Chapter 23 - En attendant le drame

Hermione retrouva Drago et Blaise attablés dans la cuisine du blond, discutant allègrement autour d'un petit déjeuner gargantuesque, certainement élaboré par le staff mystérieux et zélé du blond.

Ils avaient tous dormi chez Drago, plus par instinct grégaire que par commodité. Aucun d'eux ne voulait être seul. Ils partageaient un terrible secret, et curieusement, ça les avait davantage rapprochés que repoussés les uns des autres comme cela aurait pu se produire. Plutôt que de se méfier ou d'épier les comportements suspects des autres, plutôt que de surveiller un faux pas ou une trahison, ils avaient choisi de se faire confiance et de se serrer les coudes. De se serrer tout court... En attendant le drame.

"Salut, la marmotte ! lui lança Drago avec une esquisse de sourire, ce qui, compte tenu des circonstances, ressemblait à une danse de la joie.

- Marmotte ? Il est 8 heures du matin, marmonna Hermione en agitant sa main dans le vide pour que quelqu'un lui tende une tasse de café."

Blaise en fit glisser une vers elle sans cesser de la dévisager. Elle avait l'air bougon et portait une marque de drap en travers de la joue, mais il n'était pas assez stupide pour ne pas voir qu'elle avait quand même rendu son sourire à Drago, malgré des efforts évidents pour se contenir, et avoir l'air aussi revêche qu'a l'accoutumée en présence de son leader. Il n'arrivait cependant pas à déterminer si elle jouait cette petite comédie de femme hostile et de mauvaise humeur pour lui, ou pour Drago. A qui cherchait-elle à faire croire qu'elle se fichait éperdument de le voir lui sourire de bon matin ?

"Nos têtes ne trônent pas en Une de la gazette ? demanda Hermione en pointant le journal du doigt.

- Non, triompha Drago. Une journée de gagnée.

- Et c'est une journée de moins à Azkaban, ajouta Blaise en cognant son poing contre celui de Drago.

- Vous prendrez moins ça à la rigolade tout à l'heure, quand on trouvera toute une escouade d'aurors en train de fouiller le penthouse."

Drago sauta en bas de son tabouret, attrapa un croissant, et se rua sur la jeune femme qui, prise au dépourvu, le laissa le lui fourrer dans la bouche avec des yeux écarquillés en guise de protestation silencieuse.

"Au moins maintenant, elle ne peut plus nous faire profiter de sa négativité, décréta le blond avec un clin d'œil."

Hermione lui adressa un doigt d'honneur furieux, mâchouillant son croissant à toute vitesse.

"Ah si, en fait. Elle peut, nota Drago. Cette femme est décidément pleine de ressources insoupçonnées."

Il ramassa une tape sur le bras, se mit à rire comme un adolescent, se vit gratifier d'un regard furieux, rit de plus belle, et finalement Hermione - qui avait fini par avaler son morceau de croissant - se mit à pouffer avec lui.

Blaise, toujours juché sur son tabouret, dû cligner des yeux pour se sortir de sa torpeur. Il se passait définitivement quelque chose de réciproquement inquiétant entre ces deux-là. Et il se demanda comment il n'avait rien remarqué auparavant. Il avait sans doute été trop occupé à couvrir leur participation dans un crime pour se pencher sur le cas de son meilleur ami, qui avait subi une mutation étrange en quelques jours, passant d'irascible snob agressif et despotique à gamin souriant qui flirte avec une héroïne de guerre. Blaise cligna des yeux, hébété.

Il n'aurait jamais cru voir ce jour arriver. Et d'ailleurs, il ne comprenait pas pourquoi cette soudaine révélation à haut potentiel cataclysmique lui donnait envie de sourire et de les féliciter. Ce qu'il ne fit pas, bien entendu. Il savait se tenir, lui.

"Je ne suis pas sûr de la stratégie à adopter pour annoncer aux autres que Pods a disparu des radars, lâcha Drago, crevant brutalement leur petite bulle joyeuse. Il faut le faire aujourd'hui, ils doivent l'apprendre de moi et certainement pas par la presse ou le ministère.

- Je dirais qu'il faut y aller d'un coup sec, comme quand on arrache un pansement, suggéra Blaise, fin tacticien.

- Le groupe s'est montré résilient, ça va bien se passer, prophétisa Hermione en absorbant une gorgée de café. Tout le monde s'est resserré autour d'Hestia, il y a eu une vraie unité... Alors que, pour être honnête, c'était plutôt mal parti. Peut-être que ce groupe est solide, finalement. Prêt à affronter les tempêtes.

- C'est dans l'adversité que les liens solides se créent, confirma Blaise. Et peut-être que le fait d'avoir un leader tyrannique et imbu de sa personne n'y est pas étranger non plus. Avoir un ennemi commun, ça rassemble... Sans ça, Rogue n'aurait jamais eu aucun ami. Il peut remercier Voldemort pour ça, d'ailleurs. Parce que bon, soyons honnête, sans ce vieux cinglé au visage écrabouillé, JAMAIS McGonagall n'aurait donné l'heure à quelqu'un comme Rogue.

- Quoi ? coassa Hermione, égarée par son raisonnement.

- Peu importe, éluda Blaise. Ce que je voulais dire, c'est que Drago est un peu le Voldemort de notre groupe, il fait naitre un sentiment de cohésion en suscitant la terreur au sein des Non-Alignés... Stratégie brillante.

- On sous-estime trop souvent les vertus de la guillotine, marmonna Drago sans lever les yeux de sa tasse. Zabini, t'as déjà entendu parler du concept de haute-trahison ?

