Chapter 35 - L'enterrement
La communauté sorcière était en ébullition, dans l'attente angoissée d'un nouvel attentat. La veille, les journaux avaient évoqué les funérailles sous haute surveillance qui s'annonçaient et chacun attendait, avec une inquiétude palpable, de voir une nouvelle bombe détonner. Une sorte d'excitation coupable transparaissait dans les murmures échangés, dans les commentaires des journalistes sur les chaînes d'information, et jusque dans les échoppes enfumées du chemin de Traverse. Les sorciers attendaient qu'il se passe quelque chose. Ils ne le souhaitaient pas, ils le craignaient, ils appréhendaient la mort et la peur et la dévastation, mais une part d'eux exigeait que la logique meurtrière qui avait débuté connaisse une suite qui fasse sens pour tout le monde. Prévisible. Qu'elle suive une route qu'ils pouvaient anticiper. Que le chaos soit disposé sous leurs yeux, pour qu'ils puissent l'observer, sans qu'il ne les touche de trop près.
Et les députés ressentaient, comme tout le monde et peut-être davantage, l'ambiance pesante et tendue qui régnait dans le pays. Parce que si la menace était évidente, personne ne savait encore précisément d'où elle venait, et les spéculations allaient bon train. Parmi les hypothèses les plus farfelues annoncées - hormis celles de Lupin, évidemment -, ce qui avait fini par faire glousser les députés, c'était que Lucius Malefoy en personne serait responsable de ces attentats. Drago avait balayé d'un revers de la main ces accusations, se contentant de répondre un laconique "sans commentaire" à la presse, et tous avaient pensé que ce serait suffisant. Mais non. Il avait fallu que le Ministère intervienne pour rappeler à tous que Lucius était en résidence surveillée à des milliers de kilomètres, et était de ce fait incapable de perpétrer une quelconque action sur le sol britannique. On avait ensuite soupçonné une bande d'élèves de cinquième années de Serpentard, qui formeraient un groupuscule secret entre les murs du château, et les adolescents avaient reçu des menaces telles que la directrice avait dû, elle aussi, intervenir en affirmant que c'était tout bonnement impossible. Le clou du spectacle était intervenu la veille seulement, lorsqu'un illustre inconnu interrogé par un blogueur obscur avait affirmé détenir des preuves que les moldus étaient responsables de ces attaques envers les sorciers. Nul besoin de préciser que ces preuves n'existaient pas, et qu'il s'était donc rétracté rapidement.
La météo était typique d'un dimanche destiné à être passé dans un cimetière, et l'humeur générale allait de pair.
Le ciel était lourd, gris, épais, la pluie tambourinait sur les vitres du penthouse et ruisselait sous les yeux d'Hermione. À la minute où elle avait ouvert les yeux dans la chambre d'ami des Potter, elle avait senti la tension. L'inquiétude qui planait sur elle, dans chacun de ses gestes pendant qu'elle se préparait, dans ses mains qui tremblaient en boutonnant sa robe noire. Le poids dans son estomac s'était alourdi en croisant le regard de Daphné dans la cuisine, qui tentait de maintenir les apparences pour Dahlia en riant de manière un peu trop forte. Harry était déjà parti au ministère pour briefer une dernière fois ses aurors. Hermione avait grignoté un bout de toast en essayant de ne pas penser au fait que cet enterrement aurait pu être le sien. Celui de Drago, et de Blaise. Celui de la petite fille assise sur sa chaise haute en train d'étaler de la confiture dans les cheveux de sa mère.
Elle ne voulait pas avoir peur, mais elle ne pouvait pas non plus ignorer le danger.
Elle avait rapidement rejoint son agent de sécurité - ce jour-là, c'était Gwendal, un grand blond maigrichon et tatoué qui ne parlait que rarement. Ils étaient allés ensemble au siège des Non-alignés. Les députés, tous vêtus de noir, commençaient à arriver, se rassemblant par grappes dans la salle de Détente ou autour de la fontaine. Les visages étaient tendus, mais encore pleins de vie.
Hermione alla droit vers le bureau de Drago, et l'y trouva assis à son bureau, tourné vers la fenêtre, fixant le vide et le ciel qui se déversait sur Londres. Il fit pivoter son fauteuil vers elle en attendant le bruit feutré d'une porte qui se ferme, et son visage se détendit dans une tentative de sourire.
"Ça va être une sale journée, dit-il."
Hermione ôta son manteau et le suspendit sur le dossier d'un des fauteuils, avant de s'y laisser tomber dans un soupir.
"Je déteste devoir à nouveau aller à un enterrement, répondit Hermione.
- Au moins, c'est pas le nôtre, lâcha Drago, faisant écho sans le savoir à ses pensées.
- C'est une consolation, fit Hermione."
Drago secoua la tête avec un sourire désabusé.
"Je me demande si Lupin va essayer de m'arracher la tête avant, ou après la cérémonie."
Hermione lui jeta un regard vibrant de colère.
"S'il s'approche... commença-t'elle d'une voix menaçante.
- ...Potter le mettra hors d'état de nuire avant qu'il ait le temps de penser à attaquer, coupa Drago avec un petit air très satisfait. Je crois que j'ai réussi à rallier deux membres du Trio d'Or à ma cause. Plus qu'un."
Hermione émit un petit rire embarrassé.
"Harry et toi... Vous avez beaucoup discuté, hier soir, finit-elle par dire avec une certaine appréhension.
