Chapter 45 - Une très mauvaise idée

"Hermione Granger !" éructa Harry en s'engouffrant comme une tornade dans son bureau.

Comme il n'avait pas pris la peine de refermer la porte derrière lui, elle aperçut les visages goguenards de Pansy, Blaise et Drago par-dessus l'épaule de son meilleur ami. Son meilleur ami furieux.

Elle soupira, déjà lasse. Bien entendu, les manigances de Drago lui retombaient dessus, encore une fois, et comme toujours, elle devait recoller les morceaux. Parce qu'Harry n'était pas stupide, il savait additionner deux et deux. Son supérieur viré à la suite de révélations fracassantes, et le gratin politique qui cite son nom comme successeur dans la foulée ? Il était évident qu'il allait percevoir l'entourloupe. Comme le ministère l'avait fait avant lui, court-circuitant le plan de Drago par la même occasion.

Harry Potter n'allait pas apprécier d'être pistonné. Encore moins par Drago Malefoy. Quelle disgrâce...

Elle serra les dents et jeta son regard le plus sombre aux trois Serpentards ricanant au loin.

"HERMIONE ! Tu m'écoutes ?" rugit Harry en tapant du poing sur la table.

Elle sursauta, et bondit sur ses pieds pour lui faire face.

"Harry Potter, baisse d'un ton immédiatement !" siffla-t-elle.

Il plissa les yeux, et sembla hésiter un instant sur l'attitude à adopter. Certes, il était positivement en colère, mais Hermione était terrifiante, et il n'avait pas entamé la discussion sur le bon pied.

"Au lieu de hurler comme un possédé, si tu m'expliquais ce qui t'amène ? suggéra la jeune femme avec fermeté.

- Tu me prends pour un demeuré, ou quoi ?" s'agaça Harry.

Puis il jeta la Gazette du jour sur son bureau, avant de tapoter sa Une d'un index crispé.

"Qu'est-ce que c'est que ça ? s'enquit-il.

- ...

- Et ne me réponds pas C'est un journal, Harry ! ajouta-t-il avec une mimique ridicule.

- Je ne parle pas comme ça, grogna Hermione. Écoute, je n'y suis pour rien. J'ai pris le train en marche, et...

- Le train Drago Malefoy, à destination de l'enfer ? devina Harry en se laissant tomber sur une chaise. Hermione, bon sang, je ne sais pas ce que vous pensiez accomplir en faisant ça, mais vous avez déclenché une tempête d'emmerdes. Faire virer mon supérieur c'est une chose, mais faire campagne pour moi, sans même me prévenir ! Vous me faites passer pour quoi, exactement ? Un sous-fifre à la botte de Malefoy ! Si vous pensiez tordre le bras du Ministère, c'est raté. Non seulement ils ont nommé un incapable à la tête du département, mais..."

Un petit cri de triomphe coupa la tirade d'Harry, qui se retourna vivement pour dévisager l'intrus. Drago se tenait dans l'embrasure de la porte, bras croisés, et arborait un air si innocent qu'on aurait pu douter de la provenance de cette exclamation déplacée.

"Désolé. Mais je savais que ce Whitlock était un incapable, marmonna-t-il dans sa barbe.

- TU l'as nommé Malefoy, c'est entièrement de ta faute ! Le Ministère devait agir vite pour te contrer, et c'est précisément ce qu'ils ont fait ! lui reprocha Harry, le regard sombre.

- Je vais fermer la porte", décréta Drago comme s'il se parlait à lui-même.

Il vint ensuite s'asseoir sur la chaise voisine de celle d'Harry, et croisa les jambes tel l'aristocrate qu'il était.

"J'en conviens, l'exécution de ce plan laisse à désirer. Ils nous ont doublés", concéda le blond.

Hermione se racla bruyamment la gorge en lui jetant un regard appuyé.

"Ils m'ont doublé, rectifia-t-il à regret. Granger n'était pas au courant. Quand on a eu l'info pour le successeur, on a foncé à la télé pour essayer de sauver les meubles, mais c'était trop tard. Et, pour ma défense, on n'était pas les seuls à avancer ton nom, tout un tas de gens l'ont fait spontanément. C'était évident que tu étais la bonne personne pour ce job.

- Quel foutoir, Malefoy ! râla Harry en se passant une main dans les cheveux. Tout le monde pense que j'ai comploté avec vous et avec cette blogueuse - que je ne connais pas, bon sang - pour faire tomber mon chef, tout ça pour prendre sa place. J'ai été convoqué, et comme j'ai nié en bloc, je suis seulement suspendu. Tous mes collègues me regardent de travers, ou avec pitié.

- Ils t'ont suspendu ? s'étrangla Hermione. Comment ça seulement ? Sous quels motifs ?

- Ça ne va pas se passer comme ça, rugit Drago.

- T'en as assez fait, Malefoy ! s'écria Harry. Reste en dehors de ça !

- J'essayais juste te t'aider à gravir les échelons pour faciliter ton enquête !

- Regarde comme ça a bien fonctionné ! Quel esprit brillant tu es ! Cesse de te mêler des affaires des autres quand tu n'y comprends rien !

- Je comprends parfaitement ! C'était un excellent plan !

- Ah oui, c'est évident ! La prochaine fois que tu as un excellent plan de ce genre, fais-toi une faveur, abstiens-toi ! N'essaye pas de t'immiscer dans la carrière des gens, Malefoy, ça te dépasse ! Parfois, tu vois, il ne suffit pas de graisser des pattes ou de trainer quelqu'un dans la boue pour obtenir ce qu'on veut ! Certaines personnes travaillent dur et croient en ce qu'elles font, elles ne se contentent pas de se pavaner en fomentant des plans sournois et minables QUI NE FONCTIONNENT MÊME PAS !

- Harry ! intervint Hermione.

- Non, il a raison", soupira Drago en haussant les épaules.

