Chapter 53 - Branle-bas de combat
C'était la veille du gala. Le gala était le lendemain.
"C'EST DEMAIN LE GALA ! hurla Pansy en parcourant l'openspace au pas de charge.
- Ah bon ? Mince, ça m'était complètement sorti de la tête, maugréa Blaise, qui jonglait avec deux téléphones et un hibou perché sur son épaule.
- Quel capharnaüm, remarqua Rogue, qui buvait sa tisane artisanale en jetant des regards meurtriers à ses collègues, trop agités à son goût.
- Je suis épuisé", se plaignit Drago en versant par mégarde du café dans son pot à crayons au lieu de sa tasse.
Un flash d'appareil photo l'aveugla et Nott entraîna son photographe vers le bureau suivant, bien décidé à compléter son reportage sur les derniers préparatifs. Hélas, le bureau suivant se révéla bien moins facile d'accès.
"Granger ? appela Nott en agitant la poignée de la porte, qui tournait dans le vide.
- Pas le temps, répondit Hermione.
- Ça ne prendra qu'une seconde !
- Je n'ai pas le temps, Théodore, hurla Hermione depuis l'intérieur.
- Alohomora.
- Tu me prends pour une débutante, Théodore ?"
Nott souffla et entreprit de cogner contre le battant de la porte.
"Nott, cesse ce bruit, ordonna Harry, qui tentait tant bien que mal de mener un dernier point sécurité en compagnie de Sergueï dans la pièce voisine.
- Demande à ta copine d'ouvrir cette porte", insista Théodore.
Si elle rechignait à lui ouvrir, elle se montrerait certainement plus coopérative avec Harry Potter.
"Repasse plus tard ! cria Hermione.
- Tu devrais peut-être repasser plus tard, répéta Harry.
- Qu'est-ce que tu peux faire de si important que tu ne puisse pas m'accorder une seconde, par Salazar ?" s'impatienta Nott en tambourinant de plus belle contre la porte.
Contre toute attente, le battant s'ouvrit, et Hermione apparut en sous-vêtements, rouge, le front moite et les cheveux ébouriffés.
"Ça alors, j'étais sûr d'avoir vu Drago dans son propre bureau. Qui est avec toi ?" s'étrangla Nott.
Le flash de l'appareil photo se déclencha, et il l'arracha des mains de son photographe.
"Bon sang, pas maintenant ! rouspéta-t-il en fusillant du regard son associé. Granger, un mot ?
- Tu ne vois pas que je n'ai pas le temps !" hurla-t-elle.
Puis elle fondit en larmes et lui claqua la porte au nez, sous le regard interloqué d'Harry.
"Est-ce qu'Hermione est à moitié nue dans son bureau ?" chuchota-t-il.
Fort heureusement, l'hystérie ambiante avait permis à cet interlude de passer complètement inaperçu.
"Ta copine trompe Drago, bafouilla Nott, les yeux ronds.
- N'importe quoi. Il doit y avoir une explication rationnelle.
- Qu'est-ce qu'elle ferait en sous-vêtements et essoufflée dans son bureau ? Pourquoi elle pleurait ?
- Je ne sais pas, Nott. Elle faisait du sport et ça l'a fatiguée ?
- Elle trompe Drago.
- Elle ne trompe pas Malefoy ! siffla Harry.
- Poussez-vous, ordonna Pansy en les bousculant sans ménagement. Granger, combien de temps ça peut prendre d'enfiler une robe de soirée ? Attendre la veille pour faire les derniers essayages..."
Nott et Harry soupirèrent de soulagement en chœur.
"FICHEZ LE CAMP !" hurla Hermione, la voix éraillée.
Pansy fronça les sourcils, et se tourna vers les deux garçons, soupçonneuse.
"Qu'est-ce que vous avez fait ?
- Rien ! s'offusquèrent-ils de concert.
- Hermione ? Est-ce que ça va ? insista Pansy.
- NON ! Ça ne va pas du tout ! Je n'y arrive pas Parkinson, cette robe est horrible, je suis boudinée, ta couturière s'est trompée dans les mesures, c'est une catastrophe ! Je n'en peux plus !"
Un bruit de tissu déchiré se fit entendre, et Pansy frissonna d'horreur.
"Allez chercher Drago. C'est une urgence. CODE ROUGE !"
.
Assise par terre, Hermione hoquetait. Elle baissa les yeux sur son corps qui lui semblait tout à coup digne de celui d'une ogresse, et pressa ses seins l'un contre l'autre pour les soupeser. Quelque chose clochait. On l'avait certainement empoisonnée. Ou on lui avait jeté un sort malveillant destiné à la faire gonfler. Elle ne savait pas pourquoi elle se mettait dans cet état, mais elle avait très envie de pleurer, et elle était dévastée et misérable et ça lui faisait du bien de libérer toute cette peine qui l'étouffait. Tout allait bien, et puis brusquement, tout était allé mal. Très mal.
"Granger ?" demanda la voix inquiète de Drago.
Elle déverrouilla la porte d'un coup de baguette et ne put retenir un sanglot de soulagement en le voyant entrer. Il observa rapidement la scène et referma la porte derrière lui avant de se précipiter vers elle. Il se laissa tomber à genoux et la serra contre lui sans un mot.
"Granger, qu'est-ce qui ne va pas ?
- Mes seins sont énormes."
Drago manqua de s'étouffer avec sa propre salive, et hésita entre nier et baisser les yeux pour vérifier si cette nouvelle somme toute agréable était fondée. Visiblement, elle était dans un état relativement vulnérable, et il devait faire attention à ce qu'il s'apprêtait à dire. Se montrer sensible, tout ça.
"C'est... bafouilla-t-il sans relâcher sa prise autour d'elle, paralysé.
- Ils refusent de rentrer dans la robe.
- Peut-être que la robe a rétréci, supposa-t-il, parce qu'il ne savait pas quoi dire d'autre.
- Non."
