Chapter 38 - Triompher

Les occupants des locaux de Wizzard Chanel, situés dans une tour moderne, attendaient avec une impatience non contenue l'arrivée de Drago Malefoy. Tout le pays parlait de lui sporadiquement depuis son accession au pouvoir, il était indubitablement le hot topic de l'année. Et depuis quelques semaines les spéculations allaient bon train au gré des accusations de Lupin et des prises de position de différentes figures publiques. S'il était un sujet inépuisable, sa parole était rare, et en obtenir l'exclusivité constituait un gros coup pour la chaîne.

Les employés ne furent pas déçus ; il entra d'une démarche décidée, irradiant de sa prestance tous les journalistes et techniciens qui croisaient sa route. Son escorte, composée de trois mercenaires, d'un auror, et d'Hermione Granger, forçait les gens à s'écarter sur son passage. Mais Drago n'avait pas l'air d'en faire grand cas. D'une part parce qu'il était parfaitement normal, selon lui, que tout le monde fasse place autour de lui, et d'autre part parce qu'il avait une mission à accomplir et ne perdait donc pas de temps à remarquer l'existence d'autres spécimens humains.

Il était concentré, comme tout homme en mission.

La mâchoire fermement serrée et le menton pointé en avant, il ignorait les chuchotements et les œillades sur son passage, contrairement à Hermione qui suivait le mouvement avec plus de discrétion, n'accordant que quelques hochements de tête polis aux personnes qu'elle reconnaissait. Tout au plus, elle s'autorisa un froncement de sourcils lorsqu'une femme en tailleur bâtit des cils en périphérie d'un Drago complètement inconscient de sa tentative de séduction.

Théo vint les accueillir à l'entrée du studio, survolté.

"T'es le seul politique de premier plan à faire une déclaration en live à la télé. Tous les autres ont publié des communiqués ou répondu à des interview par téléphone, chuchota-t-il à toute vitesse. C'est l'occasion de briller, Blondie."

Drago leva les yeux au ciel pour toute réponse, et croisa les mains dans son dos, attendant la suite.

"Merci, Théo, c'est notre projet, intervint Hermione. Même si ce n'est pas réellement au sujet de Drago. Plutôt de l'attentat, précisa-t-elle à voix basse avec un regard appuyé.

- Évidemment, répondit Théo avec un clin d'œil qui laissait penser qu'il n'avait pas du tout compris le point central de sa remarque.

- Comment ça va se passer ? soupira la jeune femme.

- Droit au but, Granger, gloussa Nott en leur indiquant néanmoins une porte. Suivez-moi."

Ils avancèrent en file indienne, enjambant câbles et éléments de décor sous la houlette d'un Théo débordant d'un enthousiasme suspect.

"Je vous ai installés dans la meilleure loge. Une maquilleuse va passer dans quelques minutes, mais globalement, vous avez une bonne demie-heure avant de vous mettre en place. Il y a un pupitre installé dans un des studios si tu veux faire ta déclaration debout, sinon on peut préparer un bureau, ou...

- Il va se mettre debout, coupa Hermione. Est-ce qu'on peut voir le studio avant d'aller en loge ?"

Théo hocha la tête et les fit bifurquer pour aller visiter un studio de taille conséquente, visiblement conçu pour accueillir un public puisque des strapontins disposés en arc de cercle entouraient une estrade surmontée d'un pupitre. Le bruit de leurs pas résonnait et faisait écho dans cette pièce immense... et immensément déserte.

Un technicien était en train de régler les micros, et s'empressa de décamper à leur arrivée.

"Où sont placées les caméras ? lança Nott en attrapant le pauvre fuyard par le col."

Ce dernier pointa du doigt trois caméras, et Drago jeta un regard inquiet à Hermione.

"On va avoir un problème, traduisit la jeune femme.

- On a le temps de les déplacer, objecta Nott.

- Ça ne suffira pas. Même si on ferme l'angle et qu'on serre le cadrage sur Drago, ça ne va pas échapper aux spectateurs qu'il n'y a pas de public.

- Un studio vide, c'est déprimant. De quoi je vais avoir l'air, à faire mon discours en plein désert ? À ce compte là, autant le faire depuis mon salon, rouspéta le blond en allant se poster derrière le pupitre. Regardez ! C'est parfaitement ridicule."

Il agita ses longs bras autour de lui, ostensiblement énervé.

"Ça n'envoie pas le bon message, confirma Hermione avec davantage de tact.

- C'est trop tard pour trouver un public, les gars, les avertit Théo avec une voix aiguë. On a de nouvelles mesures de sécurité, avec tout ce qui se passe, personne ne peut rentrer ici pour un direct sans qu'on vérifie ses antécédents. Imaginez qu'un terroriste s'infiltre et te fasse sauter en live à la télévision !"

À ces mots, Nott essuya une goutte de transpiration qui menaçait de rouler sur son front. Il jeta un regard désespéré à Drago, puis à Hermione, et réalisa qu'aucun des deux n'allait se plier à ses précautions.

"On peut changer de studio. En prendre un plus petit. Oui, on peut totalement faire ça, proposa-t-il avec hâte.