- Est-ce que c'est quand on critique ouvertement un personnage haut-placé quelconque pour ses agissements barbares ? Parce que ça ressemble étrangement au concept de lanceur d'alerte. Ou de martyr.

- Ok, guillotine ce sera. Tu as sûrement une préférence pour le lieu de ta mise à mort ? Quelque chose de public, je suppose ?

- Je recommande vivement un Facebook live. Mes électeurs sont très connectés, le digital c'est le futur. Avec un éclairage flatteur... ça devrait nous attirer pas mal de visibilité.

- Deal. L'horaire de ton exécution fera l'objet d'un vote sur Twitter.

- Il y a trop d'unité dans cette cuisine, c'est intolérable, lança Hermione, coupant court à leurs élucubrations."

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Lorsqu'ils arrivèrent au penthouse, Drago informa les quelques députés déjà présents à une heure si matinale que Pansy, Cormac et Hestia étaient en partance pour un congrès féministe à Cuba, ce qui ne surprit personne puisque Pansy en parlait en boucle depuis des mois. Il convoqua ensuite l'ensemble du groupe à la réunion fatale, quelques heures plus tard. Et, sans doute en réaction aux propos de Blaise le matin-même, il prit soin de s'exprimer avec douceur, allant même jusqu'à esquisser un sourire. Hermione se retint de dire qu'il était terrifiant lorsqu'il essayait d'avoir l'air gentil et humain, et Blaise pouffa.

La Gryffondor s'éclipsa ensuite pour collecter son courrier auprès d'Astoria et vérifier avec elle son emploi du temps du jour, puis fila dans son bureau. C'était la première fois qu'elle se retrouvait seule avec elle même depuis un bout de temps, et la première pensée qui la traversa la terrifia.

Ce n'était ni de l'angoisse, ni de l'appréhension, ni de la panique. Non, c'était bien pire que ça. Elle pensa que Drago lui manquait.

Elle poussa une petite plainte en se tirant sur les cheveux.

"Espèce de midinette stupide, inconsciente, égoïste ! s'auto insulta-t'elle.

- Euh... Hermione ? Pardon, la porte était entrouverte, alors... commença Astoria, perplexe.

- Oh !"

Cramoisie, la Gryffondor lui fit signe d'approcher, et essaya d'ignorer les yeux perçants de son attachée parlementaire. Astoria déposa une enveloppe sur son bureau, et se racla la gorge.

"Je sais qu'on est censées avoir des relations professionnelles ici, mais... Enfin, si tu veux parler de choses plus personnelles... Je suis là. Et si tu ne veux pas, je suis là aussi."

Astoria lui lança un sourire franc, et fit demi-tour pour quitter la pièce. Seulement, juste avant d'atteindre la porte, elle se retourna.

"Je crois que je sais pourquoi tu es si distraite et étrange, ces derniers temps... Et je voulais que tu saches que ça ne me pose aucun problème. Enfin, c'est une évidence, et de toute façon je n'aurais pas mon mot à dire, mais je préfère l'exprimer clairement. Je trouve que c'est une excellente chose.

- Ah bon ? s'étonna Hermione en tâchant de ne pas montrer la panique que lui inspirait cette réflexion.

- Je ne dirai rien, tu sais. Ce ne sont pas du tout mes affaires. Mais, pour ce que ça vaut... Je suis contente.

- Contente ? répéta Hermione, qui respira aussitôt un peu mieux."

Astoria ne pouvait décemment pas parler de meurtre, sans quoi elle ne serait pas contente. Déçue, horrifiée, révoltée, d'accord. Mais elle ne haïssait pas Laura au point de souhaiter sa mort, tout de même.

"Oui, je trouve que... Et bien, même s'il a d'incommensurables défauts... Il a de l'envergure. Tu mérites un homme qui a de la classe et du courage.

- Astoria, de quoi tu es en train de parler ?

- Pas de Dean Thomas, ça c'est sûr, gloussa Astoria en lui faisant un clin d'œil."

Hermione se laissa aller à rire avec elle, et réalisa que c'était agréable d'avoir ce genre de discussions légères et futiles, de rire à propos de garçons, de bavarder de choses du quotidien qui n'impliquaient pas de trahison, de sang et de secrets. En fait, elle avait été tellement immergée dans ses soucis, qu'elle n'avait pas songé un seul instant à parler de Drago à quelqu'un. Ni même de penser à ce que tout cela impliquait. Ou que ça la rendait joyeuse. Bizarre, perturbée, mais joyeuse. Elle n'avait même pas eu le temps de parler avec elle-même, en son for intérieur, ou de ce qu'elle voulait.

Mais était-ce vraiment opportun de commencer à tergiverser, établir des scénarios, faire des listes de pour et de contre, raisonner en terme pragmatiques comme elle le ferait d'habitude ?

Non, elle ne pouvait pas se permettre de se plonger dans ses émotions pour le moment. Et après tout, elle avait bien mérité un peu de légèreté au milieu de tout ce chaos. Elle grimaça en réalisant qu'une relation avec Drago Malefoy, quelle que soit sa nature, n'avait rien de léger. Ou de facile. Ou de discret. C'était forcément le tumulte. En réalité, c'était même lui le chaos, de manière générale. Pourtant, ces jours-ci, il était tout le contraire. Il était fiable, solide, compatissant et distrayant.

