L'inné et l'acquis

Fée Fléau a sévi la première ! Je serais MOI une espèce de Remus qui ne répond pas aux questions ! Je sais pas ce qu'en diraient mes enfants… Pour le fond, pour moi, Cyrus est moins enclin à la remise en cause (même si ce chapitre est sans doute un mauvais exemple) que son grand frère…

Pour le reste, vous semblez partager les mêmes interrogations…

Oui, les jumeaux sont un fil de vie et de lumière vers l'avenir lointain parce que l'avenir proche est un peu sombre… Mais non Alana, je crois pas que je pondrais de quatrième volet… Et non, Mystick, je pense pas qu'ils vont avoir besoin d'être adoptés, lol !

Pourquoi des jumeaux ? (Thamril, Harana, Guézanne….) Vous allez être sans doute déçus mais pas de raison particulière… si ce n'est l'influence des « enfants de Dune » sur toute ma prose… ça c'est la partie la plus lucide et introspective de mon cerveau qui le dit… faites en ce que vous voulez !

Harry ? (Lunenoire, Harana, Mystick, Guézanne, Titou, Lazoule…) Harry va mal…

Quant à Cyrus/Sirius… (Alana, Thamril, Guézanne…) Peut-on être un et avoir deux niveaux de conscience ?… C'est mon hypothèse… On verra si je vais vous convaincre…


Dix-huit - Eclairs

En plaçant les bobines sur l'appareil de projection de film, Tonks rayonnait.

« Tu verras, il y a mes premiers pas… ou presque… et puis mon anniversaire de quatre ans.. »

« Il y a des moments où il n'y a rien, enfin juste un halo lumineux », intervint Androméda, « parce que Sirius avait fait apparaître un ours pour te faire plaisir mais la magie ne s'est pas imprimée sur le film moldu ! »

« Papa a toujours pesté contre Sirius à chaque fois qu'on a regardé le film à cause de ça », pouffa Tonks et Remus lui sourit, heureux de la voir heureuse.

Ce Noël dans la maison de campagne des Tonks avait eu des effets miraculeux sur sa jeune femme, sur ses relations avec ces parents et sur la solidité de cette étrange famille Lupin. L'annonce de sa grossesse avait rapproché Tonks de sa mère, balayant les craintes et les préventions que celle-ci avait longtemps manifestées quant à sa carrière d'Auror et à sa relation avec un loup-garou. La mère et la fille avaient passé toutes les deux de longues heures à se promener dans la campagne environnantes, à boire du thé et à partager des souvenirs et des confidences.

« C'est comme si tout d'un coup elle me prenait enfin pour une adulte », avait expliqué Tonks, un soir, dans le secret de leur chambre, « et non comme une gamine écervelée. »

Pourtant les traces de cette gamine étaient partout autour d'eux. Les photos, les caisses de vieux jouets, d'horribles vieux posters poussiéreux, des vêtements beaucoup trop petits….Tonks avait essayé d'y mettre de l'ordre, essayant de faire un tri qu'elle ne s'était jamais astreint de faire entre ce qui avait encore un sens et une valeur et ce qui ne faisait qu'encombrer les combles de la vieille demeure. Elle avait reçu dans cette entreprise l'aide inattendue de Cyrus qui s'était passionné pour tout ce qui avait trait à son enfance, comme pour tout ce qu'Androméda avait pu avoir à dire sur les Black en général et Sirius en particulier. Au début, Remus avait senti sa belle-mère mal à l'aise face au jeune garçon, réplique saisissante de son neveu, mais finalement elle avait fini par accepter sa curiosité.

« On sait ce qu'on ne peut pas changer, n'est-ce pas Remus ? » lui avait demandé un soir Androméda les yeux perdus dans le vague.

« Je crois mais parfois on l'oublie. »

« Vous n'avez pas peur de tous ces fantômes dans sa tête ? »

« C'est un peu comme les vieux jouets de Tonks, je crois, un jour il y mettra de l'ordre… quand il sera prêt », avait-il proposé.

Son beau-père avait bien eu des paroles moins agréables – surtout quand le jeune couple avait confié tous les risques qu'entraînait une grossesse gémellaire, compliquée de lycanthropie.

« Vous les sorciers faut toujours que ça soit bizarre », avait-il grommelé.

