Chapter 25 - L'auror américain

Hermione se réveilla en sursaut, tirée du sommeil contre son gré par des chocs répétés contre sa porte.

"Granger, il est neuf heures, debout ! s'écria Drago d'un ton péremptoire de l'autre côté de la porte."

Il aurait pu entrer dans sa chambre et la réveiller en douceur, en se déplaçant sur la pointe des pieds et en adoptant une voix calme, il aurait aussi pu lui caresser les cheveux. Mais non, il fallait qu'il se comporte comme un surveillant de dortoir, et qu'il tambourine violemment contre un bout de bois, faisant résonner les chocs loin dans les profondeurs du crâne de la Gryffondor.

Si la jeune femme s'était endormie dans un état proche de la béatitude, elle ne se réveillait pas dans les meilleures dispositions. Un peu en état de choc, elle papillonna des yeux en fixant le plafond, incapable de savoir ce qu'il convenait de faire en pareille situation. Était-ce normal qu'elle se sente légèrement vexée par l'attitude brusque de Drago ? A quoi s'attendait-elle, après tout... Il n'allait subitement pas se transformer en agneau mièvre, d'une part parce que ce n'était pas son genre du tout, et d'autre part parce qu'elle ne voulait pas qu'il devienne comme ça. Drago Malefoy n'était pas du genre à lui apporter un plateau au lit, avec une foutue rose plantée dans un petit vase et une tasse de thé à la camomille. Non, il était plutôt enclin à la brusquerie, au ton revêche, aux regards de défiance, c'était sa façon à lui de se montrer humain.

"Granger ? insista Drago, une pointe d'impatience dans la voix.

- J'arrive, pas besoin de hurler, grogna Hermione en sortant de son lit."

Elle se frotta les yeux, et tomba sur son reflet dans le miroir à la seconde où elle les ouvrit. Elle se rua en avant, et souleva ses cheveux avec horreur, étudiant son cou avec attention.

"MALEFOY ! hurla-t-elle, profondément agacée par la négligence du Serpentard.

- Quoi ? râla-t-il dans le lointain.

- Reviens ici immédiatement ! lui ordonna-t-elle."

Elle l'entendit échanger quelques mots avec Blaise, et tapa du pied au sol en attendant qu'il daigne lui obéir. Ce sale petit... Il ouvrit la porte, planté dans toute sa splendeur face à elle. Elle secoua la tête pour remettre sa fureur en ordre de marche, et pointa un index tremblant vers son propre cou.

"C'est quoi, ça ? demanda-t-elle.

- J'imagine que c'est une question rhétorique, répondit le blond en entrant précipitamment dans la pièce."

Il referma la porte derrière lui, et s'appuya nonchalamment contre le battant. Soudain, ils étaient seuls, et il planta ses yeux dans les siens. Impossible de lire son expression, il était parfaitement immobile et ne cherchait pas à se dérober ou à abréger cet instant d'intense connexion. Ils se regardaient sans bouger, elle pointant les marques sur son cou avec une rage de plus en plus ténue, et lui... Juste calé contre la porte, bras croisés. Soudain, elle se sentit un peu intimidée, et c'est avec horreur qu'elle sentit le rouge lui monter aux joues en repensant à ce qu'ils avaient fait ensemble quelques heures auparavant.

Visiblement satisfait de la voir se décomposer, il haussa un sourcil, et se décida à parler.

"Il est possible qu'on se soit un peu laissé emporter cette nuit. Je plaide coupable, finit-il par lâcher.

- Tu m'as mordue, l'accusa-t-elle.

- Tu m'as griffé, rétorqua-t-il en tirant sur son pull pour lui montrer les marques sur une de ses épaules. On va pas en faire tout un plat.

- Oh... souffla Hermione en s'approchant de lui sans trop savoir pourquoi."

Il leva aussitôt les mains en l'air devant lui pour l'arrêter, et elle pila, incertaine de l'attitude à adopter. Est-ce qu'il avait... peur d'elle ? Est-ce qu'il regrettait ce qu'il s'était passé entre eux ? Est-ce qu'il allait lui dire qu'ils devaient revenir à une relation professionnelle, et ne pas se disperser ainsi ?

Parce que, en toute objectivité, c'est précisément ce qu'il aurait dire.

"Reste où tu es, coupa-t-il. On a pas le temps de faire des galipettes, et on doit rester concentrés, expliqua-t-il en avisant son regard inquiet. Est-ce que tu te sens apte à affronter Potter et ses sbires zélés ?"

Elle hocha la tête, un peu rassurée ce ne pas être brutalement rejetée. Son égo tolérait plus facilement qu'il se tienne loin par peur de ne pas pouvoir résister à une attraction intense et passionnelle, plutôt que parce qu'elle lui donnait envie de vomir ou de se crever les yeux.

Puis elle plissa son front, frappée par son propre raisonnement. Elle était rassurée alors qu'ils s'apprêtaient à subir un interrogatoire, qui pourrait résulter en leur mise en examen à tous s'ils ne faisaient pas illusion. Elle était rassurée parce que Malefoy ne rejetait pas l'idée de faire de nouveau des galipettes avec elle. Était-elle devenue un genre de nymphomane dégoulinant de sentiments ? Pour son leader qui plus est ? Pour Drago Malefoy, sang-pur imbuvable, intolérable petit prétentieux qui lui avait mené la vie dure à Poudlard ? Avec qui elle partageait à présent une évidente complicité, non pas purement intellectuelle ou sexuelle, mais CRIMINELLE ?

Prenant son silence et sa soudaine expression soucieuse pour un signe qu'il avait fait un faux pas, et qu'il l'avait blessée, Drago décolla son corps de l'espace sécurisé contre la porte et avança vers elle. Il attrapa les mains de la jeune femme et les porta contre lui, en appui sur son torse, puis il essaya de capter son regard.

"Granger, c'est pas grave, je vais simplement jeter un sort pour faire disparaître ces marques, et personne ne les verra. Je suis désolé."

Elle se reconnecta au présent, et leva les yeux au ciel.

"Tout ne tourne pas autour de toi et de tes dents, Malefoy ! Je suis inquiète à cause de cet interrogatoire, c'est tout...

- Oh... souffla le blond, en lâchant ses mains."