- Mais Nott, à quoi bon venir jusqu'ici si c'est pour prendre la parole seul, et passer pour un lâche effrayé de se mêler au peuple ? siffla Drago en tapant du pied. C'est un tout petit risque à prendre, et je dois montrer l'exemple. Je ne peux pas avoir l'air d'avoir peur de ces... gens.

- On va trouver une solution, temporisa Hermione, qui sentait qu'ils perdaient tous les deux patience.

- Quoi ? Ajouter des rires enregistrés et des oooh aux moments opportuns ? grogna Drago.

- Dis donc, c'est une chaîne sérieuse ici, protesta Nott.

- Ah oui ? Ça a dû m'échapper. Quel genre de chaîne invite des politiques à parler dans d'immenses pièces vides ?

- QUOI ? rugit Nott.

- Arrêtez tous les deux ! les coupa Hermione. Drago, va dans ta loge te préparer et relis ton discours. Nott et moi, on va trouver une solution. Inutile de vous tirer dans les pattes, okay ?"

Les deux garçons échangèrent un long regard venimeux, puis Drago claqua des talons et s'engouffra dans le couloir. Hermione soupira pesamment.

Et Nott fulminait.

"Tu le crois, toi ? Je lui fais faveur sur faveur pour aider son ascension, mais ça ne va jamais à Lord Malefoy ! rouspéta Théo. Tout ce que je veux, c'est que son discours se passe sans incident. C'est pour sa sécurité ! On ne peut pas laisser entre ici des gens totalement random qui pourraient essayer de le tuer. De toute façon, on a des consignes. Le ministère voulait même nous interdire de faire des émissions en direct, pour qu'on puisse couper si jamais... Il se passait un truc.

- Il est très tendu, expliqua Hermione en arpentant la salle lentement. Il a parlé des lettres à Harry et Blaise le lui a fait payer. Et puis, il appréhende la réaction des gens suite à son discours. Il ne voulait pas vraiment s'en prendre à toi, tu sais.

- Oh je sais parfaitement ce qu'il a fait avec Potter, j'étais là, avec Flint et Rogue. J'étais pas d'accord avec lui mais j'ai compris pourquoi il voulait tout dire, alors je l'ai soutenu. J'étais là-bas. Chez les Monroe. J'ai vu ce que ces gens ont fait à cette famille, et Drago... J'ai compris pourquoi il a fait ça, mais... Il a une drôle de façon de me remercier. Quel ingrat !

- Oh, dit Hermione."

Elle continua à progresser entre les rangs, laissant sa main frôler les dossiers des sièges.

"C'est quoi, ta solution ? s'enquit Nott dans un soupir las.

- Je ne sais pas si c'est vraiment faisable. Théo, combien de personnes travaillent ici exactement ? En ce moment, je veux dire."

Il lui jeta un regard éberlué.

"Tu veux que les employés de la chaîne viennent s'asseoir ici et prétendent être un public ?

- Si on les filme de dos, personne ne les reconnaîtra. On évite les plans rapprochés, et...

- Brillant, Granger. Je vais leur ordonner de venir ici immédiatement, décréta Théo.

- Tu peux leur demander, plutôt... Si on pouvait éviter d'avoir un public hostile et fermé, ça détendrait un peu Drago.

- Si tu veux, grogna Nott. Je vais donner les nouvelles consignes aux techniciens et rassembler les troupes. Va gérer le dragon, par pitié. J'aimerais qu'il évite de dévorer ma maquilleuse."

.

L'assemblée était pour le moins hétéroclite lorsque Drago s'installa derrière son pupitre. Au premier rang se trouvaient Hermione, Sergueï, l'auror envoyé par Harry, Igor, et le présentateur de la météo. Le reste des rangs était composé d'employés divers et variés, du pdg de la chaîne au cuisinier de la cafétéria. Nott gesticulait toujours en hurlant des ordres, à quelques secondes du direct.

Drago lança un regard à Hermione, qui leva le pouce en l'air en signe d'encouragement.

Si on passait outre le fait que son discours était parsemé de petites fleurs multicolores dessinées par Dahlia et de miettes de biscuit, Drago était parfaitement préparé. Et même s'il ne l'avait pas été, il était capable d'improviser. Tout allait très bien se passer.

"Antenne dans une minute ! cria quelqu'un."

Nott glissa dans le siège voisin à celui d'Hermione et fit un clin d'œil à Drago, qui hocha la tête comme pour dire merci. Les disputes entre Serpentard avaient un système de résolution globalement incompréhensible pour Hermione, mais elle était soulagée qu'aucun des deux ne soit rancunier.

"Cinq, quatre, trois..."

Une ampoule rouge s'alluma et Drago leva la tête pour fixer sereinement la caméra qui se trouvait face à lui. Hermione bloqua inconsciemment sa respiration.

"Bonsoir à tous, je suis Drago Malefoy et je me tiens ici ce soir devant vous pour vous dire que je sais votre peine, et que je partage votre indignation suite aux évènements qui se sont produits aujourd'hui."

Il marqua une seconde d'arrêt, semblant hésiter, ce qui n'avait aucun sens puisqu'il n'avait qu'à se contenter de lire son texte.