- Vous deux aussi, il me semble, répliqua le blond en arquant un sourcil.
- De quoi vous avez parlé ? demanda Hermione, n'y tenant plus.
- Et vous ?"
Ils échangèrent un regard amusé. Drago ne voulait pas se découvrir avant de savoir exactement de quoi il en retournait, en bon petit serpent sournois qu'il était. Et Hermione savait qu'elle n'avait aucune chance de gagner à ce jeu là, parce qu'il était obstiné et difficile à contourner.
"De toi, répondit finalement la Gryffondor en regardant la pluie qui faisait rage au-dehors.
- Pareil. De moi, ricana Drago."
Les yeux d'Hermione abandonnèrent l'observation des gouttes ruisselant contre la baie vitrée pour se planter dans ceux de Drago, qui la fixaient intensément.
"On a parlé de toi, aussi, reconnut-il d'une voix un peu plus basse que d'ordinaire. Potter a fait à peu près toute la conversation. Il avait l'air de penser que je suis suffisamment courageux pour risquer de te contrarier, ce qui est bien évidemment faux. Personne n'a envie de se mettre à dos Hermione Granger.
- Ça explique certainement pourquoi tu fais autant d'efforts pour me mettre dans ton lit, siffla Hermione en masquant son envie de rire derrière une expression sévère.
- Tu lis clair dans mon jeu, Granger.
- Harry aussi."
La réponse avait fusé avant qu'elle ne puisse s'en empêcher. Drago la contempla un instant avec un air étrange, puis décida de se détourner vers les gouttes qui cognaient brutalement contre la vitre. La jeune femme se mordit la lèvre, incertaine quant à ce qu'il venait de se passer. Ils jouaient, et elle avait lâché deux petits mots qui avaient mis fin à leur échange. Elle avait crevé leur petite bulle. Maintenant, Drago s'était renfermé, et semblait être très loin d'elle tout en étant assis à quelques mètres.
Est-ce qu'elle avait semblé menaçante ? Est-ce qu'il avait pris ça comme un avertissement ? Ou est-ce qu'il pensait qu'Harry l'avait détournée de lui en lui montrant que Drago était infréquentable ?
Ou, pire, est-ce qu'il pensait qu'elle avait parlé de leur relation à son meilleur ami parce que c'était devenu trop important pour qu'elle le garde pour elle, les propulsant d'une relation qui n'avait pas de nom à un statut officiel et réel ? Ce n'était pas ce qu'elle avait fait. Pas réellement. Ou peut-être que si. Et elle allait lui faire peur avec sa propension à vouloir toujours s'engager trop sérieusement, trop complètement, trop entièrement.
Toutes ses pensées formaient une masse mouvante dans sa tête, encombrant son esprit. Deux petits mots prononcés sans réfléchir venaient de tout embrouiller.
"Est-ce que Potter désapprouve ? demanda Drago d'une voix basse, toujours sans la regarder.
- Non, souffla Hermione.
- Non ? répéta Drago en abandonnant sa contemplation, visiblement surpris.
- Non.
- Est-ce que... Est-ce que ça aurait changé quelque chose s'il avait désapprouvé ?"
Hermione avait conscience que derrière cette question se cachaient beaucoup d'autres, et que quelque chose d'important se jouait pour eux. Est-ce que tu es sûre de toi, est-ce que tu veux ça suffisamment pour altérer ta relation avec Harry Potter ? Est-ce que l'avis d'Harry Potter est toujours plus important que le mien à tes yeux ? Est-ce que je suis important ? Est-ce que tu te détournerais de moi facilement ? Est-ce que tu es prête à subit un torrent de critiques si des gens apprennent ce qui se passe entre nous ?
"Non, Drago, ça n'aurait rien changé, affirma Hermione."
Le blond lui lança un sourire timide qui la fit vaciller. Elle sentait un picotement dans ses doigts et l'envie incontrôlable de s'approcher de lui, de le toucher, de glisser ses mains dans ses cheveux et de le serrer contre elle. Il ne l'avouerait jamais, mais il avait eu besoin d'être rassuré. Le simple fait qu'il ose poser cette question, mettant ainsi à nue ses insécurités, suffisait à le prouver.
"On devrait aller dîner, demain soir. Juste nous deux, proposa Drago.
- C'est un rencard ?
- Tu veux que ce soit un rencard ?"
Hermione soupira, exaspérée par son obstination à essayer de lui arracher des mots qu'elle n'était pas prête à prononcer. Elle avait déjà déposé les armes une fois, mais il ne lui offrait aucun répit.
"Ça sera ce que tu veux que ce soit, fit-elle en se levant, prête à prendre la fuite avant qu'il ne recommence à l'acculer avec d'autres questions."
Il se leva aussi, et marcha jusqu'à elle d'un pas décidé. Il avança tellement près qu'elle crut bien qu'il allait la percuter de plein fouet, mais il se stoppa juste à quelques centimètres d'elle, la toisant de toute sa hauteur.
"Ça sera un rencard, déclara-t-il d'un air assuré.
- Très bien, dit-elle d'une voix enrouée."
Il posa sa main le long de sa mâchoire, le pouce sous son menton, et la força à incliner la tête pour le regarder.
"On va le faire, Hermione, assura-t-il."