Choqué, Harry cessa de vociférer et tourna si vite vers son ennemi de toujours qu'il faillit tomber de sa chaise.

"Je me suis planté, je le reconnais. J'aurais dû anticiper que le ministère serait prêt à tout pour ne pas te nommer toi. Mais ça signifie une chose : t'es dangereux, pour eux. Ils n'iraient pas aussi loin contre l'opinion publique et leur propre département de la sécurité si t'étais pas une menace directe. Ils ont préféré nommer un illustre inconnu incompétent pour assurer la sécurité du pays, c'est vraiment que tu les fais trembler."

Harry avait visiblement une réplique cinglante sur le bout de la langue, mais au dernier moment, il soupira pesamment.

"Le résultat, c'est que je suis plus dangereux du tout maintenant. Je suis à la porte, conclut-il laconiquement.

- C'est provisoire, temporisa Hermione. Ils ne peuvent pas virer Harry Potter sans motif sérieux.

- Mais ils peuvent mettre Harry Potter dans un placard, nuança Drago.

- Ça serait pas la première fois, grimaça Harry. Les placards et moi, on a une histoire qui remonte.

- Ne sois pas si abattu ! s'agaça Hermione. Harry ! Tu vas quand même pas te laisser faire !

- Dis donc, votre duo infernal vient de torpiller ma carrière, j'ai le droit d'être un peu abattu comme tu dis !

- Peut-être qu'on vient de pousser le ministère à commettre une erreur monumentale, réalisa Drago en se levant brusquement. Réfléchissez... Maintenant, ils n'ont plus leur alibi. Le golden boy répudié. Le héros de guerre mis à la porte. La figure de droiture morale, l'homme qui s'est sacrifié pour le bien commun, le martyr, le...

- Harry n'est pas Jésus, Drago, le coupa Hermione en levant les yeux au ciel. On a compris l'idée. Le ministère perd un atout de taille."

Le blond pivota brutalement sur ses talons, le regard fou.

"Tu n'es plus des leurs. Tu es dans l'opposition ! triompha Drago. T'étais le modèle de vertu qui empêchait quiconque de soupçonner le Ministère d'être autre chose que parfait. Maintenant que t'es hors du tableau... Rien ne dit que personne ne peut les attaquer. Ta présence ne les défend plus. Ton absence les menace !

- Super... marmonna Harry. Pour la énième fois de ma vie, je suis seul contre le Ministère. Ça commence à être un peu lassant.

- Tu n'es pas seul, objecta Hermione. On est là ! Et tes collègues ne peuvent pas accepter que tu sois viré et que dans le même temps, un incapable les dirige ! Et la population ne va certainement pas apprécier de voir leur sécurité assurée par un débutant... Peut-être que si tu parlais à la presse...

- EXACTEMENT ! rugit Drago, qui était en roue libre.

- Je ne peux pas faire ça. Je ruinerais toutes mes chances d'être réintégré et je perdrais le soutien de mes collègues si j'allais chouiner dans les médias. En plus, c'est vos méthodes, pas les miennes, refusa Harry tout net. C'est extrêmement mal vu de parler des affaires internes au ministère dans la presse. Ce serait un suicide professionnel.

- Hum..." lâcha Drago.

Ils étaient dans une impasse, il fallait bien le reconnaître. Et tout ce capharnaüm, c'était de la faute de Drago. Qui se débattait pour réparer sa bévue, sans aucune idée sensée en tête. Tout ça allait mal finir.

"Il faut qu'on trouve une solution pour te faire apparaître à nouveau comme un héros du peuple, seul face au ministère, reprit le blond, pensif.

- Arrête de comploter Malefoy, c'est fini. On a perdu, soupira Harry. Je vais rentrer. Me reposer. Et à la fin de ma suspension... Si je n'ai pas d'autre idée... Je démissionnerai. Peut-être que je pourrais partir vivre à l'étranger. Élever des animaux. Vivre au grand air."

Drago échangea un regard interloqué avec Hermione. Le héros couvait une petite dépression.

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Ils avaient passé la journée à comploter, sans aucun résultat. Ils ne voyaient pas comment redorer l'image d'Harry sans sa participation active, et sans lui associer leur présence qui, il fallait le reconnaître, n'était pas bénéfique. Petit à petit, le penthouse se vida, la nuit tomba, et Sergueï commença à s'impatienter. Certes, il avait l'honneur de veiller sur le boss, mais il était celui qui travaillait le plus, circulait sans arrêt et de façon imprévisible, toujours à toute vitesse, et généralement en énervant des gens potentiellement dangereux sur son passage. Le métier de Sergueï n'était pas de tout repos.

Aussi, lorsqu'une énorme explosion fit vibrer tout le bâtiment aux alentours de 22 heures, Sergueï ne fût pas si surpris. Encore pour sa pomme. Il fût prompt à mettre la main sur le boss et sa comparse, qui couraient avec leurs baguettes à la main en direction des baies vitrées. Ce qui, comme chacun sait, est la dernière chose à faire en cas d'attentat.

"STOP !" hurla Sergueï.

Mais Drago bondit telle une biche hors de sa portée, et Hermione lui glissa sous le bras en se tortillant. Ça allait être une longue nuit.

"On dirait que ça vient du bas de la rue, cria Blaise en arrivant à son tour. Il y a de la fumée, regardez !

- Oh mon dieu ! C'est le refuge pour animaux abandonnés !" paniqua Pansy.

Les quatre députés et Sergueï collèrent leur nez à la vitre pour observer l'immeuble qui partait en flamme un peu plus loin.

"Sérieusement ? Même les animaux, maintenant ? pesta Blaise. Ces terroristes n'ont donc aucune limites !

- Pourquoi ils s'en prendraient à un refuge pour animaux ? Ça n'a aucun sens, raisonna Hermione.

- On devrait y aller."

Ils pivotèrent tous vers Harry Potter, qui pour une raison inconnue n'avait visiblement pas quitté le penthouse après sa crise existentielle.

