Chapter 36 - Extorsion

La semaine se déroula dans une ambiance morose, et extrêmement tendue. Toutes les apparitions publiques ayant été annulées, les députés des Non-alignés se contentaient d'arriver au penthouse sous escorte, de travailler dans le minuscule cadre qu'ils avaient, et de repartir chez eux, toujours accompagnés. Ils continuaient à échanger et à déjeuner ensemble, mais il n'y avait plus autant d'éclats de rire que d'habitude. Tout le pays semblait à l'arrêt, dans l'attente d'un nouvel attentat. Harry, et tout le service des aurors, travaillaient d'arrache-pied sans entrevoir la moindre piste. Leur équipe de sécurité était sur les dents, dégainant baguette et regards suspicieux au moindre bruit. Deux jours auparavant, un mouvement de panique provoqué par l'éclatement d'un ballon avait déclenché une émeute dans le chemin de Traverse. Quelques sorciers avaient été légèrement blessés, et l'incident avait nettement vidé les rues. Maintenant, les gens ne se déplaçaient qu'en cas d'extrême nécessité, et regardaient systématiquement par-dessus leur épaule.

C'était un retour en arrière douloureux ; c'était comme si, en quelques jours, chacun avait repris des habitudes qu'il croyait avoir oubliées après la guerre. Même si personne ne comprenait réellement ce qu'il se passait dans le pays, la peur était partout.

Drago tournait en rond dans son bureau, maussade, et seuls Blaise, Pansy et Hermione osaient lui adresser la parole - en prenant les précautions nécessaires. Ils avaient préparé ensemble le rendez-vous au ministère destiné à récupérer la possession du Manoir Malefoy, et cette éventualité ne contribuait pas réellement à améliorer l'humeur du blond. Hermione le suspectait même d'y aller à reculons, comme s'il appréhendait de retrouver sa propriété. Plus les heures avançaient, plus il se renfermait sur lui-même, répondant sèchement à qui osait l'importuner. Et que personne n'aborde le sujet du manoir devant lui ! Depuis leur incursion là-bas en pleine nuit, il avait l'air ailleurs. Elle se sentait donc coupable de le pousser à y retourner, même si au départ cette idée lui avait paru brillante. Maintenant, elle le regardait en coin, épiant la moindre de ses réactions, marchant sur des œufs pour le ménager.

En réaction, Drago était exaspéré. Il détestait qu'elle voie clair dans son jeu, et qu'elle lise facilement ses insécurités derrière son numéro colérique. C'était son seul rempart. Et elle louvoyait autour de lui, pleine de bonnes intentions, anticipant ses besoins et prévenant tout hurlement, désamorçant les conflits et lui souriant avec chaleur, alors qu'il n'aspirait qu'à gronder et cogner et détruire quelque chose. Mais Granger le canalisait. Elle contournait son attitude puérile avec grâce et, s'il avait envie de la détester pour ça, il ne pouvait s'empêcher d'observer avec une certaine curiosité les effets qu'elle avait sur lui. Personne, jamais, n'avait réussi à le comprendre et à l'entourer de cette façon, tout en le laissant respirer et grogner lorsqu'il lui était impossible de faire autrement. Granger était une sorte de fée.

Ce qui eu pour conséquence directe de prévenir tout contact physique entre eux. Chaque démonstration d'affection de la part de la jeune femme se soldait par une fuite plus ou moins subtile du blond, qui se renfermait sur lui-même et refusait toute douceur. Il ressassait. Et à mesure que le rendez-vous au ministère s'approchait, il était de plus en plus crispé.

"T'es sûre que tu veux pas que je vous accompagne ? chuchota Blaise en fixant la porte du bureau de leur leader avec une certaine appréhension."

Hermione secoua la tête en enfilant son manteau.

"Ça va aller, Blaise, marmonna la jeune femme. C'est juste un mauvais moment à passer. On est prêts, et on a un dossier béton. Ils ne peuvent pas refuser.

- Il va falloir rapidement nommer quelqu'un à la tête de la fondation. Il ne peut pas gérer ça, regarde-le... maugréa Blaise sans quitter la porte des yeux. Il faut lui enlever ça des épaules, et vite.

- J'ai sous-estimé sa réaction. Si j'avais réalisé plus tôt à quel point c'était difficile pour lui, je n'aurais jamais proposé ça, se reprocha Hermione en secouant la tête.

- Personne ne pouvait anticiper, c'est pas comme s'il avait pour habitude de partager ses émotions. Et c'est la bonne chose à faire. Il faut juste qu'on trouve quelqu'un pour prendre le relai, et assurer à la place de Drago."

Hermione n'eut pas le loisir de répondre, puisque l'intéressé sortit en trombe de son bureau, sa cape sur le dos, et claqua la porte derrière lui avant de s'élancer vers l'ascenseur. Il claqua des doigts en direction de son équipe de sécurité, qui se mit également en marche sans se formaliser de ses méthodes cavalières.

"Il a l'air d'humeur joviale, grimaça Blaise en tapotant l'épaule d'Hermione en signe de soutien."

La jeune femme grimaça, et partit à la poursuite de Drago, qui n'avait pas particulièrement l'air de vouloir l'attendre. Il s'était déjà engouffré dans la cabine de l'ascenseur avec trois gardes, et ne fit pas un geste pour retenir la fermeture des portes. C'est Sergueï qui la bloqua du bout du pied, pour qu'Hermione puisse se jeter dans l'interstice au dernier moment.