"Je vous parle en tant que leader politique, en tant que citoyen britannique, et en tant qu'homme. Vous savez tous qui je suis, et d'où je viens, vous savez aussi les dégâts qu'ont fait par le passé l'idéologie suprémaciste. Je serai clair ce soir, pour vous, pour ceux qui en doutent encore, parce que je vous le dois. Une bonne fois pour toutes, je vais clarifier les choses. Ce n'est pas à propos de moi, pourtant je sais que laisser planer le moindre doute quant à mes allégeances donne naissance à une confusion inutile. Alors, après ce soir, j'espère qu'il n'y aura plus aucun doute. Je condamne fermement, au nom de tout le groupe des Non-alignés, le meurtre de la famille Monroe. Je condamne le terrorisme. Je condamne les explosions lâches et le sang versé inutilement."

Il avait l'air si ferme et assuré qu'Hermione hocha machinalement la tête avec lui.

"Le groupe et moi présentons nos condoléances à la famille et aux proches des Monroe, et à tous ceux dans le pays qui ressentent la perte. Le choc est grand, et ce soir, il est plus important que jamais de nous montrer unis et de ne pas courber l'échine. Le meurtre de la famille Monroe a été d'une violence inqualifiable. C'est un acte indigne, barbare, impardonnable. Car s'attaquer à des enfants sans défense, assassiner des parents, s'en prendre à des innocents, ce sont les actes de faibles d'esprit qui portent une vision rétrograde et brutale de la société sorcière. Ils n'ont, plus que jamais, pas leur place parmi nous. Ce n'est pas le monde que nous souhaitons. Ce que nous défendons, tous ensemble, c'est un monde où on ne fait aucune différence entre les nés-moldus, les sang mêlés ou les sang-purs. Chacun sait que ces différences n'existent pas dans la réalité - comment expliqueriez-vous que la sorcière la plus brillante de ma génération soit une née-moldue ?"

Hermione écarquilla les yeux. Il avait bricolé son discours, visiblement. Nott arqua un sourcil étonné vers elle, et elle haussa les épaules. Si Drago déviait du script, il allait falloir se cramponner à leurs sièges, et prier.

"Ces différences ne sont qu'une construction sociale, dangereuse et infondée. Elles n'existent que dans des esprits retardés - et je ne m'excuserai pas de m'attaquer à la présupposée intelligence de gens aussi acculturés, arriérés, et incapables de discernement. Je ne m'excuserai pas de décrire les suprémacistes comme un tas de consanguins aux élucubrations farfelues. Pour être un adepte de ces théories fumeuses, il faut nécessairement avoir un déficit cognitif sévère."

Avait-il conscience qu'il parlait de ses propres parents, voire de toute sa famille sur dix générations, y compris de lui-même dans sa version adolescente ? Hermione cligna plusieurs fois des yeux. Bien sûr qu'il le savait. Il larguait les amarres. Définitivement. Et c'était sa façon de mettre fin au processus de recrutement, une bonne fois pour toutes.

"Chaque vie compte, quel que soit le sang, l'origine ou le statut social. Chaque vie compte, sauf peut-être celles de ces terroristes. Lorsqu'on tue froidement des enfants pour aucune autre raison que de purifier la société d'un mal inventé de toute pièce, on ne mérite plus le statut d'humain."

Oui, il avait définitivement bricolé en secret.

Hermione tenta un regard latéral sur le public, et constata qu'ils écoutaient tous avec la bouche ouverte, et l'air sacrément exalté. Peut-être que cette colère était saine. Peut-être que c'était précisément ce que les gens avaient besoin d'entendre, et ce à quoi ils pouvaient s'identifier. Drago prenait un tournant franc. Et là, impossible de douter de sa sincérité : il y mettait tout son cœur. Il ne lisait même pas ses notes. Et pour cause... Il ne suivait plus le discours préparé.

Hermione commença à se ronger un ongle, angoissée qu'il ne soit emporté par sa colère comme l'avait été Lupin.

"Il est temps que nous agissions en conséquence et que chacun, à son niveau, déconstruise une fois pour toutes ces préjugés qui ne servent qu'à alimenter la haine. À nous d'œuvrer pour que plus jamais des familles comme celle des Monroe ne soit victime de telles atrocités. À nous de combattre ces idées mortifères, pas à pas, jusqu'à ce qu'elles ne soient plus qu'un mauvais souvenir, quelques lignes dans un livre poussiéreux d'histoire de la magie. À nous d'éduquer nos enfants et de transformer notre société. À nous de ramener ces terroristes à leur véritable place : le néant. À nous de rendre leur juste valeur à des mots trop employés ou dont le sens a été perdu en route : la bienveillance, la tolérance, la bienpensance. Depuis quand c'est devenu une mauvaise chose de penser bien ? Pourquoi on ne pourrait pas se comporter décemment en société, veiller les uns sur les autres, faire preuve de fraternité, être heureux et naïfs et en sécurité ? Si nous voulons changer le monde, ce sera de cette façon. En laissant chacun être qui il veut, librement."

Au tour d'Hermione d'ouvrir une bouche béante.

Drago était hors script, totalement en roue libre, et incroyablement lyrique. Elle n'aurait jamais osé une seule seconde l'imaginer réhabiliter la bienveillance et la naïveté. Drago Malefoy. Et le pire, le pire, c'est qu'il avait profondément l'air de CROIRE ce qu'il disait. Nott lâcha un "bordel, j'ai des frissons" et Sergueï avoua que lui aussi, ce qui força Hermione à se tourner vers lui pour vérifier que leur chef de sécurité n'était pas en train de faire un AVC. Non, définitivement pas un AVC. Il avait les larmes aux yeux.