"Harry... Tu as bu ? s'inquiéta Hermione.

- À peine un peu, balbutia-t-il en enfilant sa cape avec maladresse.

- Potter avait besoin d'un remontant, expliqua Rogue qui arrivait avec une bouteille de Whisky pur feu à la main.

- On a pas le temps pour ça ! hurla Pansy. Les animaux brûlent ! Il a raison, allons-y !

- Non, coupa Sergueï. Piège.

- Il n'a pas tort, songea Blaise, partagé.

- Faites ce que vous voulez, j'y vais, décréta Harry en titubant légèrement vers l'ascenseur. Je dois protéger la population. C'est ma mission.

- Je te suis ! beugla Pansy en dégainant sa baguette.

- Et merde... grogna Drago en leur emboitant le pas. Si je meurs pour sauver des caniches, je reviendrai vous hanter !

- C'est une très mauvaise idée, dit Hermione en se retroussant les manches.

- Depuis quand ça t'arrête ?" gloussa Blaise.

Sergueï lâcha ce qui ressemblait fort à une bordée de jurons et partit à la course derrière son troupeau de députés, qui eux-même suivaient un auror ivre démis de ses fonctions.

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Ils furent les premiers sur les lieux, hormis quelques passants démunis qui contemplaient l'incendie sans rien faire. Rogue transcenda son ivresse pour créer un gigantesque dôme d'eau, mais ils comprirent très vite que ça n'allait pas suffire : le toit avait presque complètement disparu, et l'eau n'avait aucun effet sur les flammes. Harry faisait les cent pas, cherchant une solution pour entrer, et dû reculer brusquement lorsqu'un pan de mur s'effondra, révélant le brasier épouvantable qui ravageait l'intérieur.

Pansy émit un sanglot déchirant, et Blaise lui attrapa fermement la main pour l'empêcher de se ruer en avant.

"C'est un feudeymon !" réalisa Hermione, affolée.

À peu près à cette seconde, Harry partit en sprint et bondit dans le brasier par une fenêtre qui avait explosé sous l'effet de la chaleur.

"Harry, non ! hurla-t-elle en se précipitant derrière lui.

- Reste ici ! ordonna Drago en la ceinturant malgré les coups qu'elle lui mettait pour se dégager.

- Lâche-moi ! Drago !

- Sergueï ! Tiens-la. C'est un ordre direct. Elle ne doit pas rentrer là-dedans."

Hermione changea de bras, mais ne se libéra pas pour autant, et se mit à hurler de plus belle lorsque Drago prit son élan pour aller chercher Harry dans le bâtiment en flammes.

"Mais qu'est-ce qui lui prend ! s'affola Blaise. Drago ! Reviens ici ! C'est pas le moment de jouer les héros ! Bon sang, quel abruti !

- Accepte d'être son parrain, qu'ils disaient, c'est un enfant délicieux ! Tu parles ! rugit Rogue en filant à sa suite.

- Sergueï ! Lâchez-moi ! Je vous en supplie ! gémit Hermione.

- Sergueï, non", objecta Blaise.

Une seconde explosion retentit, et le reste des fenêtres vola en éclats. Le souffle les projeta tous les quatre au sol, et Hermione profita de la confusion pour ramper tant bien que mal hors de portée de son garde du corps.

"Drago ! Harry !" s'époumona-t-elle en toussant.

Une main l'aida à se relever et une Pansy hirsute se cramponna à elle.

"Allons-y, hoqueta Parkinson.

- Revenez-ici ! beugla Blaise derrière elles.

- Qu'est-ce que... Zabini, il se passe quoi ?" demanda au loin la voix de Dubois.

Les deux filles enjambèrent tant bien que mal des débris et réussirent à pénétrer dans le bâtiment, dont l'air était saturé de poussière et de chaleur. Mais ce qui les assaillit, c'était le bruit : des dizaines d'aboiements, des craquements, et au-dessus d'elles les voix des garçons.

"Ils vont bien !" cria Pansy pour se faire entendre.

Hermione hocha la tête, fit apparaître des bulles autour de leur tête pour qu'elles puissent respirer et, cahincaha, elles s'enfoncèrent dans le bâtiment.

"L'écurie !" hurla Pansy en pointant un panneau.

Elles se mirent à courir en suivant les flèches, firent sauter des portes à coups de baguette et déboulèrent au milieu d'une scène d'apocalypse. Piégés dans leurs stalles, des dizaines de chevaux piaffaient, les yeux révulsés.

"Au fond !" indiqua Hermione en courant, Pansy sur ses talons.

Un par un, elles déverrouillèrent les loquets des boxes et laissèrent les chevaux affolés retrouver le chemin de la sortie. Elles transpiraient à grosses gouttes et leurs mains étaient certainement brûlées malgré leurs sorts de protection, mais elles continuèrent leur tâche sans faiblir, et bientôt tous les chevaux étaient libérés.

"Et maintenant ? cria Pansy, fébrile.

- Les garçons !" répondit Hermione en pointant l'étage du doigt.

Sans perdre une seconde, elles filèrent vers un escalier qu'elles avaient repéré lors de leur précédent passage, mais s'arrêtèrent net : au beau milieu, un amas de gravas leur bloquait le passage.

"Ils sont coincés ! DRAGO ! HARRY ! hurlait Hermione en tentant de dégager la route de sa baguette.

- Miss Granger ! Y a t-il un passage ? brailla la voix de Rogue au plafond.

- Presque !"

Aidée de Pansy, elles réussirent à libérer un espace précaire.

"C'est bon ! lança-t-elle d'une voix éraillée.

- Poussez-vous !" ordonna-t-il aussitôt.

Hermione obtempéra sans discuter, tirant Pansy par le bras pour la plaquer contre le mur à côté d'elle. Et c'était la bonne décision, parce que quelques secondes plus tard, une ribambelle de chats se rua dans le passage, fonçant tout droit vers la sortie. L'un d'eux stoppa sa course pour leur cracher dessus, et repartit aussi sec.