Essoufflée, elle remercia l'agent d'un sourire, et coula un regard en coin à Drago, qui l'ignorait. Une part d'elle avait envie de lui écraser le pied ou de lui crier dessus, mais elle la fit taire, parce que Drago était en souffrance, et qu'elle ne pouvait pas se permettre de l'irriter juste avant un rendez-vous capital. Elle devait se retenir de le confronter encore pendant quelques heures, puis ils règleraient ça, qu'il le veuille ou non.

Le trajet vers le ministère se fit en silence. Hermione tenta bien de lancer une conversation avec Sergueï, mais il se contentait de répondre par des grognements, ce qui limitait grandement la communication. Drago marchait en regardant le sol, le visage fermé.

Ce fut donc dans une ambiance détestable qu'ils s'installèrent dans la salle d'attente du haut-fonctionnaire qui devait les recevoir, assis sur des chaises inconfortables, et encadrés par trois agents à la mine patibulaire qui dévisageaient tout intrus. Hermione essaya de lire un numéro de Sorcières Hebdo qui traînait sur une table, mais le reposa rapidement avec un roulement des yeux. Elle se fichait éperdument de connaître 10 poses pour être sexy sur un balais.

Drago ne parlait toujours pas, et regardait fixement devant lui. C'était insupportable. N'y tenant plus, elle pivota vers lui.

"Est-ce que ça va ? demanda-t-elle d'un ton le plus neutre possible."

Elle ne devait pas avoir l'air de s'inquiéter pour lui, sinon il allait lui casser sa chaise sur la tête. Elle commençait à comprendre son mode de fonctionnement. Il s'était montré vulnérable devant elle une fois, et maintenant, il compensait en se comportant comme un robot dépourvu d'émotions. Typique Malefoy.

"Parfaitement, répondit-il sèchement.

- Drago, si tu as changé d'avis, on peut...

- Je n'ai pas changé d'avis, la coupa-t-il. Que fait ce foutu employé de bureau ? Il croit qu'on a que ça à faire, d'attendre là assis sur une foutue chaise, dans une foutue pièce qui sent la poussière ? Putain..."

Autant de jurons dans la même phrase ne disait rien qui vaille.

"On était un peu en avance, il va arriver, dit Hermione en priant intérieurement pour que ce soit vrai.

- Il a intérêt, siffla Drago. Foutu bureaucrate parasite..."

Hermione déglutit lorsque la porte du bureaucrate parasite s'ouvrit en grand, révélant un petit homme entre deux âges, des lunettes posées en équilibre précaire sur un nez pointu.

"Monsieur Malefoy, Miss Granger ! les salua-t-il comme s'il n'avait pas entendu les insultes de Drago."

Hermione s'empressa de se lever pour lui serrer la main, avec un sourire d'excuse. Inutile de contrarier un employé du ministère qui tenait leur destin entre ses mains. Pour un stratège rompu à l'art de la manipulation, Drago manquait cruellement de savoir-vivre. Il consentit néanmoins à serrer lui aussi la main de l'employé, qui leur fit signe d'entrer. Il regarda avec une inquiétude non contenue les trois gorilles qui contrôlaient les issues de la pièce, et s'empressa de refermer la porte.

"Bien, j'ai bien reçu votre demande de restitution. Votre dossier était très exhaustif, et nous l'avons étudié avec soin, commença l'homme en dégainant la pile de papiers qu'ils avaient minutieusement préparée."

Hermione croisa les jambes, attendant un mais. Quelles que soient les objections administratives, ils étaient prêts.

"Merci, Monsieur...?

- Oh, je ne me suis pas présenté ! Je suis le secrétaire Hautbois, chargé des saisies judiciaires auprès du service de répression des fraudes."

Un reniflement moqueur surgit sur la droite d'Hermione, mais lorsqu'elle se retourna pour réprimander discrètement Drago, il arborait un visage parfaitement neutre et poli. Comme si ce bruit incongru était tombé du ciel.

Elle décroisa les jambes, et décida de l'ignorer, concentrée sur sa tâche.

"Nous sommes ravis de pouvoir discuter de cette demande avec vous, monsieur Hautbois, dit Hermione. Comme vous avez dû le voir, nous avons conçu un projet précis, qui s'inscrit dans la durée, et qui a le potentiel de bénéficier aussi bien aux enfants défavorisés qu'au Ministère.

- Et à votre petit groupe d'agitateurs politiques, j'en suis sûr, ajouta le secrétaire avec un air vicieux qui prit la jeune femme de court."

Hermione déglutit, étonnée que le secrétaire adopte cette attitude si peu professionnelle. Ils étaient députés, élus par les sorciers, tout de même !

"Ainsi qu'à Monsieur Malefoy, ici présent, ajouta Hautbois en plissant les yeux en deux fentes menaçantes."

Cela ne fit que renforcer la stupeur d'Hermione, qui le regardait bêtement en silence, déstabilisée.

"Je ne me prétends pas philanthrope, dit Drago d'une voix traînante. Ce projet nous est mutuellement profitable, et vous le savez.

- Le ministère n'a pas pour habitude de travailler en sous-main avec des organisations privées, ni de déléguer ses missions à d'anciens mangemorts, cingla le petit homme."

Hermione faillit en tomber de sa chaise. Elle ne s'attendait certainement pas à une telle attaque frontale. Que venait-il de se passer ?

"Je crois pouvoir affirmer que le ministère a fait plus que déléguer à des mangemorts particulièrement actifs, par le passé, rétorqua Drago d'une voix étrangement calme.

- Monsieur Malefoy ! s'exclama le secrétaire, visiblement offensé par l'accusation.

- Vous n'allez quand même pas avoir l'audace de nier que vous avez collaboré avec Voldemort, si ? suggéra Drago avec un sourcil arqué.

