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Disclaimer : Tout est à JKR, lieux, personnages -sauf certains que vous reconnaîtrez aisément- créatures, etc je ne tire aucun bénéfice de cette histoire, si ce n'est celui du plaisir que je prends à écrire et faire partager ce que j'écris… Bonne lecture.
Chapitre 196
Les Effets et les Causes
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Il y avait un cheval au milieu du Grand Hall. Et le lustre était à terre. On fuyait de partout. La fumée piquait les yeux et prenait à la gorge. Ron savait qu'on criait, mais il n'entendait que la voix de Viktor qui l'appelait. Il courait vers Krum. Le reste n'existait pas. Il courait. De toutes ses forces. Sans jamais arriver à destination. Il savait que la petite salle allait s'enflammer brutalement. Il savait qu'il n'aurait que le temps de recevoir le corps d'Hermione des bras de Viktor, sur le seuil de la pièce, avant que les boiseries du plafond ne se précipitent au sol. Qu'il verrait Krum se ruer à nouveau dans la salle et Archie Montague disparaître derrière un rideau de flammes.
Ron courait toujours, Hermione contre lui. Derrière lui, ils étaient nombreux à fuir le Hall. Ron ne les voyait pas, mais il savait qu'ils étaient là : Fred et Nott devant lui. Bill et Ginny juste derrière. Il y avait Dean, Susan Bones et Lavande. Archer aussi. Et d'autres encore qui s'engouffraient dans le passage vers les jardins.
Il faudrait se battre encore. Malgré la fatigue, la pluie, le froid. Les McGregor seraient là, aux prises avec une escouade de mangemorts échappés du sauve-qui-peut général.
Les éclairs de couleur incendiaient la nuit et fracassaient les chapiteaux centenaires. Les voix résonnaient sous les arcades.
Il faudrait mettre Hermione à l'abri, des sortilèges, du froid et de la pluie. Il faudrait empêcher Ginny de se jeter dans la bataille, même s'il savait qu'il ne pourrait lui éviter le sortilège qui allait la toucher. Il faudrait voir tomber encore et encore autour de lui autant d'amis que d'ennemis. Sans pouvoir ne rien changer, jamais.
Ensuite, quelqu'un –Bill, peut-être- dirait: Il faut mettre les blessés à l'abri. Et l'un des McGregor répondrait : Il faut récupérer les chevaux, ils les ramèneront au château. Et Ginny, Ellie et lui crieraient : Non !
Non ! Ils ne pouvaient quitter Poudlard. Ils devaient rester là, à attendre le retour d'Harry. Dans les jardins, s'il le fallait. Dans le froid et la pluie mêlée de neige. Mais ils voulaient être là quand l'aube se lèverait.
Alors Hermione murmurerait, dans un souffle, à l'oreille de Ron : La maison d'Hagrid. Et Ron crierait : La maison d'Hagrid ! Et tous iraient vers l'orée de la Forêt. Fred forcerait la serrure – ce ne serait pas difficile, elle n'était fermée qu'à clé, sans magie. Quelqu'un voudrait allumer du feu dans la cheminée. Mais le frère de McGregor l'en empêcherait : pas de feu, pas de lumière, rien qui pourrait attirer l'attention. Ils étaient tous à l'abri du vent et du froid. Ils avaient trouvé des peaux et des couvertures pour se réchauffer. Et même un peu d'eau et de pain. Le grand lit d'Hagrid pouvait accueillir les blessés les plus grièvement atteints. C'était suffisant.
Bill déposa Ginny au pied du lit et l'enroula dans la couverture. Elle avait perdu conscience pendant le trajet jusqu'à la cabane. Ron coucha Hermione au milieu et commença à nettoyer son visage noirci de fumée avec un coin de sa robe. Ellie était collée à la vitre sale, son regard aveuglé tourné vers la lisière du bois.
Ils restèrent là très longtemps. Bill, McGregor et quelques autres étaient partis aux nouvelles et ne revenaient pas. Ils attendaient leur retour, attentifs au moindre bruit du dehors. Ils attendaient l'aube, épuisés, espérant qu'ils n'auraient plus à se battre, mais prêts à défendre encore leur vie et celles de leurs camarades. Ils attendaient dans le silence que quelque chose se passât, qui mît fin à ce cauchemar.
Et soudain, Ellie cria. A travers ses yeux embués de larmes douloureuses, elle voyait la forêt bouger. Il leur sembla à tous que le sol tremblait. Quelque chose sortait de la Forêt Interdite. Mais ils ne voyaient rien d'autre que l'ombre frémissante dans la lueur pâle du jour nouveau qui se levait.
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Harry tressaillit. Un long frisson parcourut son corps douloureux. Il était encore vivant. Et s'il était vivant, cela ne pouvait signifier qu'une seule chose : Voldemort l'était aussi. Et tout était à recommencer.
Il se sentit soudain très mal. Une envie de pleurer lui vint. Il serra les paupières et se pelotonna sous la couverture sans pouvoir se réchauffer. Une... couverture ? Il ouvrit un œil dans la pénombre.
- Il a bougé ! s'exclama une voix qui pouvait fort bien appartenir à Molly Weasley.
On se précipita vers lui. Il réalisa qu'il était dans un lit.
- Oh ! Harry ! Mon chéri !
C'était bien Molly Weasley. Les trémolos dans la voix ne laissaient aucun doute. L'envie de pleurer d'Harry n'en fut que plus irrépressible.
Il éclata en sanglot et se jeta dans les bras de Molly qui ne retenait pas ses larmes, elle non plus.
- Harry ! Mon chéri ! ne cessait-elle de soupirer, en l'écrasant contre elle.
- Pardon ! répétait Harry. Pardon, Molly !
- Tout va bien, Harry... Vous n'avez plus rien à craindre. Nous sommes là...
Harry tourna la tête :
- Professeur McGonagall ?
La vieille dame était assise sur le bord du lit. Elle se mouchait dans un mouchoir blanc qui faisait une tache dans l'ombre. Elle tendit la main vers Harry et celui-ci remarqua qu'elle était en robe de chambre.
- Nous avons eu si peur pour vous, Harry...
Harry se serra un peu plus contre Molly. Ses larmes redoublèrent. Il suffoquait. De douleur et de rage. Il ressentait un tel malaise. Il n'osait demander des nouvelles de ceux qui lui tenaient à cœur. Il avait trop peur des réponses, et il avait honte.
Il n'entendit pas la voix de Molly qui le rappelait à elle. Il ne s'aperçut pas qu'on l'allongeait sur le lit. Il ne savait pas qu'il tremblait de tous ses membres et que son souffle n'était plus qu'un sifflement aigu qui s'échappait de sa gorge comme un cri d'agonie qui ne voulait pas sortir.
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Ron s'éveilla en sursaut, glacé et en sueur, haletant, cherchant son souffle. Il tâtonna à côté de lui, dans la nuit noire. Il ne trouva pas Hermione et se souvint qu'il n'était plus dans la cabane d'Hagrid. Il était dans le dortoir de l'hôpital et tout le reste était du passé. Ce n'était qu'un rêve. Un cauchemar plutôt, qui revenait chaque fois qu'il fermait les yeux.
Il se leva. Il ne voulait pas se rendormir. Il chaussa ses pantoufles et s'enveloppa dans sa robe de chambre. Son épaule lui faisait encore mal. Le guérisseur prétendait que c'était dans sa tête, mais lui savait bien qu'il n'était pas encore guéri. D'ailleurs Dumbledore avait insisté pour qu'on le gardât à Oak Mansion encore un peu.
Ron longea les boxes aux rideaux tirés sans faire de bruit. Ils étaient de moins en moins nombreux. Le dortoir des convalescents se vidait chaque jour un peu plus.
Il sortit dans le couloir silencieux. Les lampes à huile éclairaient les portraits endormis. Il devait voir Hermione. On ne lui avait pas permis de la voir depuis qu'ils avaient été admis à Oak Mansion à l'aube de cette terrible nuit. Il n'avait que de vagues nouvelles. Il n'en pouvait plus. C'était intolérable. Il campait chaque jour devant la porte de sa chambre dans l'espoir de l'entrevoir, mais on lui en refusait l'entrée. Dumbledore lui avait pourtant promis qu'on le laisserait la voir. Mais elle se reposait toujours – et quand elle ne se reposait pas, les guérisseurs squattaient sa chambre. Personne ne comprenait donc qu'il fallait absolument qu'il la vît. Qu'il entendît sa voix. Qu'il la serrât contre lui.
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Il croisa un guérisseur qui faisait sa ronde et s'apprêtait à prétendre qu'il cherchait les toilettes lorsqu'il remarqua la démarche un peu bancale et le bras gauche en écharpe. Il soupira de soulagement. Terry Higgs s'avança vers lui :
- Weasley ? Qu'est-ce qui se passe ? Ça ne va pas ?
- Non... non... tout va bien... répondit Ron.
Il hésita avant de continuer :
- Et toi ? Tu vas mieux ? Tu n'as pas repris ta place à Ste Mangouste ?
Higgs frappa sur sa cuisse et montra son bras.
- Mes éminents confrères ne m'ont pas jugé en état de reprendre mon service... fit-il avec une ironie exaspérée. Comme s'il était nécessaire d'avoir l'usage total de ses membres pour faire un diagnostic ou tenir une baguette ! Alors, je reste ici pour l'instant. J'effectue les services de nuit. J'essaie de me rendre utile... Je peux faire quelque chose pour toi ?
- J'ai besoin de voir Hermione... Il faut que je la voie...
- Il y a une infirmière avec elle, elle ne te laissera pas rester...
- Je le sais... mais... je ne la dérangerai pas. Je veux juste... être avec elle, même pour un petit instant... J'en ai marre de ne jamais rien savoir... Je ne sais même pas ce qui arrive à Harry... Et on m'empêche de voir Hermione...
Higgs fit un signe de tête.
- Suis-moi, Weasley... Je vais voir ce que je peux faire pour toi...
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Ils se tournaient ensemble vers la porte de la chambre d'Hermione lorsque celle de la chambre d'Harry s'ouvrit brutalement. McGonagall en sortit aussi vite que le lui permettait sa béquille.
- Ha ! Higgs ! Venez vite, je vous prie.
Higgs se hâta de traîner sa jambe jusqu'au professeur. Ron le suivit. Il n'eut que le temps de voir sa mère penchée sur Harry. McGonagall referma la porte sur son nez.
§
Ron jura, trépigna et renonça à frapper du poing contre la porte. Si Harry allait mal, on ne le laisserait jamais entrer. Il prit une inspiration pour calmer les battements désordonnés de son cœur. Il n'y avait qu'une chose à faire. Il se retourna et marcha d'un pas ferme vers la chambre d'Hermione. Il frappa assez fort jusqu'à ce que l'infirmière, peu aimable, lui ouvrît :
- Vous avez bientôt fini ! s'exclama-t-elle en le toisant. C'est un hôpital ici !
- Le guérisseur Higgs vous demande de le rejoindre dans la chambre d'Harry Potter, c'est urgent...
Il se poussa légèrement sur le côté, en montrant la chambre d'Harry. La femme hésita une seconde, sur un regard vers l'intérieur de la pièce. Puis elle se précipita de l'autre côté du couloir.
- Restez-là ! lui intima-t-elle en refermant la porte derrière elle. Si la jeune fille appelle, allez chercher une infirmière !
Ron attendit qu'elle eût disparu et il se rua dans la chambre.
- Hermione !
Elle était assise sur le lit, les cheveux en bataille, dans une chemise grossière qui épousait la forme de son corps penché. Elle se leva avec difficulté et serra la chemise contre elle, comme si elle pouvait se cacher derrière ses mains crispées sur le col.
- Ron ? Qu'est-ce que tu fais là ?
Il s'avança vers elle et la prit dans ses bras. Il la serra contre lui. Il caressa ses cheveux et embrassa son front. Il mit ses mains sur son visage et dessina du bout des doigts l'arc des sourcils et l'ovale retrouvé de ses traits. Il restait des traces sur ses joues, de griffures et de brûlure, et ses yeux fatigués semblaient agrandis pas les larges cernes sombres sous ses paupières inférieures. Il prit ses mains pour les porter à ses lèvres et s'aperçut qu'elles avaient repris leur aspect naturel. Il les serra dans les siennes sans rien dire, un long moment, avant de reprendre la jeune fille dans ses bras et de la tenir contre lui. Il caressait son dos tordu et il se rendit compte qu'elle pleurait.
Il la ramena vers le lit et la fit asseoir.
- Tu as mal ? s'inquiéta-t-il. Tu veux quelque chose ? Tu dois prendre une potion ? Ou un philtre ?
- Je voudrais devenir invisible, ou me cacher dans un trou de souris... je ne voulais pas que tu me voies ainsi...
Elle cacha son visage dans ses mains et redoubla de sanglots.
- Mais... Hermione... commença Ron, dérouté. Cela n'a pas d'importance... Je t'ai vue en bien pire état le soir de l'attaque...
- Mais ce n'était pas pareil... C'était... C'était...
Il l'interrompit d'un baiser.
- Je sais...J'y étais. C'était terrible. J'ai cru que je t'avais perdue pour toujours. Et que c'était moi qui avais contribué à ta perte avec cette stupide éprouvette de poudre... J'ai cru que je mourrais moi aussi... Mais quand Dobby est venu me dire que tu étais vivante... Tu ne sais pas ce que j'ai ressenti. Quand je t'ai vue dans la Salle des Quatre Maisons... J'ai été sûr qu'on allait gagner. J'ai été sûr qu'on allait sortir vivants de cet enfer. Parce que la puissante magie des fondateurs était avec nous.
Il se tut, comme pour reprendre son souffle. Il se mordit les lèvres et baissa la voix :
- J'ai vu le dragon de Rogue dans le laboratoire...
