Chapter 30 - Tournant crucial
Hermione appréhendait autant qu'elle attendait que Drago la rejoigne dans sa chambre, ce soir-là. Il était près d'une heure du matin, elle était plongée dans un demi-sommeil agité, et se demandait ce qu'il était en train de fabriquer. Elle n'aurait sans doute pas dû lui laisser le champ libre pour manigancer Merlin savait quelle combine de son invention - qui plus est en présence de Nott.
Mais elle était submergée.
Tout ce qu'il lui avait révélé faisait sens, en particulier pour quelqu'un comme Drago. Le fait qu'il soit plus doux avec elle qu'avec le reste du monde ne changeait rien au fait qu'il restait calculateur, sournois, et ambitieux. Il ne s'était jamais débarrassé de son sentiment de supériorité. S'il estimait qu'il valait plus que n'importe qui, il allait s'assurer que sa position dans la société en soit le reflet. C'était aussi simple que ça. Du pur Drago.
Elle se sentait stupide de ne pas avoir perçu plus tôt sa volonté de faire cavalier seul vis à vis du ministère, et des instances en place en général. Bien sûr qu'il n'avait pas fait campagne pour le simple plaisir de faire la Une des journaux et de parader en costume. Il était superficiel d'une certaine façon, mais pas à ce point. Il avait une idée derrière la tête, depuis le début, et Nott était dans la confidence. Probablement Blaise également. Quant à Pansy... Il était difficile de savoir quel était son rôle là-dedans.
La question soulevée par ces révélations était la place d'Hermione dans ce stratagème. Jusqu'à quel point lui faisait-il confiance pour l'inclure dans ses plans ? Est-ce qu'il s'était rapproché d'elle, jusqu'à pénétrer son âme - et son lit - pour mieux l'utiliser, s'assurer qu'elle soit docile, la garder sous contrôle ? Peut-être qu'il la manipulait. Elle se mordit l'intérieur des joues. Ça ne lui semblait pas très plausible, même un as du mensonge ne pouvait pas simuler leur complicité et la loyauté dont il faisait preuve envers elle.
Hermione se retourna dans un grognement anxieux, et fixa la porte de la chambre. Toujours close. S'il se décidait à venir la rejoindre, elle ne savait plus si elle devait lui jeter un sort ou se pousser pour lui faire une place sur le matelas.
Ce n'était plus un état de confusion, ce n'étaient plus de simples questions sur leur relation ou sur sa carrière. Ça allait bien au-delà.
Elle se disait qu'elle devrait avoir peur de lui, peut-être. Peur de ce dont il était capable. Pour la première fois, elle repensa aux gens qui étaient peut-être morts de sa main. Qui avaient souffert à cause de lui, plus ou moins directement. À la magie sombre qu'il maîtrisait. À son autorité naturelle, sa présence froide, la puissance de ses pouvoirs et de son argent. Tout ce qu'elle avait toujours su, mais choisi d'ignorer.
Parce qu'il était aussi autre chose que tout ça. Il était brillant, cultivé, solide, il n'hésitait pas à la challenger et à la pousser dans ses retranchements quand tout le monde se pliait à sa volonté. Il la contredisait quand elle avait tort et il la faisait rire, même dans les pires situations. Il était sarcastique et imprévisible, capable de déplacer des montagnes quand quelque chose lui tenait à cœur. Il ne pliait pas, et quand on lui résistait, il inventait de nouvelles voies. Il y avait une réelle profondeur en lui et, il était trop tard pour s'en inquiéter, parce qu'il l'attirait plus qu'il n'était possible de le concevoir. Elle se sentait vivante, et exaltée, et puissante à ses côtés. Tout devenait possible. Et pour toutes ces raisons, elle avait envie d'être avec lui.
Assommée de remises en question existentielle, elle finit par sombrer dans un sommeil lourd.
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Lorsqu'elle rouvrit les yeux, il faisait toujours nuit, et Drago était allongé à côté d'elle, la tête enfouie dans l'oreiller. Il devait dormir profondément, parce que tous ses traits étaient détendus. Il ne se ressemblait plus tellement sans son regard glacial, son expression hautaine et le pli qui apparaissait entre ses deux yeux lorsqu'il arquait un sourcil ou délivrait son rictus habituel. En fait, il se ressemblait, mais pas à sa personne publique. Il avait presque l'air d'un enfant, avec ses mèches de cheveux blonds qui tombaient en ordre dispersé sur son front.
Il n'avait pas l'air dangereux du tout. Il avait même l'air angélique. Au point où elle se trouva idiote d'avoir douté de lui.
Hermione se tourna le plus lentement possible vers lui, et leva la main. Elle la tendit vers lui sans trop savoir ce qu'elle comptait faire, et finit par poser doucement ses doigts le long de sa mâchoire.
Aussitôt, il ouvrit les yeux, mais n'amorça pas le moindre mouvement.
"Désolée de t'avoir réveillé, chuchota Hermione sans retirer sa main de son visage.
- J'espère que tu avais une bonne raison de le faire, murmura Drago avec une étincelle dans ses yeux encore imbibés de sommeil.
- Pas vraiment, avoua Hermione. Je... Rendors-toi."
Elle voulut retirer sa main, mais dans un réflexe bien vif pour quelqu'un qui venait tout juste de se réveiller, il la rattrapa.
"Parle-moi, ordonna-t-il.
- On est en pleine nuit... On parlera demain, rétorqua Hermione."