- Le ministère n'a jamais travaillé avec lui ! Ce sont des calomnies !"

Hermione assistait à cet échange venimeux sans comprendre comment ils en étaient arrivés là aussi vite. Elle devait reprendre la main, et rapidement, sans quoi le manoir allait indubitablement leur filer entre les doigts.

"Monsieur Hautbois... commença-t-elle.

- Quelle indécence ! la coupa Hautbois, les traits déformés par la rage. Vous osez venir ici, entre les murs de l'institution la plus ancienne et la plus respectée du monde sorcier, pour réclamer qu'on vous rende votre manoir, en utilisant des prétextes fallacieux et en insultant le ministère ! Pour qui vous prenez-vous ? Ce manoir a été saisi pour réparations ! Il ne vous appartient plus ! Et il ne servira jamais à héberger des criminels ! Comme si le ministère allait accepter de vous confier de jeunes esprits déjà perturbés et malades ! De vous les confier, à vous !"

Drago blanchit brutalement, et ses lèvres se serrèrent jusqu'à devenir deux minces fentes. La possibilité qu'il dégaine sa baguette devenait de plus en plus crédible à mesure que le secrétaire déversait son fiel sur eux.

"Ce sont des enfants, rectifia Hermione, qui sentait elle aussi la fureur l'envahir. Ils ne sont pas malades.

- Peu importe ! Ils ne mettront jamais les pieds dans ce maudit manoir, et vous non plus ! pépia Hautbois, très sûr de son fait. Vous perdez votre temps. Notre décision a été prise. Nous ne restituerons jamais cette propriété, elle appartient au ministère !

- Vraiment...? siffla Drago, menaçant.

- Que comptez-vous en faire ? intervint Hermione, désespérée de ramener la conversation sur un terrain raisonnable. Vous ne pouvez pas le détruire, ni le désensorceler, ni le vendre. C'est un gouffre financier. Vous vous y cassez les dents depuis des années, sans faire de progrès."

Hautbois abandonna enfin son duel de regard avec Drago, et planta deux yeux torves vers elle.

"Et comment sauriez-vous ça, Miss Granger ?"

Excédée par son attitude désastreuse et clairement antagoniste depuis qu'ils avaient mis un orteil dans son bureau, Hermione sentit le sang affluer dans ses tempes, et avant qu'elle n'ait eut le temps de réfléchir, elle ouvrit la bouche.

"Allons Monsieur Hautbois, ce ministère est une véritable passoire rongée par la corruption. Aucune information n'est vraiment tenue secrète, asséna-t-elle."

Drago eut brièvement l'air surpris par son attaque, et lui adressa un regard qu'elle aurait pu qualifier de fier si les circonstances avaient été différentes. En l'état actuel des choses, elle était en train de lui faire perdre définitivement son manoir, après lui avoir fait traverser des semaines d'angoisse à son sujet. Drago ne pouvait pas être autre chose que plein de ressentiment à son égard. Néanmoins, il passa très rapidement de l'étonnement à une détente calculée, et fixa toute son attention sur Hautbois.

"Vous prétendez l'avoir saisi pour réparations, mais vous n'en avez jamais tiré d'argent, n'est-ce pas ? poursuivit-il. Et à quoi exactement sont destinés les prétendus fonds ? Que comptez vous en faire ?

- Ça ne vous regarde pas ! s'écria le petit homme.

- Mais ça regarde les citoyens. Les dépenses du ministères sont des faits d'utilité publique. Je suis sure qu'ils seraient très intéressés de savoir où sont passées les sommes colossales que vous avez récoltées depuis la fin de la guerre. A moins qu'elles n'aient été détournées, bien entendu, insista Hermione. Ce qui serait désastreux, non seulement d'un point de vue moral, mais également vis-à-vis de l'opinion publique. J'avais cru comprendre que les sommes saisies devaient être utilisées pour compenser les pertes de la guerre, et reconstruire. Or, qu'avez-vous exactement réalisé ? Peut-être que je ne suis pas au courant des actions menées, monsieur Hautbois. Pouvez-vous nous éclairer ?"

Elle ne savait pas du tout ce qu'elle était en train de faire. Harry, le Survivant, avait été suspendu pour avoir évoqué cette éventualité. Elle venait probablement de commettre un énorme impair, sans n'avoir aucune forme de preuve pour étayer ses accusations. Et, au vu du regard meurtrier que lui lançait Hautbois, elle allait avoir de sérieux problèmes.

Drago s'agita sur sa chaise, se penchant légèrement en avant, et Hermione remarqua la lueur excitée dans son regard.

"Qu'êtes-vous en train de dire, Miss Granger ? s'enquit le secrétaire avec une lenteur calculée."

Elle y était jusqu'au cou. Impossible de reculer, à présent. Elle s'accorda une fraction de seconde avant de répondre, jetant un regard éclair à Drago, qui attendait en silence. Il ne faisait rien pour lui indiquer qu'il fallait qu'elle arrête. Pire : il hocha imperceptiblement la tête, comme pour l'encourager. Et c'était comme s'il avait appuyé sur la gâchette, elle ne pouvait plus se retenir de porter les coups.

"Je suis simplement intriguée. Avouez que c'est curieux, avec toutes ces saisies de propriétés et de coffres à Gringotts, que le ministère n'ait pas financé d'immenses projets pour le peuple et redistribué de l'argent à toutes les victimes. C'est une chance que les citoyens ne soient pas encore au courant de l'étendue des saisies. Sans quoi, ils se poseraient sûrement des questions. Où est passé tout cet argent, monsieur Hautbois ? Pourquoi enfermez-vous des mineurs dans une prison insalubre alors que vous avez des fonds disponibles pour améliorer leurs conditions de vie ?"