Hermione se reconcentra sur Drago, complètement en état de choc. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle était en train d'assister à ça. Drago Malefoy improvisant un discours humaniste.

Il allait neiger en enfer.

"...Et nous réussirons. Ça ne sera pas facile, ça prendra du temps, mais avec notre engagement à tous, si nous y croyons suffisamment, tout devient possible. Nous réussirons, parce que nous sommes capables de surmonter le pire collectivement, nous l'avons déjà prouvé. Nous réussirons, parce que des hommes et des femmes compétents et justes existent et sont prêts à aider, ici, partout. Nous sommes résilients. Nous sommes capables de grandir et de nous transcender, nous sommes capables de construire un nouveau modèle de société, où chaque voix est importante, où chacun a une place, où le mérite a de nouveau une importance, et où les enfants des Monroe seraient devenus de brillants sorciers. Une société où nous serons libres. L'heure est à l'action. Il est urgent d'être exigeants, d'en demander plus, de se battre pour la société dont nous rêvons. Mais nous ne pourrons pas gagner en nous abaissant. Nous devons lutter dignement. En procédant à la conquête de notre nouvel ordre social, nous ne devons pas nous rendre coupables d'agissements violents et répréhensibles. Il est temps d'arracher notre nation des sables mouvants de l'obscurantisme et de l'établir sur le roc de la fraternité. Ce n'est pas une fin, c'est un commencement. Que ce drame soit électrochoc qui enclenche le changement. Que les Monroe ne soient jamais oubliés."

Drago résista à l'envie de lâcher son micro au sol tel un rappeur moldu, et se contenta de le reposer devant lui dignement. La salle explosa en applaudissements et en une fraction de seconde, tout le monde s'était levé. Le moment était solennel et puissant. L'attention d'Hermione était exclusivement fixée sur Drago, son cœur battait la chamade et elle sentait que ses jambes fourmillaient d'envie de courir vers lui. Malgré tout elle capta, du coin de l'œil, Nott qui faisait signe aux techniciens de ne pas couper immédiatement la diffusion comme c'était initialement prévu. Elle pensa qu'il voulait laisser la liesse passer à l'antenne, jusqu'à ce qu'elle sente sa main dans son dos, et qu'il la pousse en avant. Elle pivota pour le dévisager ; il avait l'air euphorique.

"Va le rejoindre, Grangy, l'exhorta-t-il. Allez !

- C'est son moment, objecta la jeune femme.

- Regarde ! ordonna Nott, un sourire en coin."

Toujours sur son estrade, Drago lui faisait signe de monter. Les jambes d'Hermione furent ravies de se mettre en route vers lui, et elle sautilla dans les quelques marches pour se poster à ses côtés, un sourire fier aux lèvres et les yeux humides d'émotion. Il passa un bras autour de son épaule et l'attira vers lui.

"Ensemble, pour les Monroe ! s'exclama-t-il avec une voix calme et décidée.

- Pour les Monroe, répéta Hermione avec conviction, tournée vers l'audience.

- Pour les Monroe ! beugla Sergueï, qui sortait un peu de son rôle de bodyguard placide.

- Pour les Monroe ! cria le public."

.

Hermione et Drago prirent la fuite directement à la fin du discours, Sergueï sur leurs talons, et ne reprirent leur respiration qu'une fois dans le loft de Drago. Dobby était assis en tailleur devant la télévision, et menait une conversation à sens unique avec les commentateurs politiques qui débriefaient le discours. Si l'un des deux parlait d'un "discours fondateur" et de "la stature de leader national" que prenait Drago, le second semblait plus frileux. Et Dobby n'aimait pas du tout ça.

"Drago Malefoy n'est pas un opportuniste. Drago Malefoy a raison de vouloir être gentil ! Stupide ! Cette robe n'est même pas bien repassée ! pépia Dobby."

Hermione jeta un regard en coin au blond, qui secouait la tête avec une ébauche de sourire sur les lèvres.

"Dobby n'aime pas beaucoup ce journaliste, dit l'elfe en se retournant vers eux."

Il gratifia Drago d'un grand sourire béat.

"C'est le jeu, Dobby, soupira Drago en envoyant valser ses chaussures. Le métier de ces gens est de polémiquer à partir de ce qu'on dit. De toute façon, je savais que j'allais me mettre des gens à dos, c'était risqué.

- C'était courageux, rectifia Hermione. C'est certainement pas les commentateurs politiques qui vont décider de la dimension de ton discours, ajouta-t-elle en éteignant la télé. Tu as parlé aux gens, et c'est à eux de décider de te suivre ou non.

- Tu me suivrais ? demanda Drago en se laissant tomber, bras en croix, dans le canapé."

Hermione haussa un sourcil amusé.

"Je te suis déjà. Mais si c'était pas le cas avant ce soir, je te suivrais définitivement, maintenant."