- Je l'ai vu moi aussi, avoua la jeune fille sur le même ton. Mais ce n'est pas pour nous qu'il est venu...
Un instant, Ron resta silencieux, cherchant dans les yeux de son aimée un signe de fièvre ou de démence. Il secoua la tête :
- Je ne croirai jamais qu'il aurait pu protéger cette ordure de Malefoy... Rogue est le garant de la sécurité de l'école, il n'aurait jamais voulu protéger Malefoy...
- Dans ce cas, pourquoi nous aurait-il protégés, nous ? Sommes-nous si importants ? Tu l'as assez répété : il ne nous aimait pas. Et puis...
Elle lui sourit timidement :
- Nous étions capables de nous protéger nous-mêmes... J'ai vu le halo vert dans la pièce, comme une bulle qui repoussait l'explosion de la poudre et du sortilège. La magie des Fondateurs était déjà en nous, autour de nous.
- Mais dans ce cas, pourquoi ai-je cru que tu étais morte ?
- Parce que tu avais tellement peur que cela n'arrive que tu n'as pas cherché plus loin ! répliqua Hermione en retrouvant le ton un peu sec dont elle usait d'ordinaire.
- Oui... grimaça Ron. Dis plutôt que je suis un idiot qui ne voit jamais plus loin que le bout de son nez...
Hermione se radoucit :
- Non, ce n'est pas vrai. Tu vois bien plus loin qu'on ne le croit. Et si tu as cru que j'étais morte, c'est parce que je n'étais pas loin de l'être. J'étais épuisée. Le maléfice de métamorphose était une torture. Pire que le doloris. J'avais déjà mis beaucoup de mes forces pour repousser Malefoy une première fois. J'avais tellement mal déjà, et je venais de me casser des côtes. J'aurais pu rester inconsciente encore longtemps si Dobby n'était venu pleurer sur moi...
Ron baissa la tête.
- Mais tout ça ne me dit pas pourquoi Rogue aurait voulu protéger cette raclure de fond de chaudron de Malefoy... grommela-t-il.
- Parce qu'il l'avait promis, Ron... Souviens-toi... Il a promis que rien de fâcheux n'arriverait à Malefoy tant qu'il serait sous sa responsabilité à Poudlard...
Ron renifla avec mépris.
- Il n'est plus Directeur de Serpentard que je sache ! grogna-t-il.
- Non... Il est juste un peu plus...
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Ron haussa les épaules. Il chassa d'un geste le sujet et tendit les bras vers Hermione :
- On ne va pas se disputer encore à cause d'eux... dit-il. Je te retrouve enfin. Je ne veux pas gâcher ces moments... J'ai l'impression que c'est une éternité qui s'est écoulée depuis qu'on nous a séparés !
Il la prit contre lui. Il l'embrassa encore, doucement d'abord, puis avec de plus en plus de fougue. Elle le repoussa un peu et voulut s'éloigner. Mais il ne la laissa pas partir. Il la serra un peu plus fort.
- Quand vont-ils t'enlever cette bosse ? chuchota-t-il dans ses cheveux.
Hermione ne répondit pas immédiatement.
- Demain, finit-elle pas dire dans un tressaillement.
Elle chercha à nouveau à s'échapper des bras de Ron et retint une petite plainte comme il la maintenait contre lui.
- Tu es blessée ? demanda-t-il.
- J'ai des côtes cassées, je te le répète...
- Mais... Ils ne t'ont pas soignée ? s'étonna-t-il. Ils vont le faire demain ?
Il l'interrogeait d'un regard pressant.
- Oui, répondit Hermione d'une petite voix.
- Avant le contresort ? insista Ron.
- Après... dit Hermione sans le regarder dans les yeux.
- C'est indolore... ? Le contresort, c'est indolore... ?
Ron chercha le regard d'Hermione qui se détournait. Il bondit sur ses pieds.
- Mais ils sont dingues ! s'exclama-t-il.
Hermione se leva aussi, les mains levées pour le faire taire.
- Chuuuttt ! fit-elle. Je t'en prie, Ron... C'est le professeur Londubat...
- Alors c'est lui qui est dingue !
- Non... Non... essaya de le calmer la jeune fille. Les guérisseurs pensent que tout sort de guérison peut altérer le sortilège de métamorphose et empêcher le contresort d'opérer correctement. Et c'est très possible, parce que la magie noire utilisée risque de rendre irréversible le maléfice... C'est un risque que ni eux ni moi ne voulons prendre...
- Mais... Pourquoi ne pas attendre, alors ? Quand tes côtes seront ressoudées, tu souffriras moins...
- Oui, sans doute... mais c'est moi qui ne veux pas attendre. Ce ne sera qu'un mauvais moment à passer, ensuite il suffira d'un coup de baguette magique pour remettre mes os à leur place, et de quelques potions aussi sans doute, mais je pourrai rentrer à Poudlard en même temps que tout le monde... On va enfin pouvoir travailler sans se laisser distraire par autre chose que les études...
§
Ron prit son front dans ses mains. Il se rassit sur le lit, passa son bras autour des épaules penchées d'Hermione et lui sourit. Elle esquissa un mouvement pour se dérober, très vite interrompu par la douleur à son côté. Il parut ne pas se rendre compte de son geste.
- Hony, reprit-il doucement. Sois raisonnable... Qu'est-ce que quelques semaines loin de tes livres peuvent changer ?
- Quelques semaines loin de mes livres, certes, mais aussi loin de ceux que j'aime. Mes parents attendent dans l'inquiétude. Je leur écris tous les jours mais je ne veux pas qu'ils me voient ainsi. Et puis, ce serait de longues semaines loin de toi, mon Cœur... Remarque... J'aurais la compagnie du guérisseur Higgs pour compenser...
Ron lui adressa un sourire entendu :
- Non, non... Hermione... Ça marche pas... Le coup de la jalousie, c'est dépassé... Par contre, tu as raison en ce qui concerne les longues semaines sans te voir... Mais je le supporterai, si c'est pour t'éviter de souffrir encore...
- Ron, j'ai pris ma décision. Tu ne me feras pas revenir dessus. Je n'ai pas envie d'être séparée de toi pour plusieurs semaines. Et j'en ai assez de ressembler à la sorcière borgne du troisième étage...
Ron hocha la tête.
- D'accord... D'accord... fit-il. Mais je ne serai pas loin et dès que ces sadiques de guérisseurs lèveront leurs sales pattes de sur toi, je viendrai et je t'emmènerai loin de ces tortionnaires. Et je te jure que si cette ordure de Malefoy n'était pas dans une cellule d'Azkaban...
Il s'interrompit et détourna les yeux. Hermione mit ses mains sur ses poings fermés.
- Terry m'a dit que Drago Malefoy avait perdu l'esprit...
- Si tu veux mon avis, il était déjà bien secoué avant toute cette histoire... mais là... je dois dire... il m'a presque fait peur, et en même temps, il m'a fait pitié... Il était là, dans une couverture... Dobby le poussait en avant. Il lui montrait le corps de Jedusor et lui il ne cessait de regarder Harry... Avec tant de haine dans le regard. Et dès qu'il détournait les yeux d'Harry, il n'y avait plus rien. C'était vide. Plus vide que vide. Il s'est tourné vers la Forêt Interdite et il n'a rien dit. Comme s'il n'avait pas compris.
- Il a pourtant vu les corps...
- Oui, mais on aurait dit... Je ne sais pas... Qu'il attendait toujours quelque chose qui ne viendrait pas... Ça m'a fait froid dans le dos... J'avais beau penser à tout le mal qu'il t'avait fait, à tous ceux qui étaient morts ou blessés à cause de lui...
Il secoua la tête, sans pouvoir trouver les mots pour exprimer ce qu'il avait ressenti devant Drago Malefoy qui refusait d'admettre qu'il avait perdu.
- Ron... dit Hermione doucement. Il est à Azkaban, il ne fera plus de mal à personne...
Elle l'embrassa pour l'arracher à ses réflexions. Il lui sourit dans un haussement d'épaule.
- Enfin... dans quelques jours, ce sera oublié...
Il leva les yeux vers Hermione, comme pour chercher une confirmation. Elle caressa sa joue sans rien dire. Il prit sa main et la serra dans la sienne. Il y avait comme une gêne entre eux soudain.
- Tu veux que je te donne des nouvelles ? demanda Ron pour chasser ce silence.
- J'en ai eu... Ginny m'a fait passer le Sorcier Indépendant. Il sort tous les jours maintenant.
- Quoi ? s'indigna Ron. Elle t'a fait passer le journal ! Et moi je n'ai eu droit qu'aux pages que Fred a bien voulu me faire passer ! Il manquait celles qui parlaient de la Brigade ! Autant dire les plus intéressantes ! J'en ai marre d'être la cinquième roue de la diligence !
Hermione secoua la tête dans un sourire.
- Du carrosse, Ron...
- Peu importe ! s'emporta le jeune homme. Je passe toujours après tout le monde, c'est pas drôle !
Ron se renfrogna. Elle se rapprocha de lui.
- Pas pour moi, Ronnie... Au lieu de bouder, donne-moi plutôt des nouvelles qui ne sont pas dans le journal.
- Ginny ne s'est pas chargée de te rapporter le bulletin de santé de tous les patients de Oak Mansion ?
Hermione se mit à rire.
- J'ai eu droit au détail de ce qui s'est passé au Ministère, comme si elle s'y était trouvée... A la description de chacune des blessures de Charlie et de ton père... Mais j'ignore comment ils vont...
Ron eut un sourire sarcastique qu'il effaça en évoquant sa famille. Son visage prit une expression soulagée :
- Charlie n'a presque rien eu. Il n'est même pas resté à l'hôpital. Papa et George sortent demain. Tout va bien. Papa veut déjà retourner au Ministère... Tu sais ce que Fred a fait ? Il a dit à Fleur que Bill était à l'hôpital, mais il a oublié de préciser que c'était pour accompagner George et Ginny. Il parait qu'elle était hystérique. Fleur, je veux dire. Tu imagines ça ? Enfin, tout ça pour dire qu'ils ont décidé de se marier cet été... Je veux dire, Bill et Fleur ont décidé de se marier cet été...
- C'est bien... dit Hermione.
- Tu ne trouves pas ça... conventionnel ? se moqua Ron.
- Ce n'est qu'une question de point de vue...
Ron ne reprit pas la parole immédiatement. Manifestement, il avait quelque chose à dire et il avait du mal à l'exprimer. Elle prit les devants :
- As-tu des nouvelles de Viktor ?
Ron hocha la tête.
- Ginny m'a dit qu'il avait été gravement brûlé aux mains et qu'on l'avait mis sous sortilège anesthésiant... continua Hermione.
Ron hocha à nouveau la tête. Il s'éclaircit la gorge.
- Il va mieux. Je suis allé le voir aujourd'hui. Il a les mains bandées jusqu'au coude. Et il a le front tout rouge. Il m'a demandé comment tu allais et je n'ai pas été capable de lui répondre.
Hermione se mordit les lèvres.
- Je suis désolée, Ron... Je pensais que Ginny au moins t'aurait donné de mes nouvelles...
- Oh ! Elle m'en a donné ! Tout va bien ! Ne t'inquiète pas ! disait-elle. Tu parles de nouvelles ! Tu imagines ce que je pouvais ressentir ! Ginny avait le droit d'entrer chez toi, et moi, on me laissait derrière la porte !
- Je suis désolée, Ron... murmura Hermione une fois de plus. Si tu retournes voir Viktor, tu pourras lui dire que je le remercie de m'avoir sortie de cet enfer...
- Je l'ai déjà remercié... et on ira le voir ensemble, quand tu iras mieux... Enfin... si tu veux...
Il leva un œil interrogatif sur elle. Elle acquiesça d'un signe de tête.
- Je lui ai promis de retourner le voir demain, reprit Ron. Il cherche à comprendre comment Dolohov a pu se libérer du sortilège qu'il lui avait lancé... Il s'imagine qu'il a commis une erreur quelque part, qui a permis l'incendie de la grande salle...
- Oh ! non ! s'exclama Hermione. Ce n'est pas sa faute... A vrai dire... C'est sans doute moi qui ai empiré les choses...
- C'est impossible ! réagit Ron. Tu étais couchée sous une table sans pouvoir bouger... comment pourrais-tu être responsable de l'incendie ? C'est Dolohov qui a mis le feu...
- Oui... consentit à admettre Hermione. Je ne sais pas qui l'a libéré, sinon que ce devait être une des Salamandres à qui Londubat avait rendu sa baguette. J'ai seulement entendu des voix près de l'endroit où j'étais cachée. J'ai reconnu celle de Dolohov, mais pas l'autre. Ils parlaient bas et vite. J'ai l'impression que la Salamandre a pris peur quand le renfort des mangemorts s'est annoncé et qu'il a cru qu'il arrangerait ses affaires en libérant un des chefs des mangemorts. J'ignore ce qui s'est passé exactement. Ce que je sais, c'est que j'ai entendu Dolohov dire : qui a trahit trahira et puis... plus rien d'autre que les bruits de la bataille... Ensuite, la Grande Salle s'est mise à brûler, et j'ai eu très peur. Je n'ai jamais eu si peur qu'à ce moment... Tout le monde m'avait oubliée. Personne ne savait que j'étais restée là. Tu n'étais pas là, et Dobby, cette fois, ne viendrait pas me chercher... Je ne pouvais pas bouger et il y avait ces flammes qui s'approchaient de moi...
- Tu as du avoir chaud... dit Ron en essuyant les cils d'Hermione. Mais tu n'es pas responsable de ce qui est arrivé. Tu ne pouvais rien faire...
Elle eut un petit rire mouillé.