Puis il se pencha et posa fermement ses lèvres contre les siennes, exigeant et ferme. Il profita de sa position pour approfondir le baiser et glisser rapidement sa langue entre les lèvres d'Hermione, qui s'abandonna complètement et se résolut à encercler la nuque du blond pour ne pas s'écrouler sur ses jambes flageolantes. Drago passa son bras libre autour de sa taille et la serra contre lui, s'enroulant autour d'elle, fondant en elle comme s'ils ne faisaient plus qu'un.
Embrasser Drago faisait cet effet là. C'était le genre de baiser qui emportait tout sur son passage. Évident, puissant, intime. Qui faisait accélérer son pouls et se noyer contre lui et faire trembler tout son corps dans le moment. Qui faisait disparaitre le passé et le futur pour qu'il ne reste plus qu'eux deux, maintenant, à cet endroit.
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Un champ magnétique puissant avait été mis en place au-dessus du cimetière pour empêcher quiconque d'apparaître, de lancer des sorts ou de se camoufler dans l'enceinte. Les aurors étaient postés autour des murs, entre les rangées de tombes, certains en civil parmi la foule ou en uniforme aux abords.
Lorsque les Non-alignés étaient arrivés sur le petit chemin bordé de cyprès, formant un groupe compact, encadrés d'une équipe de sécurité à la mine renfrognée, tous les regards s'étaient tournés vers eux. Drago et Hermione marchaient en tête, le front baissé face à la pluie battante, des parapluies à la main. Ils avançaient d'un bloc, sereinement, serrés les uns contre les autres, et pendant un instant toute l'assistance s'était tue pour les observer. À mesure qu'ils s'approchaient des près de deux-cents personnes qui étaient là, les murmures avaient repris.
Hermione ne pouvait s'empêcher d'essayer de deviner ce qu'ils disaient, ce qu'ils pensaient. Certains devaient les plaindre, les trouver courageux d'être là alors qu'ils étaient menacés et avaient déjà subi une attaque. D'autres devaient les envisager avec une certaine méfiance, qu'elle résulte des propos de Lupin ou tout simplement du fait que d'anciens mangemorts se trouvaient parmi eux, et à leur tête. Mais ce qui dominait, c'était des regards intrigués, et une certaine déférence. Comme s'ils étaient devenu les icônes de quelque chose de plus grand, qui les avait placés sous le feu des projecteurs. Comme si le discours de rassemblement qu'elle avait prononcé sur le parvis du ministère les avait fait changer de position. Ils incarnaient quelque chose, à présent. Restait à savoir quoi...
"Foutu parapluie, pesta Drago dans sa barbe lorsque son nouvel accessoire moldu se retourna contre le vent."
Il parvint à lui faire reprendre une apparence normale, à peu près au même moment où le parapluie de Dubois s'échappa de ses mains et s'envola pour aller s'accrocher au sommet d'un arbre. Tout le groupe s'agita, interrompant son avancée, jusqu'à ce qu'Hermione confie son propre parapluie à Dubois, et retourne reprendre sa place à côté de Drago. Les sorciers et les parapluies...
Serrés l'un contre l'autre sous un même accessoire moldu indomptable, ils reprirent leur avancée, et se postèrent autour du cercle déjà formé. Certains députés se saluèrent d'un groupe à l'autre, les prises de bec et oppositions politiques mises de côté pour la journée. Hermione localisa facilement Lupin, entouré de quelques Progressistes, et occupé à discuter avec la famille d'Éloïse Midgen.
"Il a un plâtre ? murmura Pansy, incrédule. Les os de loup-garous, c'est vraiment surcoté.
- Ignore-le, Pans', suggéra Blaise. Inutile d'attirer son attention sur nous."
Hermione remercia mentalement Zabini de recentrer les priorités de la jeune femme. Il avait raison ; il fallait simplement que tout le monde cohabite sans échanger ni regard ni parole le temps de la cérémonie. Facile.
"Putain de merde qu'est-ce-que... jura Blaise quelques secondes plus tard, agrippant le bras de Drago qui grimaça."
Hermione suivit son regard, et dû retenir sa propre bordée de jurons. Ça, ce n'était pas du tout une bonne nouvelle.
"Depuis quand ils se connaissent ? s'étonna Pansy, effarée.
- C'était lui, le mec mystérieux de Cuba, comprit Hermione. Ils sont... engagés romantiquement..."
Blaise tenta de s'échapper, visiblement bien décidé à aller réclamer des explications sonores à Amanda Zabini, actuellement suspendue au bras valide de Remus Lupin. Cette vision d'horreur était incompréhensible. Sous leurs yeux écarquillés, la mère de Blaise ne roucoulait pas, mais avait adopté un air affligé et triste, camouflée derrière une voilette noire symbolisant le deuil. Elle se tenait tout contre Lupin, à ses côtés comme le ferait une épouse.
Sauf qu'il s'agissait d'Amanda Zabini, veuve noire notoire, et incapable de compatir avec qui que ce soit. Sa présence ne pouvait pas être gratuite.
Drago empêcha Blaise de se ruer sur le couple en le bloquant avec son bras. C'était tout juste s'il n'avait pas la bave aux lèvres, prêt à attaquer sa mère - ou Lupin, ou les deux. Hermione capta le regard d'Harry au loin, posté derrière Karacter, qui semblait lui non plus ne rien comprendre à ce qui se passait sous ses yeux. Il articula un "what the fuck" silencieux en direction de la Gryffondor, qui grimaça en réponse.
"Blaise, pas maintenant, dit sèchement Drago. Pas d'esclandre."
