Chapter 26 - Nervous breakdown
Après près de deux heures d'entretien avec l'auror Harmon, qui les avait gratifiés en partant d'une sorte de salut militaire à l'inspiration patriotique, Hermione, Drago et Blaise se faufilèrent dans une cheminée.
Finalement, le bilan de la matinée au ministère n'était pas purement désastreux ; l'américain n'était pas braqué contre eux, il semblait plutôt les prendre au sérieux et sincèrement vouloir les aider. Il était convaincu qu'ils étaient menacés par un réel danger, pas qu'ils étaient le danger. Ils avaient plus ou moins suivi les directives d'Harry, à savoir de dire la vérité - une vérité aménagée à leurs convenances. L'ardoise d'Harry était vierge, celle de Lupin un peu moins immaculée, Hermione était une victime innocente, Drago un leader concerné et compétent, et Blaise un député parfaitement respectable. Seul le cas de Laura laissait planer une ombre incertaine sur leur affaire.
Harry n'avait même pas été menacé d'être suspendu pour s'être impliqué dans une affaire sans la signaler à ses supérieurs - Drago n'avait pas pu s'empêcher de signaler à voix haute que son statut de survivant lui donnait carte blanche pour faire exactement ce qu'il voulait sans jamais n'avoir à rendre de comptes, comme il le faisait déjà à Poudlard.
Un autre point noir, et pas des moindres, était à noter : une équipe de quatre aurors - non pas un, ni même deux, voire trois - avait été affectée à la surveillance constante et minutieuse d'Hermione, et la suivrait donc comme son ombre dans les jours à venir. Drago leur avait fait signer un accord de confidentialité avant même qu'ils ne soient proprement présentés à la Gryffondor, avec un zèle inquiétant mais légitime. Après tout, ces aurors allaient non seulement être témoins de leur quotidien, mais également de leurs activités professionnelles. Si on ajoutait à cela le fait qu'ils avaient fait disparaître un cadavre quelques jours en arrière...
Les cascades médiatique du blond avaient en outre eu un impact immédiat, et bénéfique : toutes les chaînes d'information relayaient les images d'une héroïne de guerre pâle et traumatisée, encadrée par deux députés solides et dévoués. La presse était unanime, le Royaume-Uni était sous le choc, toute personnalité publique interrogée délivrait le même message : cet attentat était abominable et le coupable devait payer.
Les Weasley offrirent l'asile à Hermione en lui proposant une chambre au Terrier, Abelforth se dit prêt à monter la garde devant sa chambre jour et nuit, Karacter publia un communiqué de presse de soutien, co-signé par un grand nombre de députés adverses. Luna tenta bien d'attribuer l'explosion à des cornes d'animal exotique obscur, mais il lui fallut se rendre à l'évidence quand Harry Potter en personne présenta à la presse des photos de l'appartement ravagé d'Hermione.
Une chance que Pansy se trouve sur un tout autre continent, puisqu'elle semblait complètement paniquée par la nouvelle de l'explosion, persuadée qu'il s'agissait d'un genre de rétribution divine pour leurs actions immorales. Fort heureusement, Théo l'abreuvait de Cuba libre, et Hestia l'aidait à rédiger des discours cohérents. Au penthouse, c'était visiblement l'émoi ; Flint était sur le sentier de la guerre, prêt à créer une milice pour retrouver lui-même le poseur de bombe, tandis que Dubois avait installé une collection de balais sur le toit de l'immeuble pour faciliter leur fuite en cas d'intrusion. Tout ceci leur avait été rapporté par Astoria, qui documentait minute par minute les activités des autres en leur absence. Comme toujours, elle ne tremblait pas ; elle gardait un œil sur les Non-alignés, veillait à ce que chacun garde la tête froide.
"Je ne suis toujours pas convaincu par cette idée, répéta Drago pour la cinquantième fois en une heure."
Blaise leva les yeux au ciel, et choisit de ne pas répondre. Il chercha le regard d'Hermione, qui était occupée à se sécher les cheveux, une serviette à la main. Visiblement, elle n'avait pas l'air de vouloir prendre part à ce débat, qui pourtant était à son sujet. La Gryffondor semblait légèrement absente, voire non concernée, et agissait mécaniquement sans participer aux conversations.
"Si ta mère se mêle encore de...
- Arrête avec ma mère, trancha Blaise en pointant un doigt accusateur sur son meilleur ami.
- Je maintiens que c'est une très mauvaise idée.
- Drago, arrête, finit par décréter Hermione, sa serviette enroulée autour de la tête. C'est la meilleure solution. Il y a suffisamment de chambres ici pour héberger mon équipe de sécurité, ajouta-t-elle en désignant d'un coup de menton les quatre aurors assis sagement dans un des canapés de Blaise. En plus, cet immeuble est très bien protégé. Et sa mère n'est même pas là...
- Ces arguments fonctionnent aussi pour MON appartement, pointa Drago.
- La presse ne me prête pas de liaison avec Blaise, répliqua Hermione."
Drago haussa un sourcil, pas franchement convaincu par l'argument.
"T'es le leader de mon groupe, ajouta Hermione, ça ne ferait pas du tout bon ménage que je vive sous ton toit, tu le sais très bien. En plus, c'est provisoire. Je déménage dès demain."
Un Drago renfrogné se laissa tomber sur le canapé, forçant les aurors à se tasser pour lui faire de la place.
"Qu'est-ce que ça peut faire, ce que pense la presse, grogna-t-il.
- Eh bien je suis ravi que tu aies posé la question ! s'exclama Blaise en s'asseyant sur l'accoudoir du canapé, bousculant Drago, qui força encore une fois les aurors à s'empiler au bout."