Drago ferma les yeux, et replia un index pour lui faire signe de venir s'asseoir à côté de lui. Ce qu'elle fit, sans se faire prier. Depuis son discours, elle cherchait systématiquement le contact. Ils ne s'étaient pas lâchés depuis leur accolade sur l'estrade, et tout ce qu'elle voulait, c'était se blottir contre lui, sentir sa peau et respirer son odeur. C'est donc exactement ce qu'elle fit, enroulant le tissu de la chemise de Drago dans son poing et repliant ses jambes par-dessus les siennes. Comme une groupie. Elle pouffa à cette pensée honteuse, et il baissa les yeux vers elle. Il tapota doucement le bout de son nez de la pointe du doigt.

"Qu'est-ce qui te fait rire, Granger ?

- Toi, mentit-elle faute de mieux.

- Oh, et pourquoi ça ?

- Je ne savais pas que tu avais ça en toi. C'était... Inspirant.

- À vrai dire... Je ne saurais pas expliquer ce qu'il s'est passé. C'était... une logorrhée. Totalement. Je vomissais mes phrases sans aucun contrôle. Les mots sortaient de ma bouche avant que j'ai le temps de les penser. Je crois que j'ai dit la vérité... Je veux dire, je sentais que ça venait de moi, vraiment du plus profond, et que c'était purement honnête.

- Ça a l'air de t'étonner, rit Hermione en relevant le menton vers lui.

- Je n'avais encore jamais fait de discours honnête, rétorqua Drago comme si c'était une évidence. Je dis pas que je mentais non plus, attention. Pas toujours. Mais c'était préparé, construit, chaque mot était pesé et précis et j'avais réfléchi à la réaction que je voulais susciter. Là... C'était effrayant de dire tout ce que je pensais, surtout que je le découvrais à mesure que ça sortait, tu vois. Et en même temps, c'était extrêmement libérateur. Est-ce que ce que je dis a un sens ?

- Totalement, confirma Hermione en hochant vigoureusement la tête."

Drago se pencha pour effleurer rapidement ses lèvres, machinalement, et se remit aussitôt à parler.

"J'aurais pu me casser la gueule lamentablement en direct à la télé. Votre discours était bon... Vraiment parfait. C'était pas nécessaire de partir en hors piste. Tu crois... Tu crois que ça va nous coûter cher, mon improvisation ?

- Tu rigoles ? s'offusqua Hermione. C'était l'improvisation la plus brillante que j'aie entendue. Tout le monde était pendu à tes lèvres, c'était juste, et percutant, et... stimulant ? C'était un vrai discours rassembleur, et tu étais vrai. Je ne vois pas ce qui pourrait t'être reproché. C'est pas comme si les terroristes allaient écrire à Wizzard Chanel pour protester d'avoir été traités d'attardés."

Drago ricana, faisant tressauter le visage d'Hermione sur son torse.

"J'ai foiré mon recrutement avant même l'entretien d'embauche.

- Au moins, ils vont te retirer de leur mailing list.

- Tant mieux. Ça aurait fait tâche sur mon CV. Je reviens déjà d'assez loin."

Elle déposa ses lèvres sur sa chemise entre deux rires et il la serra un peu plus fort contre lui. Le moment était parfait... Ils étaient relaxés, et euphoriques, et heureux d'être ensemble. Ils s'embrassaient lentement, sans urgence, savourant l'instant comme s'ils avaient tout le temps et qu'ils pouvaient se permettre de s'effleurer, se tester, se regarder dans les yeux et se sourire.

Mais, bien entendu, ce genre de félicité ne pouvait perdurer dans leurs vies, et le téléphone de Drago se mit à vibrer. Il jeta un coussin dessus pour étouffer le bruit, sans succès. Puis ce fut le tour des hiboux, qui s'agglutinaient devant la baie vitrée et devinrent très rapidement difficiles à ignorer. Finalement, on toqua à la porte, et Drago lâcha une bordée de jurons.

"Dobby aimerait aller ouvrir la porte, dit l'elfe. Tout ce bruit l'empêche de se concentrer sur sa lecture.

- Oh, qu'est-ce que tu lis, Dobby ? se renseigna Hermione en remettant sa tenue d'aplomb."

Drago se résolut donc à aller lui-même ouvrir la porte, puisqu'il avait définitivement perdu l'attention et de l'elfe, et d'Hermione au profit d'un obscur livre dont il se fichait éperdument.

"Dobby lit un livre moldu, qui parle d'une jeune fille timide et maladroite qui rencontre un homme riche et mystérieux, raconta Dobby en venant s'asseoir sur le canapé, balançant ses petites jambes dans le vide.

- Je vois... C'est un peu... Stéréotypé, répondit-elle en grimaçant.

- Dobby trouve le style un peu faible et la psychologie des personnages superficielle.

- Tu as probablement raison. Tu veux que je te prête un de mes livres préférés ? suggéra Hermione.

- Dobby doit le finir, c'est un cadeau d'Igor... Et Dobby a quand même envie de savoir s'ils vont se marier. Pour l'instant, c'est mal parti, parce que l'homme aime attacher les femmes toutes nues et leur mettre des coups de fouet.

- Oh ! fit Hermione. Igor t'a offert un livre... érotique ?

- Igor a fait quoi ? gronda Nott en entrant, suivi de près par Drago qui trainait des pieds.

- Théo ? Qu'est-ce que tu fais là ? s'étonna Hermione.