Il bascula et les fit rouler ensemble sur le matelas, jusqu'à ce qu'il se retrouve allongé sur elle, et l'observa.
"T'as l'air inquiète, dit-il.
- Je le suis, confirma Hermione d'une voix étouffée.
- Et bien tu ne devrais pas. Je ne vais pas te quitter d'une semelle."
Hermione déglutit avec difficulté.
"Oh, je vois..."
Drago prit appui sur ses avant bras, et plissa les yeux.
"C'est moi qui t'inquiète. Pas les bombes et les groupes terroristes."
Ça ne ressemblait pas du tout à une question, aussi Hermione choisit de ne pas répondre.
"Granger, au cas où je n'étais pas assez clair tout à l'heure... Tu es plus importante pour moi que n'importe lequel de nos collègues. Pas seulement pour le destin des Non-alignés. Je ne ferai jamais rien qui puisse te mettre en danger.
- J'ai l'impression que... Je me sens... Utilisée ?"
Il soupira, et bascula en arrière pour s'allonger sur le dos, à côté d'elle. Ils restèrent si longtemps dans un silence épais qu'Hermione crut bien qu'elle allait fondre en larmes. Elle se sentait stupide. Stupide de quémander des explications, stupide de ne pas lire son jeu, stupide de le laisser la toucher, et encore plus stupide de regretter qu'il ne la touche plus à cet instant.
"Ok, allons-y... commença-t'il d'une voix rauque."
Elle cessa de respirer.
"Utilisée ? Tu l'es, confirma-t-il à la surprise générale. Je compte bien utiliser tes idées, ton courage et tout ce que tu représentes pour transformer le monde. C'est ce que tu voulais, toi aussi. Tu m'as utilisé, d'une certaine façon, exactement de la même manière. T'allier publiquement à des parias, travailler main dans la main et donner une seconde chance à des gens condamnés par la société, ça sert parfaitement tous tes discours de tolérance et de pardon, c'était l'opportunité parfaite d'illustrer ta vision du monde. Rejoindre un groupe mené par des héritiers fortunés, avec autant de ressources à ta disposition sans avoir jamais à demander de permission, sans jamais t'inquiéter des budgets, travailler dans un bureau avec des moulures au plafond... Tu sais très bien que pour faire changer les choses, tu as besoin de cette puissance financière. De ma puissance financière. Et tu as utilisé l'ascendant que tu avais sur moi pour organiser le groupe à ta convenance, tout en gardant ton autonomie. J'ai cédé à chaque fois que tu as demandé quelque chose, pas vrai ? Si j'ai l'honnêteté de reconnaître que je suis opportuniste, tu peux le faire aussi."
Le coup était dur à encaisser. Et la seule façon qu'elle avait de s'en protéger, c'était de se mettre en colère contre lui. Alors elle se redressa sur un coude, et le regarda avec animosité.
"Non mais, quel toupet ! T'es en train de me dire que tu me manipules depuis le début pour m'inclure dans un complot dont j'ignore tout ! Et tu OSES, tu oses me reprocher de profiter de la situation ! Comment je peux t'utiliser alors que je ne sais rien de ce que tu planifies ?"
Drago émit un petit grognement amusé, et se retourna vers elle en s'appuyant sur un coude. Ils se faisaient face, séparés par un bon mètre, exactement dans la même position.
"Je te dis beaucoup plus que ce que j'avais prévu de te dire. Et il n'y a aucun complot !
- T'avais prévu de me laisser m'amuser avec mes petits projets de loi pendant que tu menais ton propre plan en parallèle, dans mon dos ? cracha Hermione.
- A peu près, oui. Mais il m'a fallu environ 48 heures pour comprendre que c'était impossible, compte tenu de ta manie de fourrer ton nez partout et de ta fichue intuition.
- Ah, donc tu vas me balancer quelques miettes d'information, et espérer que je tourne la tête de l'autre côté pour pas voir ce que tu es en train de faire ? Parce que je suis tellement égoïste et arriviste que tout ce qui m'importe, c'est d'avoir du pouvoir, quelle que soit la manière dont je l'obtiens ?"
Drago se redressa brusquement en position assise, et se plaqua les deux mains contre son visage. Puis il secoua la tête, et soupira.
"T'avais vraiment une bonne raison de me réveiller, visiblement, siffla-t-il en regardant droit devant lui.
- Tu devrais aller dormir ailleurs, rétorqua Hermione en lui jetant son oreiller dessus."
Estomaqué par son geste, Drago daigna tourner la tête vers elle avec un air courroucé.
"Très bien."
Il bondit hors du lit, et se retrouva dans le couloir en moins d'une seconde.
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Lorsque Hermione apparut dans la cuisine le lendemain matin, elle y trouva Blaise. Il leva les yeux de sa tasse de café et l'observa sans aucune expression.
"Il est parti ? demanda-t'elle simplement.
- Il y a un peu plus d'une heure, confirma Blaise.
- C'est ce que je pensais, maugréa Hermione en dépliant la Gazette du jour."
Un silence gêné s'installa. Elle ne savait pas comment se comporter, ni l'étendue exacte de ce que Blaise savait. Ni même ce qu'il faisait là, tout seul, à part attendre qu'elle se lève. Alors elle se contenta de chercher dans le journal des informations sur l'attentat de la veille. Visiblement, la presse ne connaissait toujours pas l'identité de la victime.
"C'est ce que tu voulais, non ? demanda Blaise d'un ton parfaitement neutre.