Elle ne les retira pas de son torse pour autant, et planta ses yeux dans les siens.

"Je crois que je ne te déteste plus, lâcha-t-elle avec un rictus qui aurait parfaitement pu être celui du Serpentard.

- Moi non plus, je ne déteste plus."

.

Blaise les attendait affalé dans le canapé de Drago, la Gazette à la main.

"Ça y est, t'es en Une Granger, depuis le temps que tu guettais ton apparition... pouffa-t-il.

- QUOI ? s'étrangla Hermione en lui arrachant le journal."

Mais il ne s'agissait ni de meurtre, ni d'explosion. C'était une photo d'elle, debout sur un pupitre, en train de s'exprimer devant une foule, le poing brandi en l'air. C'était le soir de l'annonce des résultats de sa victoire, lors de sa première élection, des années auparavant.

"Féroce, nota Drago qui regardait derrière son épaule. Qu'est-ce que ça dit ?

- Que Granger est toujours en croisade pour sauver le monde, résuma Blaise. Rien de nouveau sous le soleil. Par contre, il y a un passage fort intéressant dans l'article."

Occupée à déterminer si quelque chose pouvait lui nuire dans le texte de Cédric, Hermione n'écoutait que d'une oreille les deux Serpentards. Le titre n'était pas fracassant, mais efficace : Une députée qui s'engage. Elle déplia le journal pour trouver la double page qui la concernait, et lu en diagonale les colonnes qui résumaient son action politique, son programme, ses succès.

"Apparemment, elle est amoureuse de l'un de nous, ajouta Zabini. Voire de nous tous. Potentiellement de tous les Non-alignés.

- Hein ? grimaça Hermione en relevant la tête.

- Ils sont dehors tous les jours pour inventer le monde de demain, et le monde de demain, il sera plus juste... déclama Blaise avec emphase. Tu devrais écrire des paroles de chanson, t'es naturellement douée.

- Donne-moi ça, je ne comprends rien à ce qu'il raconte. T'as donné une interview à Cédric ? se renseigna Drago en lui ôtant le journal des mains, avant d'aller s'asseoir avec dans le canapé.

- Pas vraiment... Il m'a arrêtée dans la rue, et m'a enregistrée à mon insu. Je crois que je n'ai rien dit de dramatique, se défendit Hermione en se triturant les mains. Blaise, est-ce que j'ai dit quelque chose de dramatique ?"

Il éclata de rire, et nia d'un hochement de tête.

"Non, Granger, c'était lyrique. Un moment de grâce. Divin."

Elle lui asséna une tape derrière la tête, et il se remit à ricaner de plus belle. Elle se tourna vers Drago, concentré dans sa lecture, qui ne disait plus rien.

"Ils ont choisi de mettre cette puissance au service des autres, et d'utiliser leurs moyens pour aider les personnes en souffrance et créer des solutions... Non mais, merde, Granger, ça aurait claqué sur mes affiches de campagne, je regrette qu'on soit pas devenus amis plus tôt. Je serais devenu président, ou roi, avec toi pour me promouvoir, poursuivit Zabini.

- Ça n'a rien de drôle, Zabini, siffla Hermione sans lâcher Drago du regard.

- Effectivement, ce n'est pas drôle, confirma le blond en repliant le journal, les yeux toujours fixés sur ses genoux."

Hermione se mordit la lèvre, inquiète. Mais il planta son regard dans le sien, et craqua un petit sourire étrange. Gentil. Reconnaissant. Pas du tout le genre de sourire qu'il lui adressait, ou qu'il adressait à qui que ce soit.

"Maintenant, on va vraiment être obligés de porter cette foutue loi pour l'équité, conclut Drago."

.

Ils déboulèrent tous les trois devant l'aile du Ministère dévouée au service des aurors, agrippés les uns aux autres, un masque d'impassibilité rivé au visage. Masque qui se fissura à l'instant où ils réalisèrent qu'ils venaient de transplaner, le plus innocemment du monde, au beau milieu d'une foule de journalistes qui se mirent à les bombarder de questions à la seconde où ils posèrent le pied sur la petite place.

"Bon sang, comment ils sont déjà au courant ? grogna Drago entre ses dents."

Oh, bien sûr, ils étaient coutumiers de l'exercice. Les bains de foule, la presse qui les suivait comme leur ombre, les questions déplacées, tout ça était habituel. Mais une chose, et pas des moindres, changeait la donne : cette fois, ils n'étaient pas en train d'exercer leurs fonctions politiques. Ils n'étaient pas juste des députés. Ils n'étaient plus des héros de guerre ou des combattants vaincus. Ils étaient à la fois coupables, et victimes. Ils cachaient des évènements trop graves pour risquer d'être sous les feux des projecteurs au sommet de leur vulnérabilité. Et aucun d'eux ne connaissait la marche à suivre.

Hébétés, ils restèrent figés quelques secondes, harcelés de cris, de flashs et de micros tendus.

"Miss Granger, comment allez vous ? Êtes-vous blessée ? Savez vous qui a pu faire ça ? Peut-on penser qu'il s'agit d'une tentative d'assassinat politique ? Avez-vous reçu des menaces ? Cette explosion est-elle connectée à votre projet de loi pour l'équité entre tous les sorciers ? Pensez-vous qu'il peut s'agir d'une vengeance ? Un ancien mangemort pourrait-il être derrière tout ça ? Qu'en pensez-vous, Monsieur Malefoy ?"

C'est exactement au moment où Hermione sentit le bras de Drago se tendre sous sa main qu'elle réalisa qu'ils devaient avancer, et traverser cette foule avant qu'un processus nommé Malefoy-en-route-pour-détruire-des-vies ne se mette en route. Elle se mit donc en marche, tractant malgré lui un Drago à la mine furieuse. S'il parlait maintenant, il allait être désagréable, potentiellement venimeux, ce qui allait sans aucun doute engendrer un nouveau cauchemar en termes de communication. Et Blaise en avait conscience, lui aussi, parce qu'il se plaça au côté de Drago pour faire rempart entre son altesse et la presse.

"Miss Granger, avez-vous une déclaration à faire ? Vos électeurs sont inquiets, pouvez-vous les rassurer ?"