Elle leva la tête et tomba sur le poster de Dumbledore qu'Harry lui avait offert lors de sa première élection. Sous la barbe du vieil homme, en lettres manuscrites, apparaissait la phrase suivante : But you know happiness can be found even in the darkest of times, when one only remembers to turn on the light.

"C'est ça, j'allume la lumière, marmonna Hermione avec un rictus digne d'un Drago de 11 ans.

- Hein ? s'enquit Astoria, qui étudiait sa collègue avec un air amusé.

- Oh, rien, pardon, bafouilla une Hermione rougissante.

-... Je te rappelle juste, en tant qu'amie, que dans la Charte des Non-alignés, toute relation d'ordre intime entre deux membres du groupe doit être signalée au leader. Par un formulaire de consentement mutuel, ajouta Astoria sans se départir de son sourire. Quoi que, j'imagine que le leader est parfaitement au courant, et consentant, alors...

- Astoria ! protesta Hermione.

- Je n'ai rien dit, rit la Serpentard en quittant la pièce."

Elle referma la porte derrière elle, et Hermione continua à sourire quelques secondes après son départ. Puis elle alla s'asseoir derrière son bureau, alluma son ordinateur, écouta les messages sur son répondeur en prenant des notes lorsque c'était nécessaire. Elle rappela quelques personnes, puis commença à éplucher son courrier urgent, et à y répondre. Tout ça sans se départir de son léger état de plénitude. Près d'une heure plus tard, elle avisa enfin l'enveloppe déposée par Astoria.

"Harry... comprit la jeune femme en reconnaissant l'écriture nerveuse de son meilleur ami."

Elle décacheta l'enveloppe avec des mains tremblantes, et déplia la missive sans respirer.

Mione,

Comme promis, je te tiens informée. Les nouvelles ne sont pas terribles. Rémus s'est pointé à l'ouverture des bureaux, pas calmé du tout. Si en plus tu me dis que toi non plus, tu n'as pas de nouvelles de Pods... J'ai envoyé une patrouille chez elle, et chez ses parents, mais comme c'est une adulte, et qu'il n'y a pas vraiment de raisons de penser qu'il lui est arrivé quelque chose de grave, je ne peux pas lancer une enquête tout de suite. Rémus était furax, j'ai cru qu'il allait détourner mon bureau. Je n'y peux rien, c'est la loi, il faut attendre... Franchement, je crois qu'il file un mauvais coton. Je ne sais pas ce qu'il a, en ce moment. Déjà, d'apprendre comment il t'a traitée, et puis tous ces discours, cette histoire de taupe...

Dans le doute, est-ce que tu peux essayer de te renseigner parmi tes collègues pour savoir si quelqu'un a eu des nouvelles de Pods récemment ? Je peux envoyer une équipe si tu préfères, mais j'ai pas envie de faire paniquer inutilement tout le monde pour 24 heures d'absence. S'il n'y a rien de nouveau d'ici une semaine, on rentrera dans son appart et on demandera les relevés de sa baguette et de son téléphone. Mais d'ici là, il n'y a pas de raison de paniquer. Personne ne disparait comme ça, elle va revenir. Je me suis dit qu'elle avait peut être pris le large quelques jours suite à cette affaire de taupe, j'imagine que Drago et toi lui avez tout balancé. Bon, évidemment, je n'en ai parlé à personne, pas la peine de vous attirer des ennuis inutilement. Déjà que Rémus était à un cheveu de vous accuser de l'avoir égorgée ! Franchement, je m'inquiète pour sa santé mentale.

On en parle ce soir, je peux toujours te déposer Dahlia ? J'ai vraiment la flemme d'aller au théâtre, mais Daphné dit qu'elle a peur que je devienne un de ces abrutis de flics acculturés et bedonnants qu'on voit dans les films moldus. Je ne sais pas de quoi elle parle, mais je vais résilier notre abonnement Nxtflix parce que ça lui met des idées bizarres dans la tête. Ah, tant que j'y suis, t'as une idée de cadeau pour l'anniversaire de Ron ? Je pensais lui offrir des places pour la coupe du monde de Quidditch, mais j'ai croisé Fred et George et ils ont eu la même idée...

Passe une bonne journée, députée Granger !

L'abruti de flic acculturé et bedonnant

Hermione replia la lettre avec précautions, la replaça dans son enveloppe, et se souvint qu'elle devait respirer si elle souhaitait continuer à fournir son cerveau en oxygène. Merlin savait qu'il était capital d'alimenter l'organe le plus précieux de son corps.

Harry n'avait pas pris Lupin au sérieux, il continuait à lui faire confiance à elle. Une semaine. Ils avaient une semaine de répit en plus. Elle tapota la lettre comme pour la remercier silencieusement, et se leva pour aller la déposer à Drago.

Harry venait aussi de leur donner le signal pour parler au groupe. Il y avait eu une démarche officielle auprès du ministère, il fallait les informer, et les préparer au pire. Drago avait probablement eu le temps d'établir une stratégie, autre que de guillotiner Zabini...

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"Merci d'être tous venus. D'abord, je tiens à vous féliciter. Deux jours d'affilée sans aucun scandale dans la Gazette, c'est une première, alors applaudissons-nous ! On est sur la bonne voie !"

Il y eut quelques rires - parfois jaunes - dans la salle de réunion, puis Flint amorça le mouvement en frappant dans ses mains comme un dératé. Il avait visiblement peur d'être tombé en disgrâce auprès de son bienfaiteur Malefoy, et souhaitait se rattraper avec une ferveur sans borne. Cela eut pour effet de lancer des applaudissements fournis, et une hilarité nerveuse parcourut les rangs. Malefoy les laissa savourer, puis leva une main en l'air pour demander le calme.

