Chapter 31 - Mea culpa
Hermione et Blaise se dirigèrent ensemble vers la salle de réunion, quelques secondes avant que la retransmission du discours de Lupin ne commence. Tous les Non-alignés étaient rassemblés dans la pièce, assis autour de la table ou appuyés contre les murs, dans une atmosphère tendue. Parmi eux, nombreux étaient ceux qui avaient estimé le leader des Progressiste et avaient travaillé à ses côtés. Mais le vent avait tourné. Ses nombreuses prises de position mesquines et agressives des dernières semaines en avaient fait un ennemi. Les autres le haïssaient simplement, par opposition naturelle.
Quelles que soient leur raisons, tous craignaient ce qu'il allait dire face à la presse.
Hermione était extrêmement mal à l'aise. Elle avait contribué à rendre la parole de Lupin dangereuse pour le groupe en empêchant Drago d'agir. Et le simple fait qu'il ait cédé à son chantage la rendait légèrement nauséeuse, parce qu'elle ne comprenait pas pourquoi il avait abdiqué, et que si ça tournait mal, elle serait la seule responsable de ce fiasco. Ils jouaient gros. Elle jouait gros. Sa carrière, l'avenir du groupe, sa relation avec Drago.
Tout ça parce qu'elle avait voulu se prouver qu'elle pouvait lui résister. Foutue fierté.
Elle s'adossa au mur du fond le plus discrètement possible en essayant de ne pas frapper sa propre tête contre la paroi, et essaya d'ignorer les regards angoissés de ses collègues, qu'elle venait potentiellement de mettre en danger.
Pansy s'empressa de se glisser à sa droite, et lui lança un petit sourire hésitant. Hermione le lui rendit du mieux qu'elle pu compte tenu du nœud d'angoisse qui lui enserrait la gorge. Contre toute attente, Drago abandonna son poste d'observation à l'avant de la salle et vint s'installer à sa gauche sans prononcer le moindre son. Impossible de deviner s'il s'était approché pour la poignarder discrètement dans l'hypothèse où Lupin les descendrait en flammes, ou s'il venait simplement pour jubiler d'avoir eu raison.
Toute cette situation était atroce.
Le générique de l'émission se lança, et Hermione s'arrêta de respirer. Certains de leurs collègues avaient fait la même chose, tandis que d'autres marmonnaient ou échangeaient des remarques à voix basse. Lupin apparut à l'écran, un bras en écharpe et un bandage en travers du front, claudiquant avec effort pour atteindre son pupitre, ce qui poussa Drago à émettre un petit ricanement désabusé. Dubois et Flint gloussèrent plus franchement, suivis par quelques autres.
"Drama queen, lança Hestia au loin.
- Et nous qui croyions bêtement que les loup-garous guérissaient en un claquement de doigts, maugréa Pansy."
Tout le monde se tut lorsque Lupin se racla la gorge.
Bonsoir à tous, et merci de m'accorder quelques instants pour m'exprimer. Je serai bref. Il m'est difficile de me tenir devant vous après ce drame. Dans un moment aussi terrible que celui-là, impossible de ne pas repenser à la guerre que notre monde a traversé...
"Et bah, il aura pas mis longtemps avant de la placer, sa guerre, s'exclama Zabini."
Nos ennemis d'hier sont nos ennemis d'aujourd'hui. Impossible de le nier, même pour les plus sceptiques, lorsque les preuves se trouvent sous nos yeux dans toute l'horreur de cet attentat. Les responsables de ce meurtre, vous les connaissez. Je ne prononcerai pas leurs noms, parce que je n'ai pas besoin de le faire.
Hermione sentit Drago se tendre à côté d'elle, et elle frissonna.
Nous avons peut-être vaincu le mage noir, mais nous n'avons pas éliminé les idées nauséabondes qui ont fait sa gloire. Hier, une née-moldue a été tuée. Un autre né-moldu a été blessé. Et à leurs côtés, moi, une créature qu'ils jugent inférieure. Si certains invoquaient encore le hasard après l'attentat visant Hermione Granger, née-moldue, et la disparition inquiétante de Laura Pods, née-moldue, l'accumulation d'agressions visant des sorciers au sang jugé impur par une certaine élite auto-proclamée ne laisse plus place au doute. Les mangemorts sont de retour.
Hermione oublia instantanément ses querelles avec Drago, et enroula ses doigts autour des siens. Les yeux rivés à l'écran, elle s'attendait à ce qu'il la rejette et lui hurle dessus, mais il serra plus fermement sa main dans la sienne. Ce simple contact suffit à diffuser une chaleur familière jusque dans son ventre, et Hermione se rapprocha imperceptiblement de lui, jusqu'à ce que leurs épaules se touchent. Elle ne pouvait plus rien faire de plus. Le mal était fait. Lupin allait les traîner dans la boue.
"Je suis désolée, souffla-t'elle avec les yeux embués, sans oser le regarder."
Vous qui les avez accueillis à bras ouvert, qui avez cru à leur rédemption, qui les avez même placés au pouvoir...
"Tiens, Drago, il nous fait une dédicace, remarqua Blaise avec un clin d'œil."
Quelques députés pouffèrent nerveusement, trop choqués pour prendre la mesure de l'attaque portée à leur leader, et à tout leur groupe.
Vous qui avez voulu laisser une seconde chance à des individus avides de pouvoir et profondément maléfiques. Vous qui avez voté et donné votre confiance à des assassins. Vous qui avez fermé les yeux sur leurs agissements coupables. Vous, qui représentez l'ordre, et qui avez refusé d'entendre nos avertissements, vous qui avez failli à votre mission de protéger les citoyens et avez permis à cet attentat d'avoir lieu.