Hermione faillit faiblir et répondre, mais elle sentit la main de Drago dans son dos qui la poussait en avant. Visiblement, il avait repris ses esprits, et avait bien compris qu'ils ne devaient en aucun cas s'exprimer maintenant, sans aucune préparation.

"Monsieur Malefoy, étiez-vous présent au moment de l'explosion ? Des sources nous ont informés que vous étiez avec la députée Granger ! Dans son appartement, en pleine nuit ! S'agit-il d'une relation extra-professionnelle ?"

Ils mettaient ses nerfs à rude épreuve. Mais Drago déglutit, et continua à regarder fixement devant lui, clignant un peu des yeux lorsque les lueurs des flashs étaient trop proches. Ils avaient parcouru la moitié de la distance qui les séparait des portes, ils y étaient presque.

"Monsieur Zabini, avez-vous des informations ?

- Ah, enfin, ma présence parmi vous est remarquée, grogna Blaise en roulant des yeux."

Aussitôt, tous les micros se tournèrent vers lui, et une masse l'encercla si rapidement qu'il se retrouva isolé des deux autres.

"Merde, pesta Drago en s'arrêtant."

Il attrapa la main d'Hermione avec autorité et rebroussa chemin en jouant des coudes, peut-être un peu trop vigoureusement pour être poli. Il distribuait des coups sans en avoir l'air, et la Gryffondor le suivait en jetant des regards d'excuse aux journalistes qui se trouvaient heurtés. Non qu'ils aient l'air de s'en offusquer. En réalité, ils étaient tellement assoiffés d'information, que Drago aurait pu les poignarder à la condition qu'ils leur offre ensuite une déclaration.

"Hiiii, Drago ! C'est Drago Malefoy, regardez !"

Des hurlements stridents et une marée humaine encore plus conséquente compliquèrent leur progression, au grand dam d'Hermione, secouée dans tous les sens. Drago lui jeta un regard rapide par-dessus son épaule, constata qu'elle n'en menait pas large, et pila. Puis il leva les deux mains au-dessus de sa tête, et fusilla du regard tout être vivant qui se trouvait dans son rayon d'action.

"ÇA SUFFIT ! asséna-t-il."

L'autorité froide qui émanait de lui suffit à faire baisser le volume sonore et à stopper les bousculades, mais en réalité cela ne fit que figer la scène. Personne ne recula ou ne baissa son micro. Tous se contentèrent de bloquer leur mouvement, attendant la suite.

"Reculez ! ordonna-t-il d'une voix implacable."

Un peu étourdie, Hermione faillit elle-même obéir, avant de réaliser qu'elle n'était pas concernée par le ton péremptoire du blond.

"Vous ne croyez pas que vous devriez faire preuve d'un peu de décence, et respecter le fait que nous sommes en train de vivre un moment très difficile ? RECULEZ !"

Cette fois, tout le monde obtempéra, et Blaise pu les rejoindre, essoufflé. Les journalistes se tenaient à présent à une distance respectueuse, mais n'avaient pas battu en retraite pour autant.

"Bon sang, ce que vous êtes têtus, remarqua Drago en se passant une main dans les cheveux."

Cette petite déclaration suffit à détendre légèrement l'atmosphère, et la tension retomba un peu.

"Écoutez... Je sais que vous essayez juste de faire votre travail, mais pour le moment nous ne sommes pas disposés à vous parler. Nous ferons une déclaration rapidement, intervint Hermione, conciliante.

- Comme vous le voyez, Miss Granger va bien, elle n'a pas été blessée, ajouta Drago en passant un bras protecteur autour de la taille de la jeune femme."

Hermione se tendit, non pas à cause du contact, mais à cause de ce qu'il pouvait signifier aux yeux de la presse. Surtout après les questions qu'ils venaient de leur poser. Les suspicions étaient déjà lourdes, qu'était-il en train de faire ? Évidemment, tous les yeux étaient rivés sur elle, et plus précisément sur le bras de Malefoy sur elle. Personne n'osa poser de questions pendant quelques secondes, puis Drago retira furtivement son bras, et se racla la gorge, comme s'il ne venait pas délibérément de conforter une rumeur. Il pouvait duper tout le monde en prétendant avoir agi par impulsion, mais il n'allait certainement pas tromper Hermione, ou Blaise. Drago savait toujours ce qu'il faisait lorsqu'il était le centre de l'attention. Il était né pour ça. Il contrôlait précisément ses gestes, mesurait leurs conséquences, et ne se montrait certainement pas affectueux avec un naturel déconcertant lorsqu'il risquait d'être pris en photo.

Il l'avait fait exprès. Hermione lui jeta un regard en coin, déstabilisée, et remarqua que Blaise faisait la même chose de l'autre côté de Drago, à ceci près qu'il avait l'air amusé par la situation.

"Nous n'avons aucune information à vous communiquer pour le moment, tout ce que je peux vous dire, c'est que les aurors sont sur le coup, et nous leur faisons pleinement confiance pour faire la lumière sur cette affaire. Ce service est extrêmement compétent. Pour l'instant, je vais être tout à fait honnête..."

Il s'interrompit, adoptant un air affligé qui ne lui ressemblait pas du tout.

"... Nous sommes sous le choc de cette attaque. Ce qui s'est produit hier est inqualifiable. Quelles que soient les raisons ou justifications que nous pourrions essayer d'avancer ce matin, la vérité, c'est que l'ampleur et la violence de cet acte sont sans précédent. Nous sommes des élus du parlement sorcier, mais nous sommes avant tout des personnes, et s'en prendre à nous en tant que tels est intolérable. Nous devons faire front. A travers Miss Granger, c'est tout notre groupe qui est attaqué, la classe politique de ce pays, et donc ses citoyens. L'impunité n'existe pas. On ne peut pas s'en prendre aux représentants du peuple, parce que c'est s'en prendre au peuple lui-même. C'est odieux. Et la seule voix qui doit s'élever ce matin, c'est celle du rejet de la violence. Merci !"

Drago balaya d'un revers de la main les dizaines de micro tendus devant lui, et la foule s'écarta comme si Drago-Moïse venait d'ouvrir la mer en deux. C'est le moment que choisirent les aurors pour débouler hors de leurs locaux et venir à leur rencontre, pour les escorter vers l'intérieur. Tremblante, Hermione se laissa entraîner, cramponnée à la manche de Drago d'un côté, et à la main de Blaise de l'autre.