Et il dégaina son téléphone comme s'il avait attendu ce moment depuis des heures, faisant défiler sous les yeux du blond un tas d'articles.
"Granger et Malefoy, la liaison qui a failli leur coûter la vie... Lucius Malefoy désapprouve, il tente de les tuer... Un couple au Parlement... Bon, ça, on dirait clairement le titre d'un film moldu de Noël. Les amants maudits... Celui là, je l'aime pas trop. Oh, et celui là ! Une relation sulfureuse. C'est Skeeter. On reconnait sa plume !
- Quel montage affreux, mais qui a fait ça ! s'insurgea Drago en arrachant le téléphone des mains de Blaise. J'ai l'air d'avoir un double menton.
- Je me trouve pas mal, moi, les informa Hermione, qui faisait tomber des gouttes d'eau sur Drago en se penchant au-dessus de lui.
- Vous ratez complètement le point de ma démonstration, siffla Blaise. Auror numéro 1, qu'est-ce que je voulais leur faire remarquer, d'après vous ?"
Surpris que quelqu'un remarque enfin leur présence, les aurors redressèrent la tête.
"Numéro 1, vous perdez des points pour une absence évidente de réactivité. J'espère que vous êtes moins lent à la détente en cas de duel inopiné. Numéro 2 ?
- Quelle était la question ?
- Éliminé aussi, pour un manque d'attention préjudiciable. Numéro 3 !
- Euh... On dirait qu'il y a beaucoup d'articles qui parlent d'une relation entre monsieur Malefoy et Miss Granger...?
- Vous êtes out. Absence totale d'éloquence. Numéro 4, tous mes espoirs reposent sur vous, ne me décevez pas.
- La presse pense déjà qu'ils sont ensemble. C'est si grave que ça ? Je veux dire... C'est pas comme si c'était interdit."
Blaise ouvrit la bouche, mais aucune remarque cinglante ne franchit la barrière de ses lèvres. Il verrouilla l'écran de son téléphone, et observa le plafond, songeur.
"Vous marquez un point, numéro 4."
Il avait été décidé qu'Hermione allait passer la nuit chez Blaise, en l'absence de sa délicieuse mère qui avait visiblement prévu un week-end à Venise, avec un de ses multiples prétendants. Dès le lendemain, elle se verrait attribuer une chambre dans un hôtel sorcier, que l'auror Harmon considérait comme la solution la plus facile à sécuriser. Hélas, Drago, qui n'était pas à l'initiative de cette idée, la trouvait par conséquent terriblement mauvaise.
"Je maintiens que ce cirque ne sert à rien. Sans vouloir vous offenser, messieurs, reprit Drago à l'attention des quatre aurors, nous sommes formés au combat, et je ne crois pas qu'une armée soit requise pour protéger Miss Granger. Qui connait probablement plus de sorts de défense que vous tous réunis.
- Monsieur Malefoy... On nous a affectés à cette mission, nous avons des ordres. Visiblement, aussi formés que vous le soyez, ça ne vous a pas empêchés de frôler la désintégration par bombe artisanale.
- L'auror numéro 4 est insolent, remarqua Blaise.
- Drago, je n'aime pas beaucoup ça moins non plus, mais c'est une décision du bureau des aurors, et ils ne font que leur travail, temporisa Hermione.
- Tu veux dire qu'ils ne font que ce que Saint Potter leur a ordonné. Parce qu'il veut nous surveiller, ne t'imagine pas qu'il ne s'agit que de te protéger... siffla Drago."
Hermione croisa les bras sur sa poitrine, debout derrière le canapé. Le silence qui s'ensuivit força Drago à se retourner pour l'observer, et il étouffa une grimace en avisant l'air profondément agacé de la jeune femme.
"Malefoy, dit Hermione d'une voix menaçante.
- Granger, répliqua le blond sans se dégonfler.
- Cuisine, maintenant, décréta la jeune femme en se détournant brusquement."
Drago se leva, et croisa malencontreusement le regard amusé de Blaise.
"Ne vous inquiétez pas, ils vont simplement crier un peu avant d'échanger leurs salives respectives. C'est ce qu'ils font, expliqua Zabini aux aurors."
.
Drago suivit Hermione en traînant des pieds pour manifester sa mauvaise volonté, et entra à sa suite dans la cuisine. Ils s'appuya avec nonchalance contre l'ilot central en marbre, et attendit que la foudre lui tombe dessus, stoïque. Mais Hermione pivota, soupira bruyamment, et fit demi-tour pour fermer la porte derrière eux.
"Tu sais Drago, quelqu'un de normal aurait fermé la porte derrière lui, a priori en la claquant. Mais toi, non, il faut que quelqu'un le fasse à ta place.
- Tu me reproches de pas claquer les portes derrière moi ? Ça manque à la dispute parfaitement scénarisée que tu anticipes ?
- Ce que je veux dire, c'est que... commença Hermione."
Elle s'interrompit, prise au dépourvu par le claquement sec d'une porte de placard que Drago venait d'ouvrir, et de claquer aussitôt après.
"Satisfaite ? vérifia-t'il.
- Absolument pas, non ! objecta Hermione en secouant la tête."
Drago recommença son manège et fit claquer la porte du frigo, puis un tiroir à couverts, et aurait probablement continué à fracasser d'autres portes si Hermione ne lui avait pas jeté sa serviette mouillée à la tête pour l'immobiliser. Interdit, il souleva le linge humide du bout de doigts et lui jeta un regard outré.
"T'as fini, c'est bon ? râla Hermione en récupérant sa serviette d'un geste brusque.
- Oui, c'est bon, on peut démarrer cette dispute, je suis suffisamment échauffé. Tu veux commencer, peut-être ? proposa Drago en arquant un sourcil.