Le ton autoritaire et sans appel du blond calma immédiatement Blaise, qui cessa de s'agiter, mais ce fut de courte durée puisque sa mère choisit ce moment pour sortir un mouchoir en soie de sa poche et essuyer délicatement le visage stupéfait de Lupin - qui n'avait même pas l'air d'être en train de verser la moindre larme.
"Oh non, absolument pas ! rugit Blaise, qui une nouvelle fois dû être ceinturé par Pansy et Drago, attirant toujours plus d'attention sur eux.
- Zabini, ne m'oblige pas à t'assommer manuellement. Ce n'est pas parce que je n'ai pas de baguette que je ne peux pas te mettre hors d'état de nuire, menaça Drago entre ses dents.
- Mais il a ses sales pattes sur ma mère, gémit le pauvre Blaise. Elle... Elle sort avec Lupin. J'y crois pas ! Pourquoi il fait ça ! Il déteste ma famille ! Et... Il nous a accusés de terrorisme ! Et... putain, mais elle, qu'est ce qu'elle fait...! Il n'est même pas riche !"
Hermione prodigua des caresses embarrassées au dos du Serpentard, mais ça n'eut pas l'air de l'apaiser. Blaise était tendu au point qu'elle s'attendait à entendre sa colonne vertébrale se rompre.
"J'y crois pas, répéta-t-il. Elle... Elle en a ramené, des mecs bizarres, mais ça...
- Blaise, on règlera ça plus tard. Calme-toi. Tout le monde te regarde, murmura Pansy.
- Elle va essayer de le tuer, siffla Blaise. Vous savez ce qu'elle est en train de faire, alors ne me demandez pas de rester là à regarder en silence.
- Blaise ! coupa Drago. Elle ne va rien faire maintenant, il y a beaucoup trop de monde.
- C'est de ma faute, c'est à cause de ce qu'elle a entendu dans mon appart, l'autre soir... Elle prend les choses en main. C'est... Oh mon dieu... Elle veut l'éliminer, c'est sûr, elle croit qu'elle nous aide à couvrir un crime."
Zabini était littéralement en train de paniquer. Et personne ne savait quoi faire pour le ramener à la raison. Probablement parce qu'il disait la vérité, et que sa mère avait bel et bien décidé de séduire Lupin pour s'en débarrasser, et ainsi éloigner le danger de son fils, qu'elle croyait coupable de meurtre.
"Zabini, grogna Drago. Tu ne vas rien faire maintenant. On ira lui parler plus tard, en privé, et on règlera ça. Je te promets qu'on va s'en occuper. Mais là, j'ai besoin que tu gardes ton calme."
Les épaules de Blaise s'affaissèrent un peu, et il serra les dents.
"On pourra l'entraîner à l'écart au moment de la réception, ajouta Hermione. Personne n'y fera attention."
À la fin de la cérémonie, un rassemblement était prévu dans un local adjacent au cimetière pour que la famille puisse échanger avec les collègues et amis de la défunte. Cette façon de faire avait un peu semblé étrange à Hermione les premières fois, mais c'est ainsi que procédaient les sorciers. Après chaque enterrement, les gens se réunissaient et restaient ensemble avant de se séparer pour retourner à leurs vies respectives. Ça pouvait paraître déplacé de boire de l'alcool en discutant à la sortie d'une cérémonie funéraire, mais cela rendait certainement la transition plus facile, et gommait une part de la tristesse des familles endeuillées.
Lorsque l'officier du ministère commença son discours, le silence se fit dans le cimetière, et même le vent s'arrêta de souffler. Pour autant, la pluie continuait de tomber sur eux, battant contre le tissu de leurs parapluie. Les visages étaient graves, et la forte présence des aurors et de l'équipe de sécurité de Drago participait à instiller une ambiance angoissante. Hermione ne pouvait s'empêcher de balayer la foule ou de se retourner pour regarder par-dessus son épaule, comme si le danger pouvait surgir à n'importe quel moment.
Lorsque la mère d'Éloïse se mit à parler de sa fille, des larmes plein la voix, la Gryffondor attrapa la main de Drago et cessa de s'agiter.
Lupin ne prit pas la parole. Blaise perforait l'arrière de son crâne de ses yeux, qui glissaient de lui à sa mère sans discontinuer.
Et puis, dans un brouillard épais, la cérémonie s'acheva. Le cercueil lévita en douceur dans la tombe creusée dans la terre, et il fut enfoui rapidement. C'était fini.
Hermione sentit les doigts glacés de Drago s'agiter entre les siens, et elle lâcha des yeux la petite motte de terre pour se tourner vers lui. Il était pâle. Il ne lâcha pas sa main, et la regarda avec ses pupilles qui avaient pris une teinte de neige argentée, reflétant le ciel au-dessus de leurs têtes. Sans réfléchir, sans penser qu'ils se trouvaient en public, et devant la totalité de leur groupe politique, Hermione posa la paume de sa main sur sa joue, caressant sa peau avec son pouce. Drago pencha un peu la tête pour approfondir ce mince contact, et ferma les yeux quelques secondes.
"Hmm, les interrompit un raclement de gorge."
Harry se tenait devant eux. La main d'Hermione retomba, et elle se mordit la lèvre en réalisant ce qu'elle venait de faire. Quelques personnes les regardaient en chuchotant, mais dans l'ensemble, personne n'avait vraiment eu l'air de se formaliser de son geste. Probablement parce qu'ils n'avaient rien remarqué, tout occupés qu'ils étaient à se moucher ou à converger vers la salle de réception.