"Ingrat ! l'accusa Pansy en brandissant le poing.

- Elle m'a mordu ! Potter ! cria Drago dans le lointain.

- C'est une foutue tortue Malefoy, tu vas t'en remettre, répliqua Harry, qui semblait plus proche.

- DRAGO ! hurla Hermione, qui soudain avait retrouvé sa voix.

- HERMIONE ! répondit Drago, qui visiblement avait oublié sa blessure.

- Vous êtes pathétiques", soupira Pansy.

Dubois et Zabini déboulèrent dans leur dos, couverts de suie et l'air hagard.

"On a ouvert la volière ! Qu'est-ce qu'ils font là-haut ?" cria Blaise.

Pansy pointa du doigt le panneau indiquant "canins et autres animaux domestiques".

"Allons-y, décréta Hermione en entreprenant d'escalader ce qu'il restait de l'escalier.

- Granger, attention, c'est instable ! s'affola Pansy.

- SORTEZ TOUS ! SORTEZ !" hurla Sergueï, qui descendait en glissade sur la rampe avec une pile de serpents autour du cou.

Il croisa une Hermione estomaquée, qui ne cessa pas son ascension pour autant.

"HERMIONE ! DESCENDS ! hurla Dubois.

- NON ! Drago et Harry...

- On est là ! Dégagez la place !" hurla Harry.

Aussitôt, une flopée de chiens de toutes tailles cavala dans les décombres, poursuivis par Harry, qui portait deux grosses tortues sous son bras, et par Drago, qui avait un singe juché sur ses épaules et un iguane dans les mains.

"Ça va s'effondrer ! Vite !"

Poursuivis par le brasier qui menaçait de les engloutir, ils s'élancèrent avec la meute vers la sortie, zigzaguant au milieu des décombres. Ils étaient presque arrivés lorsque Drago s'arrêta brusquement, confia son iguane à Pansy et son singe à Blaise, et fit demi-tour. Affolée, Hermione se mit à hurler, Pansy lui jeta des morceaux de plâtre dessus pour le punir de sa fuite, et Sergueï recommença à vociférer des insultes.

"DEHORS ! DEHORS !" les exhorta Harry, qui les poussait vers la sortie sans ménagement avec l'aide de Rogue.

Encore une fois, Hermione se débattit pour partir à la poursuite de Drago mais Rogue, qui n'était pas né de la dernière pluie, décida de prendre des mesures radicales et la souleva de terre.

À la seconde où ils se retrouvèrent dehors, une troisième explosion résonna, et Hermione crut qu'elle allait mourir d'inquiétude là, sur le trottoir, le visage inondé de larmes. Sa détresse était telle qu'elle ne remarqua ni la foule, ni la presse, ni les aurors qui sécurisaient le périmètre, ni les animaux qui avaient été parqués un peu plus loin.

Elle n'arrivait plus à respirer, elle ne voyait plus rien, elle ne sentait même plus les bras de Rogue autour d'elle ni le béton sous ses genoux. Seul un bruit sourd résonnait dans ses oreilles, et son cœur battait douloureusement dans sa poitrine.

"Hermione, il est là !" lui parvint la voix de Pansy.

Elle sentit Rogue la forcer à se redresser, et devant elle se trouvait Drago, un chiot dans les bras, et elle avait envie de l'étrangler, de lui mettre des coups de pieds et de l'insulter pour ce qu'il venait de lui faire subir, alors elle s'arracha de l'emprise de Rogue et se rua sur lui. Elle lui sauta dessus, l'étouffa de ses bras et enroula ses jambes autour de lui, écrasant un peu le chiot au passage. Les yeux gris de Drago rencontrèrent les siens et tout à coup, elle savait, et elle se mit à rire et à pleurer en même temps.

Il colla ses lèvres couvertes de suie contre les siennes et passa un bras autour de sa taille.

"Imbécile, souffla-t-elle contre sa peau.

- Une tortue m'a mordu, chuchota-t-il avec un air incrédule parfaitement adorable.

- Je t'aime."

Hermione écarquilla les yeux.

Que venait-il de se passer ?

Mais Drago se contenta de sourire, de frotter son nez sale contre le sien, et d'emprisonner ses lèvres dans les siennes. Ils se séparèrent en gloussant, et il glissa sa tête contre sa nuque avant de mordiller son oreille.

"Je t'aime.

- Ouf, lâcha Hermione.

- Ouf ? répéta-t-il.

- Je ne voulais pas dire ça à voix haute. Mais, ouf, parce que je me serais sentie vraiment stupide si tu ne l'avais pas dit aussi.

- Bon, je déteste interrompre ce spectacle larmoyant, mais la presse vous mitraille", glissa Zabini.

Sans lâcher ni Hermione ni son précieux chiot, Drago pivota et leur lança son plus beau sourire. Et Hermione, probablement encore sous le choc, sourit à son tour en agitant la main en direction des flashs.

"Oh. Bon, comme vous voulez", dit Blaise.

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Ils passèrent une bonne heure à répondre aux questions des aurors et à aider les secours à s'organiser. Ils avaient fait le plus dur, mais il fallait trouver une solution pour héberger tous les animaux et, à la surprise générale, Nott proposa sa propriété, ce qui lui valut les larmes de la directrice du refuge et une demande en mariage de Pansy. Les médias amassés autour du capharnaüm qu'était devenu la rue n'en croyaient pas leurs yeux.

D'abord, Drago Malefoy et Hermione Granger qui s'embrassaient devant le brasier. Rien que ça, c'était suffisant pour nourrir les ragots pendant une année entière. Ensuite, un groupe politique en vue qui sauvait des animaux abandonnés - et cette histoire-là allait faire vendre, beaucoup. Il y avait l'auror disgracié qui surgissait des flammes tel le héros qu'il était né pour devenir. Et maintenant, une demande en mariage ! Vraiment, ils n'en croyaient pas leur veine.

