What If est un série de brefs récits qui imagine plusieurs développements alternatifs de la série.

Le but n'est pas d'explorer une réécriture totale de la série à l'éclairage de nouveaux événements, mais plutôt de donner une photo à un instant T d'uns situation alternative aux choix des auteurs de la série originale.

Piste 1
Et si Lorelai et Christopher avaient fui ensemble à Stars Hollow ?

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Rory dansait depuis des heures, ou du moins, il lui semblait que cela faisait des heures. Compressée entre les corps d'autres gosses qu'elle ne connaissait même pas, elle bougeait son corps frénétiquement. Elle transpirait à grosses gouttes et ses oreilles bourdonnaient. Elle avait mal aux pieds et aux bras. Elle devait sans doute être un peu déshydratée, elle n'avait pas bu d'eau depuis des heures, ou du moins, il lui semblait que cela faisait des heures. La dernière fois qu'elle avait été en contact avec de l'eau, c'était lorsque Lindsay et elle avaient quitté Stars Hollow en douce, dans le van de sa tante, pour rejoindre cette rave party qui avait lieu dans la forêt entre Woodbridge et leur ville natale.

Rory ne savait pas qui mixait ni qui avait organisé cette rave. Elle ne savait même pas où elle était ni où était passée Lindsay – elles s'étaient perdues de vue au travers de cette foule compacte. Peu importait, tout ce que voulait Rory, c'était danser. Fermer les yeux, se laisser envahir par les chansons au beat trop fort et à la rythmique répétitive, bouger son corps sans plus penser à rien. Évacuer la pression, faire redescendre la tension. Oublier le lycée et ses parents. Lindsay finirait bien par la retrouver, et si non, elle trouverait toujours quelqu'un pour la ramener.

Cela faisait deux ans que Rory faisait le tour des rave parties du comté, depuis qu'elle avait quatorze ans et que ses parents l'avaient envoyée à Chilton contre son gré. Elle détestait cette école, détestait les élèves, détestait les profs (surtout Madina), détestait l'uniforme, détestait les trajets en bus. Détestait la pression surtout, que lui mettaient l'institution et ses parents.

La première fois que Lindsay, sa meilleure amie, restée à Stars Hollow High, lui avait proposé d'aller danser, Rory ne s'était certainement pas imaginée ça. Tout d'abord, elle avait pensé que c'était en intérieur, et que tout le monde serait habillé de vêtements fabuleux. Mais Lindsay l'avait amenée en rave. Tout le monde était sale, buvait directement n'importe quoi à la bouteille de n'importe qui et la musique était trop forte. Des centaines de gosses piétinaient un champ et il n'y avait pas de vrai DJ sur scène, seulement d'énormes enceintes qui déversaient un beat assourdissant et parfois quelques paroles trop signifiantes. Ça durait des heures, parfois toute la nuit, parfois plusieurs jours.

L'an dernier, à peine quelques semaines après son entrée à Chilton, Rory avait menti à ses parents, prétextant passer le week-end dans la famille de Lindsay, et elles étaient parties avec d'autres jeunes à une rave qui avait duré tout le week-end. Rory avait failli rentrer avec un tatouage, mais au dernier moment, elle s'était dégonflée. Elle avait passé ces deux jours à danser, à boire, et avait même pris une des pilules qui circulaient de mains en mains. Elle ne l'avait jamais refait depuis, prendre une substance inconnue. Pas que cela lui avait déplu, mais elle n'en ressentait pas le besoin. S'assourdir en mouvement était suffisant pour contenir sa digue mentale.

Rory sentit qu'on lui tapait sur l'épaule. Elle ouvrit les yeux, s'attendant à voir Lindsay, mais ce fut Jess. Il lui dit quelque chose qu'elle n'entendit pas, elle secoua la tête pour le lui signifier. Jess s'approcha pour lui parler à l'oreille mais elle n'entendit toujours pas. Un jour, elle rentrerait chez elle complètement sourde.