Drago redressa le menton et fixa le secrétaire de son air le plus hautain. Prends ça, bureaucrate parasite.

"Quelle indécence, cracha le secrétaire entre ses dents. Vous croyez qu'il vous suffit d'exiger, et que le ministère disposera, sous prétexte que vous avez plus ou moins œuvré à détruire Voldemort ? Désolé de vous l'apprendre, Miss Granger, mais vous n'avez aucun pouvoir ni aucune prérogative ici. Nous ne sommes pas vos laquais, ni à vous, ni à Monsieur Potter. Cette discussion est terminée, et vos menaces n'y changeront rien !

- Oh, vraiment ? lança Hermione."

Il avait mentionné Harry, et c'était une erreur. Il faisait un lien entre les accusations de son meilleur ami, et les siennes. Il reconnaissait l'existence de questions qui avaient été soigneusement étouffées et passées sous silence. Il y avait décidément anguille sous roche.

Les secondes s'égrenaient et son énervement gagnait du terrain, menaçant de tout renverser sur son passage. Mais elle ne pouvait pas montrer le moindre signe d'agacement, pas maintenant.

"C'est très simple, reprit-elle calmement. Soit vous restituez ce manoir à son juste propriétaire sans faire d'histoire, et vous permettez à une fondation caritative de prendre soin d'enfants que le ministère néglige en vous associant publiquement à une cause juste et populaire, soit je vous expose dans la presse. Vous savez ce dont je suis capable. Vous connaissez mes relations et les appuis que j'aurai.

- Mais vous êtes folle ! l'accusa Hautbois, avant de se mettre à ricaner nerveusement. Personne ne vous croira. Vous n'avez aucune preuve, pour la simple et bonne raison qu'il n'y a pas de malversations financières existantes. Vous vous ridiculisez.

- Il suffit que je présente mes doutes pour que la machine s'enclenche, rétorqua Hermione en croisant les bras contre sa poitrine. Une étincelle suffira pour que les gens commencent à demander au ministère de rendre des comptes. Je n'ai pas besoin de preuves. Qu'allez-vous faire, lorsqu'on vous demandera de rendre vos finances publiques ? Comment justifirez-vous le traitement inhumain que vous faites subir à des mineurs ?"

Hautbois poussa un cri outragé et bondit sur ses pieds, projetant leur précieux dossier au sol, et pointa la porte du doigt.

"DEHORS ! hurla-t-il, complètement hystérique. SORTEZ DE MON BUREAU !"

Ses lunettes glissèrent sur son nez et il les redressa d'une main tremblante, figé dans une position défensive.

"Vous êtes sûr ? vérifia Drago avec un petit sourire victorieux."

Hermione secoua la tête, pas vraiment sûre que cette bataille rangée et ces hurlements soient une réelle victoire.

"SORTEZ ! cria-t-il d'une voix aiguë."

La porte s'ouvrit brutalement sur Sergueï, qui balaya la pièce de la pointe de sa baguette, en alerte. Monsieur Hautbois recula contre le mur en continuant à leur hurler dessus, et Drago finit par soupirer, secouant la tête comme s'il faisait face au caprice d'un enfant turbulent.

"Tout va bien Sergueï, Monsieur Hautbois traverse simplement une petite crise de nerf, fit Drago. Il s'inquiète de sa carrière qui s'apprête à s'écrouler. C'est vrai que ce serait fâcheux, après tant d'années au service des citoyens, de se retrouver traîné dans la boue et sans emploi.

- JE VAIS APPELER LA SÉCURITÉ ! menaça le secrétaire, rouge de colère.

- Soyez raisonnable, Hautbois. Vous vous ridiculisez, ajouta Drago. Il vous suffit de signer ces papiers et tout s'arrêtera. Une petite signature, et votre carrière est sauvée. Réfléchissez. Rendez-moi mon manoir, qui ne représente que des ennuis pour vous de toute façon, et vous n'entendrez plus jamais parler de vos petits arrangements financiers.

- JE NE CÉDERAI PAS A VOS MENACES !

- Vous voulez que je le secoue un peu ? proposa Sergueï en se retroussant les manches.

- Non ! objecta Hermione, affolée."

Elle avait déclenché tout ça en faisant du chantage au secrétaire, ce qui n'était déjà pas très glorieux. Inutile de rajouter des charges d'extorsion et de torture à la liste de leurs méfaits.

"Hautbois, signez-ça, insista Drago en attrapant le formulaire sur le bureau. Signez-ça, et Sergueï ne vous coupera aucun doigt. Je m'y engage."

Oh Merlin, songea Hermione. Ils étaient en train de menacer un fonctionnaire du ministère d'amputation. Dans son propre bureau. Si Harry avait vent de cette affaire, il allait lui arracher la tête.

Drago agitait les feuilles sous le nez du secrétaire, acculé contre le mur, qui dardait sur eux un regard assassin.

"Signez, ordonna le blond en avançant vers lui pour lui coller la liasse contre le torse avec autorité. Vous passerez pour un grand humaniste qui se soucie de son peuple, pour changer. Vous pourrez faire la couverture de la Gazette en vantant les mérites de ma fondation.

- JAMAIS ! hurla le petit homme en jetant les papiers au sol, avant de les piétiner avec force."

Sergueï fit un pas dans sa direction, et Hautbois se tassa un peu plus contre le mur, mais Drago l'arrêta d'une main levée.