- Je ne voulais même pas me disputer ! C'est toi, tu... Argh ! T'es tellement... Tellement, agaçant ! pesta Hermione en pointant un index accusateur dans sa direction."
Drago se contenta d'un petit rictus, et croisa les bras contre sa poitrine sans dire un mot de plus.
"Ce que je voulais dire, c'est... commença Hermione, avant de s'interrompre pour sa racler la gorge. Je ne suis pas ravie de toute cette agitation, ok ? Ça ne plait pas plus qu'à toi que mon appartement ait explosé, qu'on soit interrogés par une sorte de super détective américain et que tout une équipe d'aurors me colle aux fesses. Mais il n'y a rien que je puisse faire, tout ça, c'est... incontrôlable. Alors... Si tu pouvais ne pas en rajouter, et te contenter de suivre le mouvement, puisque de toute façon il n'y a rien d'autre qu'on puisse faire pour le moment..."
Hermione baissa les yeux, soudain très intéressée par ses propres mains.
"Je... reprit-elle. J'ai besoin que tu sois avec moi, sur ce coup là."
Elle aurait probablement continué à étudier ses mains avec attention si les bras de Drago ne s'étaient pas brutalement refermés autour d'elle, l'attirant dans une étreinte ferme. Pressée contre lui, elle se figea un instant avant de laisser son front s'appuyer contre son torse. Elle soupira, et sentit les bras du blond la serrer un peu plus fort.
"Est-ce que ça va, Hermione ? demanda-t'il, le menton en appui sur le sommet de son crâne."
Elle soupira de nouveau, incapable de trouver une réponse adéquate à cette question pourtant simple.
"Écoute... Je ne suis pas fait pour laisser les choses se passer sans que je n'aie de prise dessus. Et toi non plus. C'est pas exactement dans notre nature de subir. Enfin... Ça a été dans la mienne, à une époque. Mais c'est hors de questions que ça se reproduise, au vu des résultats pour le moins... désastreux. Je veux bien essayer de faire un effort, si c'est ce que tu veux vraiment. Mais... Enfin, on sait tous les deux que ces aurors que Potter t'a affecté ne vont servir à rien, et qu'ils vont juste constituer un obstacle de plus dans notre quotidien."
Hermione redressa la tête pour le dévisager, sans pour autant se dégager totalement de son étreinte. Plus de rictus, plus de sourcil arqué, juste un air diablement sérieux.
"Tu crois que personne n'essaye de me tuer ? demanda Hermione d'une petite voix aiguë, pas sûre de comprendre ce qu'il était en train de dire.
- Oh, si, je crois que quelqu'un essaye définitivement de te faire du mal. Mais on a pas besoin de Potter pour assurer ta sécurité. On a pas été vigilants, maintenant on est prévenus... Et Lupin ne s'approchera plus de toi."
Hermione recula brusquement, attrapant fermement les bras de Drago pour les détacher de sa taille. Elle maintint sa prise autour de ses avant-bras, interloquée.
"Lupin ? C'est pas vrai, Drago... Me dis pas que t'es encore persuadé qu'il a quelque chose à voir avec tout ça !
- Même le yankee le soupçonne, Hermione ! Même POTTER a des doutes, il l'a dit dans cette lettre que tu m'as donnée... Y a plus que toi pour croire à son innocence. En plus... Une bombe fabriquée à partir de matériaux moldus modifiés ? Lupin ne travaillait pas au département de régulation des armes moldues avant d'être élu député ?"
Hermione ouvrit la bouche pour répondre, la referma aussitôt, et battit des cils, prise de vertiges.
"Il a un mobile, les moyens de le faire, et il te déteste suffisamment pour avoir failli t'attaquer l'autre soir, insista Drago."
Hermione chancela, incapable d'admettre qu'il n'avait pas totalement tort dans ses hypothèses. Elle passa une main sur son front moite, et commença à reculer en trébuchant jusqu'à ce que son dos heurte le mur de la cuisine de Blaise. Drago l'accompagna bon gré mal gré, ses bras toujours prisonniers des mains crispées de la jeune femme. Elle finit par cesser de vouloir lui échapper, mais n'admit pas pour autant qu'elle comprenait ce qu'il était en train de lui dire.
"Les aurors vont arriver rapidement aux mêmes conclusions que moi, même s'ils n'ont pas tous les éléments. Potter connait le passé de Lupin, je suis prêt à parier qu'il a déjà des doutes, ajouta le blond.
- Drago... stop, bafouilla Hermione.
- Mais...
- STOP ! hurla la jeune femme en relevant le menton pour le foudroyer du regard. J'ai compris, d'accord ? Tu peux me le dire de mille façons différentes, ça n'en restera pas moins totalement inadmissible pour moi ! Je ne peux pas croire qu'il fasse une chose pareille !"
Drago soupira, exaspéré par son air obstiné.
"Très bien, reste dans le déni si c'est plus confortable pour toi !
- Confortable ? répéta Hermione. CONFORTABLE ? Je ne suis pas dans une situation particulièrement confortable non, loin de là ! Pourquoi tu as besoin de... de pousser autant, d'insister comme ça ? Qu'est-ce que tu veux ? Qu'est-ce que je dois faire pour que tu arrêtes de me harceler ?"
Surpris par le volume sonore et les tremblements dans la voix de la Gryffondor, Drago fronça les sourcils, et ne répondit pas avant d'avoir pris quelques secondes pour se calmer. Visiblement, elle était à deux doigts de lui jeter un sort qui l'enverrait sans nul doute voler à travers l'appartement.
"Hermione."