Après quelques secondes de flottement, Jess l'attira en dehors de la masse et la serra contre lui pour l'embrasser. Entre la foule, la bière renversée et la transpiration, ça n'avait rien de romantique, mais Rory aimait bien. Jess était le neveu de Luke, le propriétaire du diner, où Rory n'allait que rarement. Ils se croisaient parfois en ville, et souvent durant ces raves.

Rory laissa Jess la plaquer contre l'arrière de l'estrade qui servait de scène et passer ses mains sous son t-shirt (pas qu'il couvrait grand chose – on était en avril et elle était en teuf, la chaleur était à peine soutenable). Sa langue rappait contre la sienne, conséquence de sa soif, et après plusieurs minutes d'embrassade, elle dû se résoudre à boire de l'eau.

Elle repoussa doucement Jess et lui fit signe qu'elle voulait boire. Il l'amena dans la tente de secours pour rejoindre un réservoir d'eau potable. Quelqu'un parmi les organisateurs pensait toujours à installer une tente avec de l'eau, un kit de premier soin, un peu de savon et un casque anti-bruit. Dans l'ensemble, les gens respectaient cet espace. Contrairement à tous les stéréotypes, rien n'était jamais arrivé à Rory en rave, même si elle savait qu'elle était constamment sur le fil du rasoir.

Jess lui demanda si elle avait besoin d'aide pour boire mais Rory fit signe que non. Elle vida quasiment les trente-trois centilitres d'une traite, mais en conserva un fond pour Lindsay : arrivait une heure où l'eau devenait rare et précieuse. Rory s'assit sur un coussin mis à disposition. Elle ne s'était pas rendue compte qu'elle était aussi fatiguée. Dehors passait encore Get in Trouble, probablement pour la dixième fois de la soirée.

_Quoi de beau, Hayden ? Lui demanda Jess, profitant sans doute d'un peu de calme.

_Chilton me soûle, mes parents me soûlent. Rien de neuf, et toi ?

_Pareil, version école publique et tuteur légal.

_Des nouvelles de ta mère ?

_Non, elle ne m'a pas appelé depuis des mois, depuis Noël je pense.

_Les mères craignent... Compatit Rory

_Les oncles aussi. Répondit Jess.

_Et les pères !

Ils échangèrent un petit rire et Jess revint près d'elle. Cette fois, Rory passa ses bras autour de son cou pour le serrer contre elle. Rory aimait bien Jess, mais jamais ils ne pourraient être en couple, officiellement et ouvertement. Ses parents flipperaient tellement qu'ils seraient constamment sur son dos et il deviendrait alors impossible pour elle de filer en douce en rave, ou chez Lindsay, ou retrouver ses potes dans la forêt ou même simplement chez KC's. Ça ne faisait rien, un peu de romance clandestine, c'était bien aussi.

Après s'être assez reposée, Rory se dit qu'il était temps de rentrer. Elle mit une bonne vingtaine de minutes à retrouver Lindsay qui dansait peau contre peau avec une inconnue. Lindsay venait principalement ici pour relâcher la pression de devoir cacher son homosexualité à ses parents. Rory lui fit signe qu'elle voulait partir, et elles quittèrent la fête.

Elles rejoignirent l'entrée de la forêt à pied et retrouvèrent le van. Lindsay étaient à peine en état de conduire mais Rory ne valait guère mieux, et la route n'était pas dangereuse. Comme les mauvaises rencontres, Rory se disait souvent qu'elle et Lindsay se tenaient en équilibre au bord du précipice, mais peut-être que c'était ça qu'elles avaient véritablement en commun, en dehors de tout le reste : une envie réprimée d'autodestruction.

Lindsay arrêta le van à quelques mètres de chez Rory pour ne pas risquer de réveiller ses parents et coupa le moteur. Elle s'alluma une cigarette, la dernière qu'elle fumait avant d'arriver chez elle. Rory ne descendit pas tout de suite. Même si elle rêvait de son lit, l'envie de ne jamais rentrer chez elle l'emportait pour le moment. Au lieu de descendre, elle demanda à Lindsay :

_Tu vas dire à tes parents que tu aimes les femmes, un jour ?