"Je voulais aussi vous féliciter pour vos différentes initiatives suite à la publication en ligne de la sextape. Et rappelez-vous de ce moment, parce que je ne vous féliciterai certainement pas de manière régulière. Hestia n'est pas là aujourd'hui pour vous remercier, mais je sais que ce que vous avez fait a beaucoup compté pour elle. Cette solidarité, c'est exactement ce que je veux voir dans ce groupe. Il fallait serrer les rangs, et vous avez parlé d'une seule et même voix pour porter un message clair et engagé. Je suis très satisfait.

- J'en profite pour signaler que vous avez bien poussé en avant le hashtag lancé par Pansy, donc on a généré un nombre de clics incroyable sur tous nos réseaux sociaux. Et visiblement, les gens ont adoré, ça a fait remonter notre côte, ajouta Blaise en affichant un graphique au mur à l'aide de sa précieuse tablette. Je précise que Dumbledore n°2 a faussé les statistiques en twittant 124 fois avec le hashtag libérez nos vagins."

Tout le monde pouffa, même Hermione, alors qu'elle savait que cette avalanche de bonnes nouvelles allait rapidement s'arrêter.

"On fera un point sur l'organisation du gala dans la semaine avec nos collègues qui sont à Cuba, mais vous pouvez continuer à avancer de votre côté. J'attends vos propositions de projets de loi pour dans 15 jours, n'oubliez pas de bétonner vos dossiers. On ne pourra pas tout porter au parlement, alors mettez toutes les chances de votre côté, soyez convaincants, et peut-être que vos idées seront validées par tout le groupe. C'est la seule condition pour que vos projets soient défendus dans l'hémicycle : obtenez une majorité parmi nous, et c'est gagné. D'ailleurs, à ce propos, Seamus... Demande une enquête d'opinion pour ton projet de gratuité des transports publics. On a besoin de préparer une stratégie différenciée pour chaque segment d'électeurs, là-dessus. C'est un bon projet, creuse-le."

Seamus, ravi que son idée ait retenu l'attention de Malefoy, s'empressa de hocher la tête.

"Il y a aussi autre chose dont je dois vous informer. Peut-être que certains d'entre vous ont remarqué que Laura Pods était peu présente ces derniers temps. Il n'y a pas matière à s'alarmer pour l'instant selon les aurors, mais ça fait un peu plus de 24 heures que personne n'a eu de ses nouvelles. Est-ce que l'un d'entre vous lui a parlé dans ce laps de temps ?"

Comme un pansement qu'on arrache, Drago avait frappé. La bonne humeur avait définitivement disparu. Les députés fronçaient les sourcils, échangeaient à voix basse, réfléchissaient, cherchaient à comprendre quelle conclusion ils devaient tirer de cette information. Hermione, Blaise et Drago balayèrent la salle, à la recherche d'un éventuel regard suspicieux : en vain. Non seulement personne ne les calculait, mais en plus ils avaient tous l'air un peu perdus.

"Je n'avais même pas remarqué qu'elle n'était pas là... Mais attendez, elle n'était pas là hier pour la réunion du gala non plus... s'exclama Dubois.

- C'est vrai ça ! Personne n'a de nouvelles ? reprit Seamus, les sourcils arqués en signe d'étonnement."

Tout le monde secoua la tête, avec une moue perplexe, prenant conscience chacun dans son for intérieur qu'ils n'avaient pas eu de contact avec Laura. Puis des regards furent échangés, et c'est là qu'ils semblèrent réaliser collectivement que personne, en réalité, ne la côtoyait de près.

"Pour l'instant, il n'y a pas vraiment d'enquête, les aurors ne pensent pas qu'il soit nécessaire de s'inquiéter. Néanmoins, si vous avez des infos... Communiquez-les, dit Drago du bout des lèvres. Je vous tiendrai au courant si les choses changent.

- C'est-à-dire, si elles changent ? Si elle est genre... morte ? s'étrangla Cho.

- Eh, il y a mille autres raisons qui peuvent expliquer sa disparition ! la rassura Fortarôme en lui tapotant l'épaule.

- C'est dingue, quand même... C'est l'une des nôtres, et on avait pas remarqué son absence... marmonna Dubois en se grattant la tête, l'air un peu coupable."

Plus personne ne parla pendant quelques secondes, puis Blaise décida que le moment était opportun pour projeter sur l'écran l'agenda de la semaine.

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Hermione consacra sa journée à une série de rendez-vous, auxquels elle se rendit en compagnie d'Astoria. Elle mettait un pied devant l'autre et s'en tenait à ce qui était prévu, ne laissant rien transparaître ni de son inquiétude ni de son état de choc post-traumatique. Elle posait des questions précises, souriait, serrait des mains, se laissait prendre en photo, écoutait attentivement les gens qu'elle rencontrait, et prenait ses habituelles notes. De toute façon, si elle s'arrêtait, elle savait très bien ce qui allait se passer : tout aller revenir, le sang par terre, le coffre qui lévitait, l'odeur du feu dans le parc du manoir. Alors elle continuait, prétendait que rien n'avait changé, jusqu'à ce que ça finisse par devenir vrai. Peut-être que tout reviendrait à la normale, un jour. Il fallait juste maintenir les apparences en attendant, et masquer le trouble qui l'agitait. Et, si jamais son assistante remarquait qu'elle était un peu à côté de la plaque, elle pourrait toujours l'imputer à sa liaison sulfureuse avec Drago Malefoy.

