les doigts décharnés s'accrochèrent à son visage. Un éclair déchira le ciel et illumina la face de serpent qui se penchait sur lui.
Harry ne pouvait détourner son regard fasciné de la lueur hagarde qui habitait les fentes incandescentes des yeux.
Le crépitement de la pluie sur les arbres tout autour faisait frissonner le silence soudain. Le tonnerre se rapprochait. Harry se demanda ce qui serait arrivé s'il était mort alors que Voldemort était encore dans son esprit. Il se sentit soulevé encore jusqu'au visage démoniaque contracté dans une grimace hideuse. Voldemort haletait. Ses doigts s'enfonçaient dans la chair, tiraient les cheveux, griffaient la peau.
- Qu'est-ce que tu as fait ? siffla la bouche tordue.
- Rien… souffla Harry.
- Tu mens…
Le tonnerre couvrit la voix sifflante. Le visage inhumain se rapprocha encore presque à toucher la peau d'Harry. Le souffle de Voldemort glaçait le jeune homme. Harry restait inerte. Il était au-delà de la peur et du désespoir. Au-delà de toute révolte. Il ne pouvait plus gagner, mais il pouvait encore perdre avec honneur.
- Potter ! Qu'est-ce que tu m'as fait ? hurla soudain la voix aigre.
§
Il ne chercha pas à résister à la volonté tendue de Voldemort qui plongeait dans son esprit. Une dernière fois. Il s'attendait à la douleur. Elle fut plus violente – d'une fulgurance tétanisante – qu'il ne s'y était préparé. Il voulut crier. Il sentit la vie le quitter et il ne chercha pas à la retenir.
§§§§§§§§§§§§§§
Attendre. Attendre encore. Cela ne serait plus très long, à présent. Où en était-on de la nuit ? Drago ne le savait pas. Il avait perdu la notion du temps sur cette tour battue par le vent. Il attendait la venue de son maître. Il viendrait avant l'aube. Il en était certain. Il ne pouvait en être autrement. Il serait le premier à le voir sortir de la Forêt. Il serait le premier à annoncer le retour du Seigneur des Ténèbres. Il serait le premier à s'incliner devant lui. Et son nom connaîtrait à jamais la gloire.
§§§§§§§§§§§§§§
C'était étrange. La douleur paralysait l'esprit de Voldemort. Il était là, tout tendu de haine et d'hostilité, comme une pointe empoisonnée dans la tête et le cœur d'Harry. Mais il n'emplissait plus son esprit. Il se recroquevillait, se racornissait. Il ne fouillait plus dans les pensées d'Harry. Il laissait les souvenirs du jeune homme remonter à son esprit sans pouvoir les contrôler. C'était comme s'il ne pouvait retrouver son souffle. Il avait déjà connu cela. A plusieurs reprises. Et toujours à cause de ce satané Potter... La haine que ce nom réveillait en lui le blessait plus profondément qu'une lame s'enfonçant dans la chair.
De quel envoûtement le garçon avait-il usé ? Il n'existait aucun maléfice qu'il ne connût. Il n'existait aucun enchantement qu'il ne pût briser. La seule chose qui pouvait l'atteindre, il l'avait neutralisé... et ce n'était pas le ridicule sacrifice de ce garçon qui pourrait générer assez de magie ancienne pour l'éprouver encore. C'était autre chose... ou autres choses... une combinaison de sortilèges, sans doute... Dumbledore n'était pas assez bête pour lui envoyer l'enfant sans protection aucune... Il aurait du se méfier quand il l'avait vu arriver seul, sans autre compagnie que ces stupides centaures qui n'avaient pas trouvé mieux que de détaler... Oui, Dumbledore avait du faire quelque chose. Et il allait découvrir quoi, afin de rompre le charme et de cesser ce combat grotesque qui lui faisait perdre son temps.
La rage le submergea alors qu'il plongeait à nouveau dans d'absurdes souvenirs parfumés. Il dut alors attendre encore que la vague brûlante passât sur lui, aveuglante, augmentant sa fureur et sa douleur en même temps.
§
Harry reconnut le chemin. Il se laissait aller. Il subissait sans se défendre l'assaut des souvenirs. Dans le désordre, ils remontaient les uns après les autres. Les moments de doute et de désespoir. Les moments tendres et chaleureux aussi. Il lui semblait qu'ils s'accrochaient parfois à sa mémoire.