"Il s'attaque à Potter, ou je rêve ? s'étrangla Pansy à demi-voix."
Vous qui vous tenez côte-à-côte avec ces meurtriers et qui prenez leur défense. Vous, qui avez trahi les vôtres pour rallier leur cause.
"Ça, c'est pour nous, beugla Dubois en se tournant vers les autres anciens Progressistes."
Hermione se mordit la lèvre jusqu'à sentir le goût métallique du sang dans sa bouche.
Vous tous, vous avez commis une erreur tragique. Vous êtes complices. Vous couvrez leurs crimes. Vous savez de qui je parle, ils sont autour de vous, ils sont partout. Ils paraissent inoffensifs et vous aveuglent avec des pirouettes médiatiques, comme s'ils pouvaient vous faire oublier qui ils sont. Mais nous ne sommes plus dupes. Il est encore temps d'empêcher tout ça de se reproduire, et de mettre fin au règne de la terreur une bonne fois pour toutes. Nous devons prendre des mesures définitives. Nous devons les punir. Nous sommes la justice, et ceux qui ne se rallient pas à nous sont avec eux. Ensemble, notre société est assez armée pour se défendre face à cette menace. Nous devons frapper, à notre tour. Je vous demande de...
La diffusion se coupa, l'écran devint tout noir, et le journaliste réapparut, prétextant un problème technique.
"Dieu merci, Nott est réactif, chuchota Pansy, le front moite."
Un brouhaha intense s'installa, ponctué de raclements de chaises, de jurons, d'exclamations outrées. L'ensemble du groupe était sincèrement outragé par les propos de Lupin, leurs réactions unanimes. Même Cho Chang avait l'air en colère.
"C'est de la diffamation ! hurla Patil. Il est sous le coup de la loi ! Il ne peut pas traiter des gens d'assassins en direct à la télévision ! C'est pas parce qu'il ne donne pas de noms qu'on ne sait pas qui il visait !
- Non mais qu'est-ce que c'est que ce délire de mesures définitives et de punitions ! s'insurgea Finnigan en levant les bras au ciel. Il a perdu la tête !
- C'est une ATTAQUE ! hurla Flint en agitant le doigt avec véhémence vers l'écran de la télévision."
Hermione cessa d'entendre les protestations des uns et des autres, complètement dévastée par son propre rôle dans ce qui venait de se jouer. Elle serrait compulsivement la main de Drago, qui ne parlait toujours pas, incapable de le lâcher. Elle l'avait mis dans cette position. Si elle l'avait laissé faire, il aurait pu contenir la déflagration.
Lupin venait tout simplement de leur déclarer la guerre à la télévision. De pointer du doigt les coupables idéaux.
"Si c'est ça le clan du bien, on est pas dans la merde, s'écria Dubois. Comment il ose utiliser la guerre pour fracturer à nouveau la société ! Il va provoquer des émeutes !"
Sa chaise se renversa, mais dans le capharnaüm ambiant, personne ne s'en aperçut. Prise d'une impulsion subite, Hermione sortit de la salle en tractant Drago derrière elle. Il ne protesta pas, et la laissa les conduire jusque dans son bureau. Son état catatonique était tel qu'il ne broncha même pas lorsqu'elle le força à s'asseoir sur le canapé.
Au bord des larmes, Hermione posa sa main libre sur la joue du blond pour le forcer à la regarder. Mais il résistait, et continuait à fixer le vide devant lui.
"Je suis terriblement désolée, Drago, répéta la jeune femme. J'aurais... Je suis désolée. J'aurais dû te laisser faire. Je..."
Il planta ses deux pupilles sombres dans son regard, et secoua doucement la tête.
"Il nous a torpillés, dit-il d'une voix atone.
- C'est de ma faute. Je vais réparer ça, je..."
Drago secoua de nouveau la tête, et l'attira contre lui pour la plaquer contre son torse. Enserrée entre ses bras, Hermione enfouit son visage dans sa chemise et se laissa aller quelques secondes à respirer son odeur. Drago sentait le sirop d'érable et le parfum hors de prix. Elle inhala. Elle sentait le tissu sous sa joue, le cœur de Drago qui battait trop vite, sa main qui faisait des allées et venues dans son dos comme s'il essayait de la réconforter, elle, alors que tout était de sa faute. Tout s'écroulait. Et elle en portait la responsabilité. Et tout cela la ramena au présent : elle ne pouvait pas le laisser la consoler.
"On peut réparer ça, Drago, insista Hermione en reculant brusquement. Rien ne tient debout dans ce qu'il a dit, c'est une série d'élucubrations dignes d'une personne démente. Personne ne peut croire que les mangemorts sont responsables de ça. Que toi, et les autres - comme si vous étiez des mangemorts, non mais sérieusement - vous posez des bombes. Bon sang, c'est n'importe quoi !
- Il a pourtant surement raison sur ce point, murmura Drago en lui caressant doucement les cheveux. Les né-moldus sont ciblés. Ça pourrait bien être des mangemorts...
- Ceux qui ont commis les pires crimes sont morts ou en prison. Il ne reste personne pour poursuivre la guerre. Et qu'est-ce que tu fais des lettres de menace en latin, hein ? Ça vous exonère d'office !
- On ne peut pas parler de ces lettres, Granger, encore moins maintenant. Personne ne nous croirait, soupira Drago.
- On va lui répondre, Drago, décréta Hermione d'un ton autoritaire. On va lui répondre et il va rentrer chez lui vaincu. C'est inadmissible ! Il nous a tous traînés dans la boue. Il a créé une scission dans la société. Il a jeté le doute sur les aurors, sur les politiques, sur les électeurs. Il a utilisé la mort d'une innocente pour instiller le doute dans la société. C'est très grave !