- Quoi donc ?
- Qu'il te laisse tranquille, répondit calmement le Serpentard.
- Il aurait fallu qu'il me laisse tranquille il y a des mois pour que tout aille bien, grinça Hermione sans lever les yeux de son journal.
- Tu penses pas ce que tu dis, la contredit Blaise, sûr de son fait.
- Ah bon ? questionna Hermione en abaissant la Gazette suffisamment pour pouvoir analyser l'expression de son collègue.
- T'es en colère. Tu réfléchis pas correctement. Mais il a besoin de toi, lâcha-t'il simplement.
- Pour quoi faire, exactement ? Parce que j'ai déjà camouflé un crime et brûlé un cadavre, participé à une évasion, assisté à un kidnapping, à la corruption de la presse... Tout ça depuis que je vous ai rejoins. C'est quoi, la suite du programme ?
- Tu avais le choix, la coupa Blaise. A chaque fois, tu avais le choix. Personne ne t'a forcé la main. Tu as décidé de rester et de participer. C'est un peu facile de blâmer les autres pour tes décisions personnelles. Ou alors, tu es peut-être faible et influençable, après tout. Si tu estimes que rien de tout ça n'est de ta faute, c'est nécessairement que Drago t'a forcé la main."
Hermione en lâcha son journal, et s'agrippa de toutes ses forces aux montants de la table pour ne pas étrangler Zabini.
"Je n'avais pas franchement l'impression d'avoir le choix, sur le moment, siffla-t'elle entre ses dents serrées.
- Tu l'avais. Tu aurais juste eu à dire non, à tourner les talons, et à rester dans les clous. Mais tu as fait toutes ces choses, que tu le veuilles ou non. Il voulait t'épargner, le soir de l'accident. Il ne voulait pas que tu assistes à ça. C'est toi qui t'es imposée et qui a pris les choses en main. Alors ne viens pas, aujourd'hui, te positionner comme une innocente victime qui s'insurge contre la barbarie. Ça t'est bien utile, que quelqu'un fasse le sale boulot à ta place de temps à autre. Tu veux pas te salir les mains avec des impardonnables, avec des pots de vin ou du chantage, par contre si tu profites des conséquences directes de tout ça... c'est hypocrite, non ?
- C'est... C'est pas... bafouilla Hermione, blanche comme un linge.
- Tu l'as forcé à s'impliquer. Il est attaché à toi, maintenant. Si tu veux tout arrêter et repartir d'où tu viens, fais le maintenant. Drago ne s'intéresse pas aux autres. Quand il le fait, ce n'est pas anodin. Ça vient avec des conséquences. Il faut que tu décides."
Hermione déglutit difficilement. Sa poitrine se compressait violemment, rendant sa respiration difficile, et le sang battait dans ses tempes. L'avertissement était limpide. Entre les propos de Drago la veille et ceux de Blaise à l'instant, elle avait beaucoup de remise en question en vue, peu de temps pour réfléchir, et un impératif de survie par-dessus le tout.
C'était beaucoup. Peut-être trop.
"Je ne peux rien décider comme ça, dans le vide, je suis au courant de rien, et je...
- Comment tu croyais que Drago avait récupéré tes photos volées ? Que l'espionne de l'allée des Embrumes avait parlé ? Que Dean Thomas avait arrêté ses charges outrancières contre toi ? C'est exactement comme hier. Tu es tombée sur Théo avec ta grande morale alors que tu l'as laissé lancer cet impardonnable, et tu as profité de son crime pour rentrer sans encombres. Tu n'aimes peut-être pas ça, parce que ça colle pas avec l'image que tu as de toi-même, ni avec ce que le public pense de toi, mais nos écarts de conduite t'arrangent bien. T'es aussi impitoyable que Drago, au fond. La différence, c'est que lui en a parfaitement conscience."
Sur ces mots, Blaise se leva, épousseta sa veste de costume, et ramassa son attaché-case. Qu'est-ce qu'ils avaient tous avec cette histoire de déni ? Comme si elle avait besoin de deux Serpentards pour lui expliquer qui elle était !
"On a une réunion de crise dans deux heures. Drago, Pansy, et moi. On parlera au reste du groupe plus tard. Tu as le choix, encore une fois. Tu peux ne pas venir. Mais si tu viens, ça voudra dire que tu es avec nous."
Il disparut dans un craquement, et Hermione s'affaissa contre la table, le souffle coupé.
Quel culot ! Il lui posait un ultimatum. Comme si ELLE était quelque part en tort. C'était le monde à l'envers.
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Elle resta dans un brouillard confus pendant près de trente minutes, complètement amorphe et incapable de réfléchir.
L'intervention de Blaise avait eu le mérite de la forcer à adopter une autre perspective. Cruelle et violente, mais il était allé à l'essentiel, sans détours ni faux semblants. Elle avait vite balayé son indignation. Parce qu'au fond d'elle, elle savait pertinemment qu'il avait raison. Harry lui avait déjà fait ces reproches là, quand elle prenait le partie de Maugrey pour conduire des raids violents, ou quand elle n'objectait aux explosions de fureur de Ron qu'après coup, quand le mal était fait. Sa passion pour les règles était incomparable avec le sentiment d'invincibilité qui allait avec la transgression. Elle le savait, Blaise le savait, Drago le savait. Elle avait passé des années à apprendre des règles et à les revendiquer pour mieux les contourner, à tel point qu'elle était incapable de dresser la liste des interdits bravés rien qu'au cours de sa scolarité.