- Ho ! Oui ! J'ai eu chaud ! Tu peux le dire ! Mais j'ai fait une bêtise quand même... D'où j'étais, je ne voyais pas grand-chose, mais j'ai réussi à me soulever un peu. J'ai vu Dolohov. Il était juste dans la trajectoire du sapin... Enfin, dans la trajectoire du sapin si celui-ci tombait de tout son long.
- Tu as fait tomber le sapin ! s'exclama Ron mi stupéfait, mi admiratif.
- Oui... fit Hermione d'une petite voix timide. Et ça n'a fait qu'empirer les choses... le feu a pris au milieu de la salle...
- Mais Dolohov a été mis hors jeu...
- Tu parles d'une consolation... Il y avait un mur de flammes devant moi... J'ai essayé de l'éteindre, mais je n'avais plus de forces... J'aurais mieux fait de me tenir tranquille...
Ron ouvrit la bouche pour approuver, mais il se tut. Il lui sourit :
- Le mieux est l'ennemi du bien, comme dirait le vieil Algie...
Hermione fit une grimace.
- J'ai compris la leçon...
- Et moi je dirai à Viktor de ne plus s'en faire, parce que tout est ta faute. Avoue donc que tu voulais qu'un jeune homme vienne te sauver...
- Ron ! s'offusqua Hermione.
Il se mit à rire, un peu maladroitement.
- Moi aussi, j'ai compris la leçon, tu sais... dit-il.
Il se mit à jouer avec le bout des doigts d'Hermione sur le drap.
- Ron... commença-t-elle.
- Tu as pu avoir des nouvelles d'Harry ? la coupa-t-il.
Elle secoua la tête.
- Je n'en sais pas plus que le Sorcier Indépendant, soupira-t-elle. Harry Potter serait toujours vivant selon Dumbledore, mais personne n'a encore de preuves que le Survivant a survécu...
- Il est toujours vivant, affirma Ron. Du moins, il l'était il y a quelques instants... McGonagall a appelé Higgs pour lui. C'est comme ça que j'ai réussi à éloigner ton dragon...
Hermione se glissa au bord du lit pour mettre pied à terre.
- Alors... conclut-elle. Si Ginny et Ellie ne m'ont pas menti en m'affirmant qu'Harry était toujours inconscient depuis qu'on l'avait amené ici, ça ne peut signifier qu'une chose : il s'est réveillé...
- Oui... fit Ron en la suivant jusqu'à la porte. Ou bien que... ajouta-t-il dans une grimace.
- Oh ! Ron ! Sois sérieux, s'il te plait... C'est ridicule !
- Tu as raison ! répliqua aussitôt le jeune homme. On aurait entendu maman sortir de sa chambre complètement hystérique, sinon... Tu sais qu'elle a passé plus de temps avec lui qu'avec moi durant ces quatre jours... Moi aussi je suis un héros, après tout... J'ai repoussé une horde de mangemorts à moi tout seul...
- Un jour viendra où justice te sera rendue, Ron... répondit Hermione. En attendant, on va essayer d'en savoir davantage...
Elle ne le laissa pas l'aider à passer sa robe de chambre et, malgré la gêne et la douleur, elle attacha sa ceinture avec détermination.
§
Ils sortirent dans le corridor, pour aller frapper timidement à la porte de la chambre d'Harry. Elle s'entrouvrit sur l'infirmière qui renvoya Hermione à son lit, et se referma aussitôt. Elle resta close malgré l'insistance des jeunes gens.
Ron prit la main d'Hermione et la serra très fort. Ils faisaient les cent pas dans le couloir, sans parler, dans l'attente de quelque chose qui leur donnât une quelconque indication sur ce qui se passait à l'intérieur de la chambre de leur ami.
Au bout d'un moment, Hermione cessa de marcher. Elle s'appuya au mur et Ron s'absorba dans la contemplation d'un tableau. Il pencha la tête comme pour l'observer de plus près. La lumière des lampes à huile faisait un contre-jour et il semblait que le portrait se tournait légèrement chaque fois que le jeune homme s'approchait de la toile.
- Tu n'as pas l'impression que ce portrait ressemble à McGregor ? demanda-t-il.
- Cela n'aurait rien d'étonnant : nous sommes chez les McGregor... Et cesse de dévisager les gens ainsi, c'est très impoli !
- Je ne vous le fais pas dire !
Ron sursauta : la femme du tableau quitta la chaise sur laquelle elle paraissait somnoler quelques instants plutôt.
- Vous faisiez semblant de dormir ! s'exclama-t-il.
- Je croyais que c'était le seul moyen d'avoir la paix, mais apparemment je me trompais.
La femme s'avança jusqu'à l'avant plan de son cadre. C'était une femme d'un certain âge déjà, très élégante dans une tenue d'équitation du XVIIème ou du XVIIIème siècle. Elle ôta son chapeau à plume blanche, le rejetant sur la chaise qu'elle venait de quitter, près d'une grande cheminée de campagne. Elle rajusta sa coiffure tout en observant les deux Gryffondor.
- Hé bien ! fit-elle avec brusquerie. Puisqu'il est écrit que je n'aurais de repos cette nuit... voulez-vous me dire ce que vous faites tous deux à cette heure à hanter les couloirs comme deux âmes en peine ?
- Nous attendons des nouvelles de notre ami, répondit Ron de mauvaise grâce.
Hermione lui donna un coup de coude, soudain inspirée.
- Tu ne crois pas que nous devrions avertir Ellie et Ginny... ?
- Je veux bien... répondit Ron. Mais je ne vois pas comment... Je te signale que nous sommes ici... et elles là-bas... de l'autre côté du Manoir... J'arrive pas croire que Ginny ait réussi à se faire inviter chez les McGregor... tandis que moi je suis là à me morfondre entre la porte de ta chambre et celle d'Harry...
- Oui... mais je crois que nous devrions faire prévenir Ellie et Ginny, insista Hermione.
Ron admit qu'ils auraient certainement plus de poids dans leurs revendications si la propriétaire des lieux et la force de persuasion de Ginny venaient les rejoindre.
- Et si jamais elles apprennent que Harry s'est réveillé, que nous le savions et que nous n'avons rien dit... ajouta-t-il après un instant de réflexion, je ne donne pas cher de nous deux ! Hermione se tourna vers la femme dans le tableau :
- Madame... McGregor ? fit-elle d'un air innocent.
- Nelly Fletcher McGregor, en effet... Que voulez-vous, jeune fille ?
- Je suppose que vous avez vos entrées dans tous les tableaux du Manoir...
L'air hautain du portrait fut une réponse suffisante pour Hermione.
- Ne voudriez vous pas vous rendre dans l'aile où résident vos descendants ? Il faudrait prévenir votre arrière arrière arrière... bref... petite fille Ellie qu'il se passe quelque chose dans la chambre d'Harry Potter et qu'il serait peut-être utile qu'elle fasse acte de présence.
- Et pourquoi ferais-je cela ? demanda la dame.
- Parce que si elle apprend que vous avez refusé de lui porter le message, ricana Ron, elle vous décrochera elle-même et vous jettera au fond du grenier le plus poussiéreux qui existe dans cette sinistre demeure...
- Ron... toussota Hermione.
- S'agit-il d'une histoire de cœur ? demanda le portrait, en faisant mine d'ignorer le jeune homme.
- Oui, Madame, répondit très sérieusement Hermione.
Nelly McGregor soupira profondément. Elle s'en fut jusqu'à la chaise où elle ramassa son chapeau qu'elle mit sur sa tête.
- Très bien... Je vais sonner l'alarme...
Elle sortit par la gauche du tableau, et au moment où Ron se penchait vers Hermione pour lui demander si cette Nelly McGregor était l'empoisonneuse dont le Baron Sanglant avait parlé à Ellie, elle rentra par le même côté, sur le dos d'un cheval blanc aux ailes repliées.
- Qui est le Baron Sanglant ? demanda-t-elle avec une pointe d'ironie.
- Le Fantôme de Serpentard ! répondit Ron avec évidence. Celui que votre mari a...couic... !
Le portrait éclata de rire.
- Baron, dites-vous ! Dans ce cas, je suis la Reine d'Angleterre !
Elle lança son cheval à travers le cadre et ils entendirent le galop s'éloigner dans les tableaux du couloir.
Hermione se tourna vers Ron et referma le col de sa robe de chambre, avec plus de douceur qu'elle ne lui en avait témoigné quelques instants plus tôt, au sortir dans le couloir.
- Ron, mon chéri... détends-toi, veux-tu... Il faut toujours que tu dises des tonnes de bêtises quand tu n'es pas à l'aise...
- Et comment veux-tu que je me calme ? Harry est là dedans et on ne sait rien du tout de ce qui se passe ! Je ne peux pas me calmer...
- Alors tais-toi... Quand tu te sens nerveux, mal à l'aise ou quoi que ce soit d'autre... viens m'en parler à moi. Tu peux me dire tout ce qui te passe par la tête, tu le sais bien...
- Même des choses ridicules ? demanda Ron, sans oser lever les yeux vers elle.
Elle lui sourit.
- Surtout si elles sont ridicules...
Elle prit sa main et l'entraîna vers sa chambre.
- Je suis un peu fatiguée... Laisse la porte ouverte : on entendra Ellie et Ginny arriver, au triple galop... J'en suis sûre !
Ron se pencha et la souleva dans ses bras pour la porter jusqu'à la chambre. Il l'installa sur les coussins, prit la brosse à cheveux sur la table de nuit et commença à brosser la chevelure emmêlée d'Hermione.
- Qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-elle.
- Je brosse tes cheveux ! Tu ne prends vraiment pas soin de toi, Hermione. Tu serais tellement jolie si tu voulais... Remarque, je crois que je deviendrais fou, si tu étais plus jolie...
- Tu veux que je renonce à me faire enlever ma bosse... ? ça réglerait tes problèmes ?
- Je crois pas, non...
Elle lui prit la brosse des mains et la remit sur le chevet.
- Ron... commença-t-elle. Je crois vraiment que le moment est venu de se dire toutes les choses ridicules que nous avons à nous dire...
- J'ai entendu quelque chose...
Elle le retint, dans une grimace, et le fit asseoir à côté d'elle.
- Je vais commencer, si cela peut t'aider.
- Je t'assure que j'ai entendu...
Hermione leva la main et la porte de la chambre se ferma toute seule.
- Je suis réellement désolée de ce qui est arrivé l'autre jour, chez Viktor... Pas parce que cela a entraîné des choses qui nous ont rapidement dépassées... mais surtout parce que je n'ai pas été à la hauteur de la situation. Je savais ce que j'aurais du faire... mais je ne l'ai pas fait. Je n'ai pas pu... J'ai essayé de maîtriser une situation qui m'échappait totalement.
Ron baissa la tête et haussa les épaules.
- Tu n'as pas à t'excuser pour ça. Je sais parfaitement ce que c'est...
Il ne releva pas la tête pour ajouter :
- J'ai donné la bague à Bill... la bague des Weasley...
- C'est bien, dit Hermione avec un sourire que Ron ne vit pas, car il baissait tellement la tête qu'il semblait vouloir s'enfoncer dans le col de son peignoir.
- Il est l'aîné... elle lui revient... Il était vraiment content... Il parait que Fleur a sauté à son cou quand elle l'a vue...
- Cela n'a rien d'étonnant... Elle est très belle...
Ron releva la tête vivement :
- Mais tu me l'as rendue ! fit-il, un peu agité.
- Je ne te l'ai pas rendue parce que je ne l'aimais pas...
- Mais... alors... si ce n'est pas la bague...
- Ce n'est pas celui qui me l'a donnée non plus, le coupa Hermione, un peu agacée. C'est juste que tu ne me l'as donnée que parce que tu croyais que j'étais morte...
- Non !
- Ron...
- Ce n'est pas vrai ! Je voulais te la donner le jour du mariage de Percy, mais Harry m'a dit que ce n'était pas une bonne idée ! Ensuite, je voulais te la donner le soir du bal, mais il y a eu Viktor... et... je ne savais plus ce que je devais faire...
- Pourquoi ne m'as-tu pas posé la question directement ?
Ron haussa les épaules.
- Je ne sais pas. J'avais tellement peur de tout gâcher. Tu es tellement mieux que moi !
Hermione ouvrit la bouche, suffoquée :
- C'est la chose la plus ridicule de toutes les choses ridicules que tu n'aies jamais dites ! s'exclama-t-elle enfin. Et je suppose que c'est pour ça que tu n'as jamais voulu me dire que tu m'aimais autrement que lorsque je n'étais pas en état de l'entendre ! Ou quand j'avais perdu mes pouvoirs ! Ou quand nous étions au cœur d'une bataille qui semblait perdue d'avance !
- Mais... non ! balbutia Ron, un peu pâle.
- Sois sincère ave moi, Ron... Si tu ne l'es pas maintenant, quand le seras-tu ?
Ron baissa la tête.
- Je sais bien que c'est ce que tout le monde pense à propos de nous deux... J'ai entendu ce que Nott a dit... Que nous ne sommes pas bien assortis et tout le reste...
- Je m'en fiche, de ce que tout le monde pense... l'interrompit Hermione avec brusquerie. Tout le monde peut bien penser ce qu'il veut. Moi, ce que je sais, c'est qu'auprès de toi, je n'ai pas eu peur alors que l'école était en train de nous tomber sur la tête. Quand tu me tenais dans tes bras, dans la Grande Salle, j'en aurais presque oublié combien j'étais horrible. Et quand on attendait dans la maison d'Hagrid, que tu étais tout contre moi, je crois que si l'aube n'était jamais venue terminer cette affreuse nuit, cela n'aurait eu que très peu d'importance.