"Hautbois, soyez raisonnable. Si on sort de ce bureau sans mon manoir, notre première visite sera dans les locaux de La Gazette, puis nous irons au siège de Wizzard Channel. Vous pouvez être sûr qu'il y aura une édition spéciale en direct dès ce soir, où on exposera le ministère. Vous serez limogé dès demain, parce que vous n'êtes qu'un fusible. Le ministère se débarrassera de vous sans cligner des yeux, et vous blâmera pour cette erreur de jugement. Je récupèrerai mon manoir, bien sûr. Et vous, vous serez ruiné, trainé dans la boue, et ils vous mettront tout sur le dos. Ils ne veulent pas qu'on pose des questions, et ils seront prêts à tout pour étouffer le scandale. Vous voulez vraiment vous sacrifier pour une institution gangrénée et coupable, qui vous jetterait en pâture sans aucun scrupule ? Réfléchissez, Hautbois. La balle est dans votre camp. Si vous signez maintenant, personne n'entendra parler de cette petite conversation civilisée. Je vous fais une offre généreuse, et vous ne pouvez pas la refuser."

Le secrétaire avala douloureusement sa salive, affolé. Sergueï fit craquer ses articulations. Hermione ferma les yeux.

"Et vous conserverez tout vos doigts, ajouta Drago très sérieusement."

Hautbois se jeta au sol pour ramasser les papiers épars, et Drago s'empressa de lui tendre une plume. Cette fois, il signa sans hésiter.

"Merci de nous avoir accordé un peu de temps, Monsieur le secrétaire, dit Hermione d'une petite voix en se levant sur ses jambes tremblantes."

A quatre pattes sur le parquet de son bureau, Hautbois lui jeta un regard hagard.

"Je ne vous serre pas la main, mais le cœur y est, ajouta-t-elle en ramassant son sac."

Drago pouffa, et glissa un bras autour de sa taille pour l'entraîner vers la sortie. Sergueï referma la porte derrière eux. Ils venaient de commettre un délit passable d'une sentence à Azkaban, ni plus ni moins, et Drago était gai comme un pinson.

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Ils n'avaient pas perdu de temps, et avaient fait enregistrer leurs précieux formulaires auprès des guichets compétents. Personne n'avait eu l'air étonné, chaque employé avait apposé son cachet ou sa signature sans vraiment prêter attention au contenu des documents. Mécaniquement, les tampons adéquats avaient été ajoutés, et en quelques minutes, ils étaient de retour au penthouse, un titre de propriété précieusement rangé dans la poche de Drago. Qui sifflotait, un bras toujours enroulé autour de la taille d'Hermione, pressant ses doigts fermement dans sa peau. Il semblait particulièrement ragaillardi par leur négociation houleuse, et visiblement l'angoisse liée au manoir était passée au second plan.

"On devrait faire ça plus souvent, dit-il tandis que l'ascenseur les ramenait au penthouse.

- Oui, confirma simplement Sergueï."

Hermione fronça le nez. Elle ne voulait pas tuer dans l'œuf la bonne humeur retrouvée de Drago, mais ce qu'il s'était passé au ministère était tout de même relativement dérangeant. Non pas que Hautbois n'ait pas mérité d'être un peu malmené. Mais cette escalade d'accusations et de violence... Qu'elle avait elle-même déclenchée... Comment avait-elle pu se jeter dans la gueule du loup pleine d'optimisme, sans prévoir l'hostilité à laquelle ils allaient devoir faire face ?

"Sergueï, vous n'auriez tout de même pas... blessé monsieur Hautbois, si ? vérifia Hermione.

- Si, répondit le russe sans hésitation.

- Drago, tu n'aurais pas laissé une telle chose se produire, insista la jeune femme.

- Si, répondit l'intéressé."

Hermione se mordit l'intérieur de la joue.

"Il va falloir qu'on mette la main sur les registres financiers du ministère, reprit Drago. Ça ne va pas être facile.

- Qu'est-ce que tu comptes en faire ? s'inquiéta Hermione.

- Je ne sais pas encore. Il faut qu'on soit capable d'identifier les responsables du programme de saisie, qu'on trace l'argent, et qu'on puisse comprendre ce qu'ils en font réellement. Ensuite, on avisera.

- Ça pourrait faire tomber le ministère."

Les portes s'ouvrirent sur Blaise et Pansy, qui étaient assis sur les fauteuils du lobby et semblaient les attendre.

"Alors ? s'enquit la Serpentard en se levant d'un bond."

Drago dégaina le titre de propriété avec un rictus satisfait. Blaise lui claqua le dos et leva le pouce en l'air en direction d'Hermione. Tout le monde était extatique.

"Incroyable ! lança Pansy. Maintenant je peux vous le dire, je n'y croyais pas du tout. Je pensais pas qu'ils céderaient aussi facilement.

- Ça n'a pas été facile du tout, confirma Hermione en se passant une main dans les cheveux.

- Je n'ai pas cassé de doigts, dit Sergueï en s'éloignant avec sa troupe en direction de la machine à café."

Blaise, interdit, le regarda disparaître.

"Qu'est-ce qu'il s'est passé ? finit-il par demander.

- Granger a menacé de détruire le ministère, expliqua Drago en lui jetant un regard... fier ?

- C'est un peu exagéré, dit-elle, rosissante.

- Bon sang, mais qu'est-ce que vous avez encore fait ? s'inquiéta Blaise en plissant les yeux. Vous êtes des terreurs, tous les deux.

- On devrait en parler dans un endroit plus privé, suggéra Pansy."