_Non, répondit Lindsay en expirant de la fumée, et tu m'as déjà posé dix fois la question, donc tu sais très bien pourquoi.

Vrai, Rory savait très bien que les parents de Lindsay étaient terrifiés à l'idée que leurs enfants puissent, d'une manière ou d'une autre, sortir du rang.

_Et toi ?

_Quoi, moi ?

_Tu vas dire à tes parents que tu détestes Chilton et que tu ne veux pas aller à Harvard ?

_Non. Ils ne comprendraient pas.

_Ton père comprendrait.

_Peut-être, mais pas ma mère.

_Lorelai comprendrait. Elle comprend très bien le fait que j'aime les filles.

_C'est pas pareil, tu ne l'as pas choisi. Sur ces choses-là, mes parents sont supers, mais concernant mon avenir, depuis que je suis gamine, ils me mettent la pression à fond pour que je réussisse, que j'aille à la fac, que j'ai tout ce qu'ils n'ont pas eu... Comme s'ils avaient à rougir de leur parcours ! Ils sont arrivés à Stars Hollow, sans rien, alors qu'ils avaient mon âge et avec un enfant-

_Toi.

_Oui, moi. Et ils s'en sont super bien sortis ! Ma mère a bossé à l'Independence Inn et mon père comme apprenti mécanicien. Dix ans plus tard, il a ouvert son propre garage avec Gipsy et ma mère est la manager de l'hôtel ! Ils sont toujours ensemble, mariés depuis quinze ans, encore jeunes et beaux !

_Ça c'est sûr... Souffla Lindsay.

_Et je déteste ça ! Je déteste cette image qu'ils renvoient, du couple parfait qui a triomphé de l'adversité : Christopher et Lorelai Hayden, Mister and Misses America ! Et le pire, c'est que je me déteste de les détester. Mes parents m'ont eue à seize ans et regarde la chance que j'ai ! En général, les mômes issus de grossesses adolescentes finissent abandonnés, maltraités ou livrés à eux-mêmes. Prends Jess : sa mère l'a eu à dix-neuf ans et elle s'est littéralement débarrassée de lui. Elle l'a envoyé vivre ailleurs !

Lindsay ne répondit pas. Cela faisait tellement de fois qu'elles avaient cette conversation qu'elle savait que c'était inutile d'argumenter. Rory ne se sentait tout simplement pas à sa place entre ses deux parents et, les années passant, le fossé entre eux se creusait inexorablement. Rory décida qu'il était temps de rentrer avant que l'alcool et la fatigue lui fassent lâcher prise. Elle remercia Lindsay et sortit du van.

Rory fit le reste du trajet à pied, dans le noir. Elle sortait si souvent en douce la nuit qu'elle connaissait le chemin par cœur : tout droit jusqu'à toucher la boîte aux lettres, puis contourner le grand chêne pour atteindre le porche. De là, il lui suffisait de suivre les murs de la maison pour tomber sur la fenêtre de sa chambre, que bien sûr elle ne fermait pas. Elle escalada sans bruit le rebord et atterrit sur le fauteuil qu'elle laissait sous la fenêtre. Mission accomplie, sans bavure.

Rory se mit rapidement en pyjama et se laissa tomber dans son lit. Si elle échouait à entrer à Harvard, elle pourrait toujours devenir espionne pour le compte de la CIA tant elle était devenue, avec les années, habile à se déplacer en silence et à mener une double vie. Demain matin, elle filerait à la douche en premier pour effacer toutes les odeurs horribles de la veille et le tour serait joué.

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_Bonjour puce ! Lui dit son père lorsque Rory arriva dans la cuisine. Elle lui fit un sourire sans vraiment répondre et s'assit. Sa mère lui servit du café et lui proposa des céréales.

_Je n'ai pas très faim, répondit Rory à voix basse, en fait je n'ai pas le temps de manger, je dois être à Chilton tôt aujourd'hui.

_Projet de classe ? Demanda Lorelai.

_Oui, on prépare notre faux gouvernement. Paris nous a donné rendez-vous à huit heures tapantes.