- Je ne vois pas ce qu'on peut faire, maintenant, dit Drago, abattu."
Hermione pressa les paumes de ses mains contre les joues du blond, et colla violemment ses lèvres contre les siennes. Elle ne le laissa pas réfléchir et s'attaqua à sa lèvre inférieure avec les dents, mordillant doucement, l'obligeant à approfondir le baiser. Sans qu'aucun des deux ne comprenne comment, elle se retrouva à califourchon sur ses genoux, leurs corps scellés l'un à l'autre. Elle glissa ses mains autour du cou de Drago, et il la pressa un peu plus contre lui en relâchant un grognement qui ne fit qu'amplifier leur soif l'un de l'autre.
"La porte est ouverte, les avertit la voix de Blaise."
Le battant claqua derrière lui et, à bout de souffle, Hermione colla son front à celui de Drago, qui se mit à pouffer très brièvement. Le fait qu'il soit capable de rire dans un moment pareil prouvait sa force de caractère. Hermione releva la tête, croisa son regard où le désespoir transparaissait, et replaça doucement les mèches de cheveux blonds qui tombaient devant ses yeux. Elle caressa son front du bout des doigts, dessina les contours de ses pommettes, de sa mâchoire, laissant courir ses doigts sur les contours de ses lèvres. Drago avait vraiment de magnifiques lèvres. Il sembla se détendre un peu à son contact, jusqu'à laisser échapper un petit soupir. Hermione déposa alors doucement ses lèvres sur les siennes, effleurant à peine, et recula avec regret.
Il acceptait ses excuses, il acceptait de la tenir contre lui et de la laisser l'embrasser. Il n'avait pas crié, il ne lui avait pas fait de reproches. Il se contentait de la regarder avec des yeux tristes qui lui brisaient le cœur et lui donnaient envie d'éviscérer Lupin et d'insulter la terre entière.
"Je vais régler ça. C'est moi qui ait créé ce chaos, et je vais nous en sortir, lança-t-elle en se relevant prestement. C'est une promesse."
Drago se laissa retomber en arrière contre le dossier du canapé, desserra sa cravate, et pinça les lèvres.
"Je ne vois pas comment. Et je t'interdis de te mettre en porte-à-faux pour redorer notre image ! C'est dangereux là, dehors. Lupin a dit plein de conneries, mais il y a bien un groupe de cinglés qui chercher à éliminer les nés-moldus. Pour une fois, s'il te plait, fais ce que je te dis...
- Tu m'as demandé de te faire confiance tout à l'heure et je ne t'ai pas écouté. J'ai eu tort, j'ai compris la leçon. C'est différent, cette fois. Je vais faire attention, je ne ferai rien de dangereux. Laisse moi réparer ça."
.
La troisième voie : Le trio d'Or en première ligne
Et si une autre solution s'offrait à nous, entre la guerre ouverte proposée par Remus Lupin, et la terreur instaurée par un nouveau groupe terroriste non identifié ? C'est certainement la démonstration que cherchait à faire Hermione Granger, née-moldue et héroïne de guerre, en réunissant sur le parvis du Ministère une troupe que nous n'avions pas vue depuis de longues années. Flanquée d'illustres combattants de la dernière guerre comme Kingsley Shacklebolt, Abelfoth Dumbledore, Minerva McGonagall ou Arthur Weasley, la députée a pris la parole pour fustiger le leader des progressistes, accusé de créer une scission dangereuse au sein de notre société déjà fragilisée. Elle a également reçu le soutien du leader des Conservateurs, présent lui aussi hier soir au nom de son groupe, et de quelques députés Progressistes qui ont souhaité se désolidariser de leur leader controversé. Parmi eux, notre rédaction a été surprise de remarquer la présence de Dean Thomas, opposant farouche aux Non-alignés, pourtant connu pour ses dérapages à leur sujet. Le président du Parlement sorcier, Mr Karacter, était également là. Il a confié à notre envoyé spécial que sa présence était destinée à pacifier le débat public et à inciter les élus à se souvenir de leurs responsabilités.
Après avoir démontré que ses collègues, anciens mangemorts repentis, étaient injustement accusés de ces actes horribles, et avoir ré-affirmé la confiance totale qu'elle leur portait, Granger a délivré un discours percutant et humaniste, qui nous a rappelé nos valeurs. Là où Lupin a agité les peurs et ravivé le pire en nous, Granger a une nouvelle fois su montrer la lumière. Le soutient affiché de Ron Weasley et de l'incontournable Harry Potter, toujours présents à ses côtés pour combattre le crime, n'a fait que renforcer le poids de ses mots. Car la parole de la députée, qui s'est constamment élevée dans le souci du bien commun, nous montre le chemin. Elle a rejeté l'instrumentalisation qui a été faite des explosions successives, a rappelé que les aurors travaillaient d'arrache-pied pour arrêter les criminels, et supplié les citoyens que nous sommes de rester soudés et solidaires.
Il est difficile de croire que certains dans la population aient pu adhérer aux propos de Remus Lupin (qui ne reposent sur aucune source vérifiable), qui souffre probablement d'un syndrome de stress post-traumatique qui l'empêche de se montrer lucide sur la source de cette violence. Car, quoi que l'on puisse penser de l'arrogance de Drago Malefoy ou de l'exubérance de Blaise Zabini, il parait incongru de les imaginer fabriquer des bombes. Rappelons également qu'ils ont tous les deux failli périr lors du premier attentat.
Le coup d'éclat d'Hermione Granger aura, espérons-le, permis d'apaiser les esprits et de recentrer les sorciers britanniques sur l'essentiel : condamner la violence, pleurer les victimes, sans pour autant basculer dans une chasse aux sorcières qui nous rappelle les heures les plus sombres de notre histoire. Car, comme elle l'a très justement dit, ce sont les préjugés, les jugements hâtifs et les idées préconçues qui ont conduit notre monde au chaos par le passé.