Il se concentra pour adopter l'attitude de l'apaisement, avec un sourire qui se voulait rassurant et compréhensif. Hélas, comme l'empathie n'était pas le fort de Drago Malefoy, encore moins lorsqu'elle impliquait de comprendre les émotions horripilantes et la fidélité de Granger à son ancien leader psychotique, ce ne fut pas une réussite. Elle le dévisagea avec la bouche à demi-ouverte, inquiète.
"Je te harcèle pas, reprit-il. Je veux juste que tu sois en sécurité, et que tu ne te mettes pas davantage en danger tant que... le danger est toujours là, dehors, expliqua-t'il d'un ton le plus calme possible. Hermione. Sois raisonnable. Tu sais que j'ai raison.
- N'utilise pas cet air paternaliste avec moi ! s'écria Hermione. J'en ai MARRE que tu décides de tout, de ce que je dois dire ou faire ou penser. J'en ai MARRE que tu prennes des décisions à ma place. Je croyais qu'on était d'accord pour ne pas jeter Rémus en pâture à la presse, et tu l'as fait quand même !
- Je n'ai rien dit à la presse, objecta Drago avec un air innocent.
- Mais tu sais que les aurors vont les mener directement à lui, ce qui revient au même ! hurla Hermione, hors d'elle."
La jeune femme sembla soudain réaliser qu'elle tenait toujours fermement les avant-bras de Drago, et qu'il était par conséquent beaucoup trop proche d'elle. En plus, ça n'envoyait pas exactement le bon message, à savoir qu'elle était furieuse contre lui, sans pour autant avoir quelque chose de tangible à lui reprocher à part ses petits arrangements avec la vérité. La situation était compliquée. Elle se sentait confuse, en colère, affolée et perdue.
Alors elle le relâcha avec précipitation, et tenta de reculer à nouveau.
"Il y a un mur derrière toi, nota Drago en levant les bras en l'air, comme s'il s'adressait à une demeurée.'
Hermione émit un bruit à mi-chemin entre un miaulement et une exclamation de fureur, et posa ses deux paumes à plat contre son torse pour le forcer à reculer.
"Qu'est-ce que tu fais, enfin ? l'interrogea le blond sans bouger d'un centimètre.
- Mais... Mais... TU VAS ARRÊTER ? hurla soudain Hermione.
- Arrêter quoi ?
- Mais... ça ! expliqua Hermione en décrivant des cercles flous avec ses bras."
Cette fois, elle n'était plus la seule à se sentir perdue ; Drago fronçait les sourcils, et n'avait pas l'air sûr de l'attitude à adopter.
"Laisse-moi respirer ! Laissez-moi tous respirer ! JE N'EN PEUX PLUS ! s'écria Hermione en le contournant pour foncer droit sur la porte de la cuisine, qu'elle projeta contre le mur avant de s'élancer dans le couloir.
- Hermione ! l'appela le blond, sur ses talons.
- LAISSE MOI TRANQUILLE ! JE DOIS PRENDRE L'AIR ! Il me faut de l'air, de l'air frais, du silence, personne, juste moi ! Ne me dis pas ce que je dois faire ! Je peux décider toute seule, et là, je décide que je sors !
- Tu ne peux pas sortir seule ! Granger, reviens ici !
- Heu... Mais il se passe quoi ? se renseigna Blaise lorsqu'ils traversèrent au pas de course le salon."
Granger passa en trombe, ses cheveux fous formant un halo autour de son visage rouge de colère, Drago sur ses talons. Les aurors s'empressèrent de se lever, mais Drago fut plus rapide : il doubla Hermione et lui bloqua le passage face à la porte d'entrée, résolu à faire barrage avec son corps s'il le fallait.
"POUSSE-TOI ! ordonna Hermione en lui assénant une claque fracassante contre le bras.
- Oulala... dit Blaise en se plaquant une main sur la bouche, outré.
- Tu ne peux pas sortir, c'est trop dangereux ! objecta Drago pour la centième fois en se frottant le bras. Encore moins dans cet état ! Il faut vraiment que tu te calmes.
- Miss Granger... tenta un des aurors en s'avançant.
- JE ME CALME SI JE VEUX ! Tu me dis pas ce que je dois faire ! cria Hermione en le frappant à nouveau, avant de se retourner pour jeter un regard noir à l'auror. ET VOUS NON PLUS, VOUS NE ME DONNEZ PAS D'ORDRE ! C'est compris ?!
- Miss Granger, je crois vraiment que vous devriez respirer, vous faites sûrement une petite crise de panique, lui expliqua l'auror d'une voix calme. Ce n'est pas grave, ça va passer, mais il faut que vous respiriez. L'état de choc post-traumatique...
- Vous voulez pas vous asseoir ? lui suggéra un deuxième auror en s'approchant avec une chaise, sous le regard alarmé de Drago."
Il échangea un rapide coup d'œil avec Blaise, qui grimaçait. Et la suite ne fit que confirmer leurs suspicions.
"VOUS SAVEZ OU VOUS POUVEZ VOUS LA METTRE, CETTE CHAISE ? hurla Hermione en s'approchant dangereusement de lui."
Drago écarquilla les yeux et se rua en avant pour arracher la chaise des mains de l'auror avant qu'un nouveau drame n'ait lieu. Puis il la tendit à Blaise, qui s'empressa de la ranger, tandis qu'Hermione jetait des regards assassins à tout le monde. Elle tremblait de la tête aux pieds, elle était extrêmement pâle, mais elle gardait les poings serrés contre son corps, campée sur ses positions.
"Laissez-moi sortir ! asséna-t-elle d'une voix sourde.
- GRANGER, ÇA SUFFIT ! beugla soudain Drago, prenant tout le monde au dépourvu."