C'était exactement la même chose avec les Serpentards. Drago avait eu raison la veille de la mettre face à ses contradictions. Elle aimait être avec eux. Elle aimait se sentir soutenue par des gens qui avaient moins de scrupules moraux qu'elle. Et c'était dangereux, d'une certaine façon, parce qu'il n'y avait plus de garde-fou pour l'empêcher d'aller trop loin, pour lui rappeler ce qui était bien ou mal.
Si la Hermione de 12 ans suivait les règles avec frénésie, elle avait vite laissé cette version d'elle-même en arrière, par nécessité. Maintenant, elle ne savait plus très bien qui elle était, ni où se situaient ses limites personnelles. Une profonde introspection était nécessaire. Seulement, elle n'avait pas le temps pour ça.
Plus qu'une heure avant la réunion.
Elle finit par se lever, et à faire les cent pas dans la cuisine. Son cerveau était pris en étau, complètement confus. Elle n'aimait pas avancer dans le noir, sans savoir comment elle s'inscrivait dans leur stratégie. Il allait falloir qu'elle comprenne, qu'ils lui expliquent, qu'elle pose ses propres interdits et qu'elle s'y tienne. Ce n'était pas juste. Rien de tout cela n'était juste. Ils n'avaient pas à lui crier dessus, ni à lui poser des ultimatum. Et si elle voulait être quelque part entre avec eux et contre eux ? Par exemple, avec eux en comprenant ce qu'ils fabriquaient ? Elle ne pouvait tout simplement pas faire machine arrière, claquer la porte, abandonner sa position, son groupe et, Zabini avait raison sur ce point, son pouvoir. Elle ne pouvait pas non plus baisser les bras et fermer les yeux sur ce qu'il se passait dans le bureau exécutif des Non-alignés. Ce n'était pas Granger de partir en cours de route sans aller jusqu'au bout des choses.
Seulement, avec Drago dans les parages, tout devenait encore plus compliqué. Dès qu'il entrait dans une pièce, elle était déstabilisée, happée vers lui, et maintenant qu'ils étaient entrés sur le terrain de l'intime, ça n'allait pas aller en s'arrangeant. Il n'existait qu'une solution à ça.
Elle pesa le pour et le contre jusqu'à la fin du compte à rebours.
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"Je suis là, annonça-t'elle en entrant dans la salle de réunion comme une tornade."
Elle fracassa une pile de dossier sur la table et évita le regard des trois autres avec minutie. Personne ne parla, mais Pansy lui pressa la main. Ce simple geste de soutien faillit lui faire monter les larmes aux yeux, mais elle les chassa rapidement. Elle sentait le regard pénétrant de Drago sur elle, et refusait de céder.
"Je veux voir les dossiers de tous les membres de l'équipe de sécurité. Je veux aussi voir le planning des opérations de communications prévues dans les quinze jours qui arrivent. Il me faut un briefing précis au sujet de la conférence de presse de ce soir. J'ai prévu de me rendre sur les lieux de l'explosion pour déposer une gerbe de fleurs dans l'après-midi. Pas de presse, c'est non négociable, récita-t'elle. Oh, et il faudra contacter Lupin pour lui faire part de nos condoléances. Il reste le leader des Progressistes, on ne peut pas y échapper. Il faut aussi qu'on se prépare, Harmon va débarquer demain et interroger tout le monde."
Elle déglutit, mais ne releva pas la tête de ses fiches, et serra légèrement les poings pour se donner du courage.
"Je n'ai pas encore décidé de ce que je comptais faire avec vous. J'ai besoin de temps. Mais maintenant, je suis là, et c'est la seule réponse que vous aurez."
Elle croisa les jambes sous la table, les décroisa, et attendit sans lever les yeux de ses dossiers. Elle ne savait pas à quoi s'attendre, mais cette absence de réaction était un scénario hautement angoissant. Surtout qu'elle sentit une légère agitation du côté de Drago, qui s'était tendu sur sa chaise.
"Très bien, ce serait fait, dit-il d'une voix enrouée.
- Très bien, répéta mécaniquement Hermione."
Le silence s'installa, jusqu'à ce que Pansy se mette à s'agiter sur sa chaise et fasse tomber un des dossiers d'Hermione.
"Oups, dit-elle."
Elle se pencha pour le ramasser, le tendit à Hermione, mais refusa de relâcher sa prise sur la liasse, ce qui força la Gryffondor à croiser son regard pour la première fois.
"Granger, ça ne va pas du tout, t'es complètement tendue, et ça me met mal à l'aise. Je pense qu'on devrait jouer cartes sur tables, maintenant, et profiter de ça pour crever l'abcès. Quoi qu'il soit en train de se passer, il faut en parler. N'est-ce pas, les garçons ?
- L'abcès a été crevé, Pans', fit Blaise.
- Deux fois, précisa Hermione."
Drago haussa un sourcil, et jeta un regard indéchiffrable à Blaise.
"On a plus que jamais besoin les uns des autres, insista Pansy. S'il y a des rancunes ou des tensions entre nous, on s'expose. Et... Avec l'auror américain dans le coin, c'est pas une bonne idée. Alors allons-y, on a qu'à faire un tour de table. Qui veut commencer ?"
Personne ne broncha, puis Drago leva les yeux au ciel.
"On est pas aux alcooliques anonymes, personne n'a besoin de s'épancher.