C.D.
Zabini posa doucement La Gazette sur ses genoux, comme s'il avait peur de froisser le précieux journal, et cligna plusieurs fois des yeux.
"Comment elle a pu faire un truc pareil en quelques heures, sans qu'aucun de nous soit au courant ? finit-il par s'exclamer, décontenancé.
- Foutue Granger ! pouffa Pansy, en essuyant une larme traitresse qui roulait sur sa joue.
- Quand elle a déboulé sur le parvis du Ministère avec ses cheveux cinglés et son armée de stars, j'ai bien cru qu'elle allait annoncer qu'elle prenait le pouvoir, ou un truc comme ça, raconta Théo en secouant la tête. C'était dingue. Elle t'avait rien dit de ses projets, Drago ?"
Le blond redressa la tête comme s'il venait de réaliser que des intrus se trouvaient dans son appartement. Il regarda ses trois alliés de toujours avec un air absent, et haussa les épaules.
"Elle a dit qu'elle allait réparer ça. Et je ne l'ai pas vue depuis. Loin de moi l'idée d'imaginer qu'elle allait retourner l'opinion publique en un claquement de doigts.
- Brillant. C'était brillant, répéta Blaise. Je vais lancer une batterie de sondages, mais je pense qu'elle a plus que sauvé les meubles. On est de retour ! fanfaronna-t'il en battant des mains comme un enfant.
- J'arrive pas à croire qu'elle ait réussi à convaincre tout ce beau monde de nous soutenir publiquement. McGonagall les gars... Qui vole au secours de Serpentards qu'elle a collés en retenue. Le père Weasley, qui hait probablement nos parents autant que Lupin. Et attendez, est-ce qu'on parle de Dean Thomas ? Qu'est-ce qu'il foutait là ? énuméra Pansy, extatique.
- Je pense que Granger a embrassé son côté impitoyable, elle est passé en mode machine de guerre et tout le monde a suivi. Quelque part, c'est un peu grâce à moi. Je l'ai aidée à trouver son chemin, à libérer son Serpentard intérieur, déblatéra Blaise avec emphase.
- Elle se sentait coupable, nuança Drago en dépliant de nouveau La Gazette pour relire l'article une troisième fois.
- Coupable ? répéta Pansy. De quoi ?
- De m'avoir empêché de prendre la parole avant Lupin, hier."
A cela, les trois autres se frappèrent le front du plat de la main d'un même geste, atterrés.
"Attends, c'est pour ça que t'as tout annulé ? Parce qu'elle te l'a ordonné ? s'étonna Blaise, dubitatif.
- Elle ne m'a rien ordonné du tout, rectifia Drago, qui avait encore un égo à protéger.
- Elle t'a dit qu'elle quitterait le groupe si tu parlais ! réalisa Blaise, en se remémorant sa conversation avec la Gryffondor dans son bureau."
Drago hocha la tête sans lever les yeux de son article, embarrassé par les regards perçants de ses amis.
"Et tu t'es couché, énonça Nott.
- Tu as préféré sacrifier ton image et la nôtre pour apaiser Granger, ajouta Pansy calmement."
A ces mots, Drago releva la tête, et lança un regard dur à sa meilleure amie.
"Elle allait partir, c'était pas des menaces en l'air. Elle était au bout de ce qu'elle pouvait tolérer, et je n'avais pas le temps de la convaincre. Je me suis rétracté, oui, et je savais que ça allait nous coûter cher. Mais qu'est-ce que je pouvais faire d'autre, hein ?"
Pansy pinça les lèvres face au ton acerbe du blond, et croisa le regard de Blaise, qui grimaça.
"Drago, on te reproche pas ton choix. C'est juste... étonnant ? temporisa la jeune femme.
- Essaye plutôt choquant. Non compatible avec ta personnalité. Depuis quand tu as ce sens du sacrifice ? poursuivit Blaise, avec beaucoup moins de tact."
Le blond haussa les épaules et se replongea ostensiblement dans sa lecture, peu enthousiaste vis-à-vis du tournant que prenait cette conversation.
"T'as bien fait, reprit Zabini. Elle était tellement persuadée que tu allais prendre la parole malgré son ultimatum, qu'elle a cru que je venais la virer.
- Quel retournement de situation ! s'exclama Nott en roulant des yeux. Personne ne l'avait vu venir."
L'ironie était tellement visible que Drago haussa un sourcil au-dessus de son journal, sans accorder plus d'attention à Théo, qui allait - tout le monde le savait - poursuivre tout seul son raisonnement. Il ne pouvait pas s'en empêcher.
"Granger a dompté le cœur de pierre de Drago. Elle a conquis sa forteresse imprenable, déclama-t-il d'une voix traînante. Voilà que le dragon s'est laissé attendrir par la princesse à la tignasse hirsute. Oyez oyez camarades, Drago Malefoy a déposé les armes !"
Nott reçu un journal lancé à pleine vitesse dans la figure, mais poursuivit sa tirade en gloussant, recroquevillé derrière Pansy qui masquait à grand peine son envie de rire.
"Laissez-le tranquille ! s'exclama Blaise. Regardez-le, ce pauvre garçon est malade...
- MALADE D'AMOUR ! ricanèrent Pansy et Nott en faisant des bruits de bisou humides en l'air."
Drago se leva d'un bond, et quitta la pièce dans un ample mouvement de cape qui n'avait rien à envier à Rogue.
.