- Tu t'es endormie, rappela Ron en essuyant son nez du dos de sa main. Tu as raté le meilleur de l'histoire...
- Non, le meilleur de l'histoire est encore à venir...
Elle se redressa lentement sur le lit et leva les bras avec effort. Il s'avança et la serra contre lui.
- Je t'aime, Ron... dit-elle dans un sourire.
- Je t'aime aussi, Hermione...
Il se pencha sur ses lèvres. Et la porte s'ouvrit à la volée.
- Alors ! C'est quoi cette urgence ? cria la voix de Ginny dans son dos.
Ron sursauta. Il se retourna vers la porte qui s'ouvrait sur Ginny et Ellie:
- Mais vous êtes folles ? On frappe avant d'entrer chez les gens !
- C'est sur toi que je vais frapper ! répondit Ginny, légèrement exaspérée. Nous faire traverser le manoir à cette heure glaciale de la nuit pour vous voir roucouler ensemble, c'est pas ce que j'appelle une urgence.
- Calme-toi, Ginny, conseilla Ellie en se rapprochant des tourtereaux. Nelly Fletcher nous a dit que vous aviez des nouvelles d'Harry...
- Justement, on n'en a pas... commença Hermione.
- Et c'est pour ça qu'on vous a fait venir, termina Ron avec une évidence qui échappa totalement aux deux filles.
- En fait, reprit Hermione alors que Ginny et Ellie s'installaient sur le bord du lit. Ron a vu McGonagall sortir de la chambre d'Harry pour appeler Terry Higgs...
- Ce qui signifie sans doute qu'il s'est réveillé... continua Ron.
- Mais McGonagall a fermé la porte au nez de Ron...
- Comme c'est étonnant ! se moqua Ginny, les bras croisés.
- Alors nous avons pensé que si vous veniez, on aurait plus de poids pour exiger des nouvelles...
- Tu as raison, Weasley... railla Ellie. On va tous se lever et aller cogner sur cette fichue porte jusqu'à ce qu'elle se brise s'il le faut...
- Un sortilège de disparition serait tout aussi efficace et épargnerait nos poings, suggéra Ginny, légèrement ironique. Mais je doute que ce soit la méthode à appliquer. Tu oublies, Ellie, que nous avons passé des heures devant cette porte et tout ce que nous avons obtenu, c'est d'entrapercevoir le sommet de son crâne sous les couvertures...
- Vous avez un avantage sur nous ! fit Ron avec acrimonie.
- Nous, n'avons même pas eu le droit d'entrer dans le saint des saints ! soupira Hermione, les yeux au ciel.
Ginny se leva brusquement :
- Ha ! Ça suffit vous deux ! Arrêtez de jouer à Fred et George ! Continuez à vous prendre pour des amoureux, c'est plus reposant...
Ron n'eut pas le temps de s'offusquer, on toqua à la porte et la tête blanche de Dumbledore apparut. Il n'avait pas l'air très satisfait.
- J'en étais sûr ! s'exclama-t-il.
Il leur fit signe.
- Venez !
Ginny fut la première à la porte. Elle fit signe à Ellie de se dépêcher.
- Professeur, avez-vous des nouvelles ?
- Harry s'est réveillé ?
- Je comptais sur vous pour cela, mesdemoiselles et monsieur. Mais il semblerait que mes ordres n'aient pas été respectés. Et en fait de nouvelles, certaines personnes vont avoir de miennes pas plus tard que dans deux minutes.
Il ouvrit la porte en grand et laissa passer Ellie et Ginny, tandis que Ron aidait Hermione à se lever.
- Venez, Hermione... Comment vous sentez-vous ? Algie m'a dit que vous supportiez bien le traitement... Je n'en ai jamais douté, voyez-vous, mais notre professeur de Potion se faisait vraiment beaucoup de soucis pour vous... Et je suis réellement désolé pour Pattenrond...
- Hagrid a bon espoir, Monsieur... répondit Hermione avec une grimace douloureuse. Il m'envoie un hibou tous les jours pour me dire que Pattenrond est toujours vivant, même s'il ne sait pas s'il...
Dumbledore posa la main sur l'épaule de la jeune fille sans rien dire et fit signe à Ron de la conduire jusqu'à la chambre d'Harry. Quand ils furent tous réunis devant la porte, Dumbledore frappa un coup et les poussa tous les quatre à l'intérieur.
- Mais !... Voulez-vous sortir ! Qu'est-ce que c'est que ces manières !
McGonagall s'appuyait sur sa canne, prête à chasser les intrus. La silhouette de Dumbledore sortit de l'ombre et se découpa dans l'encadrement de la porte. Ellie déborda le professeur de Métamorphose par la gauche, Ginny par la droite.
- Albus ! fit McGonagall, mi indignée, mi soulagée. Vous voici enfin ! Vous allez mettre de l'ordre, n'est-ce pas...
Molly près du lit empêcha sa fille de se jeter sur la couverture remontée sur Harry, qui ne laissait voir que ses cheveux noirs sur l'oreiller blanc. Ellie poussa l'infirmière et Terry Higgs recula d'un pas pour la laisser se pencher sur le patient.
- Harry ! Parle-moi ! S'il te plait, Harry ! Réponds-moi ! murmurait-elle sans oser soulever le drap.
- Molly ! Lâchez Ginny, je vous prie, commanda Dumbledore.
Molly obéit à contrecoeur. Ginny se précipita sur le lit.
- Harry !
Molly tendit à nouveau les mains vers elle.
- Molly ! fit Dumbledore, retenant le geste de Mrs Weasley.
Ron fit asseoir Hermione au bord du lit. Il se pencha lui aussi, inquiet, sur la forme recroquevillée sous la couverture.
§
Ni McGonagall ni Molly n'osaient ciller. Higgs se glissa vers la porte. Dumbledore lui fit signe de s'approcher.
- Que se passe-t-il, Terry ? demanda-t-il.
- Il a fait un genre de convulsion quand il s'est réveillé, répondit le guérisseur. A présent, il est calme, mais j'ai l'impression qu'il refuse de revenir à la réalité. Mrs Weasley m'a décrit son réveil. Il ne cessait de pleurer et de marmonner des paroles incompréhensibles.
- J'avais pourtant bien précisé de laisser ses amis auprès de lui, Terry... Pourquoi n'avez-vous pas obéi ?
Higgs jeta un oeil furtif vers McGonagall et Molly. Dumbledore tourna vers elles un regard austère.
- Voyons, Albus... essaya de se défendre McGonagall. Vous savez comme moi que c'est un vrai défilé devant cette porte. Tout le monde veut avoir des nouvelles d'Harry Potter. Ce n'est pas raisonnable...
Elle ne termina pas sa phrase cependant, et fit un pas en arrière alors que Dumbledore revenait vers Higgs.
- Allons... fit-il sur un ton faussement sévère. Comment voulez-vous que vos patients vous prennent au sérieux... Vous êtes un héros de guerre, par Merlin ! Un peu d'autorité, guérisseur Higgs ! Donnez vos ordres !
Higgs se racla la gorge :
- Hé bien... Je préconise la compagnie de personnes amies. Il ne faut pas oublier qu'il a vécu une expérience traumatisante... peut-être plus que la plupart d'entre nous... D'accord, plus que la plupart d'entre nous ! ajouta-t-il sur un regard insistant de Dumbledore. Il a besoin d'être rassuré, et de chaleur humaine...
- Excellent diagnostic, guérisseur Higgs... approuva Dumbledore. Mais je crois que vous n'aurez pas besoin de convaincre les remèdes de faire leur office...
Higgs tourna la tête vers le lit. La tête d'Harry émergeait de la couverture. Ellie caressait la joue pâle, et Ginny les mèches brunes. Ron appelait Harry, le suppliait de se tourner vers eux. De leur parler. De leur dire quelque chose. N'importe quoi. Il n'allait pas les lâcher maintenant que tout était fini, quand même !
- Ron ! La ferme ! lui intima Ginny.
- Et pourquoi je la fermerais ? C'est vrai, après tout ! On a eu droit aux pires moments, pourquoi on n'aurait pas droit aux bons maintenant ? et Harry y a droit autant que les autres !
- Hermione, dis-lui de se taire...
Ron leva des yeux hésitants vers Hermione. Elle lui sourit simplement et il lui rendit son sourire. Il se pencha un peu plus par-dessus la tête d'Ellie qui embrassait, les lèvres tremblantes, la joue froide d'Harry. Ron empoigna l'épaule de son ami et le secoua vivement.
- Allez ! Debout, mon petit vieux ! Tu nous as promis qu'on fêterait la victoire chez toi ! Cherche pas à te défiler comme avec le bal !
- Ron ! s'exclama sa mère, scandalisée.
Mais Ron secouait toujours Harry et Ginny s'était mise de la partie, elle aussi. Hermione se contentait de serrer sa main sur le pied d'Harry, en serrant les dents à chaque soubresaut du lit malmené.
McGonagall était verte. Higgs trouvait la méthode peu orthodoxe. Molly se mordait les poings.
- Il a bougé ! s'exclama soudain Hermione. Arrêtez maintenant... Je crois qu'un peu de douceur ne lui ferait pas de mal à présent...
- D'accord, dit Ron. Mais pour le réveiller d'un baiser, vous comptez pas sur moi !
Hermione lui fit signe de venir s'asseoir à côté d'elle, ce qu'il fit avec empressement, tandis que Ginny le repoussait vivement en le traitant d'idiot.
§
C'était à nouveau le silence autour du lit d'Harry. Il ne remuait plus sous les couvertures. Ginny se tenait immobile, agenouillée à son chevet. Ron et Hermione se tenaient par la main, au pied du lit. Assise sur une chaise à côté du lit, Ellie essayait de tourner vers la lumière le visage qu'Harry enfonçait dans l'oreiller.
- Harry... Je t'en prie... Je suis là... nous sommes tous là autour de toi... Dis-nous quelque chose... ou je vais croire que tu nous snobes maintenant que tu n'as plus besoin de nous... C'est ça, tu ne veux pas partager la gloire et les honneurs avec nous... Ça ne m'étonne pas... Tu n'es qu'un prétentieux de Gryffondor, égoïste et...
- Ellie ? fit Ginny, inquiète du ton plein de larmes de son amie. On a dit avec douceur...
Hermione toussota dans son poing. Elle se glissa au bas du lit. Mais avant qu'elle eût le temps de parler, McGonagall intervint avec irritation.
- Et vous croyez que toute cette agitation contribue à une ambiance de douceur, sans doute !...
- Vous avez raison, Minerva, concéda Dumbledore avec un sourire. Il y a trop de monde autour de ce lit... Nous allons tous sortir. Après vous, je vous prie...
- Mais... Albus...
- Non... non, Minerva... l'interrompit-il encore en poussant Molly et l'infirmière vers la porte. Les dames d'abord... je renonce au privilège de mon grand âge... Ne me remerciez pas... C'est normal...
Il referma la porte sur lui, laissant les jeunes gens perplexes.
- Et je suis censé, faire quoi, moi ? demanda Higgs, abasourdi.
- Tu as des choses à faire, guérisseur Higgs ? l'interrogea Ron.
- Non, j'ai fini ma ronde pour ce soir.
- Alors, tu veux bien rester avec nous, le pria Hermione. Harry pourrait avoir besoin de toi...
Higgs jeta un œil vers le lit, où Ellie essayait toujours de tourner vers elle le visage d'Harry.
- Je t'en prie, Harry... murmurait-elle. Si tu m'entends, fais-moi un signe. Je n'en peux plus. C'est pire que si tu étais mort...
Elle chercha à l'embrasser et éclata en sanglots contre sa tête.
Assise au pied du lit, Ginny ne savait plus que faire.
- Ellie... commença Ron, sans savoir ce qu'il pourrait bien dire de plus.
Hermione voulut s'avancer, mais Higgs la retint. Il leur montra la couverture qui bougeait à nouveau, et un bras qui lentement se posait sur les épaules d'Ellen. Une voix enrouée sortit de l'oreiller.
- Ne pleure pas, Ellen...
Hermione mit ses mains sur ses lèvres. Ginny poussa un petit cri. Ron se précipita vers le lit. Harry se retourna lentement. Il avait froid, encore. Et plus mal que jamais, partout dans son corps. Et par-dessus tout, son cœur se serrait à lui faire mal. Ellie continuait à sangloter tout près de son oreille. Il n'était pas capable de trouver les mots pour la consoler.
§
La lumière lui fit mal aux yeux. Il se souleva lentement et cilla. Il chercha autour du lit, Ron, Hermione, Ginny dont il croyait avoir entendu les voix, comme dans un rêve. Il vit un guérisseur auprès d'Hermione.
- Higgs ? fit-il. Mais... On est où, là ?
Higgs, Ron et Ellie parlèrent en même temps. A l'hôpital, répondit Higgs. Chez McGregor, dit Ron. A Oak Mansion, fit Ellie en frottant ses yeux.
Hermione s'avança, penchée et hésitante, pour s'appuyer au pied du lit.
- Harry ! laissa-t-elle échapper dans un soupir de soulagement.
- Comment te sens-tu, Potter ? demanda Higgs, très professionnel.
Ginny prit la main d'Harry, prête à éclater en sanglots, elle aussi.
- Tu nous as fait si peur, Harry.
Le jeune homme n'osa pas la regarder. Il se tourna vers Ron, qui frappait sur son épaule, sans pouvoir prononcer un mot, son visage constellé de taches de rousseur rouge d'émotion. Il portait encore sur ses joues des traces des combats. Harry frissonna et chercha à dégager ses doigts de l'étreinte inquiète de ceux de Ginny.
- Je vais chercher Dumbledore, proposa Higgs.
- Pas encore ! pria Ellie.