"Ne traînez pas en arrière, on sécurise le bâtiment, maintenant, les informa Harry.
- Oh, dit Hermione.
- Est-ce que la vie de Remus est en danger ? se renseigna Harry à voix basse.
- Probablement, répondit Drago en haussant les épaules comme s'il s'en fichait totalement.
- Et vous comptez faire quelque chose pour empêcher ça ?
- Oui, Harry, le rassura Hermione en cherchant Blaise des yeux. Drago, où est Zabini ?
- Merde, maugréa-t-il en s'éloignant à grandes enjambées à la poursuite de son groupe politique."
Hermione enfonça ses mains dans les poches de son manteau, et soupira.
"Est-ce que je veux savoir ce qui se passe entre la mère criminelle de Zabini et Remus ? reprit Harry, qui regardait lui aussi le blond tracer sa route en écartant tout le monde.
- Je crois qu'on en sait à peu près autant que toi, à vrai dire, avoua Hermione. Et on ne sait même pas si elle cherche vraiment à... tu sais. Après tout, elle n'a jamais été condamnée."
Harry lui jeta un regard entendu.
"Vraiment, Hermione ?
- Drago va s'en occuper, répondit la jeune femme d'un air assuré."
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Drago ne s'en était pas occupé du tout, et maintenant, la situation était hors de contrôle. Blaise et lui avaient réussi à coincer Amanda brièvement, et elle avait joué les imbéciles en prétendant être éperdument amoureuse de Lupin. Comme il était difficile de forcer quelqu'un à avouer sans hausser le ton ou recourir à la force, elle avait fini par réussir à leur échapper en faisant semblant de reconnaître Bellatrix Lestrange dans la foule. Les quelques secondes nécessaires à Drago pour se souvenir qu'elle était morte avaient suffit à lui permettre de prendre le large.
Et maintenant, elle était de nouveau au bras de Lupin, rendant toute approche impossible.
Hermione, Drago, Pansy et Blaise sirotaient un verre de vin d'un air distrait, appuyés contre un des murs de la salle, appliqués à ne pas la laisser disparaître. Si elle partait avec Lupin, c'en était probablement fini. Et Harry devait en être arrivé à la même conclusion, parce qu'il ne quittait pas non plus le couple des yeux.
"Qu'est-ce qu'on va faire ? se lamentait Blaise. Je ne peux pas aller là-bas, Lupin prendrait ça pour une provocation.
- Pas de scandale, asséna Pansy pour la centième fois de la journée.
- On pourrait envoyer quelqu'un d'autre, songea Hermione.
- Et qui ? maugréa Drago, qui ressassait toujours son échec."
Hermione balaya la salle des yeux, incapable de sélectionner un individu en qui elle avait suffisamment confiance pour lui confier une telle mission, ni assez courageux pour affronter un loup-garou en roue libre et une criminelle notoire.
"Weasley, souffla Pansy."
La tête d'Hermione pivota vers Ron, qui venait d'entrer en compagnie de son père.
"Tu veux envoyer la belette pour s'occuper de ma mère ? grinça Blaise. Elle va le manger tout cru.
- Peut-être pas. Ron a de la ressource, réfuta Hermione."
Drago émit un hoquet disgracieux.
"Vous avez une meilleure idée ? les provoqua la Gryffondor."
Mais avant qu'ils ne puissent mettre leur ébauche de plan à exécution, Amanda Zabini murmura quelque chose dans l'oreille de Lupin, qui hocha la tête. Puis ils s'éloignèrent tous les deux en direction de la porte.
"Oh non non non... psalmodia Blaise en s'écartant du mur."
Mais la mère de Blaise changea de direction, et entraîna Lupin vers le buffet. Blaise expira.
"Va chercher Ron, décréta Drago. On a pas d'autre option, et il y a urgence."
Hermione hocha la tête, et s'élança en direction de Ron. Elle ne savait pas très bien comment elle allait le convaincre d'aller interrompre le couple, et attirer Amanda à l'écart. Qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir dire à une femme qu'il ne connaissait pas, rompue à l'art de la manipulation ? En plus, Ron allait poser tout un tas de questions auxquelles elle ne pouvait pas répondre sans dévoiler d'informations compromettantes.
Plongée dans ses pensées, elle zigzagua entre les groupes de personnes qui discutaient à voix basse, focalisée sur son objectif.
Une main sur son bras arrêta sa course, et elle tomba sur Cédric.
"Granger, un mot ? lança-t-il sans perdre une seconde.
- Je croyais que la presse était interdite d'entrée, répliqua Hermione, courroucée."
Elle n'avait toujours pas digéré la façon dont il l'avait piégée et enregistrée à son insu. Même si l'article s'était révélé plutôt élogieux, ses méthodes n'en restaient pas moins déloyales. Et de toute manière, elle n'avait pas de temps à perdre : elle était en mission.
"Je ne suis pas là en tant que journaliste. J'étais à Poudlard avec vous tous, tu te souviens ? rétorqua Cédric.
- Parfaitement. Maintenant, si tu veux bien m'excuser...
- Qu'est-ce que tu as à faire de si pressé à un enterrement, Granger ? s'enquit le reporter d'un air suspicieux.
- Rien, je..."