Hermione était littéralement épuisée, vidée de toute énergie, et aphone. Il était dix heures du matin, elle était toujours en pyjama, et sirotait sa troisième tasse de thé sans parvenir à ouvrir complètement les yeux.
Son discours de la veille au soir avait drainé son énergie vitale. Elle avait couru partout toute la journée, ses aurors sur les talons, organisant minutieusement son happening avec l'aide d'Astoria, démarchant un tas de gens d'ordinaire injoignables ou débordés, voire pas vraiment convaincus par sa démarche. Elle avait bataillé, pas après pas, argumentant différemment face à chaque individu. Puis elle était montée sur le ring avec la rage au ventre, et elle s'était livrée dans un discours globalement improvisé pour la première fois de sa carrière. Elle avait ensuite passé des heures à remercier individuellement chacun de ses alliés du jour. Ses aurors toujours sur les talons. Harry avait dû transplanner avec elle longtemps après la tombée de la nuit, juste pour s'assurer qu'elle ne se désartibule pas d'épuisement.
Drago lui avait envoyé un simple merci par texto. Certes, il l'avait écrit en capitales, et avait ajouté trois émoji pomme à la suite (cette partie là restait encore à déchiffrer).
Elle avait sombré dans un sommeil profond, avec la sensation d'avoir accompli sa mission, à peine arrivée dans la chambre d'ami d'Harry et Daphné.
Et ce matin-là, elle payait le prix de son investissement émotionnel massif. Elle serait certainement restée prostrée sur le canapé à fixer le vide pendant longtemps, si Ron n'avait pas débarqué avec un sachet de croissants - dont la majorité lui étaient évidemment destinés. Étonnée, Hermione lui servit une tasse de thé, et attendit qu'il s'explique. Il y avait bien longtemps qu'elle avait compris qu'il était contre-productif de pousser Ronald Weasley à s'exprimer, puisque cela ne résultait en général que par une suite de jurons et de bafouillements colériques.
"Hermione, je dois te parler, finit-il par dire après avoir englouti son deuxième croissant.
- Je t'écoute, Ron, répondit-elle en sirotant son thé.
- Je suis très surpris, lâcha-t-il, sans développer davantage."
Hermione reposa sa tasse, et fronça les sourcils.
"Par quoi ? Il va falloir être un peu plus précis, Ron...
- Eh bien, tout d'abord, je sais que je n'ai pas beaucoup suivi l'actualité politique ces derniers temps, avec l'écriture de mon livre, et... Bon, je n'ai jamais réellement suivi, épargne-moi ce regard plein de jugement. Ce que je veux dire, c'est que... Je ne comprends plus rien. Lupin... C'était l'un des nôtres. L'une des bonnes personnes. Et Malefoy, et Zabini, et Parkinson, Nott, Flint... C'était les méchants. Correct ? J'ai l'impression que tout est devenu très compliqué. Je n'arrive plus à suivre."
Hermione soupira doucement, et masqua un sourire attendri.
"Tout n'est jamais noir, ou blanc. Il y a des nuances entre les deux, je suppose, et elles se sont encore plus brouillées après la guerre. Tout le monde a beaucoup changé. Nous les premiers... Et Malefoy, Zabini et les autres n'ont jamais été purement mauvais. Pas dans un sens... Criminel, du moins.
- Tu veux dire que tout est devenu gris ? grimaça Ron en croquant dans un énième croissant, projetant des miettes partout.
- Je crois que tout a toujours été gris. On était des enfants, forcés à combattre dans un monde d'adultes, sous la menace d'un cinglé... Peut-être qu'on ne pouvait pas vraiment déterminer la nuance des personnes seulement en regardant de quel côté le destin les avait fait combattre."
Ron laissa quelques minutes de silence pensif s'installer, méditant sur ce qu'elle venait de dire avec un pli significatif sur le front. Puis il finit par soupirer.
"J'ai arrêté de détester les Serpentards par principe il y a longtemps. Astoria, et tout ça... commença-t'il en opérant un mouvement vague du poignet. Mais... Lupin ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- Je ne sais pas, Ron, reconnut pensivement Hermione. Je l'ai vu dériver de jour en jour, devenir plus autoritaire, moins capable de transiger, piquer des colères sans être vraiment provoqué... Et puis, quand Malefoy a été élu, il a pris un genre de virage brusque. Il est devenu plus radical. Une chose en entraînant une autre... Tous les députés modérés, comme moi, ont dû quitter le groupe. Et maintenant... maintenant, il a franchi une ligne. Je ne sais pas si un retour en arrière sera possible.
- Je crois... Je crois qu'il faudrait que les gens sachent, affirma Ron."
Hermione pivota vers lui, attentive.
"Qu'ils sachent quoi ?
- Eh bien... Qu'ils sachent que tout n'est pas noir ou blanc, qu'il faut juger les gens par leurs actes et pas parce ce qu'ils semblent être, tu vois."
Hermione hocha la tête. A son tour d'être pensive.
"Tu veux dire... Qu'on fasse quelque chose de tangible, qui montre que Drago et les autres ont changé ? Quelque chose de plus... visible que des discours et des projets de loi et des coups médiatiques... reformula-t'elle à voix haute, en se levant pour faire quelques pas. Un grand geste ?"
Ron hocha la tête avec empressement.
"Peut-être que la population a besoin de preuves, autres que la parole du Trio d'Or et de héros de guerre, pour leur faire confiance. Lupin... Il est dangereux. Ce qu'il a fait hier, ça a déstabilisé tout le monde, et ça a ravivé des angoisses qu'on avait oubliées. On ne peut pas revivre un truc pareil, 'Mione. Il faut que les gens sachent, insista-t'il. Qu'ils sachent qui ils doivent écouter, à qui ils doivent faire confiance, qu'ils comprennent qu'ils ne peuvent pas suivre aveuglément n'importe quel irresponsable qui les exhorte de faire eux-même le travail des aurors."