- Oh ça va, Lord Malefoy, cingla Pansy. Tu n'es pas obligé de sortir ton couplet de mâle viril. Je vais commencer. Je n'ai pas honte d'avoir des émotions, moi."
Pansy croisa ses mains devant elle sur la table, et se tourna à demi vers Hermione, qui maintenait avec difficulté un air impassible. Elle avait envie de partir en courant le plus loin possible.
"J'ai l'impression que vous avez fait quelque chose à Hermione, et je n'approuve pas. Elle est venue à cette réunion à reculons, vous l'avez mise sous pression, et vous pensiez tous les deux qu'elle n'allait pas venir... Sans le dire à voix haute. Sans me le dire à moi. Et j'aimerais comprendre pourquoi. Je vous rappelle qu'on lui est redevables, moi en particulier, et qu'on lui doit du respect.
- Personne n'a manqué de respect à Granger, râla Blaise.
- Ce n'est pas ton tour de parler, siffla Pansy."
Hermione cligna rapidement des yeux. Elle ne savait pas où se situait Pansy dans tout ça, et elle n'avait pas du tout anticipé qu'elle prenne sa défense comme ça. Surtout que... eh bien, elle non plus ne semblait pas au courant de grand chose, en définitive. En lisant entre les lignes, on pouvait facilement comprendre que ni Blaise ni Drago n'avait cru bon de lui rapporter leurs précédentes conversations avec elle. C'était même à se demander s'ils en avaient parlé entre eux.
"Hermione, est-ce que tu as le sentiment que quelqu'un autour de cette table t'a manqué de respect ? reprit Pansy.
- Et bien... hésita Hermione, peu encline à déclencher une guerre ouverte. Je ne sais pas si c'était irrespectueux, mais c'était blessant, et injuste.
- De t'accorder une importance capitale dans ce groupe ? De TOUT te dire à la seconde où tu l'as demandé ? coupa Drago, irrité.
- Je ne parlais pas de ça ! s'exclama Hermione en frappant du plat de la main sur la table."
Drago ne sursauta même pas, et plissa les yeux.
"De quoi tu parlais ?
- De me forcer la main pour faire des choix arbitraires, alors que je n'ai pas les informations nécessaires pour prendre une décision. Ni en ce qui te concerne, ni en ce qui concerne le groupe, répliqua Hermione en se levant d'un bond. Vous ne pouvez pas me menacer de m'exclure juste parce qu'on est en désaccord !
- Quoi ? coassa Drago, perplexe."
Il pivota vers Blaise, qui regardait en l'air. Pansy avait ouvert la bouche, sous le choc.
"Qu'est-ce que tu as fait, Zabini ? demanda posément le blond.
- Une intervention, répondit Blaise.
- Quel genre d'intervention ? intervint Pansy, qui jusque là s'était tue pour les observer, et essayer de comprendre l'hostilité ambiante.
- Je vais vous laisser régler vos problèmes de communication, j'ai du travail, décréta Hermione en ramassant ses dossiers.
- S'il-te-plait, reste."
Hermione serra ses documents contre elle, mais ne bougea plus. Drago ne lui donnait pas un ordre. Il lui demandait de ne pas quitter la pièce. Il lui demandait de ne pas prendre le large. Elle hésita, à mi chemin entre la porte et la table.
"Hermione, insista Pansy."
Si elle partait maintenant, elle n'aurait jamais le fin mot de cette histoire. Elle n'en saurait pas plus sur ce qu'ils préparaient - ou ne préparaient pas, ni sur l'implication de Pansy, ni sur ce qu'elle était supposée faire si elle conservait sa place chez les Non-alignés.
Et Drago avait vraiment l'air désemparé, et un peu blessé, ce qui sapait nettement sa volonté de sortir de la pièce.
"Granger, je suis allé trop loin ce matin, et j'ai dépassé les bornes. C'était pas mon rôle de te dire tout ça. Même si je pense que tu avais besoin de l'entendre, finit par lâcher Blaise, avec un soupir contrarié.
- Qu'est-ce que tu lui as dit, Zabini ? siffla Pansy, qui s'était levée aussi pour s'approcher d'Hermione.
- Oh, donc c'est moi le méchant de l'histoire maintenant ? D'habitude, c'est Drago, maugréa-t'il en faisant une moue.
- Je crois qu'on est ex-æquo, grogna Drago.
- On est pas à Poudlard ! lança Hermione. Zabini, tu peux pas persiffler et menacer et balancer tes pensées sans t'attendre à ce qu'il y ait des conséquences ! Et toi, Malefoy, tu peux pas m'utiliser et me manipuler pour que je facilite je ne sais quel plan de ton invention !"
Hermione écrasa sèchement le plat de sa main sur le bureau, faisant sursauter les trois autres. Pansy avait les yeux écarquillés, et l'air de quelqu'un qui a manqué trop d'épisodes pour comprendre l'intrigue qui se jouait sous ses yeux. Zabini avait l'air penaud, la bouche tordue dans une expression crispée. Et Drago se massait les tempes avec le talon de ses mains, réfléchissant activement - et douloureusement - à une solution.
"Est-ce que tu as au moins compris que je ne t'accusais de rien, et que ce que je t'ai dit, ce n'était pas des reproches ? rétorqua Blaise.
- Oh, donc tu voulais m'aider ? siffla Hermione avec un rire sans joie. Eh bien, ça m'aide beaucoup de savoir que je suis une hypocrite, une opportuniste, doublée d'une manipulatrice.