Hermione plissa ses paupières dans sa direction. Il ne baissa pas les yeux, et lui rendit son regard furieux sans flancher. Ils se jaugèrent ainsi pendant une longue minute, où seule la respiration hiératique d'Hermione se faisait entendre. Puis, comme si un signal imperceptible l'y avait autorisé, Drago s'avança vers elle d'un pas décidé et la serra contre lui, enfouissant d'autorité sa tête dans le creux de son épaule.
Ce serait mentir que d'affirmer que l'idée qu'elle le morde ou lui assène un coup de boule ne l'avait pas effleuré.
Mais elle n'en fit rien. Tendue comme un arc, elle se contenta de se tenir droite, et finit par fermer les yeux contre lui. Blaise tapota l'épaule de l'auror qui avait frôlé la mort par coup de chaise d'une main compatissante, et regarda le miracle opérer. La respiration d'Hermione se calma peu à peu, ses bras retombèrent le long de son corps, puis finirent par s'agripper au pull du blond.
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Après sa crise de nerf, Hermione avait fondu en larmes silencieusement, debout au centre du salon, dans les bras de Drago. Il l'avait accompagnée jusqu'à sa nouvelle chambre sans la lâcher, l'avait aidée à s'enfouir sous les couvertures, et s'était laissé entraîner avec elle sans opposer de résistance. Ils étaient restés collés l'un contre l'autre en silence pendant deux longues heures, et elle avait fini par s'endormir, épuisée.
"Drago ? chuchota Blaise en entrouvrant à peine la porte.
- Quoi ? répondit le blond sur le même ton.
- Potter est là. Les aurors l'ont prévenu de l'incident, tu le crois ça ? Ces petites fouines. Tu peux venir cinq minutes ? Sinon, je lui dis de repasser.
- J'arrive, marmonna Drago en essayant tant bien que mal de démêler son corps de celui d'Hermione sans la réveiller."
Elle grogna un peu dans son sommeil, mais finit par enrouler ses bras autour d'un coussin et ne sembla pas décidée à ouvrir les yeux dans l'immédiat.
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"Comment elle va ? demanda Harry sitôt qu'il avisa la chevelure blonde de Drago, qui avançait vers lui en se frottant le visage.
- Je ne sais pas, avoua Drago. Elle a un peu pété les plombs, mais elle a fini par s'endormir. Elle est à bout de nerfs. Le contre-coup de l'explosion, je suppose...
- On peut parler en privé ? demanda le survivant avec un ton qui ne ressemblait pas vraiment à une question."
Drago hocha la tête, et ils s'éloignèrent du groupe pour retourner dans la cuisine. Drago avisa la serviette mouillée d'Hermione sur le sol, et tressaillit légèrement. La situation lui avait totalement échappé. Ils s'invectivaient comme à leur habitude, parce que c'est ce qu'ils faisaient, et qu'ils communiquaient mieux lorsqu'ils ne se ménageaient pas. Ils se lançaient des piques, enchaînaient les sarcasmes et faisaient monter le volume sonore, mais cette fois tout avait basculé. Parce qu'il l'avait poussée à bout. Alors qu'elle lui avait explicitement demandé d'arrêter. Mais non... Il avait fallu qu'il continue, qu'il insiste, qu'il la mette sous pression pour prouver qu'il avait raison. Il avait voulu l'acculer et la pousser à se rallier à son avis, si persuadé qu'il était qu'il détenait la vérité. Et elle avait explosé en vol. A cause de lui, et de sa stupide manie de s'obstiner.
"C'est de ma faute, lâcha le blond, les traits crispés."
Harry le regarda sans dire un mot, déstabilisé.
"Elle est fragile en ce moment, et je n'ai pas vu que... J'ai trop insisté.
- Insisté à quel sujet ? demanda Harry, de plus en plus étonné de voir le blond faire son mea culpa sans que personne ne lui ait rien demandé.
- Lupin, souffla simplement Drago, en fixant l'auror en face de lui pour voir s'il avait suivi le même raisonnement que lui.
- Oh."
Visiblement, oui. Ils échangèrent un regard lourd de sens, et Harry finit par se passer une main dans ses cheveux déjà en bataille.
"Écoute, Malefoy... Elle va le défendre jusqu'à ce que le preuve de sa culpabilité soit sous ses yeux, et je ne peux pas la blâmer pour ça. J'aurais très certainement fait la même chose si je faisais un autre métier. Mais j'ai vu tellement de gens bien sous tous rapports commettre des atrocités, pendant que des gens qu'on condamnerait sans y regarder à deux fois étaient en fait innocents... Enfin, ce que je veux dire, c'est qu'Hermione est entière, et loyale, et qu'elle fait confiance aux gens qu'elle aime, même quand ils ont tort. Alors je te conseille de ne pas la brusquer, surtout en ce moment. Laisse-là espérer encore qu'il n'y soit pour rien. On n'a aucune preuve, tout est circonstanciel, et il n'a peut-être rien fait du tout. Même si, entre nous, je commence à en douter."
Drago hocha la tête, penaud. Il savait tout ça. Il connaissait le lien d'Hermione avec Lupin, et sa propension à s'ériger en défenseure des causes perdues. Mais il n'avait pas pu s'empêcher de la mettre sous pression.
"Je voulais juste qu'elle comprenne d'où venait le danger, qu'elle se méfie, et... commença-t-il à se justifier.
- Tu voulais la protéger, coupa Harry. Je comprends ça. Mais elle n'est pas prête à le voir, et elle est trop têtue pour l'admettre. Elle saura se défendre contre lui si l'occasion devait se présenter...