Que venait-il de se passer ?

"Excellente récupération, Ô chef, murmura Blaise si bas que seuls eux trois pouvaient entendre ses propos hautement dangereux."

Drago hocha la tête sans répondre, très satisfait de sa prestation, et les portes du ministère se refermèrent derrière eux. Harry apparut, légèrement décoiffé comme s'il venait de courir.

"Ça va ? s'inquiéta-t-il, principalement à l'intention d'Hermione, qui était très pâle. Désolé, on aurait dû vous dire d'utiliser les cheminées sécurisées... Quel cirque, dehors ! remarqua-t-il en jetant un œil au-dehors.

- Potter, il y a des fuites dans ce service, tu devrais en référer à tes supérieurs. Peut-être que ça te vaudrait une promotion, le notifia Drago en retirant son manteau, cherchant du regard un éventuel majordome à qui le confier."

Évidemment, il n'y en avait aucun, étant donné qu'ils se trouvaient au ministère et non dans un établissement de standing.

"Il n'y a pas eu de fuites, réfuta Harry en fronçant les sourcils. Une explosion, c'est bruyant. Des journalistes sont venus cette nuit dans l'immeuble d'Hermione, mais ils n'ont pas pu accéder à la scène puisque, justement, des aurors étaient sur place pour protéger l'appartement. En réalité, ils ont failli de pas y parvenir, puisque quelqu'un avait jeté un sort anti-intrusion particulièrement vicieux.

- Oh... se renfrogna Drago. Tu peux m'imputer ce sort vicieux, mais pour ma défense, j'étais pris au dépourvu. Personne ne s'attend à subir une explosion en sirotant sa tisane à la camomille.

- En fait... Hem, et bien... Ce sort, c'est quoi exactement ? On a beaucoup de mal à le contourner, pour la simple raison qu'on ne le connait pas.

- Peut-être qu'on pourra disserter sur qui connait les sorts les plus puissants plus tard ? suggéra Hermione."

Drago fit une petite moue difficilement lisible, et Harry se racla la gorge.

"Effectivement. Bon... On va s'installer dans une salle un peu plus privée, déclara Harry. L'enquête a été confiée à un auror spécialisé dans les attaques terroristes, je vais vous le présenter. C'est une nouvelle recrue.

- Tu ne vas pas t'en occuper ? s'étonna Hermione.

- Non, répondit Harry avec une grimace désolée. Je ne peux pas être en charge d'une investigation qui te concerne, pour des raisons évidentes. Et, en plus, je ne suis pas aussi compétent sur les questions terroristes que mon collègue.

- Pourquoi terroriste, d'abord ? se renseigna Blaise. Je veux dire... ça parait drôlement inquiétant.

- Avoir frôlé la mort, c'est inquiétant, remarqua Hermione.

- On va tout vous expliquer, dit Harry. Et par tout, je veux dire le peu qu'on sait à l'heure actuelle."

Ils s'installèrent en silence dans une sorte de salle de réunion, les trois députés alignés sagement en rang d'oignon. Les choses sérieuses commençaient. Si Drago avait opté pour une posture concentrée, les coudes appuyés sur la table et les mains croisées, Hermione ne savait que faire de ses jambes tremblantes et de ses mains moites. Blaise vint à sa rescousse en tapotant gentiment son genou, ce qui la réconforta un peu.

"Bon... Avant que mon collègue arrive, je voudrais qu'on parle d'un truc. Où vous en êtes avec Pods, exactement ? Parce qu'une disparition inquiétante a été signalée, et même si rien ne nous dit que les deux évènements sont liés, ça fait tout de même deux députées du même groupe qui sont mise en danger en l'espace de quelques jours. La question va forcément arriver sur le tapis. Qu'est-ce que vous êtes prêts à dire de manière officielle ?"

Harry avait parlé à voix basse, bien conscient qu'en évoquant le sujet en aparté, il transgressait les règles. Mais Hermione savait, tout comme lui, qu'il n'avait pas vraiment le choix ; il était déjà dans la confidence, il savait déjà pour la taupe et son complice, et il était déjà intervenu avec l'espionne étrange engagée par Laura, ce qui constituait déjà une façon d'outrepasser ses fonctions d'auror.

"Comment ça, de manière officielle ? Officielle pour les aurors, ou pour la presse ? vérifia Drago avant de répondre.

- Tout ce que vous dites ici est confidentiel. Mais je vous conseille de dire la vérité... Elle émergera, de toute façon, parce que mon collègue est très compétent, insista Harry.

- Bien sûr qu'on va dire la vérité ! coupa Hermione. Je te l'ai déjà dite hier soir. On a fait aucun mouvement en direction de Laura, aucun de nous ne l'a confrontée, elle n'avait aucun moyen de savoir qu'on l'avait démasquée. Elle a disparu deux jours après ça... C'est pas comme si on l'avait beaucoup vue ces derniers temps, de toute façon."

Un peu déstabilisé par l'attitude défensive de sa meilleure amie, Harry se redressa et croisa les bras contre sa poitrine.

"Je n'étais pas en train de vous accuser de quoi que ce soit, que ce soit clair. Je m'assure juste que vous savez qu'il faut impérativement tout dire à ce service. Si vous pensez vous protéger en laissant de côté certaines informations parce qu'elles pourraient vous nuire politiquement... Ne le faites pas. Ça pourrait vous nuire pénalement. Ce qui est pire, non ?

- Nettement, confirma Drago alors qu'il devait penser exactement le contraire. Mais j'exige ton assurance, Potter, que tout ce qu'on dira ici sur notre groupe politique restera confidentiel.

- Tu n'es pas en position d'exiger quoi que ce soit, Malefoy, rétorqua vivement Harry.

- Oh, et pourquoi ? Je suis suspect, tout à coup ? J'ai posé une bombe pour m'auto-faire exploser ?

- Bien sûr que non, ne me fais pas dire n'importe quoi... Bon sang, Malefoy ! tempêta Harry. Je veux juste que vous soyez pleinement transparents pour cette enquête. Sinon, on ne pourra pas vous protéger, et c'est sérieux.