Avec un air de conspirateurs, ils partirent s'enfermer dans le bureau de Drago, et ils racontèrent l'intégralité de l'entrevue sans omettre de détails. Pansy et Blaise alternaient entre exclamations outragées, rires, et grognements de colère.

"Vous croyez qu'il va ébruiter cette entrevue ? s'inquiéta Pansy à la fin de l'histoire.

- Impossible, répliqua Blaise. Il est coupable d'un truc bien plus grave qu'une petite tentative d'extorsion. A laquelle il a cédé. Il n'aurait jamais signé ce papier s'il n'avait pas quelque chose à cacher de bien plus explosif.

- C'est ce que je pense aussi, confirma Hermione. Il a parlé d'Harry."

Les trois autres la regardèrent sans comprendre où elle voulait en venir avec cette information. Et, à cet instant, elle réalisa qu'elle ne voyait plus aucune objection à tout leur dire. Ils étaient ensemble. Elle était trop impliquée pour faire cavalier seul, ou changer d'avis. Peut-être qu'avant sa mise au point avec Drago et Blaise, elle aurait caché ce qu'elle savait. Peut-être qu'elle aurait été affligée et effrayée par ce qui s'était déroulé dans le bureau de Hautbois. Mais maintenant... Elle voyait tout cela comme un mal nécessaire. Ils étaient parvenus à leurs fins. Personne n'avait été blessé. Et leur cause était juste. Parce qu'il ne s'agissait pas que de récupérer le manoir ; c'était beaucoup plus que ça. La fondation était en jeu, et avec elle le sort de dizaines d'enfants. Et, surtout, le ministère était corrompu, et continuerait à l'être si personne ne faisait rien.

Et, où injustice il y avait, Hermione Granger se devait d'aller au fond des choses. Avec des gens en qui elle avait confiance.

Ce qui l'aurait choquée auparavant lui semblait à présent être une idée tout à fait raisonnable. Faire confiance aux Serpentard l'était également. Alors elle parla.

"Il a essayé d'en savoir plus, quand il a commencé à travailler comme auror. Comme il est... Eh bien, Harry Potter, il a assisté à énormément de procès, il a témoigné des dizaines de fois, et il a été interpellé par les montants saisis. On parle de centaines de propriétés, de comptes gelés dans plusieurs pays, d'objets de valeurs saisis... Prises une par une, les saisies semblaient déjà conséquentes, mais la masse formée... C'était vraiment colossal. Il a posé quelques questions pour prendre la température, il a utilisé ses connections pour comprendre ce qui était réellement fait ou non avec tout cet argent, qui s'en occupait, quels étaient les projets du ministère. Et il a été convoqué par son supérieur, qui lui a fait comprendre qu'il devait arrêter. Qu'il se trompait d'ennemi, qu'il devait être loyal à son service, ce genre de trucs.

- Et Potter n'a rien écouté, devina Drago avec un sourire narquois.

- Exact. Il a continué à enquêter, sans en parler à personne à part à Ron et moi. Et encore, il donnait des informations très lacunaires, parce qu'il ne voulait pas encore nous entraîner dans des ennuis qui nous dépassaient. C'est comme ça qu'il savait que le ministère ne venait pas à bout de ton manoir. Sauf qu'il a fini par alerter des gens un peu trop impliqués, et il a été suspendu.

- Ils ont suspendu Harry Potter ? s'étrangla Pansy.

- Pendant un mois entier. Ça a été très dur à avaler pour Harry.

- Et il n'a pas fait de scandale ? Je veux dire... C'est Harry Potter. Il aurait suffit qu'il dénonce les pratiques du ministère et il les aurait fait couler à lui tout seul, songea Blaise.

- Daphné était enceinte, il venait tout juste de passer son diplôme d'auror, et il ne voulait pas repartir en guerre après tout ce qu'on avait traversé. Cette fois, il était tout seul. Je ne sais même pas exactement ce qu'il avait trouvé, parce qu'il ne nous a pas vraiment impliqués, avec Ron, expliqua Hermione.

- Potter a été réintégré, et il a abandonné ? demanda Drago avec un air dubitatif.

- Il n'en a plus jamais reparlé."

Les trois autres la dévisageaient soudain comme s'ils doutaient de sa santé mentale.

"Mais il a continué à chercher, décréta Drago. C'est certain.

- Si c'est le cas, il n'en a jamais rien dit, et il n'a rien fait non plus pour mettre au jour des failles légales, répondit Hermione.

- Peut-être qu'il n'a pas assez de preuves, devina Blaise. Et puis, ils doivent le surveiller de près maintenant, et pas le laisser fouiner.

- Il faut qu'on parle à Potter, décida Drago en se passant une main dans les cheveux.

- Tu crois vraiment qu'il voudra nous aider ? s'interrogea Pansy en grimaçant."

Drago se tourna vers Hermione pour connaître son avis sur la question, et elle haussa les épaules, incertaine.

"C'est trop grave. Il ne dira rien s'il ne sait pas ce qu'on compte faire de ces informations.

- C'est légitime, répondit Drago.

- Il y a de quoi faire sauter des gens très importants. Déstabiliser le pays. Mettre le peuple dans la rue. Et créer le chaos, en particulier maintenant... marmonna Hermione. Les gens sont affolés. Si on leur apprend par dessus le marché qu'ils ne peuvent pas faire confiance à ceux qui les gouvernent...

- Entends-je guerre civile ? lâcha Blaise en plaquant une main sur son oreille.

- Il faut être prudent avec ces informations, si on les obtient, temporisa Pansy. Qu'est ce qu'il adviendrait de nous si l'élite politique s'effondrait ? Peut être que nos électeurs se détourneraient de nous aussi.