"Monsieur Potter, vous avez été suspendu hier. Pouvez-vous expliquer ce que vous faisiez sur une scène de crime ?"

Hermione essuya machinalement la suie étalée sur son visage en observant attentivement la réaction d'Harry, qui venait tout juste de finir d'effectuer sa déclaration aux aurors.

"Je ne suis pas intervenu comme auror, dit-il. J'ai fait ce que tout citoyen ferait face à une catastrophe d'une telle ampleur.

- Sauter dans un immeuble en flamme ?" s'étrangla Drago avec un air totalement dramatique.

Comme les stars du jour semblaient enfin décidés à leur parler, tous les journalistes formèrent un cercle autour d'eux, micros tendus en avant.

"Potter est modeste, reprit Drago en lui assénant une tape amicale dans le dos. Il n'a pas hésité une seule seconde avant de mettre sa vie en danger ce soir. C'est ce qu'on attend de nos aurors, pas vrai ? Qu'ils nous protégèrent, au péril de leur vie, quand on en a le plus besoin. On a entendu l'explosion et aussitôt, il était dehors avec une seule idée en tête : porter secours. Il n'y a pas une once d'égoïsme dans cet imbécile de héros."

Sa tirade fit glousser les reporters.

"Vous et vos députés avez participé à l'opération, intervint Cédric. Vos bureaux sont au bout de la rue, il me semble. Pensez-vous que la localisation de l'attentat ait un rapport avec vous ?

- C'est difficile de répondre à ce stade de l'enquête, et vous devriez plutôt vous tourner vers les aurors en charge", coupa Harry.

Cette réponse évasive n'était pas du tout au goût de Drago, qui comptait bien capitaliser sur les évènements. Il avait ruiné un costume de prix et perdu quelques années d'espérance de vie avec toute cette fumée, ce n'était pas pour écouter Potter faire le modeste et refuser de piquer un peu le Ministère. Il croisa brièvement le regard d'Hermione, qui était cramponnée à lui depuis qu'il était sorti de l'immeuble, et son discret hochement de tête lui donna le feu vert.

"Mais quel est votre ressenti ? insista Cédric. Excusez-moi, mais vous êtes intervenus, vous, et les Non-alignés, vous étiez sur place, pas ces aurors. Qui d'autre que vous peut répondre à cette question ? Vous n'avez pas pensé que c'était suspect, que ça pouvait être un piège pour vous attirer ici ?

- Si, évidemment, avoua Drago. Mais que vouliez-vous qu'on fasse d'autre ? Même si c'était un piège, on ne pouvait pas rester les bras ballants à regarder le refuge partir en fumée avec tous les animaux à l'intérieur. On a suivi Potter, qui a toujours eu des intuitions justes et qui est sans conteste le meilleur auror du pays. Il a pris un risque, et on a bien fait de l'accompagner. Enfin, soyons sérieux deux minutes... Si Harry Potter choisit une bataille, l'histoire a largement prouvé qu'il valait mieux être avec lui que contre lui."

Encore une fois, Drago avait réussi à se mettre la presse dans la poche, puisque tous hochaient furieusement la tête, ce qui embarrassa Harry au plus au point.

"Pensez-vous que le ministère va révoquer votre suspension ?

- Il n'aurait jamais dû être suspendu en premier lieu ! cingla Drago. C'est parfaitement irresponsable de se priver d'un tel élément dans une période aussi troublée. D'ailleurs, j'en appelle au bon sens du ministère. Cessons ces enfantillages."

Hermione baissa la tête vivement pour que personne ne puisse remarquer son envie d'éclater de rire.

"Le ministère prétend que vous auriez volontairement communiqué des informations compromettantes à Gossip Witch pour évincer votre supérieur. Ils ont l'air de penser que c'est vous la taupe. Qu'avez-vous à répondre à ce sujet ?

- Ce n'est ni l'endroit ni le moment d'évoquer ces rumeurs stupides, coupa Harry.

- Le rapport officiel publié par le ministère plus tôt dans la journée ne parle pas de ça, ajouta une journaliste. Où tu as eu ces informations, Cédric ?

- Je ne dévoilerai pas mes sources.

- Ces sources vous ont menti, Diggory, lui confia Drago en se penchant légèrement vers lui, avant de lui faire un clin d'œil discret. Il n'y a pas besoin d'être un génie pour comprendre que ces allégations sont sans fondement. Enfin, c'est absurde, vous connaissez Potter, et ce ne sont pas du tout ses méthodes. En plus, au lieu de chercher d'où vient l'information, ne vaudrait-il mieux pas se concentrer sur l'information en elle-même ? La vérité, c'est que le ministère a laissé en poste pendant près de quinze ans un individu corrompu qui n'a aucun respect pour sa fonction, et a mis en danger la réputation de tout son département. Et je ne pense pas que le ministère oserait suspendre Harry Potter sous des faux prétextes aussi incongrus. Ça ne fait aucun doute pour moi que votre source a tout faux - ou alors, le ministère aurait vraiment perdu la main ! Ce sont des rumeurs parfaitement absurdes, ils ne peuvent pas les croire... La vérité, c'est qu'on en attend plus de ceux qui nous dirigent. On est en droit de demander de l'exemplarité.

- Une personne exemplaire, comme Harry Potter ? devina Cédric, qui n'était pas dupe du tout.

- Tirez-en vos propres conclusions, messieurs-dames. Maintenant, si vous voulez bien nous laisser... Je crois qu'on a tous besoin d'une bonne douche et de sommeil. Merci d'être venus au beau milieu de la nuit pour couvrir cet atroce incendie. J'espère que le département de la sécurité intérieure parviendra malgré tout à faire la lumière sur ce drame. On publiera certainement un communiqué demain. En attendant, soyez prudents, et bonne soirée à tous."