- Je n'en suis pas si sûr, lâcha Drago avant d'avoir eu le temps de réfléchir.
- Quoi ? tiqua Harry, qui flairait une information non divulguée."
Drago soupira, agacé par sa propre bévue.
"Je parle à l'auror Potter ou à Harry, le meilleur ami d'Hermione ?"
Le survivant croisa les bras contre sa poitrine, et haussa les épaules.
"Celui que tu veux que je sois. Tu peux me parler, Malefoy. On est pas exactement les meilleurs amis du monde, mais il est question d'Hermione, et je ferais tout pour elle."
Drago se retint de lui demander s'il était prêt à camoufler un meurtre avec eux, et se contenta de regarder le plafond pendant de longues secondes pour trouver une formulation idéale, qui ferait passer le fait qu'ils avaient caché des informations à l'auror Harmon.
"Est ce que Lupin a déjà... essayé de blesser Hermione ? Je veux dire... autrement qu'en la salissant dans la presse ou en essayant de l'humilier dans l'hémicycle ? insista Harry.
- Quand il s'est pointé chez elle pour la menacer... la deuxième fois, parce que la première, tu étais là aussi. Il... Je ne sais pas comment décrire ça, mais tout d'un coup, ses yeux ont changé de couleur. Il a fait un bruit bizarre... Genre feulement. Il était vraiment près d'elle. Et... Elle ne s'est pas du tout défendue. Elle n'a même pas reculé. C'était comme si elle était figée, et incapable de réagir. Je me suis interposé et il est redevenu normal aussitôt mais... Potter, elle a reconnu elle-même qu'elle a cru qu'il allait la mordre.
- Merlin... hoqueta Harry, blanc comme un linge. Mais pourquoi elle n'a rien dit ? Pourquoi j'entends parler de ça seulement maintenant ? C'est extrêmement sérieux !"
Potter avait l'air furieux, et angoissé, et il le regardait comme s'il était coupable de quelque chose.
"Eh, c'est exactement parce que je sais que c'est grave et sérieux que j'ai autant insisté pour qu'elle comprenne, se défendit Drago.
- Tu sais que c'est un loup-garou, pas vrai ? l'interrogea Harry comme s'il parlait à un enfant.
- Ah ? Ça m'avait échappé. C'est que j'y connais rien en loup-garous moi, j'ai seulement été forcé de cohabiter avec Greyback au Manoir pendant des mois, cingla Drago, incapable de se retenir. Il n'a pas du assez me terroriser et me raconter ses meurtres pour que tout s'imprime bien dans ma mémoire. Je t'en prie Potter, fais moi profiter de ta grande expérience."
Le survivant se décomposa, et secoua la tête. Il ne dit rien pendant un moment, puis s'avança vers Drago pour lui tapoter maladroitement l'épaule.
"Désolé. Je suis inquiet pour elle, c'est tout. Je vais... Communiquer ces informations à Harmon. C'est lui qui est en charge. Et c'est sa décision, pour les aurors... Pas la mienne. Non pas que j'en aurais pris une différente, parce que je suis convaincu qu'Hermione a besoin d'être protégée.
- Par quatre aurors ? grimaça Drago.
- Par quatre aurors, confirma Harry. Et vous tous. J'espère que t'es pas trop rouillé et que tu sais encore te battre.
- Tu veux qu'on vérifie ça tout de suite ?
- Pas de bagarre dans ma cuisine, je vous prie, les interrompit Blaise en entrant dans la pièce."
Hermione entra derrière lui, les yeux rouges et le visage un peu bouffi, avec un air parfaitement coupable. Elle regarda d'abord Drago, qui dû prendre sur lui pour ne pas se précipiter vers elle et la serrer contre lui, puis elle posa les yeux sur Harry, et sa lèvre inférieure se mit à trembler. Elle enfonça ses mains dans les manches de son pull et tira dessus, mal à l'aise.
"Oh, Mione... commença Harry.
- Ça va, le coupa-t'elle. Je viens de m'excuser auprès de ton équipe. Je sais pas ce qui m'a pris, j'ai... paniqué ? Je m'excuse auprès de vous aussi. Je suis désolée.
- Elle s'est même excusée auprès de la chaise, ajouta Blaise en lui coulant un regard en coin."
La Gryffondor leva les yeux au ciel, reconnaissante qu'il essaye de dédramatiser la situation, mais toujours aussi mal à l'aise. Affligée par l'explosion qui l'avait traversée et encore secouée, Hermione ne savait plus quelle attitude adopter. Elle était mortifiée et incrédule, comme si elle observait à présent la scène de l'extérieur, se voyant débiter des propos incohérents avec une véhémence qui frôlait la folie. Paradoxalement, dans le flot qui avait franchi la barrière de ses lèvres se trouvait un fond de vérité. Elle était mal à l'aise et prisonnière d'une situation qui lui échappait. Elle était terrifiée. Et, si avoir déversé tout son mal être de manière fort inconvéniente l'avait libérée d'un poids, ça n'avait rien changé, au fond.
Elle était toujours acculée, et encore plus inapte qu'auparavant à régler ses problèmes, puisqu'elle était honteuse et épuisée. Et les trois garçons qui la dévisageaient avec inquiétude n'arrangeaient rien. Ils l'observaient sans en avoir l'air, comme s'ils craignaient qu'elle n'explose à nouveau ou se brise en mille morceaux sous leurs yeux. Et ça, ce n'était pas Hermione Granger. Rien de tout ça ne lui ressemblait. Elle n'était pas de ces personnes qui s'effondrent et projettent leurs émotions sur les autres. Elle était rationnelle. Pragmatique. Organisée. Juste.