Elle s'interrompit à la seconde où elle vit, du coin de l'œil, Amanda en train de tendre un verre à Lupin, qui l'accepta. Les rouages de son cerveau se mirent en route à pleine vitesse et, affolée, elle se tourna vers ses comparses pour vérifier s'ils pensaient la même chose. Et ils étaient tous en train de converger vers Amanda. Harry aussi.
La mère de Blaise était en train d'empoisonner Lupin. Au beau milieu des funérailles, avec plus d'aurors autour d'eux qu'au sein même du ministère.
La Gryffondor réalisa en une fraction de seconde qu'elle était la mieux placée pour intervenir, puisqu'elle n'était qu'à quelques enjambées du couple. C'était maintenant ou jamais. Et, sans magie, elle n'avait plus qu'une solution. Elle planta Cédric sur place, bondit en avant, et d'un coup de poignet vigoureux, envoya valser le verre que Lupin tenait.
Tout s'arrêta. Les conversations, les mouvements, les pleurs de la mère d'Eloïse. Tout à coup, le seul bruit qui résonnait était celui du sang qui battait contre ses tempes.
Le verre s'écrasa au sol, et son ancien leader se leva brusquement, un air choqué et surpris sur le visage. Hermione avala sa salive avec difficulté, les yeux ronds. Elle ne savait pas ce qui lui était passé par la tête, mais sur le moment, ça avait semblé être une bonne idée. Une idée acceptable. Mais maintenant, en voyant la posture menaçante de Lupin et le verre brisé au sol, en entendant le silence assourdissant autour d'eux...
"Hermione ? Mais qu'est-ce que tu fais ? Pourquoi tu as fait ça ? protesta Lupin.
- Je te sauve la vie, répondit-elle en se tournant brutalement vers Amanda."
Amanda la regardait sans qu'aucune expression particulière ne transparaisse. Au mieux, elle avait l'air ennuyée. Hermione croisa les bras contre sa poitrine dans un geste défensif, perplexe quant à l'attitude à adopter quand on vient de jeter un verre par terre lors d'un enterrement. Heureusement pour elle, Blaise, Drago, Pansy et Harry étaient tout à coup postés autour de la mère de Blaise, avec des expressions soucieuses.
"Maman, râla Blaise.
- Oh, mon chéri, dit-elle simplement en lui tapotant la joue.
- Qu'est-ce qui se passe, Amanda ? insista Lupin en les regardant tour à tour.
- Je pense que Miss Granger a commis une méprise, mon sucre, gloussa Amanda.
- Mon sucre ? grimaça Blaise.
- Madame Zabini, avez-vous mis quelque chose dans le verre de Remus ? s'enquit Harry avec son ton professionnel.
- Bien sûr, répondit Amanda en levant les yeux au ciel. Du vin."
Elle jeta un regard hautain à leur petit groupe, prenant tout de même soin d'éviter son fils.
"Je vous ai vue verser quelque chose dedans, Amanda, affirma Drago."
Hermione comprit immédiatement qu'il mentait - elle-même regardait, et n'avait rien vu de tel. Mais Amanda ne pouvait pas le savoir., et Drago mentait comme un arracheur de dents, avec une maîtrise quasi-totale de son expression. Elle inclina doucement la tête vers Drago, menaçante. Tout dans sa posture indiquait la prédation, de ses yeux plissés en deux fentes à ses longs ongles discrètement tendus vers lui. Hermione se crispa, et se rapprocha discrètement du blond.
Contrairement à elle, il n'avait pas du tout l'air inquiet. Il fixait la mère de Blaise avec aplomb, la défiant de démentir.
"Madame Zabini... commença Harry.
- Tss tss, Monsieur Potter, le coupa-t-elle sans lâcher Drago des yeux. Il a raison, j'ai versé quelque chose dans son verre."
Puis elle plongea sa main soigneusement manucurée dans sa pochette, et en sortit une plaquette de pilules d'origine moldue.
"Connaissez-vous le viagra, Monsieur Potter ? questionna Amanda sans abandonner pour autant son duel de regards avec le blond.
- Qu'est-ce qui me prouve que c'est bien ces cachets que vous avez mis dans son verre ? rétorqua Harry, légèrement rouge.
- Qu'est-ce que c'est que ça ? s'inquiéta Lupin en lui arrachant la plaquette des mains.
- Oh, quelle situation gênante, pépia Pansy.
- Droguer quelqu'un dans son dos est un délit, Madame Zabini, reprit Harry. Que ce soit du poison ou un médicament favorisant l'érection.
- Quoi ? coassa Lupin.
- Oh Merlin ! dit Blaise.
- Je vous avais bien dit que c'était gênant, ajouta Pansy.
- Monsieur le député ! s'incrusta Cédric. Rencontrez-vous des problèmes d'ordre intime ?"
Hermione se frappa le front du plat de la main. Elle voyait d'ici les gros titres de la Gazette du lendemain.
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Harry débarqua le lendemain matin dans sa chambre, avec ledit journal à la main, et l'air de quelqu'un qui essaye de se retenir de rire de toutes ses forces. Il prit soin de refermer la porte derrière lui, et se jeta dans le lit d'Hermione comme il aurait très bien pu le faire dans un dortoir de la tour des Gryffondor.
"Cédric est un génie maléfique, dit-il en dépliant La Gazette. Pa-nique à l'enterrement. Tu l'as ? Pas - nique. Parce qu'il a des problèmes d'érection."