- Je suis ravi de recevoir un tel accueil, ça me fait terriblement chaud au cœur. Drago a essayé de me refermer la porte dessus et m'a broyé les os du pied. Mais je n'en attendais pas moins de lui, il est naturellement vindicatif. En revanche, toi, Granger... Tu me brises le cœur. Quoi qu'il en soit, je suis juste de passage. Je voulais vous donner les chiffres des audiences, parce que Drago est l'heureux détenteur du pic d'audimat le plus important de l'histoire de la télévision sorcière ! Les réseaux sociaux de la chaîne sont envahis de commentaires, c'est un carton é-nor-me ! J'aurais pu avoir une promotion, si je n'étais pas déjà au sommet. Bien, je rentre au manoir maintenant. Sortez couverts ! lança Nott en dérapant sur ses chaussures en cuir pour filer vers la sortie.

- Sortez couverts ? répéta Drago en fronçant les sourcils. Il pleut ?"

Hermione éclata de rire et Nott fronça les sourcils.

"J'ai entendu des moldus dire ça. C'est comme prenez soin de vous, je pense.

- Pas exactement, non, ricana Hermione.

- Oh. Granger, éclaire-moi, parce que j'ai utilisé cette nouvelle formule de politesse à l'antenne. Deux fois. Dis-moi que ce n'est pas un genre d'insulte...

- C'est une sorte de conseil, mais... Eh bien, ça concerne le sexe. C'est comme de dire protégez-vous, tu vois ? Parce que les moldus se couvrent littéralement la... le... pénis ? Avec un préservatif. C'est une sorte de... cape, expliqua Hermione avec des mots qu'ils pouvaient comprendre.

- Les moldus cachent leurs pénis sous des capes ? bafouilla Nott, confus.

- Pas dans mon livre, s'insurgea Dobby. Ils utilisent des menottes et des cravaches, mais pas de cape.

- Je n'ai pas du tout envie d'être ici et d'écouter cette conversation, décida Drago."

Les yeux de Nott se mirent à clignoter à toute vitesse à mesure qu'il prenait conscience de sa bévue. Puis son naturel repris le dessus et il haussa les épaules, avant de se remettre dans son personnage aristocrate.

« Il faut que je surveille les lectures de mon elfe. Bonne soirée, et... prenez soin de vous. »

Théo décampa et Dobby disparut avec son livre, probablement pour y trouver des indices sur ces mystérieuses capes.

« Est-ce qu'on va devoir cuisiner sans supervision ? s'inquiéta Drago. »

.

Par fatalité, leur dîner gastronomique se métamorphosa en livraison de plats déjà préparés par d'autres. Ça avait été une longue journée, et ni Drago ni Hermione ne se sentait de face à relever un tel challenge. Assis en tailleurs autour de la table basse du salon, ils piochaient dans une multitude de préparations en parlant de choses et d'autres. Dobby était entré dans la pièce à un moment, les yeux vissés sur son livre, et avait emporté une portion de viande en sauce sans décrocher de sa lecture.

Drago, qui avait consenti à manger assis par terre et à abandonner l'assortiment de 3 fourchettes nécessaire à un repas convenable, n'était plus à une entorse à la bienséance prêt.

Une fois repus, ils avaient fait entrer la longue file de chouettes, et pendant qu'Hermione leur distribuait des biscuits et les retournait à leur envoyeur, Drago opérait un premier tri du courrier. Très vite, il avait constitué deux piles : proches et électeurs, et potentiellement dangereux. Après tout, ils ne pouvaient pas prendre de risque et ouvrir stupidement des lettres ensorcelées d'une façon ou d'une autre. Sergueï, après avoir englouti sa propre part du dîner en montant la garde devant la porte, était venu les inspecter.

"Inoffensif, annonça Sergueï presque avec regret en reposant la dernière lettre sur sa pile.

- Sûr ? insista Drago en se penchant au-dessus, les yeux plissés. Celle-là me semble suspecte."

Hermione se pencha aussi, et fronça le nez en constatant que l'envers de l'enveloppe portait le sceau de la famille Malefoy.

"Tes parents ? supposa-t-elle en tendant la main."

Drago asséna une tape sur son poignet dans un sursaut.

"Ne touche pas ! l'admonesta-t-il. Qui sait ce que mon père est capable de faire subir à son courrier.

- Tout est en ordre, Monsieur Malefoy, indiqua Sergueï.

- C'est absolument sûr ? reprit Drago, sincèrement surpris.

- Affirmatif."

Sergueï et Hermione attendirent une longue minute que Drago entre en action et décachète enfin l'enveloppe, mais il continuait à l'observer comme si elle allait lui sauter au visage. C'était assez triste de constater qu'il était plus effrayé par une lettre de ses parents que par un groupe terroriste...

"Commençons par la pile des proches, suggéra le blond.

- Très bien, concéda Hermione."

Après tout, s'il n'était pas prêt à ouvrir cette maudite enveloppe pour le moment, elle n'allait certainement pas l'y forcer. Ils décachetèrent donc une quarantaine d'enveloppes, qui comprenaient des messages survoltés et élogieux de leurs collègues, des sœurs Greengrass, d'anciens de Poudlard (y compris de professeurs). Il y avait aussi des lettres plus sobres de députés d'autres groupes, de Karacter en personne, de journalistes qui demandaient des interview, de personnalités publiques diverses et variées... Drago parcourait tout ça sans trop y croire, clairement dépassé par l'engouement autour de ce qu'il avait qualifié de logorrhée.