Ce qui n'était pas tout à fait faux.

Elles se rendirent donc à une réunion syndicale, visitèrent la nouvelle aile d'un hôpital pour enfants, prirent le thé avec des gobelins pour discuter placements financiers des ménages, et très vite il fut 18 heures.

"Tu peux rentrer chez toi directement, Astoria, lui proposa Hermione. Je dois juste repasser au penthouse en vitesse.

- Pour ? s'enquit la jeune femme d'un air équivoque.

- Rédiger quelques courriers en retard, mentit Hermione en haussant les épaules."

Astoria pouffa, pas dupe pour un gallion, et consentit à rentrer retrouver Ron sans trop tergiverser. Ce qui épargna à Hermione de devoir avouer qu'elle allait droit sur Malefoy dans le seul et unique but de voir Malefoy, de parler à Malefoy, et potentiellement de laisser Malefoy lui fourrer sa langue dans la bouche.

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Alors qu'elle marchait dans la rue en direction du penthouse, Hermione eu le déplaisir de croiser le correspondant politique de la gazette du sorcier, planté au bas de leur immeuble. Il leva la tête à son arrivée, et se précipita vers elle comme s'il l'avait attendue pendant des heures.

"Cédric, le salua Hermione avec toute la politesse dont elle disposait.

- Vos nouvelles normes de sécurité sont infranchissables, répondit le journaliste en sortant un dictaphone de sa poche. Est-ce que je peux t'interroger au sujet de ton projet de loi sur l'équité ?"

La jeune femme fronça les sourcils, déstabilisée. Définitivement pas ce à quoi elle s'attendait. Quelle mouche le piquait pour qu'il s'intéresse tout à coup, et de manière si empressée, à un projet de loi qu'elle avait évoqué pendant sa campagne, des mois auparavant ? Elle n'avait soufflé mot à personne de ce qu'elle préparait, hormis à ses collègues, puisque tout cela n'était pas d'actualité. Après tout, la rentrée politique n'était pas demain.

"Ce projet est toujours en phase de préparation, Cédric... Il n'y a rien à dire de plus à l'heure actuelle, on travaille dessus, et il sera un de nos axes d'action majeurs dans les mois à venir.

- Il ne sera pas abandonné, alors ? insista le journaliste.

- Pourquoi diable le serait-il ? répliqua Hermione, étonnée.

- Des bruits circulent, l'informa Cédric en éteignant son dictaphone. On dit... Qu'en rejoignant les Non-alignés, tu as dû abandonner certains... sujets qui te tenaient à cœur, pour te concentrer sur des propositions de loi plus... consensuelles ? L'égalité entre tous les sorciers, ce n'était pas vraiment le discours porté par Malefoy, ou Zabini, ou aucun des Sangs-pur de ce groupe, et..."

Hermione le coupa en levant une main autoritaire devant son visage.

"Eh, Hermione, tu connais les règles... Je te donne une info, donne-moi quelque chose en retour, expliqua Cédric avec un demi-sourire.

- Je ne sais pas où tu as entendu ça, même si j'ai quelques doutes sur l'origine de ces bruits, mais sache que Malefoy et Zabini, comme tous les membres des Non-alignés, sont très sensibles aux questions d'égalité, et me soutiennent pleinement dans ce projet. Je n'ai rien abandonné de mes idées, au contraire, ici, je peux les exprimer librement et les porter avec la force nécessaire au débat démocratique.

- Oh please... arrête la langue-de-bois, lança Cédric. Tu m'affirmes que tu déposeras bien un projet de loi sur l'égalité à la rentrée parlementaire ?

- Oui, je te l'affirme ! s'exclama Hermione, bras ballants. Si tu donnes du crédit à n'importe quelle rumeur stupide qui t'arrive aux oreilles, permets-moi de douter de ta crédibilité en tant que correspondant politique, asséna-t-elle.

- Cette rumeur stupide est crédible, rectifia Cédric. Est-ce que tu sais au moins avec qui tu travailles ? Des aristocrates privilégiés, dont les coffres à Gringotts débordent, qui emploient sûrement tout un tas d'elfes de maison... Eux, ils seraient soudainement captivés par l'idée d'une société plus égalitaire ? Dans leur penthouse de luxe ?

- Tu crois qu'avoir l'air pauvre ça rend plus efficace pour aider les vrais pauvres ? cingla Hermione, dans une citation exacte des propos que lui avait tenu Drago quelques semaines auparavant."

Elle cligna des yeux dans le vide en réalisant ce qu'elle venait de faire, et se reprit rapidement.

"Ce que je veux dire, Cédric, c'est qu'être démuni ou riche ne fait pas grand cas dans ces bureaux, ce n'est pas une question de statut social ou de gallions. Et, en plus, au sortir de la guerre, on ne peut pas dire que les enfants de mangemorts ou les descendants des 28 aient bénéficié d'un traitement favorable, ni même juste. On travaille tous pour ce qu'on croit juste. Oui, ils sont issus de familles aisées et ils ont les moyens de se faire entendre. Ils ont choisi de mettre cette puissance au service des autres, et d'utiliser leurs moyens pour aider les personnes en souffrance et créer des solutions. C'est vraiment injuste de les réduire à une caste assise sur sa montagne d'or, en occultant tout le bien qu'ils essayent de faire, tu en es conscient ? Ils sont dehors tous les jours pour inventer le monde de demain, reconstruire notre pays qui a été dévasté, et le rendre plus juste. Plus juste pour tous, sans condition d'origine. C'est uniquement dans une société égalitaire et ouverte qu'on sera capable d'empêcher qu'une guerre surgisse à nouveau un jour. C'est ça, qui nous rassemble. Je n'aurais jamais rejoint ce groupe si j'avais eu le moindre doute quant à leurs intentions. Je sais qu'ils croient en ma proposition de loi."