Hermione décrivait des cercles dans le salon d'Harry et Daphné, plongée dans ses pensées à mesure que Ron les alimentait. Il avait très certainement marqué un point. Son discours de la veille, aussi puissant qu'il soit, n'allait pas suffire à installer solidement et définitivement les Non-alignés sur la scène politique. Le coup porté par Lupin n'était qu'une attaque de plus à ajouter à la liste des scandales qui les avaient frappés. Ce n'était pas quelques phrases qui allaient réparer le mal fait à leur groupe. En particulier parce que les principaux intéressés, y compris le leader du groupe, n'avaient pas pris part à l'évènement. Il fallait un geste fort de la part de Drago, en son nom, un acte personnel, et significatif.
Le collectif de soutien colossal qu'elle avait improvisé la veille était un grand pas, mais ne suffisait pas.
.
Lorsque Hermione déboula au penthouse à la vitesse de l'éclair, elle perdit un temps fou à cause des remerciements variés et félicitations bruyantes que chaque député présent semblait vouloir partager. On lui lança des claques dans le dos, on la serra dans des paires de bras, on lui sourit, beaucoup lui posèrent des questions incrédules... Bref, de précieuses minutes furent dépensées. Ce fut Pansy qui l'extirpa de cette situation en l'entraînant vers son bureau, sautillant presque d'excitation.
"Hermione, par Salazar, tu es et tu resteras pour toujours mon héroïne. Éternellement. Comment t'as pu réussir un coup pareil ? s'écria la Serpentard en la serrant contre elle dans une accolade serrée. Je suis tellement, tellement reconnaissante ! Et soulagée ! C'était... badass !"
Hermione craqua un petit rire et se dégagea, embarrassée.
"Pansy, si tu me sautes dessus comme ça, attends-toi à ce que l'équipe de sécurité de Drago nous mette à terre. Ces gens hantent littéralement nos bureaux... Bref. C'était normal que je répare mes propres dégâts, expliqua-t'elle. Tout était de ma faute.
- Oh, tu les as plus que réparés, la contredit Pansy.
- Est-ce que... Malefoy ? Il a dit quelque chose ? marmonna Hermione."
Pansy lui lança un regard entendu, et croisa les bras contre sa poitrine, amusée.
"Drago n'a pas vraiment dit quelque chose. On a regardé ton discours ici, tous ensemble, et... Je crois pouvoir affirmer, grâce à des années de pratique, que derrière son rictus et son petit visage pâle tout crispé, il était assez ému. Et fier. Enfin, il avait un peu les yeux humides.
- T'es sûre qu'il n'a pas déclaré une allergie au pollen ? gloussa Hermione.
- Les sorciers n'ont pas d'allergies, Hermione, et tu le sais très bien, répliqua Pansy en lui frappant sèchement la main. Ensuite, ce matin, on a lu l'article de La Gazette, et il l'a parcouru trois fois. Puis il est parti avec dans sa chambre, et qui sait ce qu'il a fait avec..."
Hermione avala sa salive de travers, et jeta un regard incrédule à Pansy avant de constater que la Serpentard était en train de la provoquer volontairement.
"Tu devrais aller le voir, il est dans son bureau, suggéra-t'elle avec un haussement de sourcils suggestif.
- Oh, avant, il faut qu'on parle du gala. J'ai eu une idée. Ça risque de compliquer les choses, mais je pense que ça en vaut la peine."
.
Hermione finit par prendre son courage à deux mains en fin d'après-midi, et se rendit jusqu'au bureau de son leader avec les mains moites et la sensation d'avoir de nouveau douze ans. Chaque nouvelle rencontre avec Drago la mettait dans tous ses états, la remplissait d'incertitudes, et transformait ses nerfs en pelote. Et, par dessus tout, un frisson d'excitation la traversait en anticipant ce qu'il pouvait se passer, compte-tenu de ce qu'il s'était déjà passé.
Elle essaya de chasser la pensée de son souffle sur sa peau et de ses mains sur son corps, en particulier à des endroits très inappropriés, et frappa à sa porte. Les longues secondes qu'il mit à venir lui ouvrir lui permirent, à son grand désarroi, de sentir une légère transpiration perler le long de sa colonne vertébrale. Ce qui se transforma en chaleur générale et écrasante quand la porte s'ouvrit finalement sur le blond.
Qui la fixait avec une lueur fébrile dans les yeux, les lèvres légèrement entrouvertes.
"J'ai l'impression d'être la dernière personne que tu viens voir, aujourd'hui. C'est une drôle de façon de traiter son leader, Granger, déclara-t'il sans interrompre leur connexion visuelle.
- Je devais régler des questions urgentes. Et..."
Hermione s'interrompit pour déglutir, soudain plus très sûre de vouloir poursuivre la conversation sur le terrain prévu. Elle avait juste envie de se coller contre lui et de lui répéter qu'elle était désolée. Potentiellement en étant nue.
"... et j'ai besoin de ton accord, se força-t'elle à poursuivre."
Drago arqua un sourcil, et s'écarta dans l'idée de la laisser entrer. Mais Hermione ne bougea pas. Pire, elle recula d'un pas.
"Je pense qu'on devrait avoir cette conversation dans un endroit public, expliqua-t'elle.
- Oh, lâcha-t'il.
- Pour ne pas être distraits, se justifia-t'elle avec empressement. C'est important. Et... Quoi qu'il se passe entre nous, je pense qu'on devrait mettre en place une mesure de distanciation physique. Le temps de cette conversation."
Il expira un petit rire, et secoua la tête.