Elle se remit à sangloter et il la pressa davantage contre lui, caressant doucement ses cheveux. Lorsqu'il tourna la tête pour embrasser sa tempe, elle gémit et entreprit de l'escalader pour enrouler ses jambes autour de lui. Drago se figea, incertain face aux signaux qu'elle lui envoyait.
"Granger, qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-il doucement.
- Je ne sais pas, sanglota-t-elle en se tortillant, ce qui déclencha une réaction involontaire dans son pantalon.
- Je... commença-t-il, l'esprit embrumé.
- Oh, Drago", gémit-elle.
Cette fois, il était déboussolé. Est-ce qu'elle gémissait de tristesse ou parce qu'elle était en train de se frotter contre lui en sous-vêtements ?
"Dis-moi, souffla-t-il.
- Tu ne vas pas me quitter."
Il fronça les sourcils. Ça ne ressemblait pas à une question, plutôt à un ordre.
"Pourquoi je ferais ça, enfin ? Parce que tes seins sont plus gros ?"
Il ne put s'empêcher de se mettre à rire tant la situation était surréaliste. Il ne comprit son erreur que lorsqu'il la sentit se dégager, reculer, et s'enrouler dans son lambeau de robe en lui jetant un regard courroucé. Il déglutit.
"Hermione..." tenta-t-il d'un ton apaisant en tendant une main vers elle.
Elle lui asséna une tape et continua à le fixer d'un regard meurtrier.
"Je suis désolé, tenta-t-il sans réellement savoir pourquoi il s'excusait.
- Tu peux ! rugit Hermione, le faisant sursauter. Tout ça, c'est de ta faute !
- De ma faute ? s'étonna-t-il.
- De ta faute ! confirma-t-elle. Et de... de... ton PÉNIS !"
Elle émit un petit sanglot aigu et Drago cligna des yeux rapidement. De quoi son pénis était-il soudainement accusé ? De faire grossir les seins ? Comment... Il ouvrit la bouche en rond, la referma, serra les poings, ferma les yeux, et lorsqu'il les rouvrit, elle le fixait avec un air effrayé qui lui brisa le cœur.
"Oh, Hermione..."
Il l'attira contre lui sans lui laisser le choix et enroula d'office ses jambes autour de lui, exactement comme elle était installée quelques minutes auparavant. Ils restèrent comme ça de longues minutes, sans parler, chacun essayant de faire le tri dans le chaos qu'était devenues leurs pensées.
"T'es obligée de m'épouser, maintenant."
Ils cessèrent toute discussion, tout occupés qu'ils étaient à s'embrasser. Hermione ne pleurait plus, elle avait une nouvelle mission : étouffer Drago entre ses membres et l'empêcher de sortir de cette pièce. Encore une fois, elle ne savait pas du tout pourquoi. Elle savait juste qu'elle avait besoin de le sentir près d'elle.
"Tout va bien aller", finit-il par dire en la regardant dans les yeux.
Étonnamment, il avait l'air de croire ce qu'il disait. Il replaça des mèches de cheveux humides derrière les oreilles d'Hermione et frotta son nez contre le sien.
"Depuis quand tu... Hem... demanda-t-il avec une certaine hésitation.
- Je sais pas... Je n'ai pas vraiment... vérifié ?
- Oh.
- Je viens juste de... comprendre ?"
Drago regarda à nouveau dans ses yeux, puis laissa glisser une main jusqu'à son ventre, et la laissa là, étonné de sentir un sourire lui étirer les lèvres. Hermione le lui rendit, et ferma les yeux en signe de soulagement.
"Est-ce que tu veux vérifier ? suggéra le blond.
- Maintenant ? gémit Hermione.
- Ou plus tard, amenda-t-il. Il n'y a aucune urgence. Tu... T'es sûre ? Parce que... c'est peu d'indices. Les seins, je veux dire."
Sa seconde main alla se placer sur sa poitrine, qu'il pressa doucement en fronçant les sourcils. Poursuivant un but purement scientifique, il pressa l'un, puis l'autre, soupesa, et finit par hocher la tête.
"OK, c'est vrai, ils sont plus gros. Comment j'ai pu rater ça ?"
Il enfonça son visage entre ses seins et soupira de contentement, ce qui fit glousser Hermione. Elle passa une main apaisante dans ses cheveux et y fit glisser ses ongles doucement.
"Qu'est-ce qu'on va faire ? chuchota-t-elle.
- Avoir un bébé, rétorqua Drago sur le ton de l'évidence.
- Pourquoi t'es aussi calme ?"
Il haussa les épaules depuis les profondeurs de son décolleté.
"Aucune idée. Je devrais paniquer... Mais j'en ai pas du tout envie.
- Je suppose que je me suis occupée de l'aspect panique."
Elle se mordit la lèvre, gênée.
"On a jamais vraiment parlé de ça. Tu... voulais pas avoir d'enfants ? s'inquiéta le blond.
- Si ! Enfin, dans l'absolu. Dans le futur. Hypothétique. Là, c'est très... réel.
- Et avec moi ?"
Elle le serra davantage contre elle, si c'était encore possible.
"Je suppose que je dois me faire à l'idée d'avoir un bébé blond, arrogant et féroce."
Il la fit basculer en arrière et fit attention de prendre appui sur ses coudes pour ne pas l'écraser.
"Il risque d'être un rat de bibliothèque tyrannique et hirsute."
Elle pouffa et il glissa contre elle pour embrasser doucement son ventre encore plat.
"C'est sûrement le futur ministre de la magie, réalisa Drago. Il est promis à de grandes choses.
- Ou ELLE. Pourquoi ça ne serait pas une fille ?
- Parce que les Malefoy n'ont que des héritiers mâles.
- On est pas mariés, et...
- ... et on va y remédier, Granger ! décréta-t-il. On en peut pas avoir un enfant hors mariage.
- Drago ! s'offusqua Hermione. C'est archaïque !