Elle se blottit tout contre Harry, l'entourant de ses bras comme pour s'assurer qu'on n'allait pas le lui enlever.
Il essuya ses joues du bout des doigts.
- Ne pleure pas... dit-il doucement.
- Je ne pleure pas... mentit Ellie. Ce sont mes yeux...
Elle enfouit son visage contre l'épaule d'Harry. Il caressa ses cheveux sans rien dire. Personne autour du lit ne bougeait. Ils semblaient tous attendre quelque chose de lui.
- Vous savez où sont mes lunettes ? demanda-t-il.
Ron se tourna vivement vers la table de chevet. Il ouvrit le tiroir avec empressement.
- Elles sont là ! s'écria-t-il. Avec tes autres affaires !
Il essuya les verres avec sa robe de chambre et les lui mit sur le nez avec un zèle qui lui fit lui tirer les cheveux.
- Merci... fit Harry un peu gêné.
Il découvrait la réalité des visages éprouvés, et la tournure tordue d'Hermione que Higgs aidait à s'asseoir dans le fauteuil qu'il venait d'avancer vers le lit.
- Que vous est-il arrivé ? demanda-t-il avec angoisse.
- Non ! Toi d'abord ! réclama Ginny. Raconte-nous ce qui est arrivé dans la Forêt Interdite.
Harry pâlit un peu plus.
- Il n'a peut-être pas envie d'en parler, suggéra Hermione. Ce sont des moments qu'il préfère sans doute oublier. Il nous en parlera plus tard, s'il le désire...
- Mais... Commença Ron, avant de changer d'avis sur un coup d'œil à Hermione. Oui... Tu as raison, Hony. Après tout, ce qui est important, c'est n'est pas comment cela s'est passé. L'important, c'est que tu nous aies enfin débarrassé de ce vieux fou de... Jedusor.
Harry sursauta :
- Quoi ?
- Ho ! Je sais... C'est idiot de ne toujours pas pouvoir prononcer son nom... surtout maintenant... Mais c'est comme ça...
Harry leva la main pour interrompre Ron :
- Qu'est ce que tu as dit ? Voldemort est... mort ?
- Il semblerait, répondit Higgs avec sérieux. Tout le monde a vu son corps. Il est exposé depuis quatre jours dans le hall du Ministère, sous bonne garde, depuis que quelques uns de ses fidèles ont essayé de voler sa dépouille, avant-hier...
- Quatre jours ! murmura Harry, tandis que ses amis s'exclamaient.
- Ils ont fait quoi ? s'écria Ron.
- Ils sont malades ! fit Ginny avec une moue dégoûtée.
- Ils ne veulent pas y croire, murmura Hermione.
- Oui, comme la première fois... reprit Higgs. Ils ont pourtant vu leur marque s'effacer complètement le soir même...
§
Harry répéta : « Quatre jours ! » et il porta la main à son front dans un réflexe. Elle était toujours là. Il la sentait sous son doigt. Mais sa cicatrice ne lui faisait plus mal. Ellie leva sa main et lui fit baisser la sienne. Elle serra ses doigts sur les siens.
- Je suppose que ça va recommencer... dit-il d'une voix sourde. Je veux dire, les procès, les accusations et tout le reste...
Higgs haussa les épaules.
- Sans doute, mais une chose est sûre : tu fais encore les gros titres de la presse, Potter...
Harry ne put retenir une grimace qui fit rire Terry Higgs.
- Oui, tout le monde se demande où tu es et ce que Dumbledore a fait de toi, renchérit Ron. Remarque, nous n'en savions pas plus, il n'y pas plus tard que quelques minutes...
Harry passa sa main dans ses cheveux.
- Quatre jours ! répéta-t-il encore.
§
Il n'avait aucun souvenir de ces quatre jours. Et il n'osait croire aux nouvelles que donnait Higgs. C'était si improbable. Il craignait de se réveiller, et de se rendre compte qu'il était toujours dans la neige, le froid et la nuit. Il frissonna. Ellie se serra davantage contre lui.
- Ça ne va pas, Harry ?
- J'ai un peu froid, avoua-t-il.
Ron s'empressa de remonter les couvertures sur lui.
- C'est normal, dit-il. Tu étais gelé quand Hagrid t'a ramené de la Forêt Interdite...
- Hagrid ? Je ne m'en souviens pas...
- Ça ne m'étonne pas, ajouta Higgs. Tu étais inconscient quand ils t'ont amené ici. Tu as eu une forte fièvre durant deux jours. Ensuite, la fièvre est tombée brutalement et tu as dormi.
- C'était un repos mérité ! s'exclama Ron en lui tapant sur l'épaule à nouveau. Même si nous aurions aimé qu'on nous tienne au courant de ton état...
Il jeta un œil soupçonneux sur Higgs qui se défendit aussitôt.
- Hé ! Je n'y peux rien, moi ! Ce n'est pas moi qui donnais les ordres ! J'ai repris mon service seulement aujourd'hui !
- Et vous ? demanda Harry un peu gêné. Qu'est-ce qui t'est arrivé ?
Il désignait le bras en écharpe de Terry Higgs. Le jeune homme haussa les épaules.
- Tu sais ce que c'est... les mangemorts n'ont aucun savoir vivre...
- Oui... ils sont plutôt du genre à tirer sur l'ambulance, ironisa Harry.
- Hein ? fit Ron.
Harry lui fit signe de laisser tomber. Il se tourna vers Hermione.
- Et toi ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce que tu as ? Tu es blessée ?
Avant que la jeune fille eût pu répondre, Ron s'était levé pour rejoindre le fauteuil.
- C'est Malefoy, dit-il tout en arrangeant l'oreiller dans les reins d'Hermione.
- Et là, ce n'est rien ! ajouta Ginny. Ce type est vraiment givré ! Si tu avais vu ce qu'il lui a fait !
- Ça suffit, Ginny ! grommela Ron.
- Il faut bien qu'il sache ! se défendit Ginny. Il a tué Miss Teigne et Rusard aussi... Et il a presque tué Pattenrond... Ensuite il a transformé Hermione en une horrible chose... Tu vois la sorcière borgne du passage vers Pré-au-Lard... elle était pire ! Ensuite il a attaqué Ron dans le labo. Et il les a laissé pour morts tous les deux. Puis Peeves l'a surpris alors qu'il allait lancer un Impardonnable sur Nott et il l'a emmené tout en haut de la tour d'astronomie où il l'a pendu à un crochet... Mais Dumbledore l'a décroché... il aurait du l'y laisser sécher jusqu'à la fin des temps, rien que pour ce qu'il a fait à Hermione...
- Ginny ! l'interrompit la jeune fille. Cela n'a pas d'importance. Dans quelques heures, tout sera oublié...
Ron s'accroupit à côté du fauteuil, et Harry ne comprit pas pourquoi son ami caressa tendrement le visage d'Hermione. Il en conclut cependant qu'ils s'étaient réconciliés. Il n'osa pas demander des nouvelles de Viktor. Ni de Neville, dont l'absence parmi ses amis l'inquiétait, bien qu'il sût qu'il n'y avait pas de raison particulière pour qu'il fût auprès de lui. Ni de personne de ceux qu'il connaissait... Pas même de Malefoy. Parce qu'il faudrait alors replonger dans cette bataille dont il n'était pas encore sorti. Il réalisa brutalement que la mort de Voldemort n'avait pas mis de point final au cauchemar comme il avait toujours voulu le croire.
- Et de toutes façons, continuait Ron à l'attention de sa sœur, tu parles de choses que tu ignores... tu n'étais même pas présente !
- C'est vrai ! se moqua Ginny avec un clin d'œil à Harry. Toi, tu étais sur tous les fronts à la fois ! Il faudra que tu nous apprennes ce sortilège d'ubiquité, ça nous serait bien utile parfois...
- Tu peux te payer ma tête, Ginny... Il n'empêche que sans moi, tu te serais faite pulvériser je ne sais combien de fois dans les escaliers...
- C'est sûrement pour cela que tu t'es empressé de me laisser seule pour courir te venger de Malefoy à la première occasion... persifla la jeune fille.
- Je voulais l'empêcher de rejoindre la Grande Salle ! se vexa Ron. Et tu n'étais pas seule. Tu étais avec les Elfes...
Ginny se frappa le front :
- Ah ! C'est vrai ! Trois Elfes terrorisés ! Tu parles de gardes du corps !
- Tu es toujours là, que je sache !
- Et toi ? Ça valait le coup de courir après Malefoy ? Tu t'es fait saucissonner avant même d'avoir pu prononcer un sortilège... C'est Neville qui me l'a dit !
- Ce n'est pas vrai ! Si Nott n'avait pas voulu faire cavalier seul, je ne me serais pas fait saucissonner ! Et d'abord, Neville, il n'a rien à dire. Lui aussi, il s'est fait désarmer. Et dis donc, toi ? Je te signale que si Dean et moi nous n'étions pas venus vous sauver, vous seriez encore sur le palier, toi et tes copines ! Ou plutôt vous ne seriez plus nulle part ! Et c'est une fois de plus où je t'ai sauvée la vie ! Sans compter celle où je t'ai récupérée quand tu tombais de ton balai devant les portes. Alors tu as de la chance que j'aie été sur tous les fronts, soeurette !
Il se tourna vers Hermione pour arranger le coussin dans son dos, avec des gestes quelque peu bourrus.
- Neville ! grommela-t-il. Il va m'entendre, celui-ci ! Non mais, de quoi je me mêle !
Il revint à Ginny :
- Et tu oublies la manière dont j'ai défendu la cabane d'Hagrid !
- Quelle cabane ? demanda Ginny. Tu n'as rien défendu du tout ! Ceux qui approchaient se sont sauvés quand ils ont compris qu'un Géant sortait de la Forêt.
- Quel Géant ? questionna Harry qui en était encore à se dire que Neville au moins était toujours vivant.
- D'après toi ? fit Ron sarcastique. Oh ! je ne dis pas qu'au début les mangemorts ont cru que les Géants venaient se mettre de la partie, du côté de leur maître, naturellement. Et, alors que quelques instants plus tôt, ils cherchaient à se sauver par la forêt, sans doute pour aller à la rencontre de celui qui les avait mené jusque là, ils se sont retournés contre Bill et les jumeaux qui revenaient des nouvelles... Nous sommes sortis, Dean, Nott et moi pour leur prêter main forte. Et c'est alors qu'on s'est aperçu qu'il n'y avait qu'un seul géant. Mais c'était bien suffisant, crois-moi, Harry. Il écrasait tout sur son passage. Et quand il a vu les robes des mangemorts et certains qui avaient encore leur capuche sur la tête, sais-tu ce qu'il s'est mis à hurler ?
Ron se mit à rire tandis qu'Harry avouait son ignorance.
- Pas faire mal à Hermy !
Hermione cacha son visage dans ses mains.
- Ho ! Non ! murmura-t-elle avec gêne.
- Tu l'ignorais ? lui sourit Harry.
- Elle n'a rien vu de tout ça, dit Ron avec tendresse. Elle était dans la cabane...
Il caressa affectueusement les cheveux de la jeune fille, tandis que Ginny renchérissait sur la panique qu'avait provoquée l'arrivée de Graup.
- Et qu'est-ce que tu en sais ! reprit son frère avec un peu d'exaspération. C'est encore Neville qui t'a raconté qu'on lui avait raconté ?
Ginny haussa les épaules :
- Hé bien raconte alors ! puisque tu es le seul ici à avoir assisté à l'arrivée de Hagrid !
Ron ouvrit la bouche, puis la referma aussitôt. Higgs, qui était jusque là resté debout au pied du lit, s'assit à côté de Ginny, tourné vers le fauteuil d'Hermione au pied duquel le rouquin était toujours accroupi.
Ron déglutit pour cacher un tressaillement. Il regrettait de n'avoir pas su tenir sa langue, une fois de plus. Il n'avait pas très envie d'évoquer ces moments encore trop frais, que les cauchemars assombrissaient chaque nuit davantage.
Il fallut qu'Harry lui fît signe de parler pour qu'il se décidât. Il s'assit en tailleur aux pieds d'Hermione et rassembla ses souvenirs, pour essayer de les remettre dans l'ordre et se débarrasser de l'émotion qui le bouleversait encore.
§
§
Tout d'abord, ils avaient vu s'écarter les arbres, comme Graup se faisait un chemin à travers la Forêt, d'où avaient surgis Crockdur et Titan, l'échine hérissée. Bill avait donné l'ordre de se replier, hors de portée des chiens et du Géant. Ron, lui, avait attendu, le cœur battant, espérant de toutes ses forces voir sortir Hagrid de la Forêt.
Il avait son parapluie à la main, fermé malgré la pluie. Et Ron se souvenait parfaitement s'être demandé pourquoi il ne lui rendait pas son usage initial. D'autant qu'il se rappelait qu'Hagrid avait une nouvelle baguette. Il lui vint aussi à l'idée que le demi géant semblait avoir doublé de volume dans son manteau de fourrure. Et encore toutes sortes de questions absurdes... Comme pourquoi Hagrid semblait tenir à ce que son gigantesque frère le suivît de près...
Ron s'était précipité vers Hagrid. Il avait crié son nom. Il l'avait suivi, malgré les cris de Bill qui lui recommandait de rester près de ses frères. Mais Hagrid ne savait que répéter :
- Dumbledore. Où est Dumbledore ?
Il lançait son parapluie dans les jambes de Graup, le guidait, lui donnant des ordres brefs.
- Par ici ! Pas par là ! Tout droit ! Graup ! Laisse les tranquilles... ! Dumbledore ! Où est Dumbledore ?