- On est bien placés pour savoir que c'est sérieux, on a failli sauter hier soir.

- Et ma fille avec ! s'exclama Harry en tapant du poing sur la table."

Le silence s'abattit, lourd de sens, et Hermione se crispa. Drago lui avait demandé de rester en retrait et de le laisser mener l'entretien, et prendre les coups. Elle se mordait la langue pour ne pas céder à ses instincts et intervenir. Mais là...

"Je n'insinue rien du tout, je sais que vous n'y êtes pour rien, se reprit rapidement Harry. Mais le fait est que les vies de ma meilleure amie et de ma fille on été mises en danger. Et, que vous soyez coopératifs ou non, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que ça ne se reproduise plus jamais. C'est simple, soit vous jouez la transparence avec mon collègue, soit JE balance tout. Je serai peut-être suspendu et dessaisi de l'enquête sur la disparition de Laura, mais si c'est le prix à payer, soit.

- Saint-Potter le justicier est de retour, siffla Drago.

- Harry, on va expliquer à ton collègue ce qu'on sait, coupa Hermione avant qu'Harry, nettement rouge, ne réplique. On a conscience que tout ça dépasse les affaires politiques et notre image. Pas besoin de vous sauter à la gorge."

Harry soupira, à-demi calmé.

"Bien. Je vais appeler mon collègue. Et ne me couvrez pas, parlez de mon implication."

Hermione leva les yeux au ciel, comme si l'idée de jeter Harry en pâture auprès de ses collègues revêtait une quelconque crédibilité.

« Hermione, insista Harry en fronçant le nez. Vous devez tout dire. C'est un ordre !

- Potter, je ne sais pas si tu as été informé, mais nous ne sommes pas tes subalternes. L'intégralité du monde sorcier ne se plie pas à tes directives. »

Le survivant soupira, et se pinça l'arête du nez, à bout de nerfs. Malefoy l'usait.

« ... Mais si tu tiens à nettoyer ton ardoise, et redevenir l'être de perfection que tu étais, on te balancera. Tu peux compter sur moi, ne me remercie pas.

- Drago ! s'offusqua Hermione. Harry nous aidait, c'est TOI qui l'a appelé, on ne va quand même pas...

- Je sais qu'il nous aidait. Et il nous aide encore, là, rétorqua Drago en levant les yeux au ciel, irrité. Potter, fais semblant de ne pas entendre mes propos, il s'interrompit avant de se reconcentrer sur le regard furibond d'Hermione. Il n'a rien fait d'illégal en nous conseillant en tant qu'ami. Il est au courant de l'affaire Pods en tant qu'ami. Et on va expliquer, en tant qu'amis aussi, qu'il a agi dans les clous. Si on cache son intervention, c'est précisément ce qui la rend suspecte. Alors qu'il n'a rien fait de mal.

- Aussi difficile que ce soit pour moi de le formuler à voix haute... hem, eh bien, Malefoy a raison. »

Harry sortit de la pièce et, à la seconde où il claqua la porte derrière lui, Hermione pivota vers Drago.

"Qu'est ce que tu fais ? lâcha-t-elle.

- Quoi ? s'étonna le blond en lui jetant un regard innocent.

- Si tu cherches à le faire sortir de ses gonds et à te faire arrêter, c'est excellent, l'accusa Hermione.

- On a déjà parlé de ça, répliqua vertement le Serpentard. J'attire son attention. Il pense déjà naturellement que je suis diabolique, je lui donne juste un peu de matière.

- Je peux parfaitement répondre aux questions, Malefoy, je n'ai pas besoin que tu fasses ce numéro de tête à claque pour détourner l'attention.

- Tu veux me mettre des claques ? C'est extrêmement plaisant ça, Granger.

- Vous croyez vraiment que c'est le moment de vous livrer à des préliminaires ? Concentrez-vous, un peu, les rabroua Blaise en roulant des yeux."

Outrée, Hermione ouvrit la bouche pour répliquer, mais un auror inconnu entra dans la pièce. Son imposante stature la força au silence, soudainement intimidée par la musculature et les sourcils broussailleux de l'homme d'une cinquantaine d'année face à eux.

"Auror Harmon, enchanté, se présenta-t-il avec un accent américain qui poussa aussitôt Drago à le classer dans la catégorie des gens qu'il exécrait.

- Drago Malefoy, répondit-il en se redressant pour lui serrer la main."

Il prit un malin plaisir à broyer la main de l'américain, avant que ce dernier ne fronce les sourcils et réplique en pressant si fort ses phalanges qu'elles craquèrent sèchement.

"Hermione Granger, dit Hermione en levant les yeux au ciel, agacée par ces manifestations viriles parfaitement ridicules (et un peu inquiète que le blond ne se retrouve privé de l'usage de sa main droite, qui était, de notoriété publique, parfaitement capable).

- Blaise Zabini. J'ai la maladie des os de verre, mentit Blaise en le saluant à son tour.

- Bien, maintenant que les présentations sont faites, inutile de perdre plus de temps, les informa l'américain en leur faisant signe de se rasseoir. Le temps est notre ennemi dans ce genre d'affaire. Poser une bombe, c'est un acte désespéré et irréversible, et les poseurs qui échouent tendent à reproduire leur acte dans les jours qui suivent la première tentative. Donc, il faut qu'on l'arrête avant.

- Logique, oui, dit Drago."

L'auror Harmon le regarda sans sembler parvenir à décider s'il se moquait de lui ou faisait simplement une remarque polie.

"Sur la scène de crime, nous n'avons rien trouvé de concluant. Aucun ADN, aucun message de revendication, aucun témoin oculaire, aucune image de vidéo-surveillance - le monde magique britannique est vraiment en retard là-dessus, d'ailleurs, vous devriez faire passer une loi sur la surveillance des lieux publics.

- Nous aimons circuler librement, nous sommes des sorciers à l'âme de poètes, vous savez, dit Drago.

- C'est le pays de Shakespeare ici, pas de la NSA, ajouta Blaise. Nos citoyens sont réfractaires à l'idée d'être filmés et pistés 24 heures sur 24. Les moldus le font, ça ne veut pas dire que les sorciers doivent les imiter.