Drago sourit poliment et s'empressa de s'éloigner, non sans avoir enroulé fermement son bras autour de la taille d'Hermione par précaution. Il sentit Potter leur emboîter le pas, puis tout le groupe des Non-alignés, et ils fendirent la nuit sans un mot.

Cela produisit une photo parfaite pour la Une de la gazette du lendemain.

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Hermione haleta et enfonça ses ongles dans le dos de Drago. Enroulée autour de lui et fermement agrippée, elle sentait son corps se tendre et des vagues de plaisir la parcourir.

"Granger... Fuck'", grogna-t-il dans son cou.

Parfaitement synchronisés, ils accélérèrent le rythme, ruisselants de transpiration et incapables de contrôler leurs respirations. Elle sentit les dents du blond contre sa gorge et rejeta la tête en arrière, hors de contrôle, enfouissant sa main dans ses cheveux pour tirer dessus.

En d'autres circonstances, il aurait protesté, mais il se contenta d'observer Hermione avec une admiration stupéfaite, le regard voilé. Elle était assise sur lui, sa poitrine collée à son torse, la bouche entrouverte et les joues rouges. Il raffermit sa prise sur sa mâchoire et colla furieusement ses lèvres contre les siennes.

"Drago, je, je... gémit-elle.

- Je sais !"

À l'instant où ils étaient entrés dans le penthouse, elle avait commencé à lui hurler dessus et à essayer de le frapper pour être entré sans elle dans un immeuble en flammes. Puis elle avait entreprit de le déshabiller, toujours furieuse, et il avait craint une seconde qu'elle ne décide de lui infliger des sévices corporels. Crainte qui avait disparu lorsqu'elle était tombée à genou devant lui et avait décidé d'utiliser sa langue différemment.

Ensuite, il l'avait prise sous la douche, en la collant contre la paroi et en lui susurrant des propos incohérents à l'oreille.

Puis il s'étaient endormis, épuisés, avant qu'il ne se réveille brusquement avec une main enroulée autour de son membre.

Granger avait eu peur, et maintenant, elle était insatiable.

"Drago... Plus fort !"

Il s'empressa d'obéir, puisant dans ses dernières forces pour ne pas franchir la ligne d'arrivée sans elle. Quelques secondes plus tard, elle explosait en vol, et il l'imita juste après. Ils restèrent collés l'un à l'autre sans bouger, puis Hermione parsema son visage de baisers, se mit à glousser, et se laissa tomber en arrière.

Il la regarda avec un petit sourire, toujours émerveillé de la voir si insouciante et joueuse, complètement désinhibée. Elle lui mit un petit coup de pied pour l'intimer à relâcher sa prise sur ses hanches, mais cette fois il refusa d'obtempérer, et bascula par-dessus son corps. Ils roulèrent dans un fouillis de jambes et de bras jusqu'à ce qu'elle se retrouve écrasée sous Drago.

"Mmpf, Drago !" protesta-t-elle sans grande conviction.

Il l'embrassa de nouveau, avec moins d'urgence et plus de tendresse, et laissa simplement sa langue caresser la sienne.

"Je peux plus bouger, Granger. Tu as aspiré toute la vie hors de mon corps", chuchota-t-il.

Elle lui sourit et tenta d'arranger les mèches de cheveux blonds collées à son front par des perles de transpiration.

"Désolée de t'avoir réveillé.

- Tu n'es pas désolée du tout", ricana le blond en lui pinçant la poitrine.

Elle se tortilla un peu mais finit par hausser les épaules. Il fallait bien reconnaître qu'elle ne regrettait pas vraiment d'avoir interrompu leur sommeil.

"Réveille-moi quand tu veux ! reprit-il très sérieusement.

- On doit se lever dans... trois heures, soupira-t-elle en se pelotonnant contre lui.

- Bonne nuit, Grangy."

Approximativement trois secondes plus tard, ils dormaient profondément.

.

"Qu'est-ce qu'on va faire, maintenant ?" chuchota Pansy avec un air de conspiratrice.

Cachée derrière la vitre de son bureau avec Hermione, elles observaient l'attroupement autour de Drago. D'ailleurs, Hermione dû combattre la petite voix intérieure qui la poussait à voler à son secours en stupéfixiant tous leurs collègues aux mains baladeuses. Mais elle aurait dû se douter que si voir Drago sortir d'un immeuble en flammes avec un chiot dans les bras l'avait elle-même fait basculer dans un état de transe, il y avait fort à parier que la totalité de la population sorcière allait, au moins, s'évanouir à sa vue.

Bizarrement, Drago semblait plutôt mal à l'aise face à toute cette attention, lui qui d'ordinaire se roulait allègrement dans les compliments des autres. Il avait l'air de jeter des coups d'œil autour de lui, comme s'il cherchait quelque chose.

"Granger ? s'impatienta Pansy en faisant claquer ses doigts devant son visage.

- Mmh ? marmonna-t-elle pensivement.

- On a fait exploser notre capital sympathie et réhabilité Potter. Tout s'est déroulé encore mieux que si on l'avait préparé. Enfin, j'imagine qu'on peut remercier un genre d'alignement des planètes pour le miracle d'hier soir. Sauf que c'était juste un miracle, il nous faut un plan. Alors, je répète : maintenant, quel est le projet ?" reprit Pansy en articulant comme si elle s'adressait à une lunatique.

Ce qui était probablement le cas - Granger avait l'air complètement à côté de la plaque, et passablement rouge.

"Je ne sais pas, Pansy, soupira Hermione. La meilleure stratégie pour le moment est sûrement de faire profil bas. Il ne faut pas qu'on ait l'air de faire de la récupération.

- C'est contre-intuitif et ça va à l'encontre de tout ce que nous sommes en tant que Serpentards, mais tu as probablement raison", grogna Parkinson.

Granger avait déjà l'air de ne plus l'écouter, et continuait à plisser les yeux au loin comme si elle aurait préféré être ailleurs que dans ce bureau.