§
Devant le perron, la bataille avait cessé. Il y avait des mangemorts qui tentaient de fuir. Des membres de l'Ordre du Phénix qui essayaient de les en empêcher. Des chevaux qui glissaient dans la neige boueuse. Des élèves qui crachaient toute la fumée avalée à l'intérieur. Et McGonagall qui s'avançait en boitant, les bras levés, tête nue, ses lunettes noircies, bouleversée et tremblante.
- Hagrid ! cria-t-elle.
- Dumbledore ! Où est Dumbledore ?
Un cheval blanc se fraya un chemin parmi la foule qui s'amassait déjà au devant des géants.
- Arrête, Graup !
Un dernier coup de parapluie dans les jambes ; Dumbledore mettait pied à terre devant Hagrid. Et celui-ci ouvrit son manteau.
§
Un corps glissa sur les marches et le souffle de tous ceux qui étaient là fut suspendu aux gestes de Dumbledore. Tous s'avancèrent d'un pas, réduisant le cercle autour de Dumbledore penché sur le corps inerte. Les mangemorts frémirent. Hagrid chuchotait. Mais le silence était si intense que tous l'entendaient.
- Je l'ai trouvé dans la Forêt, Monsieur. Il était gelé... J'ai eu de la chance de le retrouver. Il y avait des cadavres partout... mais ce coin de la Forêt n'a pas été atteint par l'incendie. Graup et moi, nous avons réussi à l'éteindre... avec la pluie bien sûr... mais les flammes ont détruit une partie du territoire des Acromantules. Et la clairière de Graup aussi... Beaucoup de mangemorts sont morts dans la Forêt... Dites, Professeur ? Qu'est-ce qu'il a ? Il n'est pas... ?
§
Le silence fut plus profond encore. Il sortait de plus en plus de monde du château et la rumeur montait, couvrant le crépitement de la pluie, et le souffle bruyant des chevaux. Dumbledore fit apparaître une couverture et lança un sortilège d'Impervium.
- Est-ce tout ce que vous avez trouvé dans la Forêt, Rubeus ? demanda-t-il sur un ton soucieux.
- Oui, Monsieur... Je veux dire, non, Monsieur... Graup. Pose ce que tu as ramené ! Dépêche-toi ! Graup ! Lâche-le ! Vite !
Ron s'aperçut que le Géant serrait son poing de colosse ; il comprit qu'il marmonnait des paroles quasi inaudibles que seul Hagrid semblait comprendre. Le vieux garde forestier leva son parapluie et Graup fut sensible à l'argument.
Il ouvrit la main et une forme sombre tomba au sol.
§
Ron fut le premier auprès du corps flasque. Il le retourna sur le dos, d'un geste rapide et tremblant. Dumbledore le repoussa doucement et rabattit la capuche sur un visage anguleux qui n'avait plus rien d'humain. Alors, Ron se tourna vers la couverture et se jeta à genoux devant elle. Il tomba, plutôt. Car ses jambes ne le portaient plus soudain. Et tandis que grandissait alors la rumeur de la mort du Seigneur des Ténèbres, il ne songeait pas que la guerre était finie et que l'aube allait bientôt éclairer le monde d'une lumière nouvelle. Il essayait désespérément d'éloigner de son esprit l'idée qu'Harry ne partagerait pas avec eux la joie de recommencer à vivre une vie normale et de ressentir le soulagement qui aurait du l'envahir à l'annonce de la mort de Voldemort – et qu'il ne ressentait toujours pas.
§
- Et ?...
Ron leva les yeux vers Ginny.
- Et ?... refit cette dernière. Dumbledore t'a poussé parce que tu lui cachais la vue sur Voldemort et... ? Il s'est passé quoi ensuite ?
- Ho ! rien... C'est juste qu'il n'était pas si effrayant, une fois mort... On aurait dit une vieille peau de serpent séchée...
- Elle veut dire : qu'est-ce qu'a fait Dumbledore ensuite ? intervint Hermione.
- Ho ! refit Ron. Il a fait taire tout le monde, et il a dit : « Que cessent les combats. Que chacun dépose les armes. Tout est fini à présent. » Puis il a fait amener les mangemorts devant le corps de Jedusor et il leur a dit : « Voyez votre maître. Il a été vaincu, pour la dernière fois. Il ne reviendra plus. L'aube se lève et vous avez perdu. » Ensuite, Londubat est sorti du château, il a annoncé que le feu était maîtrisé et qu'on pouvait mettre les blessés à l'abri de la pluie et du froid, dans les étages supérieurs que la fumée n'avait pas atteints... en attendant de pouvoir évacuer ceux qui pouvaient l'être sans risque. Alors Dumbledore a demandé à Hagrid de ramener Harry à l'intérieur et de le mettre au chaud. Et puis, il a donné des ordres, et tout a repris son cours... Ça a été très vite. On est retournés chez Hagrid et on a tous été séparés. Je n'ai retrouvé Hermione qu'il y a une heure, et je n'ai eu de tes nouvelles qu'en même temps que tout le monde ici... quatre jours après...
Harry perçut que Ron n'avait relaté que le strict nécessaire. Il n'insista pas. Il venait à peine de retrouver ses amis, il n'avait pas envie de compter encore tous ceux qu'il ne devait pas revoir.
Hermione posa sa main sur l'épaule de Ron. Il appuya sa joue dessus, encore perdu dans des pensées mélancoliques.
- Il faut qu'on te parle de notre partie de Quidditch ! fit Ginny sur un ton faussement enjoué.
Mais personne ne renchérit et le silence à nouveau retomba sur les jeunes gens.
Higgs toussota :
- Je vais devoir aller prévenir Dumbledore de ton réveil, Potter...
Hermione esquissa le geste de se lever. Ron fut sur pieds en un bond pour l'aider.
- Tu m'excuseras, Harry, n'est-ce pas... dit-elle. Mais je suis un peu fatiguée et demain une journée difficile m'attend.
Elle s'appuya au bras de Ron et ils prirent le chemin de la porte. Ginny glissa au pied du lit.
- Attendez-moi, pria-t-elle avec un sourire à Harry. J'espère que Dumbledore n'aura pas fini de passer son savon à maman. Je ne veux pas manquer ça ! On se retrouve chez Hermione, Ellie ?
Higgs ouvrit la porte et fit sortir tout le monde. Harry et Ellie se retrouvèrent seuls. Ils restèrent un moment sans parler. Ellie le serrait contre elle en silence. Il caressa son visage et ses yeux enfoncés dans ses orbites cernées de mauve.
- Qu'est-ce qu'il y a ? finit par demander Harry. Tu n'as rien dit...
- Il n'y a pas grand-chose à dire... murmura Ellie. Ou alors veux-tu entendre que j'ai tellement pleuré que sans Ginny à mes côtés je serais tombée d'épuisement...
- C'est vrai ? demanda Harry.
Elle hocha la tête.
- Je suis désolé... Je ne voulais vraiment pas que tu pleures pour moi, tu sais... J'ai essayé de faire du mieux que je pouvais, mais ce n'était pas assez... Il était trop fort. Je ne sais pas comment il est possible que je sois encore vivant. Et surtout comment il est possible qu'il soit...
- Chut... fit Ellie. C'est fini. Ta forteresse était plus solide que la sienne, c'est tout. Tu ne vas pas t'en plaindre.
Elle se serra encore davantage tout contre lui. Elle embrassa le coin de ses lèvres.
- Tu crois qu'ils me laisseront rester auprès de toi ? Tu m'as manqué... Tellement manqué...
- Tu étais avec moi à chaque instant. Et je sais que sans toi, je ne serais pas là. Attends...
Il s'écarta d'Ellie, pour se pencher vers la table de chevet. Il ouvrit le tiroir et plongea la main au fond, comme pour chercher quelque chose à tâtons. Il ramena le phénix d'or avec un sourire :
- Il m'a porté bonheur, tu sais... Et ton écharpe aussi, mais j'ignore ce qu'ils en ont fait.
- Ce n'est pas grave... Moi je n'ai pas encore récupéré ton cheval d'argent. Je n'arrête pas de le réclamer à Robbie, mais je crois qu'il ne sait plus ce qu'il en a fait...
- Qui est Robbie ? Et qu'est-ce que tu as fait de mon cadeau ?
- Ho ! c'est une longue histoire... Je n'ai pas très envie de te la raconter maintenant. Je veux juste rester près de toi.
Elle se blottit à nouveau contre lui et posa sa main sur celle d'Harry qui tenait le phénix. Elle ferma les yeux.
- On va enfin être tranquilles... murmura-t-elle.
Harry n'en était pas certain, mais il ne dit rien. C'était étrange. Il s'était parfois demandé, sans pouvoir l'imaginer, comment il se sentirait après... Et là, allongé dans la pénombre, Ellie qui s'endormait paisiblement auprès de lui, il n'arrivait toujours pas à déterminer ce qui avait changé. Le silence était le même. Et la présence d'Ellen lui tenait toujours aussi chaud au cœur. Il ne se sentait pas plus heureux qu'avant. Ni plus léger. Il n'y avait rien de plus. Ni rien de moins. Sauf que la douleur de sa cicatrice s'était tue. Peut-être, avec le temps, disparaîtrait-elle aussi.
- Harry ? demanda Ellie d'une voix ensommeillée. Tu me raconteras, un jour, ce qui s'est passé dans la Forêt ?
- Oui... un jour...
Il s'enfonça dans les oreillers. Un jour... Plus tard... Demain... Certains mots, malgré tout, n'avaient plus le même sens...
§
§
C'était vraiment étrange. Ce qui le gênait ce n'était pas la douleur dans ses membres, qui se faisait plus sourde. Non, c'était l'absence de douleur, dans son front et sa tête. Il attendait le picotement familier. La brûlure croissante. Il avait beau se dire que c'était fini, que Voldemort ne viendrait plus troubler son sommeil ni bouleverser sa vie, il n'arrivait pas à y croire tout à fait. Il restait au fond de lui il ne savait quelle appréhension diffuse, quelque chose qui retenait ses gestes. Il se répétait qu'il était enfin libre, mais ces mots ne réveillaient aucun écho en lui. Il savait qu'il était différent désormais de ce qu'il avait toujours été, mais il n'avait pas envie de changer. Il avait fait ce qu'on attendait de lui et rien ne serait plus pareil. Le monde qui l'attendait dehors n'était déjà plus le même. Et cela lui faisait peur.
§
- Qu'y a-t-il ? demanda Ellie.
Elle se souleva sur le coude pour mieux le regarder.
- Ça ne va pas ? Tu veux que j'appelle quelqu'un ?
Elle mit la main sur son front.
- Tu as encore de la fièvre... ?
- Non... Non... C'est juste que je n'arrive pas à y croire, murmura Harry.
- Il te faudra un peu de temps...
- Je ne pourrais jamais oublier, Nell...
- Non, bien sûr... Aucun d'entre nous ne pourra oublier. Mais il faudra bien continuer à avancer... Tu veux toujours continuer avec moi ?
- C'est peut-être toi qui te lasseras de moi, à présent que je n'ai plus rien d'exceptionnel...
Elle se mit à rire, de son petit rire narquois.
- Rassure-toi, Potter... Tu restes le Survivant, plus que jamais...
- Je croyais que cela ne t'intéressait pas d'être la petite amie du Survivant... essaya-t-il de se moquer à son tour.
- Oh ! Je crois que je m'y ferai... malgré tout...
Elle se pencha pour l'embrasser. Il prit son visage dans ses mains.
- Je t'aime mieux comme ça, Ellen...
- Comme quoi ?
Il effleura le coin de ses lèvres relevé en un demi sourire moqueur.
- Je ne voudrais pas que tu changes...
- Ne t'inquiète pas... je ne suis pas douée en autométamorphose...
Elle l'embrassa pour l'empêcher de répondre puis s'allongea contre lui, sa tête dans son cou.
- Tu me dois une danse, Harry...
- Je te la rendrai, Ellie.
- Avec les intérêts...
- Tu es dure en affaire.
- On peut toujours négocier...
Harry ne put s'empêcher de rire.
- Merci, Ellen...
- Pourquoi ?
- Parce que tu es le plus beau cadeau que j'ai jamais trouvé en me réveillant un jour de Noël...
§
Il crut qu'elle allait se moquer de lui, une fois de plus, mais il essuya une larme qui perlait aux cils d'Ellie. Un coup discret à la porte, empêcha la jeune fille de répondre.
- Harry ? Je peux entrer ?
- Oui, Professeur, répondit Ellie McGregor.
Elle avait repris sa place sur la chaise à côté du lit et tenait la main d'Harry, lorsque Dumbledore entra.
- Le guérisseur Higgs m'a appris que tu étais réveillé, et que tu te sentais beaucoup mieux...
- Je suis heureux d'être encore en vie, Professeur, si c'est ce que vous voulez dire... répondit Harry.
Dumbledore hocha la tête. Il s'approcha du fauteuil qu'Hermione avait occupé et le poussa vers le lit.
- Harry... si tu es fatigué, je reviendrais demain... mais j'avoue que je n'aurai pas beaucoup de temps à te consacrer et je sens que tu as en tête plus de questions que tu ne voudrais poser...
Harry hésita. Il serra sans s'en rendre compte les doigts d'Ellie dans les siens. Elle se leva sans lâcher sa main et se pencha sur sa joue.
- Je reviendrai plus tard... murmura-t-elle. Le temps de me refaire une beauté et de me rendre présentable.
- Et de sécher tes yeux, acheva Harry pour cacher à la fois sa gêne et sa déception de la voir partir.
Ellie passa son doigt sous sa paupière.
- Oui... Je vais demander à Higgs de lever ce stupide sortilège... Je n'ai plus rien aux yeux, à présent. Bonsoir, Professeur.
- Bonsoir, Miss McGregor... Il n'est pas trop tard pour vous souhaiter un joyeux Noël, Ellen...