Remus et Tonks avaient laissé Androméda faire une longue liste des choses « compliquées et non naturelles » que les Moldus faisaient, même en termes de procréation. C'était visiblement une longue et prévisible conversation entre eux, bien orchestrée, dont chacun des protagonistes connaissaient chacune des répliques. Ça avait quand même fait rire Cyrus. Mais Ted avait finalement eu l'air content à l'idée d'avoir des petits enfants –

« Je leur apprendrai à monter à cheval avant qu'ils s'entichent de ces attrape-poussière… » - avait-il conclu avec un geste de dérision pour les deux Eclair de feu flambants neufs qui trônaient dans son salon depuis Noël. Les chevaux n'avaient-ils pas déjà été un lien intéressant avec ses petits-fils adoptifs ? Harry passait presque l'intégralité de ses journées dans l'écurie.

Mais Remus ne pouvait pas penser à son fils aîné sans agacement depuis le début des vacances. Même si Androméda avait sans doute raison et qu'il ne fallait y voir que le résultat du travail hormonal de l'adolescence, Remus souffrait de son comportement. Harry n'était jamais avec eux à moins qu'on l'y forçât, se levant de table la dernière cuiller avalée pour filer à l'écurie ou dans sa chambre. Seules les promenades à cheval proposées par Ted réussissaient parfois à le retenir, et encore de moins en moins.

Remus avait du mal à voir qu'il n'avait utilisé que deux fois le magnifique Eclair de feu qu'il avait reçu pour Noël – Cyrus s'envolait sur le sien chaque jour. C'était comme si ça ne l'intéressait pas, comme si rien ne l'intéressait… ni ses cadeaux de Noël, ni le fait d'avoir bientôt un frère et une sœur de plus – « Trop bien une soeur ! » ne cessait de répéter Cyrus à chaque fois , « trop bien une sœur ! Je peux l'écrire à Ginny ? » - ni aucune des activités qu'on pouvait lui proposer. Remus et Tonks avaient chacun séparément essayer de discuter avec lui et s'étaient heurté à un silence buté. « Non il n'avait rien, merci de s'inquiéter, est-ce qu'il pouvait reprendre sa lecture maintenant ? »

« Remus, tu devrais aller appeler les garçons ! Ils vont trop rire, non ? »

« Cyrus vole derrière la maison », indiqua Androméda. « Il vole pas mal, je dois dire ! »

« Tu n'as pas vu Harry, maman » soupira Tonks. « Il vole comme un oiseau… enfin normalement… »

Remus eut un sourire fataliste et sortit à la recherche de ses fils.

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Quand il arriva dans le champ, Cyrus se posait, les cheveux glissant hors de son catogan, les joues rouges et les yeux brillants.

« Alors ce balai ? » demanda-t-il en s'approchant.

Cyrus eut un sourire resplendissant

« Au-delà des mots… tu veux essayer ? »

« Une autre fois, Cyrus… Je suis content que Tonks ait eu raison et que ça te fasse autant plaisir ! »

« Oh… ça… pour une surprise, c'est une surprise… Jamais j'aurais même osé rêver que…Je suis même pas dans l'équipe ! »

« Oui, mais tu y entreras peut-être, et puis il n'y avait pas de raison qu'Harry en ait un et pas toi… »

« Oh », répéta Cyrus apparemment surpris de ce raisonnement. « Si quand même… il… il l'a sans doute plus mérité que moi !»

« Qu'est-ce que c'est que cette idée de cadeau au mérite ! », demanda Remus plutôt amusé. Qu'est-ce Noël a à voir avec le mérite ? »

Cyrus sourit comme gêné.

« Oui, mais quand même… » - finit-il par murmurer sans le regarder.

Et ce regard fuyant alerta Remus, réveillant son impression que Cyrus se faisait beaucoup d'idées fausses sur ce qu'il attendait de lui – et sans doute est-ce ta faute ! Quel temps passes-tu avec lui ? Il lui leva le menton le plus gentiment qu'il put.

« Hum, je crois qu'il faudrait qu'on parle nous deux ? Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qui te fait croire que ce balai tu ne l'aurais pas mérité ? »

Le jeune garçon haussa les épaules.

« A cause de Nick ? »

Nouvel haussement d'épaules.

« Alors écoute, un, je t'ai déjà dit ce qui m'avait vraiment embêté dans cette histoire : que tu ne viennes pas me voir quand tu as vu que tu ne pouvais pas t'en sortir tout seul… D'accord ?»