Elle redressa un peu la tête, et tomba tout droit dans le regard acier de Drago. Les lèvres du blond tressautèrent doucement dans un semblant de sourire. Elle se pinça les lèvres en ouvrant de grands yeux, un peu rassurée qu'il ne lui en veuille pas de l'avoir insulté, frappé, puis obligé à se coucher tout habillé avec elle pendant qu'elle noyait sa chemise de luxe sous un flot de larmes et de morve.
Elle avait à la fois besoin de Drago, et envie de le cogner de toutes ses forces lorsqu'il l'épaulait.
"Je vais mieux. Ça va aller, souffla-t-elle plus pour lui que pour Harry et Blaise."
Il hocha la tête. Elle lui sourit un peu plus franchement. Il secoua la tête de gauche à droite avec un petit rire étouffé.
Harry Potter fronça nettement les sourcils, observateur exclu malgré lui de cet échange incompréhensible et silencieux. Blaise le fit sursauter en lui envoyant un coup de coude vicieux, et lui lança un clin d'œil cryptique qui ajouta à sa perplexité.
"C'était... Hmm. Hermione, je suis content que tu ailles mieux. Juste... Une attaque de panique, ça n'a rien de surprenant vu ce que tu viens de subir. Aucune chance que tu m'écoutes, je le sais, mais je vais le dire quand même ; il faut que tu te ménages, et que tu te reposes un peu, dit Harry.
- Elle va se reposer, oui, confirma Drago."
Et avant qu'Hermione ne puisse objecter - parce qu'il était évident qu'elle avait suffisamment repris ses esprits pour le faire -, il reprit :
"Ce n'est pas un ordre. Ni un ultimatum. Je n'essaye pas de te mener à la baguette ou de t'empêcher de prendre tes propres décisions. C'est un conseil, parce que j'ai besoin de toi en forme. Tout le groupe en a besoin. Si tu insistes pour reprendre le travail, vas-y, et je serai là. Mais je pense que tu devrais prendre un peu de recul, un jour ou deux."
Hermione cligna des yeux une fois. Puis une seconde. Harry jeta un regard stupéfait à Drago, qui s'était appuyé contre le mur avec une nonchalance calculée. Aussi bizarre que ça puisse paraître, le blond avait des remords, et semblait décidé à jouer les diplomates empathiques. Pour des yeux non habitués, c'était un choc. Et Harry Potter en fut déstabilisé. Il étudia le visage inexpressif d'Hermione, le sourire en coin de Blaise qui étudiait avec attention la pointe de ses chaussures, et il se reconcentra sur Malefoy.
Malefoy qui attendait calmement qu'une réponse arrive, bras croisés. L'insupportable gamin arrogant de Poudlard semblait s'être dissout dans un individu réellement concerné par le bien-être des autres. Pas de n'importe quels autres, en réalité. Celui d'Hermione. Qui continuait à le fixer sans prononcer le moindre son. Et, malgré une apparence sereine et l'habituelle assurance que tout allait fonctionner exactement comme il le voulait, parce qu'après tout il était l'héritier de la dynastie des Malefoy, et que c'était toujours dans son sens que les choses allaient, en l'étudiant attentivement, on pouvait déceler une certaine inquiétude.
Harry Potter se demanda un instant comment les rapports entre sa meilleure amie et le Serpentard maléfique avaient pu évoluer au point qu'il apparaisse incertain. Friable. Juste parce qu'il venait de lui faire une offre somme toute parfaitement raisonnable.
"Bien, finit par dire Hermione simplement."
La nuque de Malefoy s'agita légèrement, traduisant un mélange de soulagement et d'appréhension.
"Bien ? répéta Harry, juste pour être sûr."
Hermione brisa enfin la connexion entre elle et Drago pour pivoter vers Harry, comme si elle venait juste de remarquer que par une sorte d'apparition incongrue, quelqu'un d'autre qu'eux deux se trouvait dans la pièce.
"Bien, affirma-t-elle. Je veux bien prendre quelques jours de repos."
Drago soupira imperceptiblement, semblant se souvenir tout d'un coup qu'il devait continuer à respirer dans l'idée d'assurer sa survie.
"Mes dossiers sont tous à jours, mes projets de lois sont prêts, j'ai juste quelques rendez-vous à reporter, précisa-t-elle. Je suppose que je peux effectivement rester au calme.
- Tu pourrais rejoindre Pansy à Cuba, suggéra Blaise.
- Ça ne poserait aucun problème pour ton équipe de sécurité, nota Harry."
De nouveau, les regards de Drago et Hermione se vissèrent l'un à l'autre, mais cette fois le Serpentard rompit le contact dans un mouvement brusque qui faillit lui sectionner une vertèbre.
"C'est une bonne idée, dit-il avec la tête de quelqu'un qui pense exactement l'inverse. Je peux parfaitement gérer le groupe avec Blaise pendant quelques jours, de toute façon avec l'enquête en cours je ne pense pas qu'on puisse exactement suivre l'agenda politique.
- Harmon a prévu de venir vous interroger après-demain, les averti Harry.
- On fera une conférence de presse dans la foulée, décréta Blaise. Il va falloir contrôler le récit. Et calmer les esprits.
- Je vais préparer mes affaires et appeler Pansy, souffla Hermione en quittant la pièce aussitôt."
.
Hermione enfouit un chemisier dans son sac de voyage d'un geste brusque. Son geste fut tellement vigoureux qu'un pan de tissu se coinça dans la fermeture éclair et se déchira. Agacée, elle se passa une main dans les cheveux et respira un grand coup. Elle répara le vêtement d'un coup de baguette, et se laissa tomber sur le lit, fixant son regard sur le plafond.