Ellie s'arrêta à la porte, la main sur la poignée. Lentement, elle se retourna :
- Non, Monsieur, je vous remercie. Bien que « joyeux » ne soit pas vraiment le mot adéquat... et pourtant, je n'ai jamais eu plus beau cadeau de Noël moi non plus...
Elle referma la porte sur un : Joyeux Noël à vous aussi, Monsieur qui fit sourire Dumbledore. Le professeur tourna son regard vers Harry, par-dessus ses lunettes en demi lune. Le jeune homme avala sa salive avec difficulté :
- C'est à cause de son frère Quentin... dit-il sans que Dumbledore ne lui demandât rien. C'est le premier Noël qu'elle passe sans lui...
Dumbledore hocha la tête, sans éteindre la lueur au fond de son œil.
- Oui... fit-il, et je suppose aussi qu'elle évoque le fait que c'est le premier Noël depuis longtemps où nous pouvons enfin songer à un avenir plus serein...
- Sans doute... répondit Harry du bout des lèvres.
Dumbledore avança son fauteuil vers le lit.
- Et toi, Harry ? reprit-il. Que penses-tu de ce premier Noël où tu nous a libérés de la menace de Voldemort ?
Harry se redressa vivement et s'assit sur le lit.
- Ho non, Professeur ! Pas vous, je vous en prie !
- Tu vas devoir t'y habituer pourtant, Harry. Tu as vaincu Voldemort. Il n'y a aucun doute cette fois. Tu as survécu une deuxième fois. Le monde n'est pas prêt de l'oublier.
- Vous croyez qu'on va finir par me laisser tranquille ?
Dumbledore s'appuya au dossier du fauteuil.
- Oui, bien sûr... Dans une vingtaine d'années...
Harry grimaça. Dumbledore se mit à rire.
- Vaincre le Seigneur des Ténèbres qui étendait son ombre menaçante sur notre monde et tirer ta révérence... Tu n'imaginais pas que ce serait si facile... Tu es un héros, Harry. C'est officiel, tu ne peux plus en disconvenir.
Harry se renfrogna.
- Mais non... Ecoutez, Professeur... Je ne comprends pas ce qui est arrivé. J'ignore comment je peux être vivant et lui mort... Parce que ce devrait être le contraire. Il a été plus fort que moi. Il était même sur le point d'avoir gagné la partie. Je n'ai pas été capable de l'empêcher de reprendre ses pouvoirs.
- Vraiment ? fit Dumbledore sans se laisser troubler par l'agitation qui gagnait Harry.
- Puisque je vous le dis ! Il m'a repris tout ce qu'il m'a transmis le soir d'Halloween... Il était sur le point de me tuer... Je n'aurais rien pu faire si... Si je ne sais quoi d'ailleurs... Il s'est mis à hurler que je lui avais fait quelque chose et il a plongé dans mon esprit pour lire dans mes pensées. Je ne pouvais même plus le repousser. Tout ce que je pouvais faire c'était... le laisser faire... S'il a été vaincu, je n'y suis vraiment pour rien...
- En es-tu sûr, Harry...
- J'étais là ! Je sais bien ce qui s'est passé ! Ou ne s'est pas passé plutôt ! Je ne comprends vraiment pas, Professeur... N'importe qui aurait pu faire ce que j'ai fait... Toute cette histoire autour de cette stupide prophétie, ce n'était rien que du vent... Je n'avais aucun pouvoir de vaincre Voldemort ! C'est simplement une coïncidence... Je veux dire... Si je l'ai vaincu, c'est à mon corps défendant...
Dumbledore eut un petit sourire :
- Serais-tu en train de me dire que tu n'as pas fait exprès de vaincre Voldemort ? demanda-t-il sans se départir de son calme. Sera-ce ce que tu diras à ceux qui viendront te féliciter dès demain ? Je ne l'ai pas fait exprès...
Harry prit son front dans ses mains.
- Vous ne m'aidez pas, Professeur. J'essaie de comprendre pourquoi tout ceci m'est arrivé à moi, et vous, vous vous moquez... D'après le professeur Londubat, moi seul avais la clé pour ouvrir la porte vers la mort de Voldemort...
- Et il avait raison, apparemment...
- Non ! J'ai essayé de l'entraîner avec moi vers la mort... mais ça n'a pas marché !
- Tu le crois vraiment ? Je pense au contraire que tu as parfaitement réussi... doublement même, puisque tu es parvenu à te tirer d'affaire...
- Je ne me suis pas tiré d'affaire !
- Oh ! Que fais-tu là, dans ce cas ?
- Je n'en sais rien ! J'étais en train de mourir... Voldemort me serrait le cou de l'extérieur, et me mettais la tête à feu et à sang à l'intérieur... Je ne m'explique pas comment la tendance s'est inversée...
Dumbledore soupira et se renversa dans le fauteuil :
- Harry ! Harry ! Quand donc apprendras-tu à te faire confiance ?
Harry se laissa tomber sur les oreillers.
- Vous ne voulez pas m'aider à trouver les réponses...
- C'est ce que tu souhaites ? Avoir les réponses ? C'est important pour toi ?
- Oui... Je sais déjà que ma vie a été bouleversée parce que Voldemort a cru à cette stupide prophétie et qu'il s'est empressé de la mettre en route... Vous m'aviez dit que le pouvoir que j'avais, qu'il ignorait, c'était l'amour. Et le professeur Londubat m'a assuré que ce n'était pas seulement ses pouvoirs que Voldemort m'avait transmis, lorsqu'il m'avait marqué comme son égal. Il m'a dit aussi que ce serait, entre Voldemort et moi, un combat de l'esprit. Et ce combat je l'ai perdu. Je lui ai permis de retrouver ses pouvoirs, comme je lui ai permis de retrouver un corps. Et pourtant, c'est lui qui est mort...
- C'est juste, Harry... Et tu as là toutes tes réponses...
§
La voix de Dumbledore était douce. Harry garda pour lui les paroles qui lui venaient aux lèvres. Dumbledore reprit, toujours sur le même ton bas :
- Harry, le peu que tu viens de m'apprendre sur ce qui s'est passé il y a quatre nuits ne fait que confirmer ce que j'ai toujours soupçonné – et même espéré. Je n'avais aucun moyen d'en être certain. Au fil du temps, à chaque combat que tu remportais sur Voldemort, je voyais mes doutes s'estomper. Mais je ne pouvais te dire avec certitude ce que tu devais faire. Ce dont j'étais certain cependant, et je te l'ai déjà dit à plusieurs reprises, c'est que ton cœur te mènerait là où tu devais aller.
Il prit une inspiration, et Harry n'osa l'interrompre.
- Lors de cette nuit d'Halloween, il y a seize ans, Harry... qu'est-ce qui t'a sauvé ?
- Le sacrifice de ma mère... répondit Harry.
Dumbledore hocha la tête, mais Harry sentit que ce n'était pas tout ce que le vieil homme voulait lui faire dire.
- Le sacrifice de Lily inspiré par l'amour qu'elle avait pour toi... Oui... mais surtout tout ce qu'il implique...
- La puissance de l'ancienne magie ? hésita Harry. Son sang qu'elle a versé et qui m'a protégé durant des années ?
- Oui, Harry, l'amour, l'ancienne magie et le sang versé sont les ingrédients principaux de cette affaire...
- Mais cela ne me dit pas pourquoi j'ai pu vaincre Voldemort... Ce ne sont pas les pouvoirs qu'il m'a donné : il les a repris. Quant à l'amour, il l'a retourné contre moi. Le sang de ma mère également. Et l'ancienne magie... Eh bien admettons que ce soit elle qui m'a donné la force de lui résister tant de fois, ou de survivre une fois de plus... mais...
- Cela n'explique pas que Voldemort soit mort... termina Dumbledore à sa place.
Il sourit avant de reprendre :
- Lors de cette nuit d'Halloween, une porte vers la mort s'est ouverte, que toi et Voldemort avez franchie en partie. Le sacrifice de Lily vous a ramenés, tous les deux. Mais chacun d'entre vous a été marqué. Toi tu as reçu une part de Voldemort, et Voldemort une part de toi. Cette part de l'autre en chacun d'entre vous était à la fois une force et une faiblesse. Mais ce n'était pas le plus important. Le plus important, c'est que ce soir-là, une porte vers la mort s'est rouverte et ne s'est pas refermée...
Harry sourit, un peu amer.
- Et cette porte, c'est Voldemort lui-même qui l'a ouverte...
Dumbledore hocha la tête pour approuver.
- Non seulement cela, Harry, mais il t'a laissé la clé...
Harry releva la tête vivement :
- Pardon ?
- Si j'ai bien compris ce que tu as dis, ce n'est qu'après avoir repris ce qui lui appartenait qu'il a commencé à montrer des signes de... comment dire ?... souffrance aiguë ?
Harry acquiesça de la tête.
- Et toi ? Tu as pu reprendre ce qui t'appartenait ?
Harry secoua la tête.
- Ce qu'il m'a pris ne m'appartenait plus... J'y ai renoncé...
- Tu t'es montré bien plus sage qu'il ne l'a été...
- Il aurait du se contenter de me tuer de sa main, n'est-ce pas... sans chercher à en vouloir plus...
- C'était son plus grand défaut, j'en ai toujours été persuadé : il ne savait pas s'arrêter... son avidité l'a perdu... Et son impatience aussi... Après t'avoir tué, il aurait eu le champ libre. Il lui aurait suffi d'un peu de temps pour retrouver toute sa puissance et tous les pouvoirs qu'il avait avant... Mais il voulait tout et tout de suite... C'est une chance pour nous, remarque... Mais c'est tout de même curieux, pour quelqu'un qui visait à vivre éternellement, il n'avait pas une vision très claire du long terme... Souvent, il me faisait penser à un enfant exigeant, qui ne supportait pas qu'on lui dise non, pour qui le bien et le mal n'ont pas de réalité profonde, que la satisfaction de ses désirs et de ses volontés... Tom Jedusor a vieilli, il a acquis la puissance, mais il n'a jamais grandi...
Harry sourit, presque pour lui-même. Dumbledore continua, en le fixant :
- Contrairement à toi, Harry... Accepter de perdre un peu de soi-même est la preuve d'une grande maturité.
Le jeune homme secoua la tête :
- Ce n'était pas de la sagesse, Professeur... Je n'ai simplement pas été le plus fort, c'est tout... - Mais être le plus fort n'était pas la question, Harry. Tom était plus fort, plus puissant, plus avide, et pourtant il a perdu. Algie Londubat t'a bien dit que tout n'était qu'une question de clé... Et il avait raison. Toi seul pouvais vaincre le Seigneur des Ténèbres parce que toi seul détenais la clé qui ouvrirait la porte vers la mort... Cette clé, tu l'as reçue en ce jour d'Halloween. Ce n'étaient pas les pouvoirs de Voldemort, comme tu l'as cru d'abord –comme nous l'avons cru – mais bien cette partie de son âme qu'il t'a laissée en dépôt à ce moment là. Et ce morceau de lui, toi aussi tu l'as fait tien, tu l'as apprivoisé petit à petit. Durant seize ans, tu l'as dénaturée, tu as fait taire ce qu'il avait de monstrueux. Tu ne l'as pas laissé prendre possession de toi, ni réveiller les penchants sombres que nous portons tous au fond de nous. Tu lui as imprimé ta propre marque, Harry. L'important, c'était de suivre ton cœur. Ton cœur, ta sincérité, ton enthousiasme, ta chaleur... L'amour que tu inspires et celui que tu ressens, sous toutes ses formes : celui que tu éprouves pour Ellie McGregor, l'amitié pour Ron et Hermione et tous les autres, l'affection que tu as pour les Weasley, pour Sirius, ton estime pour Remus, tout ce qu'ils t'ont apporté... Et même les sentiments tumultueux et contradictoires que tu pouvais ressentir pour Severus Rogue... Tout cela a contribué à façonner ce qui n'était pas toi.
- Je n'ai pas ressenti que des sentiments nobles, intervint Harry. Il m'est arrivé d'éprouver de la haine, et de la fureur... Et ce n'était pas cette part de Voldemort qui me l'inspirait, je le sais...
Dumbledore hocha la tête :
- Naturellement, Harry. Nous éprouvons tous de la colère... Nous sommes tous amenés à détester quelqu'un... Le détachement ne vient qu'avec le temps. La passion ne se décline pas qu'en amour. La ferveur dont tu fais preuve, dans tes attachements, comme dans tes refus, a aussi participé à réanimer cette âme froide et tranchante. Chacune de tes blessures a laissé une cicatrice dans cet esprit tourmenté. Ce que tu prends pour des faiblesses lui a insufflé l'humanité qui lui faisait défaut. Et lorsque tu as laissé Tom reprendre ce qu'il pensait encore à lui...
- Je ne l'ai pas laissé le reprendre... interrompit Harry malgré lui. Il m'a forcé à le lui laisser prendre...
Dumbledore accepta la correction :
- Et lorsqu'il qu'il t'a repris par la force ce qu'il pensait encore lui appartenir, il s'est lui-même enfoncé dans le cœur la lame fatale.
- Pourtant, mon sang aurait du le protéger des effets négatifs...
Dumbledore eut un sourire énigmatique :
- Je viens de te dire que Tom n'avait aucune idée du long terme... Et il avait aussi une interprétation erronée de la prophétie. Il s'imaginait que ce pouvoir dont elle parle était un pouvoir extérieur. Réfléchis, Harry : ton sang chargé de l'ancienne magie de ta mère, un peu de ton âme emplie d'une humanité qu'il refuse, d'une innocence dont il se moque, de cet amour qu'il méprise. Nous retrouvons les ingrédients dont je te parlais plus tôt : l'amour, l'ancienne magie et le sang versé. Ton sang – celui qu'il t'a pris – était un antidote à la magie de ta mère tant qu'il restait le seul élément, mais quand il lui a été ajouté une partie de l'amour que tu portes en toi, l'ancienne magie a été réactivée. L'ancienne magie que tu as en toi, ainsi que celle que tu as reçue dans les souterrains à Halloween. C'est devenu pour Voldemort un poison qui s'est insinué peu à peu dans ses veines, dans son esprit, jusqu'au fond de son âme et de ce cœur qui ne battait plus...