- Si c'est nous qui révélons ce scandale, on perdra pas leur confiance, dit Drago. On fait pas partie du ministère. On est élus par le peuple, et on est trop jeunes pour être impliqués dans leurs magouilles ancestrales. Surtout qu'on en est les premières victimes. Je veux dire... Rien qu'à nous trois, on aurait dû financier dix hôpitaux, autant d'orphelinats et quelques terrains de Quidditch.

- Et ensuite, quoi ? soupira Hermione. Révéler tout ça provoquerait un séisme, des séries de démissions et de renvois, le ministère serait incapable de fonctionner, et tout le système légal serait bloqué. Il y aurait de nouveau des procès. Comment on s'inscrit là-dedans ?

- On remplace le ministère ? suggéra Blaise en tapotant un index sur son menton. Ce serait le moment idéal pour un coup d'état."

Hermione tourna brusquement la tête non pas vers lui, mais vers Drago, qui n'arborait aucune expression particulière. Et ça, c'était très louche. Parce que ça voulait non seulement dire qu'il avait déjà pensé à cette idée, mais également qu'elle prêtait à réflexion d'après lui. Et non pas à rire, comme Pansy était en train de le faire. Si elle ne s'imaginait pas en train de conduire un putsch, visiblement, Drago n'y voyait aucun inconvénient.

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Hermione attrapa distraitement le plat que lui tendait Daphné et se servit, n'écoutant que d'une oreille les babillements permanents de Dahlia. Ce dîner se déroulait sans qu'elle ne prenne part aux conversations, tout occupée qu'elle était à rejouer le moment étrange dans le bureau de Drago. Elle était rentrée aussitôt après, et avait méticuleusement cuisiné le repas en silence, coupant, hachant et épluchant. Harry et Daphné l'hébergeaient, elle leur devait bien ça.

"'Mione ? l'appela Harry en secouant une salière devant son nez.

- Oh ! sursauta la jeune femme.

- Tout va bien ? s'enquit-il en la regardant de ses yeux verts perçants.

- Oui ! Désolée... J'étais ailleurs.

- Je vois ça."

Hermione lui adressa un sourire qui n'atteint pas tout à fait ses yeux, et but une petite gorgée d'eau.

"Je croyais que le rendez-vous au ministère s'était bien passé. Le manoir est acquis, pas vrai ? vérifia Harry en fronçant les sourcils.

- J'arrive pas à croire que personne ne m'ait dit que vous aviez décidé de récupérer le manoir Malefoy, intervint Daphné. Je veux dire... C'est énorme. Drago doit être vraiment ravi !

- Personne n'était au courant, expliqua Hermione en reposant son verre. Seulement Blaise, Pansy, Harry et ta sœur. On ne voulait rien ébruiter avant que ce soit fait, au cas où... ça tournerait mal. Ça aurait compromis nos chances de convaincre le ministère si on avait évoqué nos projets.

- Mais ça n'a pas mal tourné, insista Harry dans une affirmation qui semblait chargée d'interrogations.

- Non, confirma Hermione."

Sauf si on estimait que menacer un employé du ministère de perdre l'usage de ses doigts était une mauvaise chose.

"Hautbois est coriace. Vous avez dû batailler sévèrement pour le convaincre, supposa Harry.

- Assez, oui, grogna Hermione sans en dire plus.

- J'arrive pas à croire que le ministère ait cédé en un seul rendez-vous. Le manoir vaut une sacré somme de galions... Et ça crée un précédent, pour eux, de restituer une saisie. Ça pourrait inciter les autres sangs-purs à essayer de récupérer leurs biens. Comment vous vous y êtes pris ?"

Hermione haussa les épaules, et remplit de nouveau son verre d'eau pour se donner le temps de formuler une réponse qui approche de la vérité, sans en dire trop pour autant.

"Notre dossier était solide. Et s'associer à une fondation qui œuvre pour des enfants en difficulté, c'est positif pour le ministère. De toute façon, tes infos étaient justes, ils ne savaient pas quoi faire avec la propriété. Ni avec les enfants. On leur a enlevé une épine du pied."

Harry la dévisagea plus franchement, les yeux plissés.

"Le ministère est attaché à ses épines. Ce sont des épines symboliques. Et qui rapportent gros, contra Harry.

- Eh bien, visiblement, ça a quand même fonctionné, lança Daphné en se levant pour débarrasser la table."

Hermione s'empressa de se lever à son tour pour l'aider, bien décidée à arrêter là cet interrogatoire avant qu'Harry ne comprenne exactement comment ils avaient retiré cette foutue épine des pieds du ministère de la Magie. Parce que c'était évident, il ne croyait pas à sa version édulcorée de l'entretien. Il était suspicieux. D'ailleurs, il se leva aussi et la suivit jusqu'à la cuisine, une simple fourchette dans la main.

"Je vais donner son bain à Dahlia, annonça Daphné en embrassant rapidement son mari."

Oh non, songea Hermione. Harry allait sans nul doute la cuisiner dans sa cuisine. Et ceci sans tourner autour du pot, maintenant qu'ils étaient seuls.

"J'espère que Malefoy n'a rien fait d'illégal pour récupérer son manoir, annonça Harry à la seconde où les pas de Daphné se furent suffisamment éloignés.

- Harry... Si je te disais qu'on avait fait un truc illégal, je te rendrais complice, et tu es un auror assermenté. Je ne veux pas te mettre en danger.

- J'en étais sûr ! s'exclama Harry en faisant claquer un torchon en l'air. Qu'est-ce que vous avez encore fait ?"

Pourquoi tout le monde posait cette question ? Comme s'ils passaient leur temps à commettre des délits !