"Très bien. Allons dans un café moldu, ce sera plus discret. Faussons compagnie à l'équipe de sécurité - juste pour cette fois."
.
Ils étaient assis l'un en face de l'autre depuis cinq bonnes minutes, et Hermione n'avait toujours pas trouvé le courage de lancer son sujet. La serveuse avait déposé leurs thés devant eux un moment auparavant, et Drago alternait entre la fixer d'un air impassible, et tourner distraitement sa cuillère dans sa tasse. Il avait pris le parti de ne pas la brusquer, pressentant certainement qu'elle prenait autant de précautions pour une raison justifiée. Leurs genoux se touchaient presque sous la table, ce qui ne participait pas à détendre Hermione.
"J'ai eu une discussion très intéressante avec Ron, laissa-t-elle échapper brusquement.
- ... Je ne m'attendais pas à cette information, reconnut Drago.
- Ron a toujours eu une vision singulière des choses. Il est très perspicace. Il comprend ce qui anime les gens, tu vois... Il devine certaines choses que je ne perçois pas toujours. Et il a fait une suggestion qui m'a conduite à analyser les choses sous un angle différent.
- Weasley t'a inspirée, quoi, l'interrompit Drago, qui n'avait pas l'air d'apprécier particulièrement cette idée.
- En un sens, oui, confirma Hermione avec un haussement d'épaules, concentrée sur la couleur de son thé plutôt que sur les iris gris de son leader.
- Et donc ? insista-t'il.
- Je pense qu'il faut que tu crées une fondation en ton nom pour aider les mineurs condamnés par la justice à retrouver une place dans notre société, débita-t'elle avant d'avoir le temps de changer d'avis."
La cuillère de Drago retomba sur sa soucoupe dans un bruit métallique, et sans lever les yeux, elle le sentit se tendre.
"Granger, gronda-t'il en signe d'avertissement.
- Laisse-moi expliquer, le supplia-t'elle en relevant enfin les yeux."
Drago était nettement plus pâle que d'ordinaire, tous ses traits étaient crispés et sa mâchoire fermement serrée. Mais il ne s'était pas levé en jetant sa chaise par terre comme il l'aurait probablement fait quelques semaines auparavant. Il était resté assis, et il ne l'avait pas encore insultée, ce qui prouvait que quelque chose dans la dynamique de leur relation avait suffisamment changé pour qu'il lui accorde le bénéfice du doute, même quand elle s'aventurait dans des eaux dangereuses - et personnelles.
"C'est la seule solution pour asseoir durablement ta position dans le paysage politique et dans le cœur des électeurs. Ils ont besoin d'une illustration palpable de ce que tu es, les mots ne suffisent plus. Si tu associes ta personne à une cause juste, à une cause qui t'es proche, tout ce que pourront dire tes opposants sera contrebalancé par ce que tu as fait de bien. C'est purement pragmatique, Drago. Ton nom est associé à tout un tas de choses désagréables pour les gens, et quoi que tu fasses de bien, ça ne changera pas si ce n'est pas matérialisé par une action concrète... Si une fondation Malefoy voit le jour, qu'elle a une utilité d'intérêt général, qu'elle vient effectivement en aide aux autres... Ça change la donne. Je sais que tu ne veux pas parler de ça, que c'était une période horrible pour toi et que... Que c'est encore à vif.
- Sans blague, la coupa Drago, des dagues à la place des yeux.
- Je ne te demande pas de rencontrer ces jeunes ou de t'occuper d'eux personnellement, ni même de t'impliquer en personne dans la gestion de la fondation, plaida Hermione. Tout ce que je veux... C'est que tu laisses les gens voir le vrai toi. Ça te rendra pas vulnérable, juste humain, et c'est de ça qu'ils ont besoin pour te faire pleinement confiance.
- Les gens ont besoin de voir mon passé tragique exhumé pour pouvoir avoir pitié de moi, corrigea le blond, amer.
- Non, ils ont besoin de connaître une toute petite faille dans la figure du parfait héritier richissime pour pouvoir s'identifier. Ils ont besoin de se raccrocher à quelque chose. Et arrêter de te rattacher à un mangemort, pour comprendre que toi aussi tu as été une victime de la guerre."
Malefoy se leva brusquement, faisant chavirer leurs thés.
"Je ne suis pas une victime, cracha-t'il.
- Tu crois que tu as mérité d'être enfermé dans une prison insalubre à 17 ans ? insista Hermione sans le laisser la faire plier."
Elle soutint son regard venimeux, croisant les doigts sous la table pour qu'il ne quitte pas le café en trombes.
"Je suis responsable de la mort de Dumbledore. Tu as été torturée dans mon salon. J'ai torturé moi-même dans les cachots, énuméra-t'il, une grimace tordant ses traits.
- Je sais tout ça, rétorqua Hermione en réprimant malgré tout un frisson."
Comme si ça ne suffisait pas, il replia brusquement la manche de son pull pour dévoiler son avant-bras et le lui fourrer sous le nez. Elle pensa avec soulagement que les moldus ne pouvaient pas comprendre le sens de ce qu'il se passait, ni entendre ce qu'ils disaient grâce à un petit sort préventif. Elle hésita quelques secondes, ne sachant pas quoi faire pour l'apaiser, et finit par poser doucement sa main sur la cicatrice. D'abord timidement, et elle le sentit se contracter, mais elle ne retira pas ses doigts. Elle appuya ensuite plus de pression, et il ne retira pas son bras, pris au dépourvu par ce qu'elle venait de faire. C'était probablement le geste le plus intime qu'ils n'aient jamais partagé.
"Drago, arrête de vouloir me prouver que tu as fait des choses terribles. Je le sais. Et je m'en fiche. Parce que ce n'était pas de ton ressort, que tu n'étais pas maître de tes actions, et que j'aurais fait la même chose avec une menace comme Voldemort dans mon dos.