- Je ne t'ai jamais dit ça, Granger ! objecta Zabini en se levant lui aussi. Je t'ai demandé d'être prudente et honnête envers toi-même. Comme on l'est avec toi."
Cette fois, Hermione éclata de rire, ce qui inquiéta encore davantage Pansy. La Serpentard coula un regard en coin à Drago, qui ne semblait toujours pas réagir, immergé dans ses pensées.
"HONNÊTES ? Mais depuis quand ? s'exclama la Gryffondor, les poings sur les hanches. J'arrive pas à me souvenir de la dernière fois que quelqu'un a été honnête avec moi, ici. Ni quand vous m'avez poursuivie pour me recruter, ni quand on a commencé à travailler en groupe, et encore moins depuis qu'on est dans la tourmente. Comment vous voulez que je vous fasse confiance pour la suite ? Qu'est-ce qui va se passer, après ?
- Granger, t'es injuste ! objecta Pansy, blessée. Je ne t'ai jamais menti."
Hermione ferma les yeux quelques secondes, et se passa une main dans les cheveux. Happée dans sa spirale de fureur, elle avait réussi à accuser la seule personne qui essayait d'être de son côté.
"Je sais, Pansy, soupira Hermione en tendant une main vers elle."
Parkinson hésita un peu, mais saisit la main tendue et pressa les doigts de la Gryffondor entre les siens.
"Drago, est-ce que tu vas prendre tes responsabilités et ouvrir la bouche, à un moment ? suggéra Pansy. Répare le chaos que tu as semé."
Le blond la regarda d'un air impassible, le corps raide et les poings serrés. Hermione s'était attendue à beaucoup de réactions, allant de la colère au déni en passant par le sarcasme détaché, mais elle n'avait pas anticipé de le voir mutique. Il envoyait tellement de signaux contradictoires qu'elle n'arrivait plus à faire le tri parmi ses rares instants de vérité. Il avait eu l'air... Heureux ? de la voir rentrer de La Havane. Il avait eu l'air offensé la veille, lorsqu'il avait quitté la chambre avec fracas. Il avait eu l'air anxieux et soulagé lorsqu'elle était entrée dans la salle de réunion. Il avait même l'air de réprouver l'intervention de Zabini. Pourtant, tout à coup, il semblait profondément irrité, et peu enclin à la discussion.
C'était particulièrement douloureux pour Hermione. Ils avaient atteint une sorte d'entente tacite depuis qu'ils travaillaient ensemble, comme si des murs étaient tombés entre eux, comme si elle commençait à réellement le connaître. Et de nouveau, il était loin, et illisible.
Ils avaient besoin de régler ça, il fallait qu'il s'engage et qu'il se déclare, et au lieu de ça, il la fixait avec des yeux sombres et la mâchoire contractée. C'était à croire qu'elle était celle qui avait fait quelque chose de mal, et pas lui.
"Désolée de vous déranger, mais... commença Dubois en déboulant dans la pièce sans frapper."
Son regard passa de l'un à l'autre, figés avec des mines d'enterrement, et il dû avoir l'impression d'interrompre une bataille rangée.
"Euh... marmonna-t-il. On connaît l'identité de la victime. C'est Éloïse Midgen. Et... Dean Thomas et Lupin ont été blessés dans l'explosion.
- Lupin ? répéta Drago en sortant brutalement de sa transe, pivotant en une fraction de seconde vers Dubois.
- Apparemment, ils étaient tous les trois dans leur QG en train de travailler quand la bombe a explosé. Ils étaient en train de parler avec des élus allemands par cheminette. Les Allemands n'ont rien, mais ils ont tout vu. C'est eux qui ont alerté les aurors."
Drago se retourna instinctivement vers Hermione, qui avait plaqué une main horrifiée sur la bouche, et s'abstenait de lui lâcher un "je te l'avais bien dit". Il serait toujours temps de triompher plus tard - parce que la petite théorie de Malefoy venait définitivement de s'effondrer. Lupin ne se serait pas fait exploser lui-même, avec ses propres députés, pour prouver que les Non-alignés étaient un danger pour la société, ou pour venger Laura. Ça n'avait aucun sens. En plus, il y avait des témoins.
"Merde, souffla Blaise en papillonnant des yeux.
- Lupin est sorti de Sainte-Mangouste, il va parler à la presse dans une heure, ajouta Dubois.
- Une heure ? grinça Drago. Il faut qu'on prenne les devants pour le court-circuiter.
- Hein ? sursauta Hermione."
Il n'avait vraiment RIEN écouté de tout ce qu'elle avait dit. C'était surréaliste de constater que, quelles que soient les turbulences et les révélations successives, Drago continuait à vouloir saboter Lupin, manipuler l'opinion, oublier la définition même du mot décence. Et le pire, c'est qu'en réponse à sa déclaration, Zabini et Dubois avait hoché la tête, comme si c'était évidemment la bonne chose à faire.
"Lupin va utiliser cet attentat pour faire de la récupération, affirma Drago. Il va jouer la carte du héros de guerre qui renaît de ses cendres, victime de la brutalité du camp du mal, blablabla, on connait la musique. Qui tu crois qu'il va blâmer, pour changer ?
- Nous, répondit Dubois en haussant les épaules. C'est ce qu'il fait depuis des semaines.
- Qu'est-ce qu'on fait ? Il faut que tu prennes la parole dans la demie-heure qui arrive, sinon on perd l'ascendant, décréta Blaise en commençant à gribouiller sur un parchemin sans même prendre la peine de s'asseoir.