C'est là qu'elle remarqua que le dictaphone qu'elle croyait éteint était en réalité en activité, un voyant rouge clignotant gaiment dans la poche du journaliste.

"Tu m'as piégée, nota Hermione d'une voix égale.

- Tu n'aurais jamais parlé sinon, se défendit Cédric."

Hermione expira bruyamment, et secoua la tête.

"Je vois d'ici les gros titres de demain. Granger du côté des puissants ? Granger veut aider les pauvres assise sur sa montagne d'or ? Ou non, tiens, Granger promeut l'équité entre les sorciers les plus riches ? Sois créatif, surprends-moi..."

Cédric pouffa, et transplanna sans plus de cérémonie.

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Hermione déboula dans le lobby, et ressentit ce même frisson glacé qu'à chaque fois en traversant le hall d'entrée. Elle avança à grands pas, ne regardant que droit devant elle, et faillit donc percuter Romilda Vane qui arrivait en sens inverse, une pile de dossiers dans les bras.

"Mince, pardon, marmonna la Gryffondor en l'esquivant au dernier moment."

Mais cela suffit à déstabiliser Romilda, qui en lâcha tous ses dossiers. Ils s'éparpillèrent sur le sol du hall comme autant de feuilles mortes, et elles se baissèrent simultanément pour ramasser.

Hermione déglutit, essayant de ne pas penser à la dernière fois qu'elle s'était retrouvée sur le sol de cette pièce maudite.

"Aucun problème, je regardais pas où j'allais non plus, la rassura sa collègue en étouffant un bâillement.

- Ça va ? T'as l'air drôlement épuisée, remarqua Hermione en continuant à empiler des parchemins épars.

- Ouais... Je suis claquée, en ce moment. Mon fils refuse de faire ses nuits, c'est éreintant.

- Ton fils ? Je ne savais pas... Il a quel âge ?

- 18 mois !"

Hermione se souvint brutalement d'une scène entre Blaise et Romilda dans la salle de détente et de ragots, et réfréna sa tendance naturelle à porter des jugements moraux. Après tout, elle ne savait rien de la vie de sa collègue. Ce n'était pas parce qu'elle avait un bébé qu'elle avait un mari. Et quand bien même, ce qu'elle choisissait de faire ou non avec le séducteur du parti ne la regardait pas.

Est-ce que Blaise savait qu'elle avait un bébé ? Il n'était pas vraiment du genre beau-père idéal.

Romilda bailla de nouveau et bâtit des cils. C'est alors qu'Hermione remarqua que le bout de statue en marbre, qu'elle avait projeté d'un coup de pied sous un des canapés la veille, n'avait pas bougé... Il était là, preuve qu'un drame avait eu lieu dans cette même pièce deux jours auparavant. Et son sang ne fit qu'un tour ; Romilda ne devait pas le voir, ni personne d'ailleurs. Hermione redoubla d'efforts pour ramasser à toute vitesse, et se déporta un peu pour masquer le débris.

"Je suis contente d'être dans ce groupe, fit Romilda. Je ne sais pas comment je m'en serais sortie chez les Progressistes, dans cette ambiance pourrie... J'aurais craqué. Ici, je suis aussi fatiguée, mais au moins je me sens soutenue.

- Ouais, je suis bien contente aussi de travailler dans de meilleurs conditions ! Et puis, tu sais, si tu as besoin de prendre quelques jours pour te reposer je pense que Malefoy n'y verra pas d'objection.

- Oh il me l'a déjà suggéré... Il m'a vue me servir une tasse d'encre au lieu d'une tasse de café, et au lieu de se moquer de moi ou de m'ignorer, il a dit que je pouvais prendre des vacances. J'étais tellement sous le choc que je n'ai rien répondu. Dingue, non ? Bon, je pense qu'il a dit ça parce qu'il veut que je sois à 100 %, et pas tellement pour mon bien-être, mais c'était quand même sympa."

Hermione posa les derniers dossiers reconstitués sur la pile de Romilda, et s'autorisa un sourire. D'une part parce qu'elle avait réussi à détourner l'attention de Romilda du bout de statue, et d'autre part parce que Malefoy commençait à se comporter gentiment sans que personne ne lui force la main.

"Je crois que Malefoy n'est pas si imbuvable que ça, en définitive."

Romilda émit un petit rire, et se remit debout.

"Tiens, c'est bizarre... Il y a une tache de peinture, lâcha t'elle en pointant du doigt une paroi du desk."

Puis elle lança un petit signe de main à une Hermione blême, et s'engouffra dans l'ascenseur.

Ça n'avait rien d'une tache de peinture. C'était une petite traînée de sang. Comment avaient-ils pu laisser une chose pareille se produire ? Hermione extirpa à toute vitesse sa baguette, et fit disparaître la petite coulure. Puis elle dégaina son gel désinfectant pour les mains de son sac (on n'est jamais trop prudent), en renversa la moitié sur le desk et frotta comme une forcenée avec un mouchoir. Tout ça en regardant autour d'elle pour s'assurer que personne n'approchait.