"Foutu Potter, ricana Drago en fourrant une lettre sous le nez d'Hermione, qui s'empressa de la lire."

Malefoy, continue à être bienpensant et bienveillant, et peut-être que j'accepterai de te recevoir à nouveau à ma table. Peut-être. Cette semaine ? On a une croisade à mener, semble-t-il. Pour conquérir le nouvel ordre social, tout ça. Prends soin de la sorcière la plus brillante de notre génération d'ici là.

Elle secoua la tête, amusée, et lui tendit en échange une lettre de Rogue.

Des consanguins arriérés aux élucubrations farfelues ? Drago, ton père va apprécier cette description lyrique de son être. Vladimir a insisté pour que j'écrive cette lettre pour te féliciter, et il me regarde pendant que j'écris, donc je n'ai d'autre choix que de jouer le jeu. Néanmoins, sache que cette dérive dégoulinante de bons sentiments me donne envie de me crever les yeux.

Drago se crispa un peu en lisant le début de la lettre, mais il se remit à rire, vite rejoint par la jeune femme.

"Attends, respire, parce que t'as pas encore lu la lettre d'Abelforth... l'avertit Hermione en haussant les sourcils exagérément."

Drago s'en empara et ricana tout au long de sa lecture.

Monsieur Malefoy, je suis honoré d'être à vos côtés dans cette aventure très prometteuse. Nous échouerons, j'en suis persuadé, mais le voyage en aura valu la peine. Changer le monde fut l'idéal de bien des grands hommes, qui y ont laissé la vie. Peut-être pourrais-je m'investir dans mon rôle de député, finalement ? Communiquez-moi la date de la prochaine réunion, je tâcherai de me rendre disponible. Le sort funeste qui nous attend tous ne me rebute pas.

"Comment peut-il être à la fois suicidaire et optimiste ?

- Il fait toujours ça. Il prétend être blasé et avoir abandonné le combat, mais c'est le premier à se battre, expliqua Hermione.

- Il a peut-être pas abandonné le combat, mais il a clairement abandonné son groupe politique. Il n'a jamais mis les pieds au penthouse... Ses électeurs ne l'ont pas vu depuis des années... Tu te souviens, à Clare Island ? Les villageois voulaient de ton aide. Qu'est-ce qu'il fiche, exactement ? Si je m'étais souvenu qu'il faisait partie des Non-alignés, je l'aurais probablement exclu.

- Tu ne peux pas exclure le frère de Dumbledore, Drago, objecta Hermione.

- Il va falloir qu'il se mette au travail, s'il veut rester. Je suis sérieux. Son nom ne va pas suffire à le sauver."

Hermione secoua vivement la tête. Même si elle devait elle-même retourner à Clare Island pour extirper Abelforth de sa tanière, elle le ferait. Il était hors de question qu'il continue à tirer au flanc.

"Bon... reprit-elle après s'être raclé la gorge. Je peux prendre une douche ?"

Peut-être que Drago avait besoin d'intimité pour lire la lettre de ses parents, après tout.

"Bien sûr, tu connais le chemin."

Elle lui lança un sourire encourageant qu'il ne remarqua pas, tout occupé qu'il était à replier soigneusement une lettre après l'autre, évitant ne serait-ce que de toucher la dernière missive.

Et le sceau des Malefoy était toujours intact lorsqu'elle ressortit de la salle de bain. Drago buvait un verre de ce qui semblait être du whisky devant la cheminée, et quand il leva les yeux vers elle à son entrée, il semblait bien que lire la lettre était la dernière chose qu'il avait en tête. Elle lui sourit à nouveau, incapable de résister à son regard brillant et son petit sourire en coin.

"Hey, dit-elle.

- Hey, répondit-il. Tu veux un verre ?

- Pourquoi pas... Ça a été une sale journée. Pour la plupart, amenda-t-elle en le voyant se raidir. Ça s'est nettement amélioré sur la fin.

- J'arrive pas à croire que tu sois de mon côté sur ce coup là, avoua-t-il en lui tendant un verre.

- Duquel de tes méfaits tu parles, exactement ?"

Hermione s'assit sur le canapé, se préparant à la longue liste des péchés que Drago avait encore à confesser. Il lâcha un demi-rire et se laissa tomber à côté d'elle, puis il entrelaça leurs doigts et se mit à contempler leurs mains.

"Je t'ai interdit de sortir. Ensuite, j'ai balancé une information sensible à ton meilleur ami sans te prévenir. J'ai continué sur ma lancée en faisant un caprice dans les locaux de la chaîne. Puis, pour couronner le tout, j'ai improvisé en direct à la télé en ignorant le discours que tu avais préparé. Et maintenant, notre rencard s'est transformé en pique-nique slash réunion de travail. Franchement, c'est difficile de faire pire. Et pourtant, tu es toujours là.

- J'ai pas envie d'être ailleurs, reconnut Hermione en serrant ses doigts autour de ceux du blond.

- Moi non plus."