- Tu ne sais pas ce que tu dis, la coupa sèchement le blond. Tu te serais rebellée, quitte à y laisser la vie. Tu n'es pas lâche.
- S'il ne s'était agi que de moi, peut-être. Mais pour mes parents ? Pour les gens que j'aime ? J'aurais été capable du pire. Et je le suis toujours, tu l'as vu de tes propres yeux."
A ces mots, Drago écarquilla un peu les yeux. Elle arrêta de respirer sous l'intensité de son regard, et profita de son léger relâchement pour tirer doucement sur son bras, et le forcer à se rasseoir. Il résista par principe, puis finit par se laisser tomber dans sa chaise avec raideur.
"Tu n'as pas tué Dumbledore. Il a choisi la façon dont il voulait mourir, et ce serait arrivé avec ou sans toi, rectifia Hermione. Personne n'aurait pu s'opposer à ta tante cinglée dans ton salon, pas même un sorcier expérimenté, et je ne m'attendais certainement pas à ce qu'un adolescent apeuré s'interpose. Elle t'aurait tué aussi. Et tu as quand même pris des risques pour nous sortir de là. Pour le reste, détrompe-moi si j'ai tort, mais je ne crois pas que tu aies décidé tout seul de faire du mal, ni que tu en aies tiré la moindre satisfaction. Il est temps que tu lâches prises, et que tu arrêtes de te blâmer pour des choses sur lesquelles tu n'avais aucun contrôle."
Drago la fixait avec une mine impassible, uniquement contredite par la nuance sombre apparue dans ses yeux. Il avait l'air assommé par ses propos, comme si elle venait de le gifler, et ses deux mains posées à plat sur la table tremblaient doucement. A cet instant, Hermione n'avait qu'une envie : serrer ses doigts dans les siens, l'enfouir contre elle, le couvrir d'affection jusqu'à ce qu'il accepte ses mots pour ce qu'ils étaient. Mais elle savait très bien qu'en faisant une chose pareille, elle allait le braquer définitivement. On ne réconfortait pas Drago Malefoy comme on réconfortait un enfant.
"Je t'ai expliqué les motivations en terme d'image derrière mon idée. Mais je pense... Je pense que ce serait aussi bien pour toi de laisser tout ça derrière toi, et de pardonner l'adolescent que tu étais. Ces jeunes... Ils sont nombreux, perdus, et ils n'ont aucun espoir, actuellement. A la fin de leur peine, ils seront encore plus perdus qu'en entrant en prison. Laisse-moi les aider.
- Tu ne peux pas me réparer, Granger, souffla Drago d'une voix rauque, les traits défaits.
- Non. Je n'essaye pas de le faire. Tu es le seul à pouvoir te réparer. J'aimerais juste que tu me laisses être là pour... profiter du résultat, conclut Hermione avec une tentative d'humour totalement ratée."
Drago expira dans un bruitage à mi-chemin entre le grognement et le rire, et ferma les yeux.
"Je savais que tu remettrais ce sujet sur le tapis un jour au l'autre, mais je ne pensais pas que tu le ferais d'une façon aussi spectaculaire, marmonna-t'il en se frottant les yeux avec ses poings.
- Tu pourrais récupérer ton manoir, ajouta Hermione, qui avait gardé cet atout dans sa manche au cas où les choses tourneraient mal."
Ce qui était le cas, objectivement. Parce que le blond était dans un état émotionnel si instable qu'elle craignait qu'il n'implose et détruise le café par inadvertance.
"Comment ça ? s'enquit Drago dans un froncement de sourcils.
- Pour héberger la fondation. Réhabiliter le manoir, réhabiliter ton nom. Une pierre, deux coups, expliqua Hermione en comptant sur ses doigts.
- Le ministère ne le rendra jamais, réfuta le blond.
- J'ai fait ma petite enquête ce matin. Grâce à Harry, en réalité. Il s'avère que le manoir est un casse-tête sans fin pour le ministère. Ils se sont acharnés à détruire les enchantements et à se débarrasser de la magie noire, sans résultat. Le manoir les combat constamment... Ils ne peuvent ni le détruire, ni le vendre en l'état. Je pense qu'avec quelques actions de notre part, ils accepteront de te le restituer. Ensuite, je pense que tu seras à même de le contrôler, étant l'héritier de sang à qui il répond."
Éberlué, Drago secoua la tête de droite à gauche en la dévisageant comme s'il faisait face à une personne démente.
"Granger, est-ce que tu suggères de verser des pots de vin au ministère ?
- Pas directement, grimaça-t'elle. Ce serait trop risqué. Et trop illégal, ajouta-t'elle. Je pensais plutôt associer le ministère à l'initiative de la fondation, ce serait bon pour leurs relations publiques, et travailler de pair avec un groupe politique pour faire du caritatif... ça semble logique. En plus, on prendrait une part de leur charge en s'occupant à leur place de ces enfants.
- Et comment on financerait ça ?"
Le simple fait qu'il pose cette question pratique fit naitre des frémissements de joie dans les entrailles d'Hermione. Il pensait sérieusement à accepter sa proposition.
"Malefoy, est-ce que j'ai besoin de demander à Harry un bilan de ce qui se trouve dans tes chambres fortes à Gringotts ?"
Il esquissa un demi-sourire, la première vraie manifestation positive dans cette difficile entrevue.
Ce chapitre est un peu plus long que d'habitude, mais il se passe plein de choses, alors je ne savais pas où couper.
Hermione se débat pour rattraper le coup, et le sujet du passé de Drago refait surface - cette fois, il est prêt. Peut-être...