Ce n'était certainement pas le moment de partir en vrille. Ce temps là était passé, et derrière elle. Elle soupira pour évacuer sa frustration, sans succès. Tout était allé de travers. Elle enfouit son visage dans ses mains, et sentit s'y propager la chaleur de son teint rouge de honte. Elle avait hurlé, pleuré, reniflé, s'était débattue, avait menacé d'attenter à la vie de quelqu'un avec une chaise - une chaise - et tout ça sous le regard d'une équipe d'aurors assermentés, qui avaient trouvé la scène tellement affolante qu'ils avaient jugé utile d'avertir sur le champ Harry Potter. Qui avait accouru, évidemment, pour en rajouter à son humiliation.
Mais le pire, le pire, c'était Drago. Qui avait été son horripilante personne habituelle, sauf que cette fois, elle n'avait pas été en mesure d'être aussi horripilante que lui, et elle s'était... déchaînée. Voilà. C'était le terme approprié. Ce genre de tornade émotionnelle ne lui était pas familière. En réalité, c'était arrivé seulement deux fois ; une première crise avait eu lieu lors de sa septième année à Poudlard, juste avant les résultats des ASPIC, parce qu'elle était persuadée d'avoir tout raté et envisageait très sérieusement de disparaître dans la forêt interdite pour une durée indéterminée ; la seconde fois avait eu lieu lorsqu'elle avait cru que Voldemort avait vraiment tué l'invincible Harry.
Étrangement, elle ne se sentait pas soulagée ou libérée après avoir basculé dans sa spirale infernale et en être sortie indemne. Ce n'était pas simplement la honte qui l'assaillait à intervalles réguliers et lui donnait envie de se frapper la tête contre le mur jusqu'à ce que mort s'en suive. Non, c'était le regard de Drago. L'inquiétude, la colère, la frustration qu'elle avait lu dans ses yeux et surtout son air perdu, comme s'il était incapable de comprendre ce qui était en train de se passer sous ses yeux. Elle avait agi de façon si irrationnelle et dérangée que même Drago Malefoy avait perdu ses moyens. Lui qui était le neveu de la sorcière la plus cinglée de toute l'histoire de la sorcellerie.
Et, pour couronner le tout, elle ne comprenait même pas ce qui lui avait pris. Bien sûr qu'elle était stressée, et probablement un peu en état de choc, voire inquiète par un potentiel futur séjour à Azkaban. Mais ce n'était qu'un état de fait permanent. Ce qui avait déclenché sa crise, c'était indubitablement Drago. Et elle n'arrivait pas à comprendre pourquoi, cette fois, à ce moment précis, parmi toutes les disputes et les conflits, c'était devenu trop pour elle. Elle avait essayé de se révolter contre lui, alors qu'elle savait pertinemment qu'il n'avait rien fait de strictement intolérable.
Si elle avait voulu le faire fuir et le rejeter définitivement, elle ne s'y serait pas prise autrement. Un râle désespéré parvint à franchir la barrière de ses lèvres, et elle roula sur le côté pour enfouir sa tête dans un oreiller et hurler dedans toute sa frustration.
"Euh... Je peux repasser plus tard, si tu veux... résonna la voix de Drago."
Hermione se figea, se redressa en position assise et rejeta le coussin. Elle le regarda glisser au sol, mortifiée. Elle seule savait comment ajouter de l'humiliation à l'humiliation. Peut-être qu'elle pouvait s'accrocher au lustre et se balancer en poussant des cris de Tarzan pour continuer à l'impressionner avec toute sa démence, à ce stade.
Mais il se contenta d'entrer et de refermer la porte derrière lui, prenant son absence de réponse pour une invitation. Puis il s'avança vers le lit doucement, et s'assit sur un bord, sans la regarder.
"Je suis désolé.
- Je suis désolée."
Ils avaient parlé en même temps, et haussèrent les sourcils avec une exacte synchronicité.
"Pourquoi tu serais désolé ? finit par demander Hermione.
- Parce que je suis un insupportable tyran qui veut tout contrôler, toi y compris, et que je suis allé trop loin ? tenta le blond en coulant un regard en coin vers la Gryffondor.
- Oh, dit-elle."
Il se contenta d'un petit rire désabusé.
"Oh, confirma-t-il.
- Je sais que tu avais raison. Pour Lupin. Mais je n'ai pas du tout envie d'en parler."
Drago fut tellement étonné par son affirmation qu'il en abandonna son masque de calme indifférence, et la regarda intensément. Assise en tailleur à seulement un petit mètre de lui, elle regardait fixement ses mains croisées. Son teint était plus pâle que d'habitude, elle avait les yeux gonflés et des mèches de cheveux rendues rigides par le sel de ses larmes étaient collés sur son front. Pourtant, elle n'avait pas l'air fragile comme auparavant. Elle semblait résolue. Sans sa lèvre qui tremblait légèrement, on aurait dit qu'elle s'apprêtait à livrer une bataille sanglante.
"Je ne te forcerai plus à en parler, dit-il."
Il amorça un geste pour poser une main sur sa cuisse, mais s'arrêta à mi-parcours. C'était bien la première fois qu'il se trouvait sur un lit avec une femme sans savoir quoi faire de ses mains. Elle leva enfin les yeux vers lui, et avisa sa main posée à quelques centimètres d'elle, sur les draps. Sa petite main couvrit celle du blond et ils enroulèrent aussitôt leurs doigts ensemble. C'était un geste à la fois anodin et intime. Et Hermione sentit une chaleur réconfortante engourdir tout son être.
Bon, ce qui devait arriver arriva, Hermione a craqué !
Merci pour vos retours sur le chapitre précédent, je suis soulagée que ça vous ai plu. A très vite :)