Puis, toujours à quatre pattes, elle se déplaça autour du desk pour traquer d'éventuelles autres traces de sang qu'ils auraient pu négliger. Elle était à la fois furieuse et paniquée, ce qui transformait chacun de ses gestes en mouvements brusques.

"Granger, qu'est-ce que tu fous ? chuchota la voix de Blaise qui venait de se matérialiser comme par magie à ses côtés."

Elle sursauta et en renversa ce qu'il restait de son gel sur le sol.

"Bon sang, Zabini, tu m'as fichu la trouille ! lui reprocha-t-elle en recommençant à frotter tout ce qui se trouvait à sa portée.

- Mais enfin, relève-toi, tu vas attirer l'attention ! T'as des tocs ou quoi ? l'engueula le Serpentard entre ses dents serrées.

- Il y avait du sang Blaise, il en restait, et Romilda l'a vu, expliqua Hermione en jetant des sorts informulés sur le bureau.

- Arrête ça, répéta Zabini en la forçant à se relever, une main agrippée autour de son bras."

Elle se débattit un peu, mais il ne relâcha pas sa prise et secoua la tête, désabusé. Puis il l'entraîna dans le local de ménage sans lui laisser le temps de se libérer, et claqua la porte derrière eux.

"Quand bien même il resterait une gouttelette, Romilda n'a pas pu deviner que c'était le sang de Laura, enfin ! Qu'est-ce qu'elle a dit exactement ?

- Elle a cru que c'était de la peinture, avoua placidement Hermione, qui continuait à zieuter les murs autour d'eux en plissant les yeux.

- Tu vois ! Par contre, ce qui est suspect, c'est qu'une députée membre de l'exécutif du groupe rampe sur le sol avec un mouchoir à la main. Qu'est-ce qui t'est passé par la tête ?

- Il faut qu'on nettoie à nouveau Blaise, et il y a ce bout de statue sous le canapé, il faut l'enlever ! Imagine que les aurors viennent ici et fassent des analyses !"

Zabini soupira, las. Elle surréagissait, mais sur le fond, elle marquait un point. Ils avaient effacé leurs traces dans la précipitation, et manqué de prudence, ce qui n'avait rien de surprenant. Et, encore moins surprenant, c'était elle qui mettait le doigt sur une minuscule éclaboussure de sang sur un mur que personne ne regardait de près.

"Très bien Granger, on va nettoyer. De nuit, quand les bureaux seront vides. Pas à quatre pattes avec un kleenex sous les yeux de nos collègues.

- Ok, ça va, j'ai paniqué ! convint Hermione en levant ses deux mains en l'air. Mais imagine que quelqu'un d'autre l'ait vu... Maintenant que tout le monde sait qu'il y a un problème avec Laura, il ne faudrait pas qu'ils fassent le lien entre les deux. En plus, ils vont finir par comprendre que les fuites dans la presse se sont miraculeusement stoppées avec sa disparition, il n'y a pas besoin d'être un génie pour comprendre que c'était elle la taupe. Et ensuite...

- Stop, ça suffit ! Tu te remets à paniquer ! Ne commence pas à anticiper des catastrophes qui ne sont pas encore arrivées, on en a suffisamment de réelles à contenir..."

Blaise se laissa tomber en arrière pour prendre appui sur le mur en béton du réduit, et soupira si fort que des mèches de cheveux d'Hermione voletèrent sous l'impact. Elle le considéra avec attention ; maintenant qu'elle avait repris ses esprits, elle ne pouvait que remarquer les traits tirés et la chemise froissée du Serpentard, ce qui ne lui ressemblait pas.

"Ça va, Blaise ? s'inquiéta-t-elle.

- Quoi ? marmonna-t-il, tiré de ses sombres pensées. Ouais, ça va... Comme un criminel notoire, quoi."

Hermione laissa le silence s'installer, sa respiration se calmant peu à peu. Blaise n'allait pas très bien, et elle non plus n'allait pas très bien. Pour les mêmes raisons. C'était un fait.

"Écoute... Je sais que tu fais dans l'ironie pour éviter de sombrer dans le sentimentalisme, mais c'est normal que tu te sentes mal. On se sent tous mal. Moi la première, regarde ce que je viens de faire..."

Hermione se passa une main dans les cheveux, et soupira.

"Merci d'être intervenu, je sais que tu as assez de problèmes sans que j'en devienne un aussi.

- Granger, t'as rien d'un problème, la coupa Blaise. C'est toi la solution.

- Comment ça ? grimaça la Gryffondor, en prenant appui sur le mur à ses côtés.

- Tu te rends vraiment pas compte... grogna le Serpentard."

Ils restèrent quelques secondes silencieux dans le noir, puis Blaise reprit la parole à voix basse, comme s'il avait du mal à sortir les mots qu'il prononçait.

"T'as sauvé nos peaux avant hier, c'est incontestable. Tu continues à le faire, à nous garder dans le droit chemin... T'as épargné Pansy, tu l'as même écartée des problèmes, tu nous empêches, Drago et moi, de devenir des connards complets, tu organises ce groupe... Même avant ça, c'est grâce à toi que mon arrestation par les moldus ne s'est pas soldée par la fin de ma carrière politique. Et puis, franchement, je pense que si tu n'étais pas sans arrêt au cul de Drago pour l'empêcher de déconner, il aurait déjà déclenché une guerre civile et poussé tous ses collaborateurs au burn-out. Alors bon, c'est quand même la moindre des choses que je t'empêche de frotter un mur avec un kleenex."