- Bref... intervint Hermione en pinçant simultanément ses deux collègues sous la table. Aucun indice, donc. Comment vous savez qu'il s'agit d'un acte terroriste ?"

L'américain, le visage plissé dans une expression de fureur contenue, choisit de poursuivre une conversation civilisée avec Hermione plutôt que d'entrer en conflit avec les deux aristocrates snobs qui l'entouraient. Il exécrait les britanniques et leur sentiment de supériorité. Il exécrait les privilégiés. Il exécrait ces sorciers issus de bonnes familles qui avaient effectué toute leur éducation dans un pensionnat coupé du monde. En réalité, il exécrait à peu près tout sur cette île.

Mais il était là pour effectuer son métier, apporter son expertise à ces sorciers anglais dépassés, et il prenait sa mission très à cœur.

"Vous êtes une personnalité politique de premier plan et une héroïne de guerre. Dès lors, une bombe posée sur votre paillasson est très probablement un attentat politique. Et ceci entre directement dans la catégorie du terrorisme.

- Un acte qui emploie la terreur à des fins idéologiques ou politiques, acquiesça Hermione.

- Vous écartez des motifs plus personnels, alors ? reprit Drago.

- Pour le moment, oui. C'est assez improbable. A moins que vous ayez des raisons de penser que quelqu'un peut vous en vouloir, à vous, comme personne ? demanda l'auror à Hermione, qui déglutit discrètement. Une vengeance quelconque, un amant éconduit, un déséquilibré... Vous avez reçu des menaces, récemment ?"

Blaise pouffa, ce qui eu pour conséquence de déstabiliser l'américain.

"Pardonnez-moi, monsieur... Harmon ? Mais nous sommes des élus. Nous recevons des lettres de menaces et des insultes quotidiennement. Certaines sont plus créatives que d'autres, bien sûr, mais c'est souvent l'œuvre d'individus inoffensifs et particulièrement désœuvrés.

- Ces menaces se limitent à des menaces verbales, donc ? Juste des mots ?

- Oui, confirma Hermione, avant de se souvenir d'un détail. Une fois, j'ai reçu des ongles de pied de troll dans un paquet, parce que j'ai suggéré que les trolls étaient un peuple peu instruit qui vivait dans des conditions sanitaires désastreuses. Je voulais les aider à construire des infrastructures, vous comprenez... Des hôpitaux, des écoles... Enfin, ça n'a pas été très bien compris.

- Des ongles de pied, répéta l'américain, incrédule. Je vois.

- Nous vivons dangereusement, ajouta Drago. Nous occupons des fonctions qui nous placent en première ligne, au contact de la population, et souvent auprès des plus précaires... Comme vous, en réalité. Même si nous ne prenons pas les même risques, puisque de toute évidence, nous ne sommes pas habilités à lancer des sorts dangereux, comme le Avad...

- Quoi qu'il en soit, le coupa Hermione en pinçant son leader une deuxième fois, nous sommes habitués à être malmenés verbalement. Quelles que soient les décisions que nous prenons, il y a toujours une part de la population qui y est opposée. Par contre, être attaqués physiquement, c'est une première.

- Avez-vous conservé vos lettres de menace, Miss Granger ? J'aimerais que mon équipe les étudie, au cas où des éléments vous auraient échappé et pourraient laisser penser que les auteurs pouvaient passer à l'acte.

- Ma secrétaire nourrit une plante carnivore avec ces lettres, malheureusement, éluda Hermione. Mais vous pouvez étudier les insultes que je reçois sur les réseaux sociaux sorciers, ça vous donnera un aperçu significatif.

- Une plante carnivore. Bien. Je vois.

- Le climat social est tendu, en ce moment, ajouta Blaise. Depuis la création de notre nouveau groupe, on est la cible de critiques venues de tous bord. Et la presse... Notre couverture médiatique est houleuse. Je ne sais pas si ces éléments peuvent vous aiguiller, mais pour résumer, des milliers de personnes peuvent être suspectes. Approximativement n'importe quel sorcier britannique."

L'auror américain tira une chaise et s'y assit, abattu par le nombre de pistes brouillées qui s'offraient à lui. Cette affaire semblait de plus en plus compliquée. Il ouvrit le dossier colossal qu'il avait amené avec lui, et s'y plongea quelques secondes, pensif. Coupures de presse, compte-rendus de l'assemblée, Hermione crut même y voir son dossier scolaire à Poudlard. Ils avaient réussi à amasser tous ces documents en une seule nuit ? Elle plissa les yeux pour tenter d'identifier d'autres papiers, mais arrêta son examen lorsqu'elle croisa le regard de Harmon.

"Une de vos collègues, Laura Pods, fait l'objet d'un signalement... Elle aurait disparu, aux dires de Rémus Lupin. Miss Granger, il s'agit d'une de vos amies, n'est-ce pas ?

- Nous sommes collègues depuis près de 6 ans. Nous étions ensemble dans le mouvement progressiste avant de rejoindre les Non-alignés. Donc, oui, nous étions proches, confirma Hermione.

- Étions ? tiqua l'auror en se penchant en avant.

- Depuis que nous avons changé de groupe politique, nous nous sommes éloignées, répondit Hermione avec empressement."

Jusqu'à présent, elle n'avait pas réellement menti. Mais cet état de fait allait devoir changer.

"Écoutez, ce que nous allons vous dire doit rester entre nous. Est-ce que nous pouvons vous faire confiance ? s'enquit Drago en regardant l'auror dans les yeux.

- Rien de ce que vous me direz de sortira de ces quatre murs, assura Harmon en pointant du doigt de plafond, ce qui n'avait pas le moindre sens. J'ai conscience que la politique, c'est un monde d'apparence, et de requins, alors allez-y. Rien ne sera divulgué au public. Tant que c'est légal, il se corrigea en penchant la tête.

- C'est légal, assura Drago."

Ça ne l'était pas du tout.

"Le fait est que le comportement de Laura Pods était problématique au sein de notre groupe. Elle était peu investie, absente, voire secrète. Et nous avons réalisé qu'elle ne travaillait pas réellement pour nous, mais pour son ancien groupe, qu'elle informait de nos activités. Nous avions une taupe dans notre groupe. Elle renseignait également la presse et abreuvait les tabloïds de ragots internes.