- On a même pas de brouillon de discours, réalisa Pansy. Il va falloir que tout le monde s'y mette, et tout de suite !"
Elle sortit de la pièce en coup de vent pour rassembler les troupes avec sa voix de stentor, pendant que Dubois, Zabini et Malefoy se rassemblaient autour du parchemin en parlant tous en même temps.
"Mais... balbutia Hermione. Attendez !"
Personne ne lui prêta attention, sauf Drago qui tourna la tête vers elle, attendant la suite. Elle ouvrit la bouche pour hurler, mais aucun son ne sortit, et elle regarda autour d'elle avec l'air de ne pas savoir ce qu'elle faisait là. Il fronça les sourcils, et se redressa.
"Je... dit-elle d'une voix rauque. Pourquoi...?"
Drago lui attrapa un avant-bras fermement, et l'entraîna un peu en retrait.
"Granger. J'ai compris. Je sais ce que tu penses. Mais on a pas le temps de débattre, on est dans une situation d'urgence, et si on veut survivre à ça, il va falloir la jouer serrée. On ne peut pas affronter plus de scandale, le groupe ne s'en relèvera pas, et tu le sais. Sans parler de l'enquête en cours. Cette balle-là, on peut l'éviter, on a trente minutes pour le faire. Fais-moi confiance, la supplia-t'il en la regardant dans les yeux."
Hermione se mordit la lèvre inférieure et sentit ses yeux s'humidifier. Elle se sentait encore une fois prise au piège. Elle ne pouvait pas de nouveau faire quelque chose qui la révulsait juste parce qu'il le lui demandait. Elle ne pouvait pas le laisser détruire Remus. Même s'il s'était agi de quelqu'un d'autre, elle aurait ressenti le besoin de se révolter et de s'opposer à Drago. Ça avait assez duré, il était temps que ses actes soient en accord avec ses paroles.
"Non, dit-elle."
Drago pencha la tête sur le côté, tendu.
"C'est sans moi, reprit-elle. Si tu torpilles Lupin, si tu te sers d'un attentat dans lequel quelqu'un est mort pour je ne sais quel agenda politique, je ne me tiendrai pas à côté de toi pendant ton discours. Ni à aucun autre moment, en réalité."
Sa voix tremblait un peu, mais elle avait réussi à être ferme. Drago semblait sous le choc de ce qu'elle venait de dire, et après quelques secondes où il eu l'air d'être un enfant perdu, il plissa les yeux, et la dévisagea avec intensité.
"Si je fais ce discours avant Lupin, tu t'en vas ? Définitivement ? vérifia-t-il d'une voix neutre."
Hermione déglutit et essaya d'ignorer les battements désordonnés de son cœur. Elle était à deux doigts de s'évanouir.
"Oui, dit-elle d'une voix étranglée avant de dégager sèchement son bras et de sortir de la pièce avec le menton en l'air."
C'était à peu près tout ce qu'elle était capable de faire à ce moment-là en termes d'attitude. A la seconde où elle entra dans son bureau, elle claqua la porte et se laissa glisser contre le battant, les yeux écarquillés.
Puis elle enfouit sa tête entre ses genoux.
Qu'est-ce qui lui avait pris ? Tenter un coup de poker contre Malefoy, c'était l'assurance de perdre lamentablement. Il ne renoncerait jamais à son projet, encore moins avec tout le groupe derrière lui, en train de travailler comme des abeilles zélées dans leur ruche de standing. Elle venait probablement de ruiner sa carrière. En plus, inutile de le préciser ; elle n'avait pas vraiment envie de quitter les Non-alignés. Maintenant qu'elle était à deux doigts d'être à la porte, elle réalisait qu'elle ne voulait pas du tout laisser ce groupe dysfonctionnel et bordélique derrière elle. Et pour quoi, exactement, avait-elle tout mis en danger ?
Lupin ?
Non, si elle était honnête avec elle-même, ce n'était pas uniquement une question de personne, ou d'éthique. Elle avait voulu faire une démonstration. Affirmer son indépendance, sa liberté, refuser le chemin indiqué par Drago. Elle avait voulu prouver à Zabini qu'il avait tort de la juger impitoyable, parce qu'elle était une bonne personne. Elle avait fait sa Hermione Granger des grands jours, et maintenant, elle n'avait d'autre choix que de démissionner.
Elle resta dix bonne minutes au sol, à se lamenter sur son sort en essayant de rétablir une respiration régulière, puis quelqu'un frappa à la porte, et elle recommença à paniquer. Elle se sentait parfaitement incapable d'affronter qui que ce soit à cet instant. Elle avait envie de creuser un trou dans le parquet rutilant de son bureau et de s'y enfouir.
"Granger ? appela Zabini."
Il ne manquait plus que lui. Hermione ferma les yeux, et décida de l'ignorer. Il frappa de nouveau, appela en vain, et finit par s'éloigner, non sans un soupir démonstratif.
Hermione se sentait comme une enfant qui se cache après avoir fait une bêtise, recroquevillée dans le noir dans son bureau. Ce qui aurait dû être son moment de triomphe se révélait être une erreur colossale de jugement. Voilà qu'elle fuyait tout le monde, au lieu d'affronter une situation dans laquelle elle s'était mise toute seule, avant d'y creuser son trou. Son petit moment d'auto-apitoiement était fini : il était temps de se remettre debout, et dans tous les sens du terme.