Cyrus leva les yeux, opina doucement mais insista :

« Et puis maintenant, tout le monde rigole parce qu'il ne veut pas de l'antidote ! »

« Oh ça », répondit Remus avec un air satisfait qui fit tomber le masque de détachement inquiet de Cyrus, « je reconnais que…que j'ai pas essayé de minimiser ou d'enterrer rapidement cette affaire parce que ça m'arrangeait… Tu as entendu ce qu'il se disait sur Harry et sur le Tournoi, hein ? Avec Severus on a pensé que Nick serait un sujet de conversation moins dangereux pour Poudlard… »

De nouveau Cyrus le regarda, plus longuement cette fois.

« C'était pour ça ? »

Remus sourit doucement.

« Je me serpentarise en vieillissant, non ? »

Ils se turent tous les deux jusqu'à que Remus reprenne un ton plus bas:

« Je sais que ça ne doit pas obligatoirement correspondre aux images que Sirius a de moi ! »

Cyrus considéra visiblement sérieusement la question avant de répondre.

« Dans ses souvenirs, t'es quand même le plus raisonnable de la bande… »

Remus se sentit pâlir à l'évocation de ce que Sirius pouvait penser de lui. Il sentit la tentation s'insinuer dans ses veines : poser maintenant toutes les questions, savoir, fouiller, disséquer… mais il la repoussa. Parce que Cyrus était son fils, il ne pouvait pas mettre en danger son intégrité mentale.

« Pour en revenir à toi, Cyrus, ne crois pas que tous les efforts que tu as fait pour être plus sage et meilleur élève m'aient échappé… J'ai de quoi être fier, crois moi, d'accord ? »

Cyrus rougit presque et détourna les yeux.

« Viens là, viens là », dit Remus en l'attirant contre lui, « arrête de jouer au dur qui n'a besoin de personne, il n'y a pas de honte à demander de l'aide… d'accord ? »

« Papa… je…. Ça fait des jours que je veux te parler de quelque chose », souffla alors Cyrus très vite, comme s'il craignait de ne pas arriver au bout de la phrase.

« Je t'écoute », murmura en retour Remus.

« Je… tu sais, depuis les vacances…. J'ai… j'ai essayé…. Je sais que tu penses que c'est pas une bonne idée…mais… c'était tellement tentant… d'essayer de comprendre….je… J'ai essayé de fouiller la mémoire de Sirius… »

Remus ferma les yeux, s'invitant à respirer profondément. Quelque chose lui disait que ce n'était que le début.

« Essayer ? »

« Oui... de trouver des choses… sur toi, sur… les Maraudeurs… sur Lily… sur Bellatrix et les autres…sur Severus aussi… sur moi », conclut-il avec un haussement d'épaule fataliste.

« Bien sûr », souffla Remus, et il sentit son fils se détendre légèrement. Lui faisait-il si peur ? Quand était-il devenu si dur avec les autres qu'ils aient peur de lui ? Il se rappela de la phrase de Tonks cet été, la phrase qu'il avait ressassée pendant des jours : « tu crois qu'ils ne te connaissent pas ? » Le connaissaient-ils si bien que cela ? Ne pouvait-on pas lui parler ?

« Je comprends », ajouta-t-il encore comme une invitation. Comme Cyrus ne disait rien, il le relança : « Et alors, qu'as-tu trouvé ? »

« Des choses…. Mais en fait, j'ai surtout découvert que… qu'il y avait des choses que Sirius ne voulait pas que je sache…. Des souvenirs qui s'arrêtent… brutalement… »

L'idée était tellement étrange que Remus se sentit pris de vertiges. Les implications étaient si nombreuses. Ça témoignait bien sûr de la persistance de la volonté de Sirius, malgré le temps, malgré les effets attendus. Il supposait que c'était une bonne nouvelle, mais il n'en était pas sûr. Il avait toujours été séduit par l'idée que Sirius ne disparaisse pas totalement mais en même temps, il ne pouvait qu'être inquiet pour Cyrus. Et il se rendit compte qu'aujourd'hui la santé de Cyrus lui était plus importante que la persistance de la personnalité de Sirius.

« Dis-moi, tu as fait ça souvent ? » demanda-t-il finalement, un peu trop sèchement sans doute.

« Quelques fois », murmura Cyrus, se raidissant de nouveau.

« Et…. Et quand il... te refuse l'accès à ces souvenirs… comment ça se passe ? » - demanda encore Remus, essayant d'effacer tout jugement de sa voix.