- Qu'avez-vous fait ? pressa l'auror.

- Rien, mentit Drago. Nous avons compris quel rôle elle jouait en début de semaine, et nous en avons informé votre collègue, Harry Potter, pour avoir des conseils légaux, et faire les choses correctement.

- Oh ! dit Harmon, surpris de voir son collègue entraîné dans cette affaire.

- Nous l'avons consulté en tant qu'ami, précisa Hermione. Nous sommes proches depuis l'enfance, et on savait qu'il nous donnerait de bons conseils. Nous voulions gérer cette histoire discrètement, et éviter qu'elle se retrouve étalée dans la presse. Ça nous aurait affaiblis, vous comprenez.

- Nous sommes très proches, insista Drago en hochant la tête.

- Je vois... Que vous a conseillé Harry ?

- De l'observer et d'attendre, pour comprendre ce qu'elle manigançait exactement. C'est ce qu'on a fait. On s'est mis d'accord pour garder le secret, et simplement la regarder. On pensait qu'en la surveillant, on apprendrait pourquoi elle voulait nous nuire à ce point. On aurait pu contenir un éventuel scandale, comme ça.

- Avez-vous compris ?

- Non, reconnut Drago. Non seulement on ne sait pas ce qu'elle avait contre nous, mais en plus elle a cessé de venir travailler, alors nous n'avons pas vraiment eu le loisir de continuer à la surveiller les jours suivants.

- Mais vous n'avez pas signalé sa disparition, affirma l'auror. Pourquoi ?

- On n'est pas tenus à une présence régulière, dans nos bureaux. Nombre d'entre nous sont en déplacement, parfois à l'international, ou travaillent depuis chez eux. C'est assez difficile de savoir qui fait quoi, et où, expliqua Hermione. Et, si l'on ajoute à ça le fait qu'elle devait être mal à l'aise de nous trahir et peu encline à passer du temps avec des gens qu'elle cherchait à détruire... J'imagine que c'était assez logique qu'elle prenne ses distances. On a jamais été inquiets. On s'est juste dit qu'elle travaillait dans son coin.

- C'est votre ancien leader qui a signalé sa disparition. Ça ne vous semble pas étrange, que son ex-supérieur soit plus inquiet de ne pas avoir de ses nouvelles plutôt que son actuel ?"

Cette fois, la question était directement destinée à Drago, qui haussa les épaules comme si il se fichait éperdument de passer pour un chef de parti distrait.

"J'imagine qu'elle entretient une plus grande proximité avec lui qu'avec moi. Je ne sais pas quelle est la nature exacte de leur relation, ceci-dit, répondit le blond sans se départir de son air évasif.

- Est-ce que vous insinuez que Remus Lupin et Laura Pods entretiennent une liaison ?"

Harmon nota quelque chose dans son dossier, et Drago cacha avec difficulté un rictus de satisfaction. Qui se répercuta en miroir sur le visage de Blaise.

C'est là qu'Hermione comprit ce qu'il était en train de faire derrière son petit air innocent. Il ne descendait pas Lupin en flammes dans la presse, comme Blaise l'avait recommandé la veille. Il s'était engagé à ne pas abreuver les médias d'informations capables de compromettre Lupin, de le salir dans l'opinion, et Hermione avait cru en sa bonne foi, se disant qu'il voulait, comme elle, la jouer fair-play. Parce qu'il avait donné sa parole, et qu'il avait pris son parti.

En réalité, il était en train d'instiller un doute... Rien de fracassant, il avait juste suggéré une piste sans en avoir l'air. Il avait lancé l'auror Harmon sur une pente qui allait orienter l'enquête vers Lupin, le rendre suspect. Et avec l'enquête, la presse. Il faisait exactement ce que Blaise avait proposé, à ceci près qu'il n'allait pas se salir les mains, ni même se fatiguer à trouver des informations. C'était inutile : les aurors allaient le faire pour lui.

Hermione avala douloureusement sa salive, et essaya d'avaler en même temps son sentiment d'avoir été trahie par Drago.

"Je suis juste surpris, comme vous, que Lupin soit capable de se rendre compte en quelques heures que son ancienne subalterne a prétendument disparu.

- Ça implique une certaine proximité, en effet, confirma l'auror. Vous pensez qu'il jouait un rôle dans sa position de taupe au sein de votre groupe ?

- Nous en sommes certains, en réalité, corrigea Drago. Nous avons le témoignage écrit d'une femme qu'ils ont engagée il y a quelques temps. Lupin et Pods travaillaient ensemble en sous-main. C'est Potter qui a une copie de ce témoignage. Vous voyez... C'est une affaire banale de trahison en politique. Comme vous le disiez si justement tout à l'heure, c'est un milieu de requins. Rien d'original."

L'auror Harmon se gratta le menton, et se remit à prendre des notes, ce qui permit à Hermione de jeter un regard en coin parfaitement furieux à Drago, qui fit semblant de ne pas le remarquer.

"Si je résume bien la situation... Laura Pods vous a trahi, et est depuis portée disparue, finit par lâcher l'américain.

- Présenté comme ça... nous semblons suspects, grogna Drago en regardant avec attention ses ongles. Mais je vous assure que c'est simplement un terrible concours de circonstances. Mauvais timing.

- En effet, oui, confirma Harmon. Quand l'avez-vous vue pour la dernière fois ?

- Je ne saurais dire... répondit Drago, pensif. Il me semble l'avoir croisée dans la semaine, au bureau. Quel jour était-ce...

- Aucun souvenir, ajouta Blaise en haussant les épaules. C'est confus...

- Nous pouvons vous communiquer notre registre des entrées et sorties, suggéra Hermione, qui gardait cet atout dans sa manche depuis le début de l'entretien."

Ils s'étaient mis d'accord la veille pour donner cette information aux aurors, et les laisser mettre le nez dans leurs documents internes dans la mesure où ils en contrôlaient le contenu. Les registres avaient été modifiés le soir du crime, et ne contenaient donc rien qui permette de les suspecter. Ils prétendaient collaborer, comme Drago l'avait requis.

Et Hermione réalisa qu'en réalité, ils faisaient absolument tout ce que Drago avait requis. Tout ce que le leader voulait, elle l'exécutait. Comme pointer du doigt Lupin. Faire des déclarations mensongères à la presse pour s'attirer la sympathie de l'opinion. Coucher avec lui dans son canapé.