Blaise émit un petit rire, et Hermione remercia la pénombre de ne pas le laisser constater qu'elle était devenue écarlate. Atrocement gênée et confuse, elle ne savait pas quoi répondre. C'était tellement inattendu de la part du jeune homme ! Pour être totalement honnête, Hermione n'imaginait pas que quiconque pense ça d'elle. A part Harry et Ron, évidemment. Elle-même ne s'était jamais considérée comme une sauveuse quelconque. Elle faisait simplement ce qui lui semblait juste, et essayait d'arbitrer un équilibre entre la morale, ses émotions, et ses capacités d'action. Ce qui constituait un tiraillement permanent.

"Merci, Blaise. Ça compte beaucoup pour moi, souffla-t-elle.

- Tu vas pas pleurer, quand même ? s'alarma Blaise en entendant des tremblements dans sa voix.

- Y a quelqu'un ? s'exclama une voix alors que la lumière s'allumait brusquement et que la porte s'ouvrait dans un fracas."

Drago se trouvait dans l'embrasure, les poings sur les hanches, et affichait une mine outragée. Aveuglés par la soudaine luminosité, Blaise et Hermione plissèrent les yeux et se redressèrent.

"Mais qu'est-ce que... Vous faites quoi ?

- A ton avis ? répliqua Blaise en se retournant vers Hermione pour vérifier si, oui ou non, elle était en train de pleurer.

- C'est quoi cette réponse ? Je comprends pas, insista Drago en les dévisageant à tour de rôle. Mais Granger... Ça va pas ? Qu'est-ce que tu lui as fait, enfin ?"

Le blond passa comme une fusée devant un Blaise offusqué, et enroula un bras autour des épaules d'Hermione qui, contre toute attente, ne se mit pas à crier ou à le bousculer avant de prendre la fuite. Car c'est exactement ce qu'elle aurait fait en temps normal. Elle aurait détesté qu'ils la voient pleurer, alors elle aurait joué les sauvages, et aurait inventé n'importe quel prétexte pour sortir de ce réduit. A la place, elle se réfugia contre Drago et enfouit son visage dans son pull.

Choqué, Drago écarquilla les yeux en direction de Blaise, qui ouvrit la bouche sans en extraire le moindre son.

"Je pleure pas, geignit la voix étouffée d'Hermione au creux de son épaule.

- Non, c'est évident, répondit Drago en refermant ses bras autour d'elle."

Il adressa un signe de tête à Blaise pour quêter une explication, et celui-ci lui répondit par une grimace d'incompréhension. Il avait simplement essayé d'être sincère et gentil, alors si le résultat était bien d'avoir fait pleurer Granger... Ce n'était clairement pas le but de la manœuvre.

De toute façon, à cet instant, ce qui préoccupait Blaise, c'était de voir Drago tenir une personne humaine dans ses bras, et volontairement. Bien sûr, il l'avait déjà vu cajoler des filles de passage, mais contrairement à ces fois là, le blond n'était pas en train d'essayer de séduire ou de tripoter Granger. Ses mains ne se baladaient pas, elles étaient fermement arrimées autour d'elle. Il n'avait pas son rictus satisfait habituel : il fronçait les sourcils. Et, surtout, il n'avait pas du tout l'air d'essayer de rompre le contact ou d'échapper à l'élan d'affection de sa collègue.

"Je dois y aller, je garde la fille d'Harry ce soir, les informa Hermione en reculant d'un pas."

Elle s'essuya rapidement les joues, tapota le torse de Drago du plat de la main, sembla vouloir dire quelque chose, se ravisa, soupira, et lui tourna le dos pour parler à Blaise.

"Ce n'est pas de ta faute si j'ai pleuré. C'était très gentil, au contraire. Je suis juste stressée et il fallait que ça sorte. Mais ça va aller, maintenant !

- Attends, tu vas voir Potter maintenant ? s'inquiéta Zabini en jetant un regard lourd de sens au blond. Dans cet état ?

- Très rapidement, il va juste me déposer sa fille... Ne vous inquiétez pas, je vais assurer !"

Elle tenta une ébauche de sourire, mais se décomposa rapidement en avisant l'expression dubitative de Blaise. Et elle déchanta carrément lorsqu'elle croisa le regard de Drago.

"Ah non. Non, non, non, c'est hors de question, objecta-t-elle dès qu'elle comprit ce qu'ils avaient en tête.

- Ah si Granger, on vient. Tous les deux. Et on dira qu'on fait une réunion de travail informelle, c'est tout ! plaida le blond.

- Je ne peux pas travailler, je garde sa fille, enfin ! Harry ne me la confie pas pour que je la laisse dans un coin pendant que je discute avec vous deux. En plus, il ne va pas apprécier du tout que la prunelle de ses yeux passe une soirée en votre compagnie. Il va m'en vouloir !

- Non mais, ça va, on est pas des tueurs d'enfants non plus, siffla Blaise. Potter croit quoi, qu'on va la contaminer avec notre serpentitude ?

- Daphné est une Greengrass, je pense que la gamine est déjà bien contaminée, pouffa Drago.

- Ça n'a rien de drôle ! Faites moi confiance enfin, je peux parler à mon meilleur ami sans avoir besoin de votre supervision !

- Mmm mmm !"

.

"Salut, Harry ! Désolée, je sais que ce n'était pas prévu, mais deux de mes collègues sont là... J'espère que ça ne te pose pas de problème !"


J'espère que ce chapitre vous a plu ! Hermione tient le choc pour le moment, espérons que ça dure...

A (très) bientôt !