Il n'avait plus froid, même si la nuit vers laquelle il glissait se faisait plus profonde à chacun de ses pas.
Il ignorait pourquoi Voldemort, si puissant et si sûr de lui, tremblait à présent. Il sentait la rage et la haine en lui, mais elles ne le touchaient plus.
Il glissait lentement sur le chemin des morts, et il sentait Voldemort se débattre dans un dérisoire espoir. Le Seigneur des Ténèbres cherchait et cherchait encore. Usant ses forces à creuser au tréfonds de l'esprit d'Harry.
La balançoire du parc de Little Whinging grinçait un peu. La douceur triste des soirs d'été à Privet Drive. Ils avaient cette odeur particulière du crépuscule, qui réveille les effluves du sol que le soleil a écrasé toute la journée. L'arrivée à Poudlard et ce tourbillon qui avait suivi. La peur, les larmes, les rires, les mystères révélés et les énigmes qui resteraient inexpliquées. L'amitié, et les antipathies. Les disputes, l'injustice, les joies, le Quidditch. L'amertume des victoires. Et l'apaisement des défaites. Les larmes dans les rires et la joie dans la peine. La mort ; qui rôdait tout autour de chacun, attendant son heure. Les jardins de Dame Agnes. Et leur silence embaumé. Ils n'avaient pas le parfum des roses. Ils avaient l'odeur d'Ellen.
§
Voldemort enrageait. Sa magie était tenue en échec. Il n'y avait rien dans l'esprit de ce garçon qui pût le mettre sur la voie de la compréhension. Il n'avait en tête que cette stupide gamine. Et chaque fois qu'il voulait déchirer l'image de cette Ellen, faire mal à cet imbécile de Potter, il ne pouvait que se pelotonner sur lui-même, dans une plainte douloureuse, comme un animal atrocement blessé.
Il s'avançait sur le chemin sombre et il n'avait pas peur. Il s'enfonçait dans la Forêt Interdite sans regarder en arrière. Il n'était pas seul. Ellen marchait à ses côtés, elle lui tenait la main. Elle disait qu'elle voulait faire un bout de chemin avec lui et que tant qu'il serait vivant, elle se battrait à ses côtés.
Il devait sortir d'ici. Quitter cet esprit moribond. Ce n'était pas ici qu'il trouverait le moyen de faire cesser cette douleur. L'enfant ne savait rien. Ses pensées étaient confuses. Il y avait trop de monde, trop d'interrogations, trop de choses inutiles dans cet esprit fébrile d'adolescent. Aucune rigueur. Aucun ordre. Une foison de rêves stériles et creux. Et d'espoirs tout aussi illusoires parmi lesquels il n'arrivait pas à retrouver son chemin.
Tu es vivant, murmurait la voix d'Ellen. Et sur le chemin tortueux des morts, elle marchait à ses côtés. La nuit les entourait. La mort autour d'eux étendait ses ailes froides. Tu es vivant, répétait la voix d'Ellen. Elle prenait sa main et l'emmenait sur un sentier qu'ils ne voyaient plus.
Il connaissait l'agonie de la torture. Il savait ce que c'était que se sentir arraché à son corps. Il savait ce que c'était que de hurler de douleur sans avoir de bouche pour crier sa souffrance. Il était revenu de quatorze ans de néant.
La mort. Il ne la craignait pas. Il avait fermé toutes les portes. Elle ne pouvait l'atteindre. Il était le Seigneur des Ténèbres. Il avait asservi les hommes et les créatures les plus sauvages. Il était le Maître des Forces du Mal. Il s'était servi de la vie même de son ennemi pour lui nuire.
Alors pourquoi ne pouvait-il déchaîner la force de sa haine pour dévaster l'esprit de ce garçon désarmé et ignorant ? Pourquoi l'ombre autour de lui se faisait-elle aussi menaçante ?
La main d'Ellen était dans la sienne et l'obscurité se faisait moins profonde. Il n'avait plus peur. Ellen était à ses côtés et elle guidait ses pas vers une lumière encore lointaine. Il sut que c'était la lueur de l'aube nouvelle et que loin d'être une fin, ce serait un commencement.