- Je sais. Mais c'est le monde dans lequel on vit. On est des figures publiques, on doit présenter un modèle rassurant. Et pour les sorciers, avoir un enfant avec une femme qui n'est pas la sienne, ça revient à en faire un bâtard. Et mes parents ! Granger, si on ne se marie pas, ils vont en mourir. Et je n'exagère pas.
- C'est romantique, grimaça-t-elle.
- Désolé... soupira-t-il. J'improvise, là.
- Je sais... Mais, ne te sens pas obligé. Je ne veux pas te prendre au piège, ou...
- N'importe quoi ! objecta-t-il. Je te harcèle pour que tu acceptes d'être officiellement mienne depuis des semaines. C'est moi qui t'ai prise au piège, Granger. Avec mon pénis. C'était mon plan secret pour te garder pour toujours."
Il lui lança le sourire en coin qu'elle aimait tant et se pencha pour l'embrasser doucement.
"T'es vraiment content, réalisa Hermione.
- Bien sûr. Je sais que c'était pas le plan, et que tu n'es pas fan de l'inattendu, mais c'est une bonne nouvelle.
- Je t'aime Drago."
Elle sentit une larme rouler sur sa joue, mais cette fois il n'y avait plus d'angoisse, de panique ou de questions. Elle se laissa envahir par le calme du Serpentard et se détendit contre lui, le sourire aux lèvres. Ils allaient avoir un bébé.
"Et maintenant ? demanda Drago, excité.
- Maintenant quoi ?
- On peut vérifier ? C'est juste un petit sort. Ça prend certainement trois secondes.
- Je pense que c'est un peu plus compliqué que ça. Deuxième tiroir à gauche, la couverture est bleue", indiqua Hermione.
Elle avait à peine fini sa phrase que Drago cavalait en direction de son bureau. Il en extirpa le grimoire tant attendu et revint en trottinant s'asseoir à côté d'elle.
"T'es sûre ? vérifia-t-il en arrêtant un instant de tourner les pages.
- Oui", souffla-t-elle.
Il lui lança un sourire éblouissant, lui embrassa le bout du nez, et reprit sa lecture frénétique. Elle avait une idée relativement précise de la page exacte où se trouvait le sort, mais elle préféra le contempler avec un sourire béat. Il était tellement surprenant... Qui aurait cru qu'il serait immédiatement extatique à l'idée d'avoir un bébé ? C'était sa première réaction, la toute première, son impulsion instinctive avait été de la rassurer et de sourire. D'être avec elle tout de suite, de la toucher, de lui assurer que tout allait bien se passer, alors qu'ils savaient tous les deux qu'ils menaient une vie compliquée.
Est-ce qu'elle était inquiète, angoissée et choquée ? Est-ce qu'elle était partagée entre l'envie de hurler, sangloter, sauter partout en chantant ?
Bien évidemment. Mais pas Drago. Lui, il était l'incarnation de la sérénité, et c'était très inattendu.
"Ah ! J'ai ! triompha Drago. Euh... Ça n'a pas l'air si simple, tout compte fait.
- Comment ça ?"
Hermione lui ôta le livre des mains, tout à coup très pressée d'avoir la certitude d'être enceinte. Elle ne s'était jamais vraiment intéressée aux sorts révélateurs de grossesse jusqu'à présent, et c'était une grossière erreur de jugement de sa part.
"Une potion ! réalisa-t-elle. Il faut faire une potion avant de jeter le sort. Pourquoi faire simple ! s'agaça-t-elle.
- On peut aussi aller à Ste Mangouste, proposa Drago, déçu.
- Pour que toute l'Angleterre soit au courant dans l'heure qui suit ? grimaça Hermione, abattue.
- Rogue, lança Drago. Rogue peut nous aider."
Ils échangèrent un regard incertain. Avaient-ils envie de savoir à ce point ?
.
"Mpf, grogna Rogue, impassible.
- Félicitations ! s'écria Vladimir, beaucoup plus enthousiaste.
- ... Merci, mais on est encore sûrs de rien", temporisa Drago en caressant distraitement le dos de la Gryffondor.
Assis côte à côte sur le canapé de Rogue, ils attendaient patiemment que leur ancien professeur daigne articuler une réponse formulée à partir de mots, et non pas de grognements inintelligibles.
"Severus ? insista Drago au bout de plusieurs minutes interminables.
- Il est cassé, chuchota Hermione, inquiète.
- Severus ! appela Vladimir en claquant des doigts devant son visage.
- Peut-être qu'il fait un AVC, suggéra Drago, crispé.
- Severus ? Severus, réponds-nous, tu m'inquiètes !" insista Vladimir.
Alors qu'il s'apprêtait à le secouer pour le tirer de cette torpeur troublante, Rogue bondit sur ses pieds, les yeux révulsés.
"MAIS VOUS N'ÊTES PAS MARIÉS !" rugit-il, complètement affolé.
Interdits, les trois autres cessèrent tout mouvement.
"Je te l'avais dit, Granger, il faut qu'on se marie, soupira Drago.
- Comme tu es vieux jeu ! s'étrangla Vladimir. Drago, ne l'encouragez pas dans ce délire. Allons Severus, tu ne peux pas être aussi obtus. Il est évident que plus personne n'attend d'être marié pour...
- N'en dis pas plus ! pépia Rogue. Je ne veux pas savoir. Mon filleul ! J'ai manqué à tous mes devoirs. D'abord, te voilà devenu mangemort, et maintenant, père célibataire ! C'est une catastrophe. Je suis le pire parrain de la création. Où cela va-t-il s'arrêter ?!"
Rogue était proche de l'hyperventilation, et tournait autour d'un fauteuil comme s'il était possédé.
"Père célibataire ! s'étouffa Hermione. Cet enfant a une mère, aussi. C'est mon corps qui est en train de fabriquer ce bébé et c'est aussi mon corps qui va l'expulser douloureusement, alors...
- Oh seigneur !"
Dans un geste dramatique, Rogue s'écroula sur son fauteuil, et Drago grimaça.
"Trop graphique, chuchota-t-il.