« C'est… comme une porte qui se ferme… un rideau qui tombe… » répondit Cyrus.

« Mais toi, tu te sens comment… je veux dire, il prend le contrôle ? »

« Oh… non, enfin, parfois ça devient très flou… qui je suis, qui il est… mais ça ne dure pas… »

Ça ne dure pas….

« Et tu as fait ça où ? » interrogea-t-il encore, l'imaginant au fin fond d'un passage du château, jouant avec sa mémoire au risque de se perdre totalement, « tu étais tout seul ?»

« Eh bien,… non… une fois c'est arrivé quand je travaillais avec Severus… mais je ne lui ai rien dit… D'autres, j'étais dans mon lit… mais j'ai arrêté parce que j'arrive pas à m'empêcher de parler… Archi croyait que je faisais un cauchemar…. La dernière fois, j'étais avec Harry… »

Remus pesa ces informations, les yeux perdus dans la campagne anglaise, plate et verte, mélancolique malgré le soleil d'hiver.

« Est-ce que quelqu'un d'autre est au courant ? » - finit-il par demander.

« Harry », murmura son fils après une notable hésitation.

« Harry ? »

« Oui… il était là quand… la fois où j'ai eu le plus de mal à revenir…. » - expliqua Cyrus sur le ton de l'aveu. Et Remus eut le sentiment qu'ils avaient dû avoir très peur. Etait-ce récent ? Est-ce que ça avait à voir avec le retrait de Harry ?

« Beaucoup de mal ? »

« Je… je me sentais faible… je… J'ai demandé à Patmol de m'aider… pour briser ces visions, ces émotions qui… c'était trop dur… »

Remus déglutit avant d'insister.

« Tu cherchais quoi ? »

Cyrus s'éloigna imperceptiblement de lui, visiblement déchiré entre deux envies contradictoires avant de souffler si bas que Remus dut tendre l'oreille.

« Il ne va pas bien, tu sais… »

« Harry ? » demanda Remus, un peu perdu.

« Oui, il… doute »

« Il doute ? »

« Il… oh Papa, je…. Je voudrais tant qu'il t'en parle lui-même…. » Cyrus leva des yeux brillants d'émotion vers lui, et Remus pria silencieusement pour qu'il trouve le courage de continuer. Savoir enfin ce qui éloignait Harry ! Il ne voulait pas forcer Cyrus à parler, mais en même temps, il n'en pouvait plus d'attendre.

« Il… il a entendu une conversation…. Sur la prophétie », souffla le jeune garçon finalement, rebaissant précipitamment les yeux après sa confession. Remus prit le temps de laisser l'information tournoyer dans sa tête et son corps, les arbres, l'herbe rase de la prairie, le ciel voilé défilèrent autour de lui comme autour du pilier central d'un manège.

« La… Mais qui lui a parlé de ça ? Toi ? »

« Non, non, c'est lui qui est venu m'en parler… Il avait entendu Fudge au Trois Balais… Ron, Hermione et lui…. Fudge ne les a pas vus… »

« Severus non plus… » - constata Remus. Il se remémora le récit que son adjoint lui avait de la conversation, se demandant combien Harry en avait entendu et compris… Il s'était senti trahi sans doute… Harry…

« Oh Papa !» s'exclama Cyrus.

« Tout va bien Cyrus, tout va bien… Je ne vais pas aller lui dire « bon alors, on parle de cette prophétie », t'inquiète pas…Tu me fais confiance ? »

Le jeune garçon acquiesça en silence.

« Merci Cyrus…. Dis-moi encore… qu'as-tu vu de si… dur ? »

Cyrus de nouveau hésita mais sembla renoncer à garder quoique ce soit par devers lui et Remus mesura ce que la dernière semaines avant les vacances avait dû sembler interminable aux deux garçons…

« Je trouvais rien de direct sur la prophétie… juste une conversation avec James… et puis Lily… mais pas directement sur la prophétie ou son texte… mais ses conséquences… quand…. » Sa voix se brisa.

« Quand ils ont pensé que je pouvais être le traître », comprit calmement Remus. Une nouvelle fois la tentation de la connaissance fut là et de nouveau il la repoussa.

« Oh Papa… » répéta Cyrus.

Remus le serra plus fort contre lui.