Et Harry se mit à agiter ses jambes de hauts en bas sur le lit, secouant le matelas sous ses rires, jusqu'à ce qu'Hermione l'imite - certainement plus parce que voir son meilleur ami se comporter comme un enfant, que parce que le jeu de mot maladroit de Cédric recevait son approbation. Elle finit par frapper Harry d'un coup de journal, et reprit son sérieux avec difficulté.
"C'est indécent, Harry. On s'attendrait à ce que le sujet soit les FUNÉRAILLES d'une VICTIME du terrorisme. Mais non, Cédric préfère parler de la vie sexuelle d'un leader politique. Sérieusement... Qu'est-ce qui cloche dans notre société ?
- Oh, 'Mione, tout le journal ne parle que de l'enterrement. C'est juste un encart. Regarde, c'est "la minute décalée". J'ai dû chercher très attentivement pour le trouver."
Hermione leva les yeux au ciel. Bien sûr, Harry allait ignorer les dossiers fouillés et les pages d'informations pour se ruer sur la page gossip de Cédric. Il entretenait une relation troublée avec la presse depuis ses jeunes années, et ne balayait toujours que très rapidement la Une avant d'écarter le journal et de passer à autre chose. Il n'accordait aucun crédit à La Gazette, et rien ne pouvait changer cela. En revanche, quand il savait ce qu'il cherchait, il pouvait vraisemblablement se montrer très appliqué et scanner tout un journal pour débusquer 5 pauvres lignes au sujet de viagra.
"Tout ça ne nous explique pas ce qu'il se passe entre la mère de Blaise et Lupin, ceci dit, ajouta Harry en fixant le plafond, les bras croisés derrière la tête. Remus a changé, mais c'est toujours Remus, et on ne peut pas le laisser entre les griffes de cette femme... Pas vrai ?"
Hermione se tourna dans le lit pour lui faire face.
"Bien sûr que non. Madame Zabini est restée avec Blaise, hier soir, donc il n'a rien pu se passer. Et... On va trouver une solution. Je ne pense pas qu'elle ait vraiment envie d'être avec lui, ou des sentiments, enfin... Et lui ? Il était encore avec Laura il y a quelques semaines. Et puis, ce genre de femme, clairement pas son genre.
- Il n'est pas stupide. S'il la laisse approcher, avec ses antécédents, c'est qu'il y a une bonne raison à ça.
- A quoi tu penses ? se renseigna Hermione, sourcils froncés.
- J'en sais rien. Peut-être qu'il cherche à atteindre Blaise à travers sa mère ? A obtenir des infos sur votre groupe ? Enfin, s'il croit toujours que vous avez quelque chose à voir avec la disparition de Pods... C'est peut-être une façon d'en savoir plus."
Hermione hocha la tête. Ça pouvait faire sens. Amanda tournoyait autour de Lupin, et il la laissait faire en jouant aux dupes alors qu'il la manipulait en retour.
"Quel drôle de couple, grimaça Hermione.
- Plus rien ne m'étonne, pouffa Harry en se redressant sur ses coudes. Sérieusement... J'ai épousé une Greengrass, Ron sort avec sa sœur, Rogue est avec un vampire, et toi tu fricotes avec Drago-fucking-Malefoy. Même si on me disait que Macgo a une liaison avec Chourave, je serais pas plus étonné."
Elle lui asséna un coup d'oreiller sur l'épaule pour faire bonne mesure, mais esquissa quand même un sourire. Ils avaient tous parcouru beaucoup de chemin depuis l'école. Si on leur avait dit, dix ans plus tôt, que les choses allaient évoluer dans cette direction, ils auraient ri à s'en rouler par terre.
"Je resterais bien là toute la journée à parler potins, petit Potter, mais je dois aller au travail, soupira Hermione.
- Pareil. Assurer la sécurité du peuple, combattre le crime, tout ça...
- Ça avance, l'enquête ? demanda Hermione en s'extirpant du lit à regret.
- Pas vraiment. On tourne en rond, sans suspects. On a interrogé des centaines de gens, et on dirait que personne ne sait absolument rien. C'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. En plus, on est en sous-effectif avec toutes ces personnes à protéger. Franchement, même Harmon commence à espérer qu'une nouvelle bombe explose pour qu'on ait des éléments d'information en plus. C'est décourageant."
Hermione déglutit, et ne pu s'empêcher de visualiser très nettement les parchemins reçus par les Serpentards. C'était précisément des éléments d'information. Capitaux. Qui pouvaient aider les aurors et lancer l'enquête dans la bonne direction.
Non seulement ils cachaient des preuves aux aurors, mais en plus ils entravaient volontairement l'enquête. Ce qui les mettait tous en danger. Ils se tiraient une balle dans le pied en refusant de divulguer ces lettres, Hermione l'avait toujours su, et sa détermination à convaincre Drago de les donner à Harry ne fit que se renforcer. Ils devaient faire preuve de franchise, maintenant. Sans attendre qu'une nouvelle bombe fasse davantage de victimes.
Évidemment, elle ne pouvait rien dire dans l'immédiat. Pas sans l'accord de Drago. Et de toute façon, ce n'était pas à elle de le faire - après tout, elle n'avait pas personnellement reçu de lettres. Elle ne pouvait pas décider de la suite à donner sans les Serpentards.
"Je suis sûre que vous allez trouver une piste, Harry. Tu y arrives toujours."