"Je vous remercie d'avoir joué franc jeu avec moi, je sais bien que c'est pas une chose évidente pour vous, les politiques. Entre nous, je ne pense pas que ces deux affaires soient connectées... J'ai du mal à imaginer une députée élue tentant d'en assassiner une autre, c'est saugrenu !"

Harmon s'autorisa un petit rire se voulant compatissant, et les trois autres ricanèrent avec plus ou moins de conviction. S'il savait à quel point son intuition était mauvaise...

"Je vais devoir interroger les membres de votre groupe politique par acquis de conscience, reprit l'auror. Ça nous permettra de réduire considérablement le groupe de suspects. Évidemment, pour éviter de donner naissance à des rumeurs inutiles, je procéderai avec discrétion. Est-ce que cela vous conviendrai que je passe simplement dans vos bureaux pour récolter des témoignages ? J'en ferai de même auprès de cet autre parti, les Progressistes.

- Bien, je comprends tout à fait, agent Harmon, dit Drago. Nous nous tenons à votre disposition, bien entendu. Ceci dit, au sujet de l'affaire qui nous concerne en premier lieu... L'attentat ? Parce que c'est bien ça dont il est question, n'est-ce-pas ? Que comptez-vous faire pour protéger Miss Granger ?

- Monsieur Malefoy... Soyez sûr que c'est notre priorité. Avant toute chose, je dois m'assurer que, si Laura Pods a effectivement disparu, cela n'a rien à voir avec la présente explosion. Elle pourrait y être connectée, d'une manière ou d'une autre, et il est impératif qu'on mette la main sur elle pour écarter cette possibilité. Même si, comme je viens de vous le dire, j'ai du mal à trouver cette hypothèse crédible. Pour moi, tous les indices pointent en direction d'un loup solitaire."

Hermione étouffa une quinte de toux, et grimaça un sourire pour s'excuser. Harmon fit apparaître un verre d'eau d'un coup de baguette magique, et reprit son monologue, partageant avec eux ses arguments d'une lucidité et d'une précision sans failles.

"Je disais donc... Tout laisse à penser que cette bombe est l'œuvre d'une personne en marge de la société, qui éprouve du ressentiment pour votre action politique ou votre personne. Et, compte tenu de l'utilisation de matériaux d'origine moldu pour fabriquer l'explosif - quoi qu'altérés et amplifiés par la magie -, je pense pouvoir affirmer qu'il s'agit, sinon d'un né-moldu, au moins de quelqu'un qui a une connaissance affinée du monde non magique. Cette personne, quelle qu'elle soit, est dangereuse. Et motivée. Le fait qu'elle n'ait pas revendiqué ce crime ou expliqué d'une manière ou d'une autre ses motivations ne peut signifier qu'une chose : elle reste discrète, parce qu'elle prévoit de continuer son action, et ne veut pas être entravée. Elle reste dans l'ombre, et c'est une mauvaise nouvelle pour nous, parce qu'il nous est difficile d'établir un profil à partir du silence. Nous avons affaire à un individu raisonnable, qui planifie, qui a une stratégie au long cours."

Hermione sentit ses doigts se serrer malgré elle autour de son gobelet en carton, projetant une petite gerbe d'eau au-dessus du récipient. La main de Drago enserra aussitôt la sienne sous la table, lui broyant les doigts, et propageant une chaleur bienvenue à cet instant.

Bien sûr qu'elle lui en voulait. Terriblement, en réalité, parce qu'elle se sentait impuissante ; il dirigeait tout, décidait de tout, ne respectait pas sa parole, il l'irritait et la mettait hors d'elle et la privait de tout contrôle sur les évènements. Il ne prenait que des décisions avec une logique froide. Des décisions radicales, destructrices, probablement immorales. Il mentait avec aplomb, manipulait, distillait ses idées perfides au moment opportun.

Il était en charge. En charge d'eux tous, et d'elle en particulier.

Hermione Granger exécrait ce sentiment d'être incapable de décision dans sa propre destinée. Néanmoins, aussi pénible que ce soit de l'avouer, elle se sentait rassurée et reconnaissante de ne pas être seule dans cet affreux merdier, de pouvoir, pour une fois, compter sur quelqu'un d'autre qu'elle même. Il n'était pas parfait, rien n'était parfait, mais il faisait ce qu'il avait à faire pour les protéger.

Elle serra à son tour les doigts de Drago entre les siens, un peu plus fort que nécessaire, et elle constata avec délectation que sa lèvre inférieure se tordait dans un léger rictus de douleur. S'ils s'en sortaient, elle aurait tout le temps de lui faire payer cet affront, et de récupérer le commandement de son destin. Si, par miracle, ils échappaient à la prison et ne finissaient pas éparpillés en petits morceaux au cours d'un attentat, elle aurait l'occasion de lui rappeler pourquoi elle était la sorcière la plus brillante de sa génération.

"Ne cédez pas à la panique, tout va bien se passer, ajouta Harmon. Je ne saurai que trop vous conseiller de rester discrets, d'éviter les lieux publics et les bains de foule, et de ne pas rester seuls. Passez le mot à vos collègues. Une équipe de sécurité va vous être assignée, bien entendu, ajouta-t-il à destination d'Hermione, qui sursauta. Avez-vous réfléchi où vous allez vivre ? Parce qu'il est impératif que vous ne retourniez pas à votre adresse.

- Euh... Je...

- Elle va vivre chez moi, dirent Blaise et Drago à l'unisson, avant de se jeter mutuellement un regard interloqué."


L'interrogatoire a fini par arriver, il était temps que chacun s'explique (y compris Harry). Bon, évidemment, notre petit Drago a trouvé un moyen de retourner les choses à son avantage. Again !

Merci pour vos retours et vos hypothèses. ça m'aide énormément de savoir ce que vous comprenez ou devinez à partir du texte, parfois tout me semble évident et en réalité... ça ne l'est pas du tout. Donc, merci de prendre le temps de me donner votre avis. Après un petit blocage, je crois que cette fois je suis de nouveau sur les rails. Le confinement me rend plus productive, qui l'aurait cru !

A bientôt :)