"Qu'est-ce qui se passe ?" siffla-t-elle en essayant de suivre le regard de la Gryffondor.

Et elle se frappa le front du plat de la main en réalisant exactement où ses yeux étaient posés.

"Bon sang, Granger, grandis un peu et reconnais que t'as des sentiments pour lui, tu ne peux pas continuer comme ça, c'est pathétique ! gronda la Serpentard.

- Oh ! sursauta Hermione.

- Oh quoi ?

- Eh bien, hier... il se pourrait que... Je ne sais pas. En fait, je ne sais pas trop ce qui m'a pris. Mais... j'ai... Plus ou moins, enfin, potentiellement... Et il m'a définitivement entendue. Il... Il l'a même dit, lui aussi.

- Granger, je ne comprends rien à ton charabia, coupa Pansy en lui attrapant le bras pour la forcer à la regarder. Bon sang, vous êtes aussi têtus et ridicules l'un que l'autre, il est vraiment temps d'arrêter de tourner autour du pot et de faire face à ce que vous ressentez ! Vous êtes adultes ! Qu'est-ce qui pourrait se passer de si terrible ?

- Parkinson. J'ai pas besoin de tes conseils en matière de gestion des émotions, cingla Hermione.

- Oh si jeune fille, et cette fois n'essaye pas de t'enfuir acheter des tampons et déclencher une bagarre dans une pharmacie ! D'ailleurs, puisqu'on en parle, cette technique de diversion était créative. Je m'en resservirai.

- La prochaine fois que Théo te demande en mariage ?" suggéra Hermione avec un ton plus cassant que prévu.

Pansy lâcha son bras et ouvrit la bouche en silence.

"Écoute Pansy... Je suis désolée. C'était un coup bas, reconnut Hermione. Drago et moi... allons très bien.

- D'accord. Je suis désolée de m'immiscer dans votre relation, c'est vrai que je suis mal placée pour te donner des conseils, étant donné que..."

Pansy s'interrompit pour se mordre la lèvre et se passa une main dans les cheveux, exaspérée.

"On s'est encore disputés ce matin, avoua-t-elle à demi-mots.

- Je lui ai dit que je l'aimais", avoua Hermione à toute vitesse.

Les yeux de Parkinson s'illuminèrent instantanément comme si c'était le matin de Noël, et Hermione se sentit encore plus coupable de l'avoir rabrouée. Ce qui empira la seconde suivante, puisque Parkinson lui sauta dessus pour la serrer contre elle en poussant de petits cris de joie aigus.

"Et il l'a dit aussi ! pépia Pansy en l'étouffant.

- Oui, confirma Hermione en lui tapotant maladroitement le dos.

- Oh ! Je suis tellement fière de vous deux ! Que de chemin parcouru ! Je me souviens encore, quand vous vous hurliez dessus en fomentant des plans pour vous entretuer... Il me semble que c'était hier !

- C'était hier, Parkinson", gloussa Hermione.

Pansy la lâcha enfin, et joignit ses deux mains devant elle en souriant béatement.

"C'est une excellente nouvelle ! Oh !

- Stop, pitié, grommela Hermione. Bon, pourquoi vous vous êtes disputés avec Théo ?"

Sa tentative de changement de sujet marcha du premier coup, et Pansy se lança dans le conte de leur matinée mélodramatique.

"Ce matin, quand j'ai voulu partir au bureau, j'ai eu la mauvaise surprise de découvrir la presse ET ma mère devant le portail du manoir. C'était déjà abominable. Et pendant que j'essayais d'éviter la peste et le choléra, qui vois-je dans le parc, gambadant gaiement en peignoir ? NOTT ! Il jouait avec les animaux du refuge, parfaitement inconscient du fait qu'il était filmé en direct ! Il était là, à caresser un lama !"

Face à l'indignation de la Serpentard, Hermione peinait à comprendre la source d'une telle fureur.

"Et... C'est mal parce que... ?

- Tu me demandes pourquoi c'est désastreux pour son image ?

- Il a sauvé des animaux d'un incendie, les a recueillis chez lui et apprécie leur compagnie, résuma Hermione en comptant sur ses doigts.

- En peignoir ! En peignoir, Granger, tu as manqué l'information capitale !

- Qu'est-ce que ça peut faire ?

- Oh, seigneur... soupira Pansy. Ce que je m'apprête à te dire ne doit jamais, au grand jamais, sortir d'ici. C'est capital.

- D'accord... hésita Hermione.

- C'est important Granger ! Si ça se savait, notre vie sociale serait ruinée à tout jamais, et on serait obligés de vivre en reclus dans le manoir, dans le noir, en s'abreuvant de nos propres larmes.

- C'est si grave que ça ?" s'inquiéta Hermione.

Pansy se mit à faire les cent pas dans son bureau en marmonnant dans sa barbe.

"Je n'arrive pas à croire que je vais te dire la vérité. Personne n'est au courant, même pas Drago. Et ça doit rester le cas. Il ne doit jamais, jamais savoir.

- Tu veux que je mente à Drago ? s'étrangla Hermione. Ne me dis pas. Je préfère ne pas le savoir.

- TROP TARD ! s'écria Pansy. Tu m'as donné envie de tout avouer, maintenant. Je ne peux plus reculer. Assieds-toi Granger, tu vas avoir le tournis une fois que tu sauras tout."

Elle obtempéra sans discuter, rongée par l'angoisse de se retrouver complice d'un nouveau meurtre, ou pire, de devoir cacher quelque chose à Drago qui finirait par creuser un fossé entre eux et provoquer une rupture sanglante et dévastatrice.

"Voilà, il y a une dizaine d'années, Théo et moi... chuchota Pansy en regardant ses pieds.

- Je n'entends rien du tout, l'informa Hermione en tendant l'oreille.

- BIEN ! JE VAIS HURLER MON SECRET LE PLUS HONTEUX, ALORS !" beugla Pansy.

Hermione déglutit. Ça semblait extrêmement sérieux.