Dumbledore se tut un instant, et comme Harry ne parlait pas, comme assommé par ce que le Directeur venait de dire, il reprit :
- Harry, insista-t-il. Tu crois que tu as raté cette ultime confrontation, que tu n'as pas été à la hauteur des attentes de ceux que tu voulais protéger, mais c'est faux. Ce n'était pas ce combat qui était important pour toi. Ce qui est important, c'est tout ce que tu as fait avant, tout ce que tu es. Tous les choix que tu as faits, l'espoir que tu as gardé, pour arriver au fond de la Forêt Interdite devant celui dont tu savais qu'il pouvait te tuer. Je veux bien admettre que tu n'aies pas fait grand-chose pour obtenir la clé de la porte vers la mort. Tu t'es contenté de la recevoir à ton corps défendant, et d'être toi-même... Ce qui, entre nous, n'est déjà pas si mal.
- Vous oubliez que je n'ai pas non plus ouvert la porte ! trancha Harry assez sèchement.
- Je ne l'oublie pas, Harry, je ne l'oublie pas... Tu n'as pas ouvert cette porte, mais tu l'as empêchée de se refermer. Quand tu as accepté de prendre la voie de la narcomancie avec le professeur Rogue, tu t'es montré un élève attentif et patient... Bien plus que dans d'autres matières... Tu as consenti à faire confiance à un homme qui ne te manifestait aucune bienveillance, ni aucune indulgence. Tu as pris de grands risques, à tous niveaux. Côtoyer la mort n'est pas sans danger...
- Vous croyez ? fit Harry, sarcastique.
- Et la seule porte que Voldemort avait négligée, tu l'as consciencieusement laissée entrouverte. Alors tu peux penser que tu n'as pas fait grand-chose, tu ne m'empêcheras pas de croire que c'est à toi que nous devons la fin de Voldemort.
- Pourtant vous avez dit que Voldemort ne doit sa perte qu'à lui-même : son impatience et son avidité l'ont conduit à mettre en route la prophétie du professeur Trelawney, ainsi qu'à prendre le poison qui devait le tuer...
Dumbledore cacha un sourire dans sa barbe.
- De toutes façons, dit-il, cela n'a pas vraiment d'importance. Depuis quatre jours, la presse t'a consacré héros à part entière. C'est écrit dans le journal, Harry, c'est forcément la vérité...
- Je resterai à jamais le Survivant, soupira le jeune homme.
- Dans les livres d'Histoire de la Magie, certainement... Pour le reste, c'est à toi de voir... Mais tu as tout le temps d'y penser, Harry.
§
Le jeune homme hocha la tête. Il s'attendait à ce que Dumbledore se levât pour quitter la pièce, mais le vieil homme restait appuyé contre le dossier, et croisait ses mains sur sa barbe.
- Vous vouliez me dire quelque chose d'autre, Professeur ? s'étonna Harry.
- Je te le répète, Harry... J'ai une journée chargée demain et je ne pourrais pas te rendre visite avant un moment... Alors si tu as des questions, n'hésite pas à les poser tout de suite...
- Je voudrais savoir ce qui est arrivé à Hermione... Ils n'ont pas voulu en parler... Et je voudrais savoir si Viktor va bien... Je crois que Neville est sain et sauf. Ainsi que les Weasley, sinon Ron et Ginny n'auraient pu le cacher... mais je crains que beaucoup de nos camarades n'aient pas eu autant de chance...
- Je laisserai à tes amis le soin de te raconter ce qui est arrivé au château tandis que tu affrontais Voldemort, ils méritent cet honneur, crois-moi. Et je ne veux pas assombrir ton réveil en te parlant de ceux dont la place restera vide à la rentrée. Tu verras Viktor demain, si les guérisseurs te donnent la permission de quitter la chambre. Neville va bien. C'est un garçon très courageux. Il s'inquiétait beaucoup pour toi. J'ai envoyé Terry Higgs – un jeune homme de valeur, lui aussi- lui faire part de ton réveil. Dès demain, à la première heure, je suis sûr qu'il sera devant ta porte. Quant à Hermione... Tu l'as vue, elle est en voie de guérison.
- Mais si cela fait quatre jours...
- Pourquoi n'est-elle toujours pas redevenue elle-même ? Drago Malefoy lui a fait subir un maléfice de Métamorphose afin de lui faire avouer les mots de passe de l'école. Les guérisseurs lui ont rendu son visage, et l'usage de ses mains, un peu de son corps aussi... Sais-tu ce qu'est un maléfice de Métamorphose, Harry ? C'est un long supplice, non seulement quand on l'endure, mais aussi quand on applique le contre maléfice.
- J'espère que Malefoy va payer pour cela aussi... murmura Harry.
Et comme Dumbledore ne répondait pas, il leva un œil méfiant sur lui.
- Vous n'allez pas me dire qu'il a échappé à un quelconque châtiment... Il est à Azkaban, n'est-ce pas...
- Il y est... mais je crains que la notion de châtiment échappe désormais totalement à Drago Malefoy. Il n'a jamais eu un sens aigu des réalités, mais je crois qu'il l'a définitivement perdu ce soir-là...
- Il est fou ? demanda abruptement Harry.
- C'est un terme un peu agressif... Je préfère dire qu'il n'est plus tout à fait lui-même...
- Ce n'est pas forcément une mauvaise chose, grinça Harry en serrant les poings sur la couverture. J'espère qu'il est quand même enfermé à Azkaban. Il reste dangereux, j'en suis sûr... Mais... qui sert de geôliers ? Les Détraqueurs à nouveau ? Vous avez confiance en eux ?
- Oh ! fit Dumbledore avec un geste évasif. Il ne peut s'agir de confiance avec les Détraqueurs. On ne peut les détruire totalement. On ne peut non plus les laisser se promener en liberté. Un compromis s'impose, Harry. Même s'il ne satisfait pas entièrement toutes les parties.
- Ils recommenceront à la première occasion...
- Sûrement, admit Dumbledore. C'est à nous de veiller à ce que cela ne se reproduise pas...
- Et pour Malefoy ? Vous êtes sûr qu'il ne risque pas de refaire parler de lui... Vous vous souvenez de ce que nous a raconté Sirius. Et l'exemple de Bellatrix Lestrange devrait nous inciter à la prudence. C'est parce qu'ils avaient... heu... l'esprit ailleurs qu'ils ont échappé à l'emprise des Détraqueurs... Si Malefoy est comme vous dites...
- Malefoy attend que son maître sorte de la Forêt Interdite, Harry... il a vu son corps exposé, mais cela ne l'a pas fait réagir. Je suis allé à Azkaban, pour m'assurer que Drago ne nourrissait pas de desseins d'évasion, ou ne jouait pas la comédie afin d'échapper à un procès. Je l'ai interrogé, j'ai même sondé son esprit – ce qui est contraire à tous mes principes, tu le sais- dans le but de ne pas recommencer les mêmes erreurs que j'ai déjà commises... Tout ce qui l'intéresse, c'est de savoir quand viendra l'aube, ainsi que d'avoir la permission de monter sur la plus haute tour de la forteresse afin d'apercevoir la Forêt Interdite.
Et comme Harry ne semblait pas convaincu, il ajouta :
- Malefoy ne sortira jamais d'Azkaban : nombreux sont les chefs d'accusation qui pèsent sur lui, dont le meurtre de plusieurs personnes, la torture de Ron Weasley et Hermione Granger, les tentatives de meurtres sur plusieurs de ses camarades et d'un professeur, la mise en danger de toute l'école... Et s'il est condamné au Baiser des Détraqueurs, ils ne prendront pas grand-chose de lui. Je te le dis, Harry, Malefoy n'est plus une menace. Je crains davantage de la part des mangemorts qui se sont échappés, il y a quatre nuits. Tous les aurors du Ministère sont à leur recherche...
- Et l'Ordre ? demanda Harry. Il est dissout ?
- Pas encore, Harry... Il y a beaucoup à faire... Je te l'ai affirmé plusieurs fois déjà : faire des erreurs est excusable, les répéter est condamnable...
- Il n'y a pas eu de pluies d'étoiles filantes cette fois ? questionna Harry, un peu moqueur.
Dumbledore lui rendit son sourire.
- Il y en a eu... mais plus discrètes... Et moins nombreux étaient ceux qui avaient le cœur à faire la fête. L'attaque de Poudlard n'a pu être cachée très longtemps, tu l'imagines. Les Directeurs de Maisons ont passé la matinée du 22 décembre à rapatrier à Poudlard les élèves réfugiés au château des McGregor. J'ai rassuré les familles et nous les avons conduits à Pré-au-Lard où des membres de l'Ordre les ont escortés jusqu'à Londres. Le reste de la journée, je l'ai passé à me rendre chez les parents de ceux qui avaient succombé.
Harry n'avait plus envie de se moquer.
- Oui, soupira Dumbledore, rares étaient ceux qui avaient le cœur à faire la fête...
Harry eut un sourire amer. Il ne pouvait s'empêcher de songer cependant que seize ans plus tôt, la mort de ses parents n'avaient empêché personne de célébrer ce qu'ils croyaient être la fin du Seigneur des Ténèbres. Il s'en voulut de cette pensée acerbe et injuste : lui non plus n'avait pas le cœur à faire la fête.
Dumbledore se leva, il s'approcha du lit et sourit à Harry.
- Je reviendrai dès que je le pourrai, dit-il. Ha ! J'ai demandé à ce qu'on te serve un repas. On va venir te le porter dans un instant.
- Je n'ai pas très faim, Monsieur.
- Sans doute, mais il te faut reprendre des forces pour affronter la horde de tes admirateurs.
Harry fit une grimace.
- Je ne peux y échapper ?
- Je crains que non...
Dumbledore se pencha un peu et serra la main du jeune homme.
- Donne-toi le temps, Harry... Tu l'as tout entier à présent. Et il n'appartient qu'à toi.
Il se tut un instant, serra encore sa main parcheminée sur celle d'Harry et soupira. Il recula vers la porte. A mi chemin, il se retourna :
- Ha ! J'oubliais... J'ai fait prévenir ta tante et Arabella... Les articles dans le Sorcier Indépendant l'ont beaucoup inquiétée.
- Vous remercierez Mrs Figg de ma part, professeur... répondit Harry, un peu narquois. Je pense passer quelques jours chez moi, avant la fin des vacances, pour organiser le retour de ma tante et mon cousin chez eux. Et peut-être aussi pour faire une cure de silence et de solitude avant de replonger dans la foule de Poudlard...
- Tu as le temps de penser à tout cela... Les vacances dureront un peu plus longtemps que prévu... Et tu as tort... Pétunia a été la première à me demander de tes nouvelles...
- Oui... il lui tarde de quitter Square Grimmaurd... Mais je la comprends. Dites-lui que je ferais mon possible pour qu'ils retrouvent leur vie normale... Vous avez prévenu Dobby, aussi, Monsieur ?
- Ho ! mais Dobby était le premier averti, Harry... D'ailleurs, fit Dumbledore en sortant sa montre, je dois me dépêcher. J'ai rendez-vous avec lui dans mon bureau à Poudlard.
Harry leva un œil étonné sur lui.
- Je l'ai choisi comme ambassadeur auprès des Elfes de Poudlard... expliqua le Directeur. C'est une grande responsabilité que de libérer des Elfes de maison. Certains peuvent prendre cela comme une punition au lieu d'une récompense. Je ne veux pas qu'ils pensent que je les chasse.
- Comment allez-vous vous y prendre ? demanda Harry.
- C'est Hermione qui m'a suggéré de leur envoyer Dobby. Il parait qu'il sait être éloquent quand la situation le demande. J'ai préparé un stock de vieux bonnets de nuit et de chaussettes dans mon bureau. Ainsi qu'un tas de parchemin pour rédiger les contrats d'engagements. Ceux qui désireront être des Elfes libres n'auront qu'à venir me trouver.
- Ils ignorent ce que signifie être libre, répondit Harry. Ils ne voudront pas quitter Poudlard.
Dumbledore haussa une épaule :
- C'est pour cela que je leur envoie Dobby. Il leur parle un langage qu'ils comprennent. Il leur dira qu'ils seront désormais libres de choisir leur maître...
Harry eut un petit rire :
- Je ne vous conseille pas de raconter cela à Hermione... Je ne suis pas certain qu'elle voit les choses de la même manière que vous...
Dumbledore lui rendit un sourire :
- Hermione Granger a peut-être changé sa manière de voir les choses, Harry... Et puis, ce n'est qu'un début. On ne change pas des années d'habitudes en un seul jour. Le monde changera. Il ne cesse de changer. Mais les révolutions tournent vite court. Hermione a toute la vie devant elle pour plaider la cause des Elfes. Et toi, toute la tienne pour être un homme heureux... même si des épreuves t'attendent encore.
Dumbledore reprit son chemin vers la porte.
Harry le rappela :
- Professeur... Pourquoi ne pas m'avoir dit que cela pouvait se passer ainsi ?
Dumbledore ne se retourna pas.
- Parce que si je te l'avais dit, cela ne se serait pas passé ainsi...
Harry ne répondit pas. Le vieil homme ouvrit la porte et s'éloigna sur la pointe des pieds.
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La semaine prochaine le chapitre s'intitulera :
Epilogue