Elle se redressa, lissa les plis de sa robe, replaça quelques épingles dans son chignon, et ouvrit les stores de son bureau d'un mouvement de baguette. Ensuite, elle alla s'asseoir à son bureau, comme s'il s'agissait d'une journée de travail ordinaire - et non pas la dernière -, et décida d'attendre que tout le monde se déplace à l'extérieur du bâtiment pour assister à la conférence de presse de Drago. Là, elle profiterait de la distraction générale pour sortir transplanner depuis le toit. Inutile de fuir la réalité plus longtemps : elle n'était pas en état de prendre des décisions, on d'affronter quiconque, pas plus qu'elle ne l'était en arrivant à la réunion en début d'après-midi. Quelques heures ne suffisaient pas pour faire le point sur sa vie.
"Granger ? insista la voix de Blaise, qui visiblement n'était pas du tout parti."
Hermione expira bruyamment, et ouvrit sa porte d'un coup de baguette. Le Serpentard s'empressa d'entrer, referma derrière lui sans la regarder, et se mit à tapoter du bout du pied par terre, clairement mal à l'aise.
"Tu voulais quelque chose, Zabini ? demanda Hermione du ton le plus poli dont elle était capable.
- Mmm... hésita le jeune homme. Est-ce que je peux m'asseoir ?"
Hermione haussa un sourcil, déstabilisée son attitude. Il ne marchait jamais sur des œufs, et avançait dans la vie avec une assurance tranquille. Visiblement, ce qu'il avait à dire le mettait dans l'embarras.
"Tu es venu pour me virer ? supposa Hermione en agrippant ses deux mains aux montants de sa chaise."
Zabini releva brusquement la tête, les yeux ronds.
"Quoi ? Non ! s'exclama-t'il."
Il finit par s'autoriser lui-même à s'asseoir en face de la Gryffondor, et soupira pesamment.
"Je venais m'excuser. Encore. J'ai dépassé les bornes, et le moment était très mal choisi, je... Je n'aurais jamais dû te dire tout ça. C'était injuste. On ne fait pas ton sale boulot, à vrai dire c'est l'inverse. C'est toi qui fais le nôtre. Tu rattrapes nos conneries, tu travailles d'arrache-pied, ici, et tu nous donnes une ligne morale, et une direction, et un but commun. Le groupe n'existerait pas sans toi. Je suis le responsable comm, mais c'est toi qui gères le mieux avec la presse... Cédric t'adore. Tu nous portes à toi toute seule. Et... Je n'aurais pas dû te reprocher quoi que ce soit, encore moins au sujet de Pods, parce que tu as fait ce qu'aucun de nous n'était capable de faire, et si tu n'avais pas été là..."
La voix de Blaise se coupa abruptement, et il baissa piteusement la tête.
"On t'est tous redevables. Pour tellement de choses. On a besoin d'une boussole morale et c'est toi. Je ne sais pas ce que j'essayais de prouver ce matin, je n'avais pas prévu de balancer tout ça. J'ai voulu protéger Drago, ce qui lui a fortement déplu vu le savon qu'il vient de me passer, et je n'aurais pas dû essayer de te forcer la main. Granger, je ne veux pas que tu partes. Personne ne le veut, on a besoin de toi. Si tu t'en vas, il va me tuer. Vraiment."
C'était bien plus que ce qu'Hermione s'était préparée à entendre de sa bouche. Elle se mordilla la lèvre, incertaine.
"Dis quelque chose, Granger, murmura Blaise. Juste... Ne pars pas. Tu n'es pas obligée de m'adresser la parole à nouveau, et tu peux me mettre une baffe si tu veux, mais...
- J'accepte tes excuses."
Le visage de Zabini se fendit d'un rare sourire enfantin, qui dévoilait toutes ses dents.
"Uniquement parce que tu avais raison sur certains points, précisa Hermione en essayant de toutes ses forces de ne pas lui rendre son sourire contagieux. Je vous fais des leçons de morale alors que je ne suis pas irréprochable. Et je suis impitoyable, dans une certaine mesure. En revanche, ça ne change rien pour le reste... Parce que je suis forcée à partir, maintenant.
- Forcée ? Et pourquoi ?
- Ça me parait difficile de rester alors que j'ai affirmé il y a un quart d'heure que je fichais le camp..."
Hermione enfouit son visage dans ses mains, désespérée.
"Tu as dit ça à qui, exactement ? Parce que personne n'est au courant, réfuta Zabini.
- A Malefoy. Dans la salle de réunion.
- Oh... Et bien, il n'a rien dit... marmonna Blaise. Granger, ça ne change rien, tu peux revenir sur ce que tu as dit !
- Non, je ne peux pas. Il n'a juste pas trouvé le temps de te prévenir avant de descendre faire sa conférence, suggéra Hermione d'un ton amer.
- Il a annulé la conférence, grogna Blaise avec un haussement d'épaules.
- Quoi ? Mais pourquoi ? sursauta Hermione.
- Aucune idée. Il a dit qu'on était mal préparés et que ce serait mieux d'attendre que Lupin parle en premier. Complètement lunatique. Il est parti s'enfermer dans son bureau sans un mot."
Blaise a craqué, il a balancé ses quatre vérités à Hermione. J'espère que vous ne lui en voulez pas - il a peut-être un peu raison.
Et Drago a cédé... A votre avis, est-ce que c'était une bonne décision ?