"Pardon, Granger. Je disais donc... Il y a de cela dix ans, Théo et moi, on était ivres et sous l'emprise de stupéfiants."

Cette histoire commençait mal au goût d'Hermione.

"On s'était terriblement disputés."

Elle commençait mal, mais sans surprise.

"Théo était furieux, j'étais dévastée, on avait passé une nuit de cauchemar à détruire notre suite, et pour se réconcilier, on a décidé de transplaner à Tahiti pour passer quelques jours au soleil et, tu vois, se reconnecter l'un à l'autre.

- C'est... Oui, c'est exactement ce que deux héritiers feraient, je suppose, marmonna Hermione.

- Oui ! Je suis contente que tu comprennes ! s'exclama Pansy. Donc, on était à Papeete, et c'était torride entre nous, on faisait l'amour tout le temps...

- Trop d'informations Parkinson ! objecta Hermione en se bouchant les oreilles.

- Quelle prude ! C'est nécessaire pour que tu comprennes le contexte ! Bref, on était dopés aux hormones, sur un nuage, et on manquait cruellement de sommeil. Ça nous a donc semblé être une bonne idée de... marquer le moment, de le rendre indélébile, tu vois. Pour qu'on se souvienne toute notre vie de Tahiti, et à quel point on était heureux à ce moment-là, ensemble.

- C'est assez touchant, reconnut Hermione, un sourire ému aux lèvres.

- On s'est fait tatouer dans un hangar, conclut Parkinson en fermant les yeux.

- QUOI ! sursauta Hermione. Quel genre de tatouage ?"

Cela relevait d'une fascination morbide, mais elle devait savoir.

"Euh... C'est là que ça devient embarrassant, avoua Pansy. Granger, promets-moi de ne pas rire.

-...

- D'accord, tu peux rire, mais pas plus de trente secondes, et silencieusement. On s'est fait tatouer "Always and forever". En maori. Mais il y a une faute dedans, alors en réalité, apparemment ça veut dire "Pour toujours dans le palmier". Le mien est sur mes reins - c'était la mode, à l'époque, et ça ne faisait pas pétasse comme aujourd'hui. Celui de Théo est sur sa cuisse."

Hermione essaya réellement, de toutes ses forces, de se retenir, mais cela ne fit que retarder l'inévitable, et elle émit un rire nasal qui résonna dans le bureau et bientôt, des larmes roulaient sur ses joues et son corps était parcouru de spasmes.

"Tu comprends pourquoi se balader dans un peignoir mal fermé en face de la presse était une idée désastreuse ?"

Cela acheva Hermione, qui tomba à genoux de sa chaise et dû laisser éclater un rire tonitruant.

.

Il lui fallut une bonne heure sous le regard noir et meurtri de Parkinson pour reprendre son sérieux. Malheureusement, dès qu'elle posait les yeux sur le dos de Pansy, elle ne pouvait s'empêcher de se remettre à pouffer, si bien que ses côtes la faisaient atrocement souffrir et qu'elle peinait à reprendre son souffle.

"Granger, si tu ne te calmes pas, Drago va penser qu'on a fait des choses inavouables dans ce bureau et il va être furieux, la menaça Pansy.

- Je suis calme ! Regarde, je suis calme, la rassura Hermione en hochant sérieusement la tête.

- Bien ! Maintiens cette attitude ! dit sévèrement Pansy.

- Pour toujours, acquiesça Hermione. DANS LE PALMIER !"

Et c'était reparti.

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"Bien ! Merci de vous asseoir, je vais être bref, attaqua Drago. Les évènements d'hier étaient imprévus et traumatiques, alors je ne vais pas vous importuner longtemps, ni vous tenir loin de votre travail. Vous allez être sollicités dans les prochains jours, parce que tout le monde veut son morceau des héros du jour. Ne vous leurrez pas, ça ne va pas durer. On est peut-être le sujet à la mode pour l'instant, mais gardons la tête froide et restons concentrés sur ce qu'on a à faire.

- Il a vraiment l'art de casser l'ambiance, grogna Blaise à voix basse, si bien que seule Hermione l'entendit.

- Il ne faut pas qu'on ait l'air de faire de la récupération."

À ces mots, Parkinson tourna la tête comme un vautour et lança un clin d'œil à Hermione. Puis elle hocha la tête d'un air entendu, et comme si ça ne suffisait pas, elle mima des baisers en l'air, avec bruits de sussions en bonus.

Bien entendu, Drago remarqua son manège et fronça les sourcils, avant de reprendre son discours.

"Soyons discrets, limitons les apparitions, et si on nous interroge sur le sauvetage, soyons brefs. Vous pouvez dire que c'était la seule option sur le moment, que vous êtes soulagés que les animaux aient été sauvés, et si vous pensez à mentionner la présence de l'héroïque Potter, ce sera encore mieux. Insistez sur le fait que c'était simplement un geste civique. L'idée, c'est de laisser les autres faire notre promotion. Laissons les médias et les figures publiques faire notre éloge et faire tourner en boucle les images de cette nuit. Laissons le ministère être forcé à dire du bien de nous. Alors, on reste en-dehors de ça, et on fait mine de s'atteler à la tâche et de rester modestes ! On ne surjoue pas ! Tout est dans la retenue.

- C'est pas du tout ce à quoi je m'attendais, mais c'est brillant, finit par reconnaître Zabini en rejoignant les applaudissements. Granger, tu lui as soufflé cette stratégie ?

- Même pas !" triompha Hermione en battant des mains.

Drago lui lança un clin d'œil et elle sentit une volée de papillons s'envoler dans sa poitrine, tel le petit tas d'amour qu'elle était devenue.


Ah, être jeune et amoureux ! Ça y est, ils ont mutuellement avoué leurs sentiments. Je dois avouer que je ne m'y attendais pas du tout, mais après tout, on est déjà au chapitre 45, donc ça ne semble pas si précipité.

À très vite !