- Un héritier Malefoy conçu dans le péché ! Mais quel statut va avoir ce pauvre enfant !
- Je ne vais pas rester assise en silence et écouter ces inepties ! s'insurgea Hermione. Vous êtes un vieux schnock rétrograde ! Notre bébé ne sera pas un pauvre enfant !
- Schnock, ricana Drago avec un rire nasal inédit. Granger, calme-toi, il est juste en état de choc. Severus, vous allez faire ce test de grossesse, n'est-ce pas ?"
Rogue, écarlate et les narines prises de spasmes, ne répondit pas. Le silence était assourdissant. Hermione, outrée, fulminait, et si Drago n'avait pas été en train de lui broyer la main pour l'empêcher de partir avec fracas, elle serait déjà dans la rue. Est-ce que tous les sorciers étaient aussi arriérés ? Si tout le monde réagissait comme Rogue, elle allait imploser, détruire sa carrière, et raser le pays dans toute sa fureur.
Vladimir, embarrassé, fixait son cher et tendre avec incompréhension.
Alors l'héritier des illustres Malefoy dû se plier, un instant, au rôle pour lequel il avait été élevé. Il redressa le menton et prit son ton le plus snob.
"Severus, vous êtes mon parrain, et ce serait vraiment important pour moi que vous puissiez être celui qui nous annonce que nous allons être parents. Bien entendu, cet enfant est un héritier Malefoy et il sera reconnu en tant que tel. Je connais mes devoirs, et Hermione et moi avons à cœur les meilleurs intérêts de notre bébé."
S'il n'avait pas dit notre bébé, Hermione l'aurait étranglé pour tout ce léchage de bottes non nécessaire. À la place, elle se sentit un peu fondre à l'intérieur. Notre bébé.
"Bien", finit par concéder Rogue.
Il se leva et disparut dans une autre pièce, sans doute pour aller fabriquer la potion nécessaire.
"Je suis désolé, dit Vladimir. Comment il peut se mettre en colère contre les préjugés envers les homosexuels, regretter que la société soit si conservatrice, et tenir de tels discours... Cela reste un mystère. Je suis très content pour vous deux.
- Il s'inquiète, conclut laconiquement Drago. Et merci, Vladimir. Vous êtes le premier à nous féliciter."
Choqué, le vampire écarquilla les yeux.
"Vous avez subi ce genre de réaction à chaque fois ? s'étrangla-t-il.
- On ne l'a dit à personne, expliqua Hermione. Vous êtes les premiers à l'apprendre.
- Oh... Eh bien, je suis flatté d'avoir votre confiance. Vous allez être d'excellents parents."
Pour une raison inexpliquée, Hermione fondit en larmes et se réfugia contre Drago, qui pâlit. Le blond accepta le mouchoir que lui tendait Vladimir et entreprit de tamponner maladroitement le visage de la Gryffondor.
"Ça va aller, d'accord ? lui chuchota-t-il.
- Je sais ! s'écria-t-elle. Tu vas être un père formidable, et moi, je suis déjà une mère atroce ! J'ai bu de l'alcool à la soirée jeux ! Je ne fais que pleurer, ce qui doit faire mal au bébé !
- Granger, est-ce que tu es en train de dire que tu penses que je suis mieux taillé que toi pour être responsable d'un autre individu que moi-même ? C'est parfaitement absurde. Et tu ne vas pas blesser le bébé ! Il va très bien.
- Je ne pense pas que le fœtus soit capable de ressentir une quelconque douleur si tôt dans une grossesse", gronda Rogue.
Il fourra un verre rempli d'un liquide odorant entre les mains d'Hermione, et secoua la tête.
"Cessez de pleurnicher, miss Granger. Vous serez une mère remarquable, puisque rien ne vous résiste. Y a-t-il seulement un domaine où vous n'excellez pas ? Vous êtes naturellement douée pour tyranniser votre entourage et donner des leçons, c'est exactement le rôle d'une mère."
Hermione avala sa salive de travers et commença à s'étouffer. S'il essayait de lui faire des compliments, c'était relativement raté. Elle n'osait imaginer ce que Madame Rogue avait fait subir à son rejeton pour qu'il finisse avec une telle conception de la figure maternelle...
"Maintenant, buvez, qu'on en finisse."
Elle obtempéra, parce qu'elle ne savait pas quoi faire d'autre. Tout allait de travers. Peut-être pas de travers, mais en tout cas, pas comme prévu.
"Alors ? s'impatienta Drago alors qu'elle n'avait pas encore bu un quart de son verre.
- Patience, le rabroua Rogue en se retroussant les manches.
- C'est si excitant ! pépia Vladimir en battant des mains, dans une humeur complètement décalée.
- N'est-ce pas !" lança Drago sans la quitter des yeux.
Hermione finit d'engloutir sa boisson. Ce n'était vraiment, mais alors pas le bon moment de se mettre à réfléchir à ce qui était en train de se passer, ni aux implications, sinon elle allait avoir des palpitations, dévaster la maison de Rogue, et disparaître dans la nature en hurlant.
Alors elle avala la dernière gorgée, reposa son verre, et se contenta de respirer, une bouffée d'air à la fois.
Dans son brouillard, elle sentit les doigts de Drago glisser entre les siens et les serrer fermement. Elle battit des paupières. Il caressa le dos de sa main de son pouce. Elle expira. Puis il attrapa doucement son menton et lui tourna la tête, plantant ses yeux dans les siens. Et il lui sourit.
Elle se sentit sourire en réponse, et un grand calme l'envahit peu à peu.
"Tout va bien aller", répéta Drago pour la centième fois au cours de la dernière heure.
Cette fois-ci, elle le crut.
"Hmm... grogna Rogue, gêné d'assister à un tel échange intime.
- L'incantation ! s'exclama Vladimir, impatient.
- Allons-y, décréta Hermione fermement.
- Qu'il en soit ainsi", soupira Rogue en agitant distraitement sa baguette.
Tout le monde se figea, il marmonna dans sa barbe avec un air parfaitement ennuyé, et écarquilla les yeux légèrement.
"Miss Granger, vous êtes enceinte."
Aussitôt, Drago l'enserra dans ses bras en bafouillant une suite de mots intelligible, Vladimir se mit à pépier, et Hermione commença à rire et à hoqueter en même temps.
"Par Salazar, elle est vraiment enceinte, réitéra Rogue, que plus personne n'écoutait.
- Oh ! Un bébé ! roucoula Vladimir en se tamponnant le visage d'un mouchoir en dentelle.
- Tu vas être papa !
- Je vais être papa !
- Mais alors, elle est réellement enceinte... Le doute n'est plus permis..."
.
"On est bien d'accord, Drago ? Tu arrêtes de tripoter mon ventre, de me tenir comme si j'allais m'effondrer ou de me regarder avec cet air de... je ne sais même pas comment le qualifier ! Tu me donnes chaud, et tu vas me réduire à l'état de petite flaque d'amour, alors cesse immédiatement. Personne ne peut savoir pour le moment. Drago, tu m'écoutes ? Drago, je t'aime, mais maintenant il faut que tu sortes ta main de sous mon pull, parce que les gens vont se poser des questions. Drago ?"
.
"Ah, vous êtes là ! Où étiez-vous passés ? pesta Blaise.
- Zabini, on est partis que deux heures. Quelle catastrophe a pu avoir lieu dans un si court laps de temps ?" répliqua Drago en entrant comme une tornade dans son bureau.
Il s'empressa de déplacer tout le bazar qui occupait son canapé et y installa Hermione avec autorité. Elle se laissa trimballer en le fusillant du regard, mais n'osa pas protester verbalement de peur d'alerter Blaise, qui fort heureusement était distrait par son téléphone. De toute façon, Drago avait enchaîné sur une deuxième mission et était occupé à déplacer d'autres piles de papiers.
"C'est pas une catastrophe à proprement parler, mais une petite alerte, expliqua Blaise. Lupin avait décliné l'invitation au gala, mais finalement, il sera présent avec toute une délégation de Progressistes.
- Ses lieutenants ? vérifia Hermione. Dean Thomas ?
- Lui-même, confirma Blaise avec une grimace.
- C'est très bien qu'il soit là, c'est ce qu'on voulait non ? Rassembler au-delà du groupe", soupira Drago.
Il souleva le repose-pied qu'il venait de déterrer et l'apporta devant Hermione, qui l'ignora complètement.
"Lupin n'est plus vraiment une force hostile pour le moment, de toute façon", reprit-il en soulevant les jambes d'Hermione dans l'idée de les poser sur son fichu tabouret.
Irritée, elle se débattit, le forçant à resserrer sa prise sur ses cuisses puisqu'il refusait d'abandonner le combat. Ceinturant ses jambes contre son torse, il serra les dents, et avec force de grognements, parvint à installer les pieds d'Hermione à leur nouvelle place : le glorieux repose-pieds. Hermione lui octroya une tape sur le torse, et s'apprêtait à se lever lorsqu'elle croisa le regard perplexe de Zabini.
"Qu'est-ce que vous faites ? demanda-t-il.
- ...
- Peu importe, j'ai pas le temps pour vous chamailleries. Briefing à 15 heures."
Excédé, Blaise quitta le pièce en levant les yeux au ciel, et Drago décida de s'assoir lui-même sur son repose-pieds, avant d'installer les jambes d'Hermione par-dessus ses genoux.
"Désolé", marmonna-t-il sans la regarder.
Tout l'énervement qu'elle avait ressenti juste avant s'évapora, et elle colla son front contre le sien.
"Est-ce que ça va ?" s'enquit-elle.
Après tout, il ne faisait que s'occuper d'elle depuis sa crise de nerf du matin-même, et personne ne s'était arrêté une seconde pour lui demander comment il se sentait. Ni Rogue, ni elle. Elle sentit son cœur se serrer pour lui, qui était parfait et attentionné et rassurant.
"Oui, répondit-il avec assurance, en frottant son nez contre le sien.
- Je ferai attention à me reposer et à m'assoir dès que possible Drago", affirma-t-elle.
Elle enfouit une main dans les mèches blondes sur sa nuque et lui massa doucement le crâne.
"Je vais essayer de pas t'étouffer. Ou... de m'inquiéter pour rien ? dit-il comme une question.
- Merci de t'inquiéter pour moi et de t'assurer que je suis confortable, reprit-elle avant de l'embrasser tendrement. Mais tu sais, je me sens très bien. Grâce à toi. Et c'est que le début de la grossesse, je devrais pas avoir de symptômes avant un moment. Essaye de te détendre, d'accord ?
- Mmm", marmonna-t-il.
.
La dernière réunion avant le gala avait eu lieu et s'était déroulée sans accroc. Mieux : un sentiment d'excitation parcourait les rangs des Non-alignés comme s'ils étaient à la veille du bal de Noël de Poudlard, et non pas d'un gala politique destiné à asseoir leur position au sommet de la hiérarchie du pouvoir - les mots de Pansy. Qui était occupée à cocher une interminable to-do list en marmonnant.
"Parkinson, relax, tout est prêt, minuté, répété, il ne reste plus qu'à attendre, grogna Drago en se massant les tempes.
- Attendre ? grinça-t-elle. Rien ne se passe jamais comme prévu. L'imprévu... le chaos... les drames inattendus... c'est notre quotidien. Certes, on a tout encadré, mais est-ce qu'on doit pour autant se relaxer ? Je ne crois pas, Drago Malefoy. On doit rester vigilants.
- Si tu anticipes qu'une catastrophe imminente va nous tomber dessus, pourquoi on s'enflamme pour ce gala ? C'est sans pression : on court à l'échec, pas vrai ? Autant se détendre et observer le carnage, ricana Blaise en empilant les pass d'accès réservés à la presse pour le lendemain.
- Je n'apprécie pas ton humour, Zabini, siffla Pansy. Si on peut considérer que c'est de l'humour. Parce que pour faire ça, il faudrait que ce soit drôle. T'as pas une cougar à surveiller ?"
Hermione étouffa un gloussement et se replongea une dernière fois dans le discours de Drago. Il était parfait, mais cela ne faisait pas de mal de vérifier une dernière fois.
"Oh, Parkinson, comme c'est créatif. Attaquer ma mère pour détourner mon attention de ton propre déséquilibre mental.
- En plus, Madame Zabini semble sous contrôle, nota Drago, les yeux pétillants de malice.
- Assez ! gronda Blaise. Au moins, quand elle est dans nos bureaux, elle est en sécurité.
- Et tu peux la surveiller, ajouta Hermione sans lever les yeux de son parchemin.
- Pas quand elle disparaît sur le toit avec Dubois, contra Drago.
- Pour prendre des cours de vol, affirma Zabini entre ses dents.
- Oh, elle a définitivement développé un nouvel intérêt pour les manches à balais... gloussa Pansy.
- Rigides... ajouta Hermione.
- Lustrés... fit Drago.
- Vous êtes... vous êtes..."
Zabini souffla bruyamment et quitta la pièce avec fracas.
"Trop facile, regretta Drago.
- Sérieusement... Est-ce que vous croyez qu'elle s'intéresse vraiment à Dubois ? chuchota Pansy, qui avait brusquement changé de préoccupation. C'est pas son type d'homme. Je veux dire... Il est pauvre.
- Et jeune. Enfin, il est clairement pas en fin de vie, ajouta Drago.
- Depuis quand elle a un critère d'âge ? Elle te court après, et t'es encore plus jeune qu'Olivier, grommela Hermione.
- C'est différent, c'est un jeu. Elle n'irait jamais au bout. Elle aime séduire, mais elle ne cherche pas à... me conquérir. Pas vraiment, contra Drago.
- Mais elle cherche à conquérir Dubois, affirma Pansy.
- Correct. J'ai bien observé. Elle boit ses paroles, elle pose des tas de questions, elle le tripote, et ce midi, elle lui a fait de la soupe. De la soupe.
- De la soupe ? répéta Hermione. Et ça, c'est un signe certain qu'elle a des intentions sérieuses avec lui ? Ça semble un peu absurde."
Pansy hocha la tête, d'accord avec elle.
"Oh non, c'est une preuve incontestable, insista Drago en secouant la tête. De la soupe... C'est un geste qui montre qu'elle s'intéresse à lui à un niveau sans précédent. Qu'elle s'intéresse, vous comprenez ? Qu'elle veut qu'il se sente bien, nourri, et qu'il voit qu'elle est capable de s'occuper de quelqu'un d'autre qu'elle. Sinon, elle lui aurait fait un cocktail. Ou une fellation. Mais pas de la soupe. C'est intime.
- C'est plus intime de faire de la soupe qu'une fellation ? stridula Pansy, perplexe.
- Pour la mère de Blaise ? Complètement.
- C'est étrange mais... je crois que ça fait sens, reconnut Hermione. C'est sûrement un réflexe du genre, on séduit un homme par son estomac.
- Foutu patriarcat, gronda Pansy.
- Je ne sais pas faire de soupe, réalisa Hermione, brusquement envahie par une émotion inconnue.
- Eh ! Moi non plus", ricana Pansy en levant le poing dans l'idée qu'Hermione le heurte avec le sien.
Mais Hermione regardait dans le vide, sourcils froncés. Elle ne savait pas faire de soupe. Comment allait-elle nourrir un enfant ? Elle ne savait rien faire dans une cuisine. Elle n'était pas domestique. Elle ne savait même pas si Drago avait une marmite. Parce qu'on faisait de la soupe dans une marmite, c'était un fait dont elle avait connaissance.
"Moi non plus, mais je suis sûr qu'on peut apprendre à faire de la soupe. Il doit y avoir... des grimoires. Google."
Drago appuya sa déclaration d'un regard doux et elle se détendit aussitôt.
"C'est vrai ! On peut tout apprendre. Faire de la soupe. De la purée. De la compote ! se félicita-t-elle.
- Tu prévois de perdre tes dents prochainement ? grimaça Pansy.
- Quelque chose comme ça, répondit Drago évasivement. Bon, on est OK pour demain ? Tout le monde est parti, on devrait en faire autant et profiter d'une bonne nuit de sommeil.
- C'est vrai ! Il est formellement interdit d'avoir des cernes sur nos photos triomphales demain.
- L'équipe de maquillage arrive à quinze heures, c'est ça ? vérifia Hermione.
- Oui. Ils s'installent dans le salon bleu, comme ça on peut filer directement au dortoir pour s'habiller. L'idée c'est de pouvoir débarrasser les lieux avant dix-huit heures, comme ça l'équipe de nettoyage peut passer avant que les invités arrivent et effectuent leur visite."
Pansy avait prévu jusqu'au moindre détail.
"T'as prévu un créneau de trois heures de maquillage ? s'étrangla Drago.
- Il faut bien ça. T'as vu la tronche de nos collègues ? ricana Pansy. Tout le monde n'a pas la chance de bénéficier de gènes avantageux comme nous.
- J'espère que vous ne parlez pas de moi", coupa la voix de Rogue.
Hermione et Drago échangèrent un regard paniqué. Que faisait-il ici ? Il n'allait tout de même pas révéler leur secret le jour même où ils avaient appris la vérité, si ? Rogue était emmitouflé dans son éternelle cape et avait l'air aussi sinistre que d'habitude.
"Abelforth et moi avons fait une découverte pour le moins déstabilisante, les informa-t-il.
- Allons bon... soupira Drago.
- Je le savais ! s'écria Pansy. Voilà, il fallait que ça déraille, et c'est maintenant.
- Pouvez-vous cesser ? cingla Rogue.
- Oi, Severus ! Pourquoi tu m'as faussé compagnie ? protesta Abelforth qui arrivait, barbe au vent et essoufflé.
- Severus, est-ce que je dois reconvoquer le groupe ? s'enquit Drago.
- Surtout pas ! objecta-t-il. La dernière chose dont on a besoin, c'est de rendre cette découverte publique tant qu'on ne sait pas à quoi on a affaire.
- Quelle découverte ? s'impatienta Hermione en se tordant le cou pour apercevoir ce qu'Abelforth tenait entre ses mains.
- C'est une affaire familiale, gronda Rogue.
- Hermione est ma famille ! rugit Drago. Et euh... Parkinson aussi. Vous pouvez parler devant elles."
Rogue fixa le plafond, respirant profondément comme pour se calmer.
"Je ne vais pas répéter ça cent fois. Drago, convoque ta famille immédiatement. L'heure est grave."
.
Il était 21 heures et, dans l'immeuble à présent obscur, seul le penthouse était illuminé. Rogue tapait du pied par terre et fusillait tous les nouveaux arrivés du regard dès qu'ils franchissaient la porte, tandis qu'Abelforth leur souriait avec chaleur.
"Malefoy, c'est quoi cette cellule de crise ?" attaqua Harry, Dahlia sur la hanche et une passoire dans la main.
Visiblement, il avait transplanné dans la précipitation. Tout comme Daphné, qui avait une serviette de bain enroulée sur la tête et chuchotait dans un coin avec sa sœur, qui elle tentait de boutonner la chemise de Ron dans le bon ordre.
Nott était affalé dans un canapé, un verre de whisky à la main et un des perroquets du refuge perché sur son épaule. À ses côtés se trouvaient Zabini, qui boudait, et sa mère, qui pianotait sur son téléphone avec un air béat planté sur le visage.
Plus loin, Vladimir était au téléphone, et ne cessait de jeter de petits coups d'œil à Hermione avant de lever le pouce en l'air, ce qui n'était vraiment pas discret. Enfin, Dobby et Igor étaient assis à table et lisaient ce qui, après vérification, était de la littérature érotique.
"Notre famille est éclectique", souffla Hermione à l'oreille de Drago pour le détendre.
Ses épaules se relâchèrent l'instant d'un petit rire et il passa un bras autour de sa taille.
"Est-ce que je peux commencer ? s'impatienta Rogue.
- Euh... oui, allez-y, lança Drago presque à regret.
- Allez-y Severus, confirma une voix glaciale qui n'aurait absolument pas dû se trouver dans la pièce.
- Père ? s'exclama Drago, pâle comme un linge.
- Lucius ?" s'étonna Harry, balayant la pièce du regard.
Jusqu'à ce que Vladimir agite son téléphone.
"Haut-parleur, expliqua-t-il.
- Qui a décidé que c'était une bonne idée d'appeler mon père ? rugit Drago.
- Je t'ai dit que c'était une affaire de famille, Drago, se justifia Rogue. Tes parents en font partie. Et au vu du cirque dans cette pièce, je crois que tu n'es pas en position de chipoter.
- Oh ça promet, ricana Théo en finissant son verre d'une longue gorgée.
- Bien. Commençons, décréta Hermione en pressant la main de Drago dans la sienne.
- Abelforth ? l'incita Rogue.
- Tout a commencé il y a quelques jours, déclama-t-il. Je marchais dans la rue, il pleuvait à verse, et je venais d'assister à un combat de boxe clandestin. C'était la nuit... les gens se pressaient pour rentrer chez eux après le travail."
Hermione fronça le nez. Ça semblait familier.
"J'errais sur le trottoir, cheminant sans but, marchant dans les flaques, quand soudain, une apparition."
Tout le monde se pencha imperceptiblement en avant. Seule Hermione leva les yeux au ciel.
"Miss Granger me percuta ! s'exclama Abelforth.
- Décevant, marmonna Théo en se resservant un verre.
- Miss Granger et moi échangeâmes quelques politesses de rigueur, puis elle m'expliqua quelques règles d'éthique que j'ignorais...
- Typique, pouffa Blaise.
- Venez-en au fait, Dumb-Dumb ! s'agaça Rogue.
- Severus ! Vous ne m'avez plus affublé de cet affreux sobriquet depuis Poudlard ! C'est offensant !"
Un éclat de rire sardonique s'échappa du téléphone de Vladimir, mais personne n'y prêta plus d'attention.
"Concentrez-vous un peu ! rugit Drago en tapant du plat de la main sur la table. Hermione et vous êtes entrés dans une boutique pour faire restaurer un parchemin que j'avais malencontreusement détruit avec de la purée. Et ensuite ?
- Oh ! Alors tu es le responsable de ce carnage ! réalisa Abelforth en le pointant d'un doigt accusateur.
- Euh... oui, reconnut Drago. C'était un papier sans importance. Pour moi. Mais ma mère y tenait, c'est pourquoi...
- C'était le certificat de mariage de sa défunte sœur et tu l'as volontairement dégradé, Drago, rectifia Lucius.
- De Bellatrix ? vérifia Harry, soudain intéressé.
- Elle-même, confirma Drago en grimaçant.
- L'accident a eu lieu quand on était en Suisse, expliqua Hermione. Quand on cherchait si un Black ou un Malefoy pouvait être l'intrus du manoir. Bref. Abelforth, que s'est-il passé ensuite ?
- Oh, rien. Je suis rentré chez moi ce soir-là."
Le silence retomba, les sourcils de l'assemblée se froncèrent, puis Rogue se leva d'un bond.
"Mais quel... Bon, laissez-moi expliquer en termes intelligibles pour les cerveaux non-alien de la pièce. Miss Granger, le restaurateur a remarqué une anomalie dans le document et a tenté de vous joindre ce matin, mais vous étiez... préoccupée. Il a donc contacté Dum... Abelforth, qui était avec vous ce jour-là. Et il s'est rendu à la boutique pour essayer de comprendre ce qui clochait avec ce document. Suite à cela, il m'a également convoqué. Ce document de mariage est un faux, il n'y a aucun doute.
- Quoi ?! s'exclamèrent Drago et Lucius de concert.
- L'intrigue se corse, remarqua Nott.
- Un faux, dans le sens où elle n'était pas mariée ? questionna Pansy.
- Non, soupira Rogue. Par Salazar, vous êtes tous stupides ! Ce certificat de mariage a été altéré. Le document officiel délivré par le ministère a été ensorcelé.
- C'est impossible, contra Hermione. Les documents de mariage... ils sont protégés par des ensorcellements complexes, et il sont émis directement à partir des informations issues d'archives impénétrables. Personne ne les écrit. Ils sont générés automatiquement, et donc inaltérables. Sinon ils s'autodétruisent. La seule façon de les altérer est de pénétrer aux archives, et de modifier les données, ce que personne n'a jamais réussi à faire. Ja-mais. Dans toute l'histoire de la sorcellerie.
- Miss Granger, il faut croire que l'impossible s'est produit ! Parce que je vous assure, sans aucun doute, que ce document est un faux. Regardez vous-même."
Hermione marcha au pas de charge vers Abelforth et s'empara du parchemin.
"Où est-ce que je dois regarder ?"
Rogue pointa un doigt crochu sur les dates de naissance et de mort de Bellatrix. Toute la pièce était en apnée.
"Il... y a une erreur. 1996 ? pépia Hermione d'une petite voix.
- Quoi, 1996 ? s'impatienta Drago en attrapant le parchemin. Non... impossible.
- Le ministère a peut-être fait une erreur, supposa finalement Hermione sans trop y croire.
- Quelqu'un va nous expliquer ce qu'il se passe ?" gronda Harry en agitant sa passoire.
Drago se gratta la nuque, les yeux écarquillés.
"Ce document dit que Bellatrix est morte en 1996, dit-il d'une voix atone.
- Mais elle est morte en 1998, fit Ron. Elle est morte en 1998, à Poudlard. Ma mère l'a tuée. J'étais là.
- On était tous là, confirma Astoria en lui caressant le dos.
- Qu'est-ce que ça veut dire ? grinça Blaise. Si le document est un faux...
- On ne sait pas si c'est un faux, objecta Hermione. C'est impossible.
- La preuve que si ! insista Rogue. Elle ne peut pas être morte deux ans AVANT d'avoir été tuée, Miss Granger. Vous devez convenir que ça n'a aucun sens."
Rogue lui jeta son regard le plus condescendant mais pour une fois, elle ne se sentit pas humiliée. Juste profondément irritée d'être la seule à avoir des connaissances approfondies sur un sujet, et de ne pas être écoutée, ce qui était à la fois frustrant et insultant. Pourquoi personne ne lui faisait confiance ?
Mais elle n'allait pas baisser les bras.
"Ça a tout à fait un sens, Severus Rogue, répliqua-t-elle sèchement. Et nous allons vérifier tout de suite..."
Hermione repartit à toute vitesse dans l'autre sens et attrapa le téléphone de Vladimir, sous les regards confus de l'assemblée.
"Granger part en vrille parce qu'elle vient de réaliser que les enchantements impénétrables ont été pénétrés, gloussa Nott.
- Lucius, asséna Hermione. Dans votre pile de documents, est-ce que vous avez le livret de famille des Lestranges ? Ou un autre certificat officiel émis par le ministère ?
- Mmm... Probablement. Narcissa ?"
Plus personne ne parlait, et on entendit pendant de longues minutes que la discussion étouffée entre les époux Malefoy et des bruissements de papier. Harry était atrocement pâle et agité, et il échangea un regard lourd de sens avec Hermione. Comme elle, il était arrivé à établir une hypothèse abominable. Pour l'instant, ils étaient les seuls.
"Miss Granger... s'écria Lucius, faisant sursauter l'assemblée.
- Qu'est-ce que ça veut dire ? Lucius ? paniquait Narcissa dans le lointain.
- Son acte de naissance et leur livret de famille mentionnent aussi qu'elle est morte en 1996. Pas en 1998.
- AH ! Je le savais ! triompha Hermione, avant de se ressaisir. Euh... Bon, ça signifie qu'aucun de ces documents n'a été altéré. Ce ne sont pas des faux. Si quelque chose est faux ici, et je ne dis pas que c'est le cas, ce sont les données ultra protégées du ministère, enfouies dans une base secrète et impénétrable. Dans laquelle personne n'a jamais pénétré. Pas même les mages les plus puissants de tous les temps. Personne, personne, personne. OK ?
- Mais... bafouilla Rogue, déstabilisé. Je ne comprends pas.
- Pourquoi elle serait allée dans ce... truc secret, pour avancer sa date de mort ? marmonna Ron.
- C'est une excellente question, Weasley ! reconnut Blaise.
- Elle n'a pas modifié les données, coupa brusquement Drago, debout. Elle est morte en 1996.
- Mais non, elle est morte en 1998, réfuta Daphné. On était tous là. On l'a VUE de nos yeux. Et on l'a beaucoup vue entre 1996 et 1998, vivante.
- Malheureusement, siffla Pansy.
- Non, elle est sûrement morte en 1996, insista Drago, les yeux ronds.
- Ton bien-aimé a basculé dans la folie, Grangy, soupira Nott.
- Non, il a raison, affirma Harry avec un calme froid.
- C'est donc une folie collective, constata Blaise.
- Miss Granger ? l'incita Rogue, qui la regardait intensément.
- Je pense... Je pense qu'ils ont raison, et que d'une certaine façon, elle a pu mourir en 1996."
Le silence retomba, chargé. Drago agrippa son avant-bras, tendu, et Harry hocha la tête, dévasté.
"Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi plus personne ne parle ? s'enquit Lucius en grésillant.
- Un horcruxe. Elle est morte, mais elle avait un horcruxe", dit simplement Harry.
AH ! Tadam, révélation ! Double révélation, même.
J'espère que je suis pardonnée de vous avoir fait attendre si longtemps.