Rory n'aimait pas tellement Paris, mais il fallait avouer qu'elle était un prétexte parfait pour quitter la maison le plus tôt possible et rentrer bien après la fin des cours. Rory ne disait rien, jamais rien, des détails de sa vie à ses parents. C'était devenu une seconde nature de tout leur cacher. Elle ne valait pas mieux que Lane Kim, la Coréenne bizarre qui se cachait dans les toilettes de l'école pour écouter des disques.

Rory avala son café d'une traite, salua ses parents et s'en alla. Elle marcha jusqu'à l'arrêt de bus et ouvrit un livre. En ce moment, elle traversait sa phase Dawn Powell. Il faisait à peine assez jour pour pouvoir déchiffrer les lignes, mais cela ne l'arrêta pas. Les livres étaient l'autre sanctuaire de Rory. La journée, la littérature la nuit, les raves. C'était ainsi qu'elle espérait tenir jusqu'à ses dix-huit ans. Dès qu'elle aurait validé son diplôme de lycée, elle ferait sa valise et partirait vagabonder en Europe. Voyager était son rêve. Quand elle était enfant, Rory se souvenait en avoir parlé avec ses parents. Sa mère lui avait juré qu'une fois adulte, ils partiraient tous les trois en Europe découvrir tous ces petits pays, quitte à dormir sur un banc dans un parc et manger des sandwiches tous les jours.

A l'époque, ils n'avaient pas grand chose : ils vivaient tous les trois dans la petite cabane que Mia leur prêtait et les deux parents rentraient lessivés de leur emploi physique. Puis Rory était entrée à l'école, où les professeurs avaient détecté son « potentiel », Christopher avait lancé son entreprise, Lorelai avait gravi les échelons de la profession hôtelière, ils avaient acheté une maison et Rory n'avait plus entendu parler de voyage, et encore moins de jouer au SDF en dormant dans des parcs publics. Lorelai et Christopher ne rêvaient plus de vagabondage en sac à dos, ils rêvaient de billets d'avion en classe affaires et d'un deuxième enfant. Le temps qu'ils s'y mettent et que le bébé arrive, Rory espérait avoir mis les voiles.

_Salut.

_Hey Jess. Dit doucement Rory en reposant son livre. Jess jeta un œil à la couverture et eut un rire un peu moqueur. Rory haussa les épaules, ils étaient rarement d'accord sur les livres qui valaient la peine d'être lus.

_Qu'est-ce que tu fais là ? Demanda-t-elle.

_Je t'ai vu attendre le bus toute seule dehors, alors j'ai eu pitié. Tiens. Expliqua-t-il en lui tendant deux muffins dans un sachet en papier.

_Merci.

Parfois, Jess lui apportait des pâtisseries sur le banc de l'arrêt de bus. Les premières fois, Rory avait peur que quelqu'un ne les voit et le raconte à ses parents, mais il était si tôt qu'il n'y avait aucune chance qu'ils croisent qui que ce soit.

_J'ai fini le roman que tu m'a prêté. Lança-t-il en s'asseyant à son tour.

_T'en as pensé quoi ?

_Pas mal, mais ça ne vaut pas Ellroy dans le genre.

_Eugh, tu refuses simplement de changer d'avis.

_Eh, je sais de quoi je parle, moi ! Autant que je sache, tu n'étais pas très branché polar avant de me connaître.

_Non, c'est vrai. Concéda-t-elle.

_Alors ! Rétorqua-t-il dans une volonté rhétorique.

_J'admets.

Jess rit, et, tout en vérifiant qu'il n'y avait personne à la ronde, l'embrassa doucement. Rory aimait bien Jess. Elle aimait vraiment bien Jess. Peut-être que lui voudrait bien partir en Europe et jouer aux SDF avec elle. Comme elle, il n'avait aucune envie de s'éterniser ici, et puis, pour une fois, ce serait bien, de ne plus être seule.

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N'hésitez pas à ma suggérer des alternatives au scénario original !

~Jusqu'à la prochaine fois,
BillySage