"Hautbois a été odieux, à la seconde où on est entrés dans son bureau, se justifia Hermione, courroucée. Il s'est montré insultant, il a rejeté notre projet comme si c'était l'idée la plus saugrenue du millénaire, et... C'était comme s'il avait accepté de nous recevoir en sachant d'avance qu'il allait nous cracher dessus et nous humilier. C'était mon idée, j'ai entraîné Drago dans cette histoire, tout ça pour qu'il se retrouve assis face à un type qui l'a traité de mangemort, et qui a sous-entendu qu'il était aussi malade et perturbé que ces pauvres enfants enfermés.

- C'est un connard de bureaucrate. Un parasite de la pire espèce, siffla Harry. Je t'avais avertie !"

Hermione cligna rapidement des yeux.

"S'il était si remonté, comment vous avez renversé la vapeur ? reprit Harry en s'appuyant contre le plan de travail.

- J'ai... improvisé ?

- Développe, insista le survivant avec un sourire entendu.

- J'ai peut-être plus ou moins sous-entendu que... Que le ministère détournait l'argent tiré des saisies de propriété ?"

Harry écarquilla les yeux, et posa une main sur l'épaule d'Hermione.

"Tu sais pas dans quoi t'as mis les pieds. C'est... C'est dangereux pour toi, affirma-t-il.

- C'était déjà dangereux quand t'as enquêté là-dessus, Harry.

- C'est pour ça que j'ai arrêté ! siffla Harry en pressant son épaule.

- T'es sûr d'avoir arrêté ? rétorqua Hermione."

Interdit, il relâcha son épaule, et finit par soupirer bruyamment.

"Je ne t'entraînerai pas là-dedans.

- J'y suis déjà, réfuta Hermione.

- Je ne peux pas faire ça à Daphné.

- Me faire quoi ? les interrompit Mrs Potter, plantée dans l'embrasure de la porte avec une serviette de bain à la main.

- Fantastique, soupira Harry en se cognant le front du plat de la main.

- Harry Potter. Qu'est-ce que tu mijotes ? Qu'est-ce que tu ne veux pas faire à cause de moi ? le mitrailla Daphné en s'approchant d'un pas feutré.

- C'est entièrement de ma faute, commença Hermione avant d'être réduite au silence par une main levée de Daphné.

- Harry James Potter ! s'exclama-t-elle. De quoi vous étiez en train de parler ?

- Je... Vais vous laisser...? Bain... Dahlia... bafouilla Hermione en démarrant une retraite vers l'étage."

Daphné lui jeta la serviette de bain qu'elle attrapa au vol, puis lui referma la porte au nez. Hermione déglutit. Les sœurs Greengrass savaient se montrer effrayantes. Pauvre Harry...

.

Hermione donna son bain à Dahlia en faisant moult bruits d'animaux avec les jouets flottants. La petite riait aux éclats, et Hermione se laissa aller à rire avec elle tout en épiant d'une oreille d'éventuels bruits de bagarre au rez-de-chaussée. Mais, si dispute il y avait, elle était silencieuse.

"Où Drago ? demanda soudain la petite fille en agitant une fausse baguette.

- Drago ? répéta Hermione. Il est... Chez lui, je suppose.

- Dodo ?

- Oui, confirma distraitement la jeune femme.

- Pourquoi Drago pas ici ? demanda Dahlia en faisant naviguer un petit bateau.

- Oh. Euh... Parce qu'il ne vit pas ici. Il a une maison à lui.

- Ta maison, boum, dit Dahlia en faisant couler son bateau.

- Oui, boum, soupira Hermione.

- T'es triste ? s'enquit Dahlia en posant sa petite main mouillée sur la joue de sa marraine.

- Un peu. Mais ce n'était qu'une maison, et des choses. Le plus important, c'est que tu n'aies rien, et que Blaise et Drago aillent bien aussi. Les personnes sont plus importantes."

Dahlia hocha vigoureusement la tête.

"Papa dit ça, aussi.

- Ton papa a tout à fait raison.

- Des mots qui me vont droit au cœur, glissa Harry."

Il entra dans la pièce et vint s'asseoir sur le rebord de la baignoire à côté d'Hermione, qui le regarda avec un air anxieux. Il extirpa Dahlia de son bain, et l'enroula dans la serviette que lui tendait Hermione.

"Daph' m'interdit d'abandonner. Elle a dit que j'étais stupide et que mon complexe héroïque lui donnait envie de m'étrangler. Elle a aussi dit que si je me faisais virer, je pourrais me reconvertir en agent de sécurité privé et bosser pour Malefoy.

- Tu crois que ça pourrait en arriver là ? s'inquiéta Hermione.

- Que je bosse pour Malefoy ? Certainement pas, non, ricana Harry.

- Je suis vraiment désolée d'avoir mis les pieds dans le plat comme ça. Tu n'es pas obligé de faire quelque chose, Harry. Tu as une famille, et...

- ... et c'est parce que j'ai une famille que je dois faire quelque chose pour que le système change. Ça a assez duré. Je ne veux pas que Dahlia grandisse dans un monde où le ministère ment, pille et s'en met plein les poches dans le dos des sorciers.

- Ministère pourri, dit Dahlia."

Harry pouffa.

"Drago est sexy, ajouta-t-elle."

Et Harry ne pouffa plus du tout.


Cette petite fille est beaucoup trop insolente.
Bon... Un délit de plus a été commis. Pour la bonne cause, n'est-ce pas !

Merci pour votre soutien continu, vos remarques et vos hypothèses, et merci de continuer à lire cette histoire.