« Ça fait longtemps maintenant Cyrus, ça n'est plus très grave… j'en ai même parler avec Sirius une fois… quand vous êtes arrivés du Brésil… c'est du passé, Cyrus, du passé… il faut aussi savoir laissé le passé retomber en poussière, tu sais… »

« Tu crois que c'est pour ça que Sirius ne veut pas que je vois certaines choses ? »

« Oui, sans doute…. Il y a des choses que lui-même aurait voulu pouvoir oublier…ou changer…. Severus et lui se sont profondément détestés, Cyrus, au-delà de ce que ces mots peuvent signifier… ils se sont faits un mal énorme… je pense que maintenant Sirius le comprend… Il aimerait que tu sois plus sage….

« Il croit que je ne comprendrais pas tout seul ? »

Remus soupira.

« Je ne sais pas… Si tu me racontes ces souvenirs, je pourrais peut-être les compléter ? »

« Oh… Il y a cette fois, dans la bibliothèque… Severus est en train de lire…. Il y a un verre d'eau… des rires chuchotés… puis plus rien… »

Remus eut un regard triste.

« Il a honte de ça ? Qui l'aurait cru… On avait charmé un verre d'eau glacée et il s'est renversé dans son dos, éclaboussant le livre… je crois même me souvenir qu'on a été puni… mais ce n'est rien à côté de ce qui s'est passé plus tard entre eux… »

« Oh… »

Cyrus frissonna et Remus se rendit compte que le soleil avait presque disparu.

« Tu as froid… tu devrais rentrer… Tonks t'attend, elle a réussi à faire marcher son projecteur… il y a le film où Sirius apparaît… celui que tu voulais voir…Je vais aller chercher Harry… Dis lui de commencer sans nous ! »

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Remus se dirigea vers l'écurie avec une sombre résolution. Il n'y aurait pas beaucoup d'alternative que de crever l'abcès qui sinon continuerait de grossir et d'empoisonner leurs relations. Non. Mais il n'avait pas envie d'une scène. Il faudrait qu'il reste calme qu'il accepte l'explosion verbale qui allait venir… Il imaginait confusément combien son fils devait se sentir perdu… Il n'avait pas le temps de s'interroger sur s'il aurait dû lui dire ou pas… il devait le sortir de l'incertitude et du repli sur lui-même.

« Harry ? » appela t-il sur le bas de la double porte.

En entrant dans l'écurie, le loup en lui fut immédiatement en alerte, percevant la nervosité des animaux. Remus n'avait pas une grande expérience des chevaux et il se demanda ce qui pouvait les mettre dans un tel état.

« Harry ? » répéta-t-il mais son appel resta sans réponse.

Pouvait-il être ailleurs ? Remus allait sortir et retourner dans la maison quand il entendit des bruits à l'étage, comme des éclats de voix, et peut-être aussi des pas. Sans trop réfléchir il s'avança plus avant dans l'écurie, longeant les stalles où les chevaux continuaient de gratter le sol et souffler des naseaux. Au fond, il vit la porte d'une stalle ouverte et il se dirigea vers elle. A chaque pas il eut l'impression de mieux discerner les voix et notamment celle de Harry. A moins que ce soit mon imagination !

Dans le box, se dressait une échelle qui menait au premier étage par une trappe ouverte. Au pied de l'échelle il ne faisait plus aucun doute que l'une des voix était celle d'Harry. C'était lui qui parlait le plus et deux autres lui répondaient. Une était plus grave que l'autre… une voix d'homme, mais ce n'était pas celle de Ted… pourtant Remus eut le sentiment de la connaître… Il secoua la tête, s'obligeant au calme et à la rationalité. Il n'y avait pas d'autres hommes sur le domaine, si ce n'était l'homme de peine qui venait deux fois par semaine nettoyer l'écurie. C'était peut-être lui qui montrait quelque chose à Harry… Oui sans doute…

Mais pourquoi, alors, la voix lui disait-elle quelque chose ?

Il n'y avait qu'une façon de le savoir. Remus empoigna les montants de l'échelle et se hissa barreau après barreau vers la trappe. Plus il montait plus il percevait quelque chose d'inquiétant, de froid et lumineux en même temps… quelque chose de magique ? Pourtant l'écurie était le domaine de Ted, une zone interdite à la magie en quelque sorte.

Au milieu de l'échelle, il réussit à capter toute une phrase qui le glaça :

« Et tous ses discours sur le libre arbitre, hein ? C'étaient pour quoi ! »

« Oh, Lunard a toujours été un raisonneur », maugréa la voix grