On reprend la journée de Team building !

Bonne lecture !


Chapter 43 - Team Building

"Tu transpires ! C'est écœurant ! pépia Théo en tentant d'échapper aux embrassades de Parkinson, qui riait aux éclats en le poursuivant de ses assauts incessants.

- Qu'est-ce que t'es fragile ! l'accusa t-elle. Dire que tu comptais m'épouser ! Si tu n'es même pas capable de supporter ma transpiration, alors..."

Pansy fut coupée par un baiser langoureux qui brûla la rétine de tout le groupe des Non-alignés, toujours stationnés sur le toit du penthouse. Profitant de la protection offerte par un pylône, Hermione enfouit son front dans le creux de l'épaule de Drago pour échapper à leurs démonstrations d'affection très publiques, et le sentit ricaner.

Drago passait un bon moment, et s'était enfin détendu en présence de ses troupes. Qui d'ailleurs semblaient très à l'aise avec lui. Un peu trop à l'aise, même, si on demandait son avis à Hermione, qui commençait à se sentir irritée par la présence constante de toutes leurs collègues féminines autour de lui. En fait, le problème, c'est qu'à la seconde où il cessait d'être exécrable, elles lui fonçaient dessus comme une nuée de moustiques assoiffés de sang.

Elle serra ses doigts un peu plus fort contre le tissu de sa chemise sans s'en apercevoir.

Ils n'étaient pas exactement tactiles l'un envers l'autre au bureau. C'était une sorte d'accord tacite entre eux : pas de démonstrations d'affection publiques. D'une part, ce n'était pas franchement dans leur caractère de s'exposer, et d'autre part ça aurait entraîné tout un tas de problèmes. Ils travaillent ensemble. Elle était sa subordonnée. Et même sans cela... Hermione Granger et Drago Malefoy ? La nouvelle à elle seule avait le pouvoir de déstabiliser le groupe, l'opinion publique, le monde politique. La terre entière.

Personne n'était prêt à ça.

Et, tant qu'ils volaient en dessous des radars, tout irait bien.

Ils ne s'embrassaient pas, gardaient leurs mains bien en vue et évitaient de passer trop de temps ensemble dans une pièce fermée. Est-ce que ça suffisait à éloigner les soupçons ? Certainement pas. Personne n'était dupe. Mais cela restait des suspicions, pas des faits, et ça changeait tout.

"Puis-je avoir votre attention !" hurla soudain Blaise sans leur en laisser réellement le choix.

Tous les députés finirent par se taire, jetant leurs bouteilles d'eau et leurs serviettes dans l'attente de l'annonce de la suite de cette journée. Mieux valait avoir les mains libres et toute sa concentration pour ce qui allait suivre.

"Maintenant que nous nous sommes dégourdi les jambes, chers collègues, nous allons pouvoir nous détendre. Veuillez me suivre, je vous prie !"

Blaise sauta prestement au bas de la chaise sur laquelle il était juché, et entraîna la troupe bruyante vers l'ascenseur. Drago et Hermione échangèrent un regard complice en pénétrant dans la cabine, se souvenant simultanément de leur dernier voyage chaotique. C'était il y a quelques semaines seulement et pourtant, depuis, tout avait changé. Drago serra la main d'Hermione dans la sienne et la porta à ses lèvres pour embrasser ses phalanges, dans un geste très doux qui contrastait fortement avec la teneur du souvenir. Ils avaient failli s'entretuer là-dedans. Mais visiblement, ça n'évoquait chez lui que de la tendresse. Allez comprendre !

Hermione sourit distraitement et observa le profil détendu de Drago, qui était beau et parfait et séduisant, et elle était en train de devenir une petite flaque d'affection... Lorsqu'elle croisa le regard de Ron, qui attendait (quoi ?) seul dans l'openspace.

"Ron ! s'exclama-t-elle.

- Weasley", ajouta Drago avec une joie nettement plus contenue.

Tous les députés se déversèrent dans la pièce en bavardant gaiement, passant de part et d'autres d'eux trois, et bientôt ils se retrouvèrent seuls, sous le regard fixe de Ron Weasley. Ils n'avaient pas cherché à séparer leurs mains, et Ron n'avait toujours rien dit.

"Zabini m'a invité, finit-il par lâcher.

- Oh ! s'étonna Hermione, en jetant un regard en coin à son leader muet. C'est une excellente idée.

- Vraiment ? grimaça Ron, un peu gêné.

- Vraiment, confirma Drago à la surprise générale. Je ne sais pas ce qu'il a prévu, mais c'est une bonne chose que tu sois là. Autant que tu fasses connaissances avec tout le monde au plus vite."

Ron hocha la tête, un peu sous le choc, et à nouveau ses yeux baissèrent vers leurs mains jointes. Hermione s'agita un peu d'une jambe sur l'autre, mais Drago stoppa toute tentative d'évasion en resserrant sa prise autour de ses doigts.

"Ils sont au courant de ton... projet ? sembla soudain s'inquiéter Ron, en désignant du pouce le reste du groupe dans son dos.

- Pas encore. Je vais peut-être l'annoncer aujourd'hui. T'en penses quoi ?"

Drago consultait Ron, et s'intéressait à son avis, comme si tout à coup il le considérait comme une personne ? Drago lui tenait la main en public et se montrait affectueux ? Hermione lui jeta un regard soupçonneux.

"Qu'est-ce que tu as fait, Drago ?" chuchota-t-elle entre ses dents.

Le regard parfaitement innocent qu'il lui lança ne fit que confirmer ses craintes. Drago avait fait une bêtise, et compte tenu des efforts qu'il déployait pour la mettre de bonne humeur, elle n'allait pas tarder à tout découvrir.

"Votre attention, s'il vous plaît !" s'exclama tout à coup le blond.

Il n'avait pas besoin de parler aussi fort que Blaise ou de gesticuler sur un meuble pour attirer leur attention. Tout le monde se massa autour de lui en quelques secondes, et Zabini leva les yeux au ciel.

"Vous connaissez tous Ron Weasley", commença-t-il.

L'intéressé fit un petit signe de main gêné au groupe et ces derniers le saluèrent avec un mélange de chaleur et de curiosité.

"Bien, tant mieux, parce qu'il va travailler avec nous. Il y a quelques semaines, on a décidé de la création d'une fondation destinée à venir en aide aux mineurs incarcérés."

Droit au but. Hermione grimaça discrètement, et observa les réactions dans la pièce. Étonnamment, cette révélation soudaine ne suscita ni colère ni ressentiment : certains approuvaient franchement, d'autres semblaient juste intéressés, et une petite partie paraissait attendre la suite avec inquiétude. Globalement, ils avaient surtout l'air intrigués par cette nouvelle.

Ce qui était compréhensible.

Drago se racla la gorge, et reprit :

"La fondation est à mon nom, et elle sera hébergée au manoir Malefoy. Néanmoins, mon engagement est ici, pour ce groupe. C'est pourquoi c'est Ron qui va prendre la tête de la fondation et en assurer la direction. Vous pouvez vous investir si vous le souhaitez, mais il n'y a aucune obligation, et vous êtes libres de donner de votre temps ou non sans qu'il n'y ait de conséquence sur votre place ici. Ce qui est sûr, c'est que l'action du groupe et l'action de la fondation seront conjointes. Nous travaillerons ensemble, d'abord pour accompagner ces enfants, et ensuite parce que cette fondation sera la vitrine de ce que nous pouvons faire en tant que politiques. Elle incarnera notre action. Des questions ?"

Cette avalanche d'information laissa tout le monde pantois, et ce fut Abelforth qui coupa court au silence de plomb en lançant des applaudissements nourris.

"Bien joué, gamin ! approuva-t-il bruyamment. Il est grand temps que quelqu'un fasse quelque chose pour ces gosses.

- Bienvenue, Ron ! lança Dubois en lui serrant la main avec tant de vigueur qu'il faillit en tomber à la renverse. Je suis volontaire !"

Plusieurs "moi aussi" enthousiastes se firent entendre et Hermione réprima son envie de commencer à attribuer des rôles à chacun. Ça se passait beaucoup mieux que prévu. Elle se retint avec difficulté de sautiller sur place en battant des mains, soulagée que personne ne questionne leur initiative ou ne la trouve incompréhensible.

Puis elle fronça les sourcils. Personne ne contestait. C'était... louche ?

"Merci, dit Ron sobrement. Je ferai de mon mieux pour être à la hauteur. C'est... c'est un honneur, Malefoy."

Hermione sentit ses yeux se mettre à cligner sans son consentement, éberluée par ce qui se déroulait devant elle. Ron était honoré de travailler pour Malefoy ? Même Drago avait l'air étonné par le ton sincère qu'il avait employé. Il se reprit rapidement et donna une claque dans le dos maladroite à son nouveau collègue, puis enfouit ses mains dans ses poches.

"Les garçons... ", se lamenta Pansy à voix basse en levant les yeux au ciel devant cet échange tout en retenue.

"Tout vous sera expliqué plus en détails dès demain, intervint Blaise, qui tentait de reprendre le contrôle sur sa journée après le braquage impromptu de Drago. Toutes les idées et toute l'aide que vous pouvez apporter sont bienvenues. Granger, tu pourrais préparer une présentation ?"

Elle hocha vivement la tête, mais n'avoua pas qu'elle l'avait déjà réalisée plusieurs jours auparavant. Juste au cas où.

"Bien ! Place à la baignade !" beugla Zabini.

C'est ainsi que les Non-alignés se retrouvèrent, sans transition, entassés dans un jacuzzi géant qui projetait des bulles multicolores. Rogue avait décidé de porter un bonnet de bain pour ne pas faire friser sa chevelure, et son nouveau meilleur ami Abelforth avait tressé sa longue barbe. Ils se firent masser par des jets incroyablement relaxants, et échangèrent les uns avec les autres dans une atmosphère apaisée.

Tout le monde semblait ravi par la nouvelle de la fondation. Les anciens Progressistes parmi eux était convaincus du bien fondé d'une telle action, et étaient déjà tous investis dans l'aventure. Ils papotaient entre eux, enthousiastes. Du côté des anciens Conservateurs, l'engouement était plus mesuré : nul doute qu'il trouvaient le système carcéral répressif indispensable. Hermione avait entendu Flint et Hestia se féliciter des bénéfices en termes d'image. Ils saluaient plus l'initiative politique que le fond, à savoir sauver des enfants maltraités.

Mais ils avaient tout le temps de changer d'avis ! Du moins, c'est ce que le côté combatif d'Hermione voulait croire.

Blaise avait ensuite organisé une dégustation de champagne à l'aveugle, ce qui aurait sans doute été une bonne idée si elle n'avait pas eu lieu alors qu'ils avaient le ventre vide. Lorsque Cho commença à tituber en gloussant, Drago décida qu'il était temps de passer à table.

Hélas, la table en question n'avait pas été anticipée par Zabini, qui visiblement n'avait pas jugé utile de nourrir les troupes après une matinée pourtant riche en activités. Pour éviter une révolte, Hermione fit appel à un service de livraison moldu et la salle de réunion fut transformée en banquet asiatique.

Ron suggéra une sieste, mais ça ne faisait pas partie du plan. Non, Zabini avait prévu un atelier de confection d'écharpes. Pourquoi ? Personne n'en avait la moindre idée. La plupart des députés finirent par suivre l'idée de Ron, et s'assoupirent un peu partout dans les bureaux pendant que quelques âmes courageuses tentaient de tricoter.

"Ces aiguilles causeront ma mort, maugréa Parkinson en jetant au sol sa pelote de laine pleine de nœuds.

- C'est très fastidieux, sans magie", grogna Hermione, penchée sur son ouvrage.

Zabini, qui s'était lui-même endormi, finit par émerger et libéra tout le monde en distribuant des écharpes en cachemire à chacun. Elles étaient estampillées "Non-aligné" en lettres d'or, et d'une douceur incroyable.

Comme à ce stade il était déjà 17 heures, tous s'attendaient à rentrer chez eux. Erreur ! Zabini n'avait pas achevé sa mission. Il fit asseoir tout le monde en cercle autour de lui, souriant de toutes ses dents.

"Je vous félicite pour votre esprit d'équipe, et j'espère que vous avez passé une excellente journée ! Pour clôturer cet incroyable moment que nous avons passé ensemble, dans un esprit de camaraderie, nous allons CHANTER !

- AH non Zabini, ça suffit !" objecta Drago dans un cri du cœur qui soulagea tout le monde.

Il se passa nerveusement une main dans les cheveux, expira, et se leva.

"Merci pour tout ce que tu as fait aujourd'hui. Au nom de tout le groupe, c'était une super organisation, et je crois qu'on peut tous dire qu'on a oublié tout le reste le temps d'une journée. Parce que c'est ça aussi, ce groupe. On est tous différents, on peut avoir des désaccords, mais on a conscience qu'on marche tous dans la même direction et qu'on peut compter les uns sur les autres, quoi qu'il arrive. Certains d'entre-vous ont peut-être eu des moments de doute, mais gardez bien en tête que tout ce que je veux, en tant que votre leader, c'est que vous soyez en sécurité. Tout le reste... On aura le temps d'y penser dès que la situation sera rétablie. Je sais que vous êtes prêts à reprendre le chemin du Parlement, je sais que vous avez de grandes idées, et des projets, et l'envie de vous battre, mais pour pouvoir les mettre en œuvre, il va falloir encore un peu de patience. Restez avec moi. Je sais que c'est dur, et que je vous en demande beaucoup, mais tenez le coup. Merci à tous. Merci, Blaise", reprit-il avec un air solennel.

Il effectua une petite courbette avec moulinet de main, que Blaise reçut avec grâce, et tout le monde applaudit, soulagé d'échapper à la chorale. Le quart d'heure suivant ne fut qu'accolades et sourires, et très vite, le penthouse se vida de ses occupants. Après un tel tourbillon, il ne restait plus que Drago, Pansy, Blaise, Ron et Hermione, complètement lessivés.

"On devrait rentrer et dormir, suggéra Pansy en étouffant un bâillement. Demain va être une journée éprouvante."

Hermione approuva d'un hochement de tête silencieux.

"Weasley, viens à la réunion. 11 heures, décréta Drago.

- Je serai là. Est-ce que je devrai... parler, ou quelque chose comme ça ?

- Hermione va présenter la fondation. Hestia et Astoria parleront des aménagements et des budgets, je parlerai des équipes, expliqua Blaise. Je donnerai aussi quelques éléments de communication et des directives pour les interview. De toute façon, une conférence de presse aura lieu rapidement. Ce serait bien que tu dises quelques mots aussi.

- Il faudrait qu'on parle des enfants avant toute chose", intervint Hermione sèchement.

Tous les regards se tournèrent vers elle.

"Ils sont au centre de ce projet, expliqua-t-elle avec fougue, avant de se reprendre. Je veux dire... certains députés pensent que la fondation n'est qu'une sorte de manœuvre politicienne. Il faut qu'ils comprennent ce qu'est la réalité des centres de rétention à l'heure actuelle, et à quel point c'est nécessaire de sauver ces enfants. C'est pas juste une façade. On ne peut pas attendre d'eux qu'ils défendent la fondation et participent s'ils ne sont pas impliqués émotionnellement dedans.

- Qu'est-ce que tu as entendu, exactement ?" soupira Drago.

Hermione se mordit l'intérieur de la joue, peu encline à rapporter les propos de ses collègues.

"Après ton annonce, il y a eu beaucoup de messes basses, marmonna-t-elle.

- Lesquelles ? insista-t-il.

- J'ai entendu Flint, coupa Pansy, qui avait nettement moins de scrupules à dénoncer qui que ce soit. Il disait, en gros, que c'était une bonne idée de sauver les orphelins pour se racheter une image après tous ces scandales. J'ai surpris Vane et Carrow en train de dire qu'on avait intérêt à embaucher des gardiens efficaces pour surveiller ces gamins, sans quoi on allait passer pour des mous et des lavettes. Je cite. Leur principale crainte, c'était que tu deviennes trop bienveillant, Drago. Et... Queensbury était inquiet que la fondation soit un fardeau."

Hermione déglutit, mais avant qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit, Ron prit la parole.

"Ça ressemble à des propos tenus par des gros cons calculateurs, non ?"

Comme c'était une question rhétorique, un silence tendu s'installa.

"Peut-être qu'on aurait dû s'y prendre autrement pour annoncer ça. Et pas leur lâcher la bombe dessus sans préparation, siffla Drago brusquement.

- Non, c'est pas une question de manière. On n'a pas à les cajoler pour leur faire accepter une tâche qui leur incombe juste de par leur position de députés. Ils sont élus pour servir le peuple. C'est exactement ce que fera la fondation. S'ils ne sont pas capables de s'investir pour le bien commun, ils devraient changer de métier, objecta Hermione, maintenant furieuse. Enfin, c'est inconcevable ! On parle d'enfants qui croupissent dans un taudis !

- On ne peut pas leur forcer la main, bougonna Blaise. Nous, on est entrés dans ce centre de rétention. On sait ce qu'il s'y passe, on sait ce que les enfants subissent. Pas eux. Pour autant qu'ils le sachent, ça pourrait être un endroit parfaitement légitime.

- Il faut qu'on suscite de la compassion chez eux, pas qu'on les sermonne, ajouta Pansy.

- Et comment on fait ça, alors qu'ils aiment l'idée d'un état sécuritaire, où on emprisonne des mineurs, où un endroit comme Azkaban existe sans que personne n'y trouve quelque chose à redire, alors qu'il ne respecte aucune convention internationale en matière de droits de l'Homme ? s'insurgea Hermione.

- Tu veux faire fermer Azkaban ? sursauta Ron, ébahi.

- Granger, on ne peut pas mener toutes les batailles à la fois. Peut-être l'année prochaine ?" proposa Drago en levant les yeux au ciel.

Elle lui asséna une claque derrière la nuque, et il écarquilla les yeux, peu habitué à être malmené et encore moins en public, en pleine réunion improvisée. Ils échangèrent un regard lourd de sens, lui outragé et elle un peu coupable, puis il lâcha un petit rire et secoua la tête. Hermione lui sourit en signe d'excuse, et prit sa main dans la sienne. Lorsqu'ils sortirent de leur bulle, les autres les regardaient sans un mot.

"Elle me maltraite, dit Drago.

- Il m'énerve, dit Hermione."

Blaise hocha la tête comme si tout ça faisait parfaitement sens, et reprit comme si de rien n'était :

"Quel est le plan, pour demain ?

- Il faut rendre le truc tangible", dit Ron.

Si Hermione fut étonnée que Ron connaisse le sens du mot tangible, elle n'en montra rien, et l'incita à poursuivre avec un sourire encourageant.

"Il faut qu'ils voient la réalité du truc de leurs propres yeux. Il faut une réaction sincère de leur part. On doit leur montrer à quoi ressemble le quotidien des enfants.

- Je peux retoucher ma présentation pour l'axer sur le facteur humain du projet, proposa Hermione sans trop y croire.

- Je peux lire le compte-rendu de l'association pour les droits humains qui a visité le centre de rétention ? suggéra Pansy.

- Je vais parler", coupa Drago.

Hermione, abasourdie, tourna si vite la tête dans sa direction que ses vertèbres craquèrent. Drago avait l'air solennel. Crispé, pâle, la mâchoire bloquée et les yeux brillants, mais clairement déterminé. Tout le monde le dévisageait avec une mine un peu affolée, sauf Blaise. Il contemplait son meilleur ami avec... fierté ?

"Je vais leur parler de mon passage dans ce centre. Ça fait partie de l'histoire de la fondation, elle porte mon nom, c'est normal... Je vais le faire. Je peux le faire. Peut-être que ça rendra les choses assez personnelles pour qu'ils aient envie de s'impliquer."

Impossible de savoir s'il disait ça pour se rassurer, ou s'il s'en pensait vraiment capable. Dans le doute, Hermione serra ses doigts dans les siens et se rapprocha imperceptiblement de lui. Il ne réagit pas à son geste de façon évidente, mais il serra sa main en retour d'une brève pression.

"C'est très courageux de ta part", balbutia Pansy, la gorge nouée.

Ils savaient tous à quel point le sujet était tabou et douloureux pour lui. Drago hocha la tête de façon robotique, regardant partout sauf vers ses collègues.

"Tu n'es pas obligé de t'exposer si ça t'est inconfortable", dit Blaise d'un air faussement dégagé.

Les yeux d'acier de Drago se tournèrent vers lui brusquement, et il les plissa en deux fentes. Personne ne parla pendant un bon moment.

"Ça sera inconfortable. Ça ne veut pas dire que je ne dois pas le faire, asséna-t-il. Ils ont besoin d'entendre de ma bouche en quoi c'est capital qu'on fasse ça. C'est pas juste politique. C'est personnel."

Blaise hocha la tête en signe d'assentiment, comme s'il s'attendait à cette réponse. Et il s'y attendait probablement, parce qu'il avait fait exprès de provoquer le blond, c'était évident. Il voulait lui faire prendre conscience qu'il ne pouvait pas reculer. Hermione soupira, réalisant qu'une fois de plus il y avait un fossé entre les mots prononcés par les Serpentard, et l'intention cachée qui s'y trouvait. Ce n'était jamais frontal. Ils communiquaient à demi-mot, et cherchaient à susciter une réaction précise en réponse. Pour elle, c'était épuisant : elle ne voyait rien venir. Comme là.

Drago n'avait pas l'air agacé par Blaise, au contraire. Il semblait reconnaissant qu'il lui ait arraché ces arguments. De nouveau, le silence retomba, à ceci près qu'il n'était plus pesant.

"Daphné m'a donné les coordonnées d'un architecte, finit-elle par dire. Pour les travaux du manoir.

- Le gala est dans quinze jours, on ne peut pas commencer le chantier avant cette date... Sinon, on va devoir naviguer entre des échafaudages et des pots de peinture, lui rappela Pansy.

- On peut au moins fixer des plans définitifs, rétorqua Hermione, qui n'en avait que faire de ce maudit gala. Il va falloir réorganiser tout l'espace, et sécuriser les lieux correctement. Sans parler de toutes les normes à respecter...

- On peut commencer les travaux dans des zones où le public n'ira pas le soir du gala", ajouta Blaise.

Pansy pinça les lèvres mais ne répliqua pas. Ce gala, c'était son idée, et elle peinait à susciter de l'enthousiasme. C'était comme si personne n'en voyait l'utilité et envisageait cette soirée comme un fardeau. Drago ne l'évoquait jamais, Granger le traitait comme une futilité, Théo levait les yeux au ciel lorsqu'elle monologuait au sujet de l'organisation, même Blaise semblait s'en ficher éperdument.

"Weasley, tu es convié au gala. Tu as un costume décent à porter ?"

Voilà à quoi elle en était réduite. Chercher un allié en Ron Weasley, qui n'avait rien d'un fêtard et risquait de débarquer en jean et chaussures de randonnée. Il haussa les épaules, et ne flancha pas face à son regard perçant.

"Sûrement, oui."

Même lui n'en avait rien à faire. C'était désespérant !

"Bien, on devrait rentrer maintenant", décida Hermione, qui observait un Drago figé du coin de l'œil.

Il se leva comme un ressort, et la tracta hors du penthouse sans un mot pour les autres. Elle leur lança un petit sourire d'excuse juste avant qu'il ne la pousse dans la cabine d'ascenseur.

.

La journée du lendemain fut un tourbillon. Drago n'avait pas fermé l'œil de la nuit, se tournant et se retournant, refusant de discuter de quoi que ce soit. Il avait commencé par la déshabiller de façon très empressée dans la cuisine, et elle l'avait laissé faire. D'une part parce qu'elle ne pouvait pas lui résister, et d'autre part parce qu'il en avait besoin. Elle l'avait serré contre elle et tout n'avait été que soupirs, gémissements et dents qui se heurtaient. Ses gestes étaient sûrs, mais ça ne voulait pas dire qu'il l'était. Elle le laissa prendre le contrôle et se laissa plier sous ses mains. Ensuite, ils avaient pris une douche, et il ne l'avait pas quittée une seconde des yeux tandis qu'elle le savonnait avec des gestes doux.

Puisqu'il ne voulait ni parler ni dormir, elle avait rallumé les lumières et ils avaient faire une partie d'échecs. Une vraie partie, avec un échiquier et tout un tas de pièces obscures auxquelles elle ne comprenait rien. À sa troisième victoire, Drago soupira et balaya le plateau d'un revers du bras, avant de se coucher sur elle en silence. Il resta là, la tête sur son ventre, l'encerclant de ses bras, sans un mot.

Elle finit par s'endormir, mais pas lui. Il caressa tellement ses cheveux qu'elle s'attendait presque à se réveiller avec, au choix, un sac de nœuds sur la tête ou une ribambelle de tresses.

Leur petit déjeuner fut expédié sous le regard réprobateur de Dobby, qui observait Drago par dessus son livre comme s'il s'attendait à ce qu'il explose brusquement et renverse la table. Ce qui restait une option envisageable.

Arrivés au penthouse, Drago ne perdit pas de temps, et se rua d'un pas raide vers son bureau. Il ferma la porte, et Hermione soupira pesamment.

"Qu'est-ce qu'il a, cette fois ? grommela la voix de Rogue en périphérie.

- Ce garçon a un sacré tempérament, commenta Abelforth qui, maintenant qu'il avait trouvé le chemin du bureau, ne voulait plus le quitter.

- Il appréhende la réunion, chuchota Hermione."

C'était un euphémisme, mais ça serait sa seule concession à sa règle de respecter l'intimité de ses proches. Drago allait suffisamment se dévoiler dans quelques minutes.

Pansy, Blaise et Astoria étaient déjà dans la salle de réunion, comparant leurs fiches et finissant les derniers détails. Tout le reste du groupe vaquait à ses occupations, inconscients des enjeux de la journée, et encore extatiques suite à leur journée de la veille. Au moins, ils souriaient à nouveau et échangeaient des blagues les uns avec les autres.

Hermione dégaina son diaporama de présentation et partit sur le sentier de la guerre.

.

"Hem, euh... Bonjour, balbutia Ron, essoufflé pour une raison inconnue. Voilà, alors, je suis Ron."

Pansy se frappa le front du plat de la main dans le dos de Blaise, et Hermione pria pour qu'il abandonne rapidement sa timidité.

"Bonjour Ron ! répondirent en chœur une partie des députés, amusés de son inconfort.

- Ron va vous présenter rapidement le but de la fondation Malefoy et son rôle, intervint-elle. Ensuite, Drago va vous expliquer pourquoi il a décidé de se lancer dans cette aventure, et nous trois, on rentrera un peu plus en détail avec l'organisation de la fondation, ses missions, son financement. Astoria terminera la réunion en vous distribuant un récapitulatif des mots clefs et des chiffres qui pourront vous être utiles si on vous questionne. Vous pourrez poser des questions quand ce sera terminé ! Tout le monde est prêt ?"