Ils échangèrent un long regard chargé d'une tension qui n'avait plus rien à voir avec l'irritation qu'ils avaient pu ressentir l'un envers l'autre par le passé.

"Tu peux improviser tant que tu veux Drago, si ça aboutit à un tel discours. Je pensais ce que j'ai dit, c'était vraiment brillant. Et j'aime que ce soit ce que tu penses. Même si je ne suis pas dupe... Sur la fin, tu plaçais tes pions, pas vrai ?

- Je ne vois pas du tout de quoi tu parles, mentit Drago tout en sachant parfaitement qu'elle ne mordrait pas à l'hameçon.

- Transformer, éduquer, changer la société ? Ce passage sur le mérite ? Des hommes et des femmes compétents et justes existent et sont prêts à aider ? paraphrasa Hermione en haussant un sourcil. Tu parlais du ministère défaillant, et de la nécessité de le remplacer, non ?"

Il se retourna complètement vers elle, souriant jusqu'aux oreilles.

"Je savais que tu serais la seule à relever mes indices. T'es comme les enfants de ce conte, qui ramassent des petits cailloux par terre en remontant une piste.

- C'est un conte moldu, réalisa Hermione.

- Et ? Je sais des tas de choses sur les moldus. Je savais parfaitement qu'ils utilisaient des capes, d'ailleurs. Excellente métaphore.

- Oh, fit Hermione en rougissant un peu.

- Une chance qu'on n'ait pas à en passer par là. Ça ne semble pas très agréable."

Et Drago tua définitivement la conversation sur ses manigances pas si cachées en renversant Hermione en arrière sur le canapé, scellant leurs lèvres dans un baiser passionné. Elle n'opposa aucune résistance - elle avait envie de lui sauter dessus depuis qu'elle l'avait vu emporter la foule sur cette estrade. L'éloquence était excitante, selon elle. Et il était temps de montrer à quel point à Drago.

.

"Granger, qu'est-ce qui est arrivé à ton épaule ?"

Allongés l'un contre l'autre dans un désordre de draps en soie froissés et de jambes, ils reprenaient leur souffle. Drago dessinait du bout des doigts les contours d'une cicatrice sur l'omoplate de la jeune femme, remplaçant assez vite sa main par ses lèvres. Elle frissonna, et colla davantage son dos contre le torse du blond.

"Un sort dévié, répondit-il distraitement."

Il raffermit sa prise sur sa taille et enfonça ses doigts contre sa hanche, parcourant son épaule puis son cou de lents baisers humides et chauds.

"Mon articulation s'est disloquée.

- C'est pour ça qu'elle s'est déboitée, ce jour-là ? Le jour du placard ?

- Ça arrive de temps en temps, confirma la jeune femme en se tournant pour lui faire face."

Elle embrassa son menton, puis entreprit de faire le tour de sa mâchoire.

"Ça te fait mal ? reprit-il en fronçant les sourcils."

Elle pouffa et effaça du bout des doigts les plus soucieux qui s'était formés sur son front.

"Un peu. Rien que je ne puisse pas supporter.

- Pourquoi tu te fais pas examiner par un médicomage ? Même si c'est une vieille blessure, peut-être que..."

Elle l'interrompit en capturant ses lèvres entre les siennes, longtemps, puis ils collèrent leurs fronts l'un contre l'autre.

"C'est trop tard pour réparer. Mais c'est pas grave... On a tous des séquelles."

Elle fit glisser sa main contre ses pectoraux, descendant jusqu'à ses abdos.

"C'est le Sectumsempra d'Harry ? demanda-t-elle à voix basse.

- Ça, parmi d'autres.

- Celle-là ? questionna-t-elle en arrêtant sa main sur une fine ligne blanche en travers de ses côtes.

- Courtoisie de ma tante. J'ai hésité une seconde de trop avant de lancer un doloris sur Ollivander.

- Foutue cinglée, grinça Hermione."

Drago marqua son approbation en l'embrassant paresseusement.

"C'est ce qu'on va faire, maintenant ? chuchota-t-il tout contre ses lèvres.

- Quoi ?

- Partager nos blessures de guerre.

- C'est la meilleure façon de s'en débarrasser, répondit laconiquement Hermione.

- J'ai peut-être une autre solution, suggéra Drago avec un air mutin qui la força à glousser."

Puis il disparut sous les draps, et les cicatrices furent oubliées.


Drago est parti en full Martin Luther King. Il fallait bien ça pour rattraper son attitude désastreuse !

Edit : désolée pour le timing désastreux de ce chapitre, compte tenu de ce qu'il se passe actuellement en France. Ce chapitre a été écrit il y a plusieurs mois. J'ai hésité à modifier certaines choses, mais ça reste une fiction, et ça m'aurait semblé artificiel de retoucher à certains passages maintenant. Cet attentat était nécessaire pour la progression de l'histoire, et pour l'évolution des personnages (surtout de Drago). Je le répète, c'est une fiction. Les propos des personnages n'engagent qu'eux, d'ailleurs ils divergent et je ne prétends pas détenir la vérité. J'espère que la lecture de ce chapitre ne vous a pas heurtés, si c'est le cas je m'en excuse.

Sur ce, à la semaine prochaine pour le chapitre 39, qui s'intitule Fondation. ça sera plus léger, promis !