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"Donc, si je comprends bien, je ne peux pas aller au vernissage de l'exposition, parce que je mettrais en danger le public par ma simple présence. Comment est-ce qu'on est censés faire notre travail ? demanda Romilda, les poings sur les hanches."
La réunion s'était déroulée sans anicroches jusqu'à ce que Drago annonce que les apparitions publiques des députés devaient être maintenues au minimum pendant quelques temps. Ceci en réponse aux injonctions du ministère, mais également parce qu'il était évident qu'il ne voulait mettre personne en position de cible au-dehors. Si tous comprenaient bien que le climat était extrêmement tendu, il était difficile pour eux d'accepter de rester à l'écart et de ne pas donner suite à leurs engagements.
"Vane... Ça ne me plaît pas plus qu'à toi, répondit Drago en se passant une main sur le visage. C'est provisoire. On ne peut pas aller là-bas, mobiliser je ne sais combien d'agents de sécurité, et risquer que tu sois blessée, ou pire, avec tout un tas d'innocents autour.
- Mais Drago, ça pourrait durer des mois ! objecta Romilda en cherchant du soutient parmi ses pairs en jetant de regards appuyés.
- Espérons que les coupables soient arrêtés avant ça, grogna Blaise.
- Écoutez... commença Drago en balayant la salle du regard. Je sais que ce que je vous demande est difficile, que vous n'avez pas envie de mettre votre travail entre parenthèses, mais comprenez bien que nous n'avons pas le choix. Les aurors ont été clairs. A chaque fois qu'on met un pied dehors, on risque notre peau. Et celles de ceux autour de nous. D'autant plus quand on se rend à des évènements publics, prévus de longue date. Ça revient à se coller une cible dans le dos. On est en état de siège. Il faut que vous commenciez à comprendre ça et à agir en conséquence.
- Pourtant, on maintient le gala, pas vrai ? objecta Dubois. En quoi c'est différent ?"
Un éclair métallique passa dans le regard de Drago, qui arrivait à bout de sa patience, et Hermione vit l'explosion arriver. Il détestait ce qu'il était en train de faire. Il n'avait pas envie de leur dire de se cacher dans un coin. Et c'était d'autant plus difficile pour lui que les réactions traduisaient exactement ce qu'il pensait personnellement.
Seulement, il était leur leader. Il était responsable d'eux. Il se devait de les protéger, même si ça le rendait impopulaire, et même si ça l'obligeait à avoir le mauvais rôle.
"C'est différent parce que le gala aura lieu dans un endroit privé, sécurisé, encadré par un énorme service d'ordre, répondit Hermione.
- C'est différent parce que ce gala est une démonstration pour le public, ajouta Pansy. Au lieu de multiplier les sorties risquées, on condense nos apparitions à un endroit, un moment, où on apparaitra tous ensemble et forts.
- Mais vous ne comptez quand même pas nous empêcher d'aller au Parlement, aussi ? pépia Padma. Je veux dire, la rentrée approche, et...
- Assez ! coupa Drago en se levant brutalement. Vous êtes des enfants, ou quoi ? Je ne vais pas vous répéter indéfiniment les mêmes choses. Je prends des décisions pour votre sécurité, et si vous n'êtes pas capables de le voir, très bien ! Sortez, allez serrer des mains et laissez-y la vie si vous tenez tant à le faire."
Hermione ferma brièvement les yeux. On y était. Drago avait perdu patience, et avait fait connaître son irritation de la pire des manières. Padma avait les larmes aux yeux, et beaucoup de députés n'osaient plus le regarder, tassés sur leurs sièges. Elle croisa le regard affligé de Blaise qui, comme elle, avait anticipé ce moment sans pouvoir intervenir pour l'empêcher.
"Ce que Drago veut dire, c'est que... commença Pansy d'une voix mesurée.
- Oh, ils ont très bien compris ce que je voulais dire, je n'ai pas besoin d'une traductrice, la coupa le blond.
- Malefoy ! siffla Hermione entre ses dents."
Il tourna la tête vers elle, la foudroyant sur place, mais elle ne flancha pas et secoua lentement la tête de droite à gauche. Il soupira lourdement, mais ne se rassit pas pour autant, et ne s'excusa pas non plus. Pansy avait croisé les bras contre sa poitrine et le fixait durement, vexée. La situation semblait bloquée, et il était hors de question que la réunion s'achève de cette façon.
"On sait que tu veux nous protéger, Malefoy, finit par dire Cormac."
Hermione lui jeta un regard ampli de gratitude. Mais Drago leva les yeux au ciel, complètement hermétique à cette tentative de relancer le dialogue.
"On est tous inquiets, c'est tout. Il y a des rumeurs, reprit-il."
Des murmures se firent entendre de part et d'autre, et cela eut le mérite de ramener Drago dans la conversation.
"Quelles rumeurs ? demanda-t-il presque à regret.
- Au sujet de la rentrée politique ? Des bruits courent... Elle pourrait être repoussée ? insista Cormac.
- Elle pourrait l'être, oui, même si j'ai insisté pour qu'elle ait lieu comme prévu.
- On vous informera dès qu'on aura plus d'informations, ajouta Hermione."
Cormac hocha la tête, mais ces bribes d'informations n'avaient rassuré personne. Les députés se dispersèrent dans un silence tendu, sous le regard irrité de leur leader.
Ce chapitre n'est pas très gai, mais il faut que ça aille moins bien avant que ça aille mieux.
On se retrouve dimanche prochain pour la suite !