Passés en mode professionnel, ils se turent et adoptèrent des postures de bons élèves.

Drago n'était toujours pas là, ce qui était étrange. Ils allaient devoir commencer sans lui, et prier pour qu'il n'ait pas changé d'avis et pris la fuite.

Hermione lança un clin d'œil à Ron, qui souffla un grand coup.

"Quand Malefoy est venu me chercher pour me proposer de diriger sa fondation, j'ai cru qu'il me faisait une blague", commença-t-il. "Je veux dire, Drago Malefoy, qui me demande à moi, un Weasley, de prendre la tête d'une fondation qui porte son nom ?"

Les quelques rires qu'il récolta lui donnèrent la confiance qui lui manquait.

"J'aurais dû me douter qu'il n'aurait pas fait cette démarche sans avoir un plan en tête. Et dès qu'il a commencé à m'expliquer ce qu'il voulait faire et pourquoi, j'ai su que je ne pouvais pas refuser. Cette fondation est essentielle, et je suis très fier de pouvoir m'y impliquer. Comme vous le savez, le système qui est en place en ce moment est basé sur l'incarcération. Les mineurs qui ne peuvent pas être envoyés à Azkaban sont enfermés dans un centre de rétention. Ce n'est pas très médiatisé, peu de gens sont au courant que ça existe, et ce n'est pas un hasard. Les conditions là-dedans ? C'est innommable."

Ron marqua une pause involontaire, et Hermione en profita pour observer les réactions. De façon prévisible, une partie des députés n'avaient pas l'air secoués par cette information.

"Peut-être que certains d'entre vous pensent que ce sont des criminels et qu'ils ont mérité ça, mais je vous rappelle qu'on parle d'enfants. Les plus jeunes ont 8 ans."

Cette fois, les récalcitrants grimacèrent, ou s'agitèrent sur leur siège. Ils étaient inconfortables ? Tant mieux.

"On ne peut pas laisser le ministère continuer à maltraiter ces enfants, qui sont entassés dans des cellules insalubres avec des rats, ne mangent pas à leur faim, sont battus et méprisés tous les jours. Nous, ce qu'on va faire, c'est qu'on va les placer dans des conditions de vie décentes. On va leur donner accès à des médecins, ils auront des cours. L'idée, c'est de les réformer pour qu'ils puissent sortir de chez nous comme des adultes fonctionnels, et se réinsérer dans la société. Actuellement, ils n'ont aucun espoir. Leur seule chance, c'est nous.

- Pourquoi on leur donnerait une deuxième chance ? objecta Flint d'un coup. Je veux dire... Ils ont forcément fait des trucs violents pour arriver là, non ? Ils sont sûrement dangereux."

Des murmures désapprobateurs parcoururent les rangs, et Dubois se pencha sur sa chaise pour lui jeter un regard noir.

"Pas toi peut-être ? Tu veux qu'on reparle de ce que tu faisais avec Voldy ? Pourtant t'es assis là, t'as eu une seconde chance, non ?"

Hermione masqua son petit rire derrière une toux peu convaincante. Flint était écarlate, et serrait les poings.

"Pour votre information, parmi les 82 enfants incarcérés actuellement, seulement 3 ont tué. Un lors d'un vol qui a mal tourné, un a tué son père alcoolique violent, et la troisième a allumé un incendie qui lui a échappé, lâcha Pansy en faisant mine de lire ses notes. L'âge moyen des mineurs enfermés est de 11,4 ans. Vous en conviendrez, ça ne crie pas exactement assassin surentraîné.

- Ils viennent pour la plupart de milieux défavorisés, n'ont pas de structure parentale viable, ont subi des abus de nature variée, ajouta Hermione. Ils n'ont aucun système de soutien dehors, aucun repère, et une grande partie n'a jamais été scolarisée. C'est-à-dire que contrairement à nous, ils ne sont pas en mesure de contrôler leur magie, parce que personne ne le leur a jamais appris.

- C'est inconcevable ! s'insurgea Rogue.

- Je dirais même plus, c'est grotesque ! renchérit Abelforth.

- Euh... oui, confirma Ron. Donc, la fondation va réparer ça. On va donner un cadre sain à ses enfants et les aider à se réaliser.

- Mais pourquoi ?" coupa Queensbury.

Tout les regards se tournèrent vers lui, puis vers Dubois, en attente d'un nouveau duel.

"Attendez, je veux dire... Pourquoi on devrait faire ça, nous ? On est députés, pas éducateurs. Pourquoi le ministère ne s'en occupe pas ?

- Quelle naïveté ! gloussa Hestia. Quoi ! grogna-t-elle en réalisant que tout le monde la regardait avec surprise. Le ministère se fiche des enfants, comme il se fiche de tout. On ne peut pas attendre d'eux qu'ils prennent quoi que ce soit en main.

- Je suis prête à parier que ces gosses sont reliés à la guerre d'une façon ou d'une autre, ajouta Vane. Des enfants de mangemort ?

- À 64 %, oui", confirma Hermione avec réticence.

Ce n'était pas qu'elle voulait cacher cette information. Elle avait prévu de garder cet argument massue pour plus tard en titillant leur sentiment d'appartenance avec ces héritiers déchus, dépossédés de leur vie. C'était un coup bas, mais elle aurait voulu le garder dans sa manche au cas où ils l'obtiendraient pas l'adhésion des sangs-purs parmi eux.

En plus, ça pouvait se retourner contre elle : et si certains députés refusaient d'aider les rejetons des mangemorts ?

"Voilà ! triompha Vane. Le ministère pille et jette les héritiers au cachot. Quelle surprise !

- Le ministère ne pille pas, rectifia Finnigan. Il répare les dégâts causés par la guerre en se servant dans les comptes en banque des coupables. C'est légitime !"

Hestia et Flint émirent un grognement disgracieux simultané.

"Tu vois beaucoup de réparations, toi ? Nommes-en une !" le provoqua Hestia.

Finnigan fronça les sourcils, pensif, et c'est Cho qui vola à son secours.

"La reconstruction de Poudlard...

-... réalisée par les profs et les élèves volontaires, contra Rogue sèchement.

- Le hall du ministère, reprit Cho tout en sachant que c'était un argument un peu faible.

- Ils ont refait leurs propres locaux, quelle grandeur d'âme, pouffa Vane.

- Le monument en hommage aux victimes ! proposa Cormac.

- Ce truc a coûté au maximum 30 galions, marmonna Pansy. C'est hideux.

- La bibliothèque nationale, soupira Cho, qui n'y croyait plus. Je sais. Financée par Hermione Granger."

Hermione devint écarlate et baissa les yeux sur ses notes. Une pensée terrible venait de lui arriver en tête, et elle se serait giflée de ne pas y avoir pensé avant. Si quelqu'un connectait les informations...

"Rétribuer les héros de guerre", lança Queensbury.

Il aurait pu tout aussi bien la pointer du doigt. Ron se figea à ses côtés, et elle releva lentement la tête, faisant face à beaucoup trop de regards interloqués. Ce n'était pas exactement un fait public.

"C'est vrai. On a touché de l'argent, Harry, Ron et moi..."

Elle fut coupée par quelques exclamations étonnées.

"C'est parfaitement normal ! rugit Pansy. Ils ont risqué leurs vies pour nous tous ici !

- On a refusé cet argent, précisa Ron.

- Quoi ! sursauta Dubois. Mais pourquoi ?

- On a redirigé les sommes vers ceux qui en avaient besoin, expliqua Hermione d'une petite voix. Ça ne semblait pas... normal d'être rémunéré pour avoir fait quelque chose de... Des gens sont morts. Nos amis, nos proches. Toucher de l'argent... J'ai tout donné à la bibliothèque et au musée de la sorcellerie. Ils avaient été pillés pendant la guerre, et... C'est une perte colossale pour le monde sorcier... Harry a ouvert un compte chez Gringotts au nom de Teddy Lupin, dont la mère a été tuée à Poudlard.

- J'ai tout donné à l'association pour les blessés de guerre, marmonna Ron, les oreilles rosissantes. Mes frères ont été grièvement blessé, et... Beaucoup d'autres aussi.

- Moi je l'ai accepté, dit Abelforth, alors que personne ne lui avait rien demandé. J'ai utilisé les fonds pour renflouer les commerces de Pré-au-Lard.

- Vous avez tous reçu de l'argent ? Tout l'ordre du Phénix ? pressa Patil.

- Je ne sais pas, reconnut Hermione. Je peux me renseigner.

- Est-ce qu'on peut revenir au sujet qui nous intéresse ? suggéra Zabini, exaspéré.

- On est en plein dans le sujet, objecta Dubois. Vous êtes tous en train de dire que le ministère n'a rien fait de positif avec tout cet argent récolté. Tout ce qui a réellement été fait, c'était par l'Ordre. Ils récoltent les lauriers, ils prétendent réparer, mais ils brassent du vent ! Et pendant ce temps, ils maltraitent des enfants ! Je ne comprends pas. Tout cet argent, il est où ?"

Un silence de plomb s'abattit sur la pièce. Hermione échangea un bref regard avec Ron, qui semblait complètement retourné. C'était la première fois qu'ils parlaient de ces sommes d'argent de façon aussi ouverte. Après la guerre, ils avaient tous voulu mettre ça derrière eux, et cet argent leur retournait l'estomac. Personne n'avait réellement discuté de ce qu'il avait touché, ou comptait en faire. Ça avait été rapide et discret.

"Ils ont peut-être fait des choses qu'on ignore, tenta Cho. Je veux dire... les dégâts était monstrueux. Et toutes ces victimes, tous ces gens qui avaient tout perdu...

- Il faut qu'on trace cet argent", décréta Cormac.

Immédiatement, il fut collectivement approuvé. Un vent de révolte se propageait dans la pièce. Comme si d'un coup, le voile avait été levé.

"Bon, euh... Du coup, pour la fondation... reprit Ron.

- Oh on va t'aider Weasley, s'écria Dubois.

- Ouais, on va faire justice à ces enfants ! beugla Flint en tapant du poing sur la table.

- Calmons-nous, temporisa Hermione. N'allez pas faire des accusations publiques sans preuve pour les appuyer."

Elle aurait pu s'appliquer ces conseils à elle-même quelques jours plus tôt, dans les bureaux du fonctionnaire Hautbois. Maintenant, elle se sentait d'autant plus stupide.

"On doit trouver des preuves ! insista Patil.

- C'est en cours, dit Pansy. On est sur le coup."

Hermione lui jeta un regard incrédule. Pour la confidentialité de leurs opérations secrètes avec Harry, c'était loupé.

"Ce ministère est corrompu ! s'offusqua Fortarôme. Des voyous !

- Cette réunion a pris une étrange tournure", nota Drago en entrant dans la pièce.

L'agitation s'arrêta abruptement et toutes les têtes pivotèrent vers lui.

"J'interromps la préparation d'un putsch ? demanda-t-il avec un rictus satisfait.

- Pas qu'un peu, Malefoy !" beugla Flint.

Le regard glacial que lui jeta l'intéressé le calma immédiatement.

Oh, Drago adorait l'idée d'un putsch, à n'en pas douter. Mais un putsch mené par Flint ? Qui s'en vantait avant même d'avoir établi une ébauche de plan ? Certainement pas.

"Bien. On est tous d'accord pour dire que le ministère est pour le moins géré de façon désastreuse. Personne ne bouge, pas un mot là-dessus. On se concentre sur la fondation et quand on sera prêts, on portera les coups. Est-ce que c'est bien clair ? Je ne veux rien entendre dans la presse, vous n'en parlez pas en dehors du penthouse, et vous attendez mon feu vert. Vous ne bougez pas une oreille tant que je n'ai pas de quoi nous protéger. On risque gros. Et on peut aussi gagner gros. Donc, ce n'est pas le moment de tout ruiner en déversant nos soupçons, et en alertant le ministère de nos recherches : on travaille, on œuvre pour la fondation, et le moment venu, on passera à l'action. Pour le moment, on montre l'exemple. On montre à tout le monde comment doit être gérée la société sorcière, comment on prend en charge des enfants décemment et surtout, on montre ce qui est attendu des gens en position de pouvoir. Cette fondation doit montrer le chemin."

Ses mots firent l'effet d'un seau d'eau glacée sur les ardeurs des députés nouvellement révolutionnaires. Ils regardaient Drago comme le messie, une lueur au fond des yeux. Hermione déglutit.

Elle n'arrivait pas à décider si elle se sentait exaltée ou affolée. Tout se déroulait exactement comme Drago l'aurait rêvé. Hélas, elle se sentait extrêmement nerveuse à l'idée de faire tomber le ministère et de laisser le champ libre à un tyran incroyablement sexy.

"Ah, au fait, reprit-il comme si de rien n'était. J'ai moi-même été emprisonné dans ce centre quelques mois après la guerre. C'est ma vision personnelle de l'enfer. Il va donc de soi que nous allons non seulement le détruire, mais également faire beaucoup mieux. Est-ce que je peux compter sur vous ?"

.

Hermione paniquait. Elle faisait les cent pas dans son bureau, et tentait de catégoriser les informations.

Un, un groupe terroriste indéterminé tuait des innocents et menaçait ses proches.

Deux, le ministère était corrompu et détournait des sommes d'argent gigantesques au nez et à la barbe de la population, elle y comprise.

Trois, elle avait embarqué Harry, un tas de Serpentard et maintenant tout son groupe politique dans une chasse qui pouvait aboutir à l'effondrement du gouvernement.

Quatre, les travaux étaient imminents au manoir et il fallait sprinter pour espérer reloger ces enfants au plus vite.

Cinq, elle avait couvert un meurtre et ça lui était sorti de la tête.

Six, elle était probablement amoureuse de Drago Malefoy.

Elle se laissa tomber sur un fauteuil, blême. Comment sa vie, et tout ce qu'elle croyait certain, avaient pu basculer de façon si rapide dans le chaos ? C'était un sac de nœud. Tout allait si vite qu'elle se contentait de parer au plus pressé, sans aucune planification, ce qui ne lui ressemblait pas du tout.

"Grangy ?" demanda Pansy en toquant à la porte.

Hermione coassa un borborygme qui l'incita à entrer, et tenta de se concentrer.

"Il y a du nouveau sur Gossip Witch, chuchota Parkinson en refermant doucement la porte derrière elle.

- Oh seigneur... Quoi encore ? Qu'est-ce qu'elle a inventé, cette fois ?

- Elle a publié un nouvel article. Elle a posté... des révélations sur le chef des aurors, photos à l'appui...

- Le boss d'Harry ? s'étrangla Hermione."

Pansy lui tendit une tablette, sur laquelle s'étalait une photo de l'auror numéro un, vêtu d'une combinaison en latex, en talons aiguille, avec une spatule à la main. Il était tenu en laisse par une femme en sous-vêtements, qui portait un casque de moto et un badge d'auror.

L'article était titré "Blackhood pris en flag".

Elle redressa la tête, cligna des yeux, puis se replongea dans l'étude de la photo.

"Je ne comprends pas ce que je regarde. Qu'est-ce qu'il fait ? Pourquoi il a une spatule à la main ?

- Certainement pas pour faire sauter les crêpes, Grangy, gloussa Pansy.

- Mais... Il est déguisé...?

- Ton sens de l'observation est affuté, nota Blaise, hilare, en entrant à son tour. Cette photo a été prise chez Madame Lucie, je reconnais le décor.

- Est-ce que j'ai envie de savoir qui est cette madame Lucie ?

- Une... femme de la nuit, répondit évasivement Blaise.

- Elle tient un club échangiste, traduisit Pansy. Ton cher et tendre, ainsi que Blaise ici présent et Théo, s'y rendaient durant leurs folles années de débauche.

- Seulement dans la partie boîte de nuit ! s'insurgea Zabini, outré. Madame Lucie nous laissait boire à l'œil, elle nous aimait bien... c'était le bon temps !

- Drago connait personnellement la personne chez qui a été prise cette photo ?"

- Ouais ! dit en Blaise haussant les épaules.

- C'est pas vrai... siffla Hermione. DRAGOOOOOO !"


Oups. Qu'a-t-il encore fait ?

Le team building a pris des proportions inattendues... Est-ce que ça ne sentirait pas légèrement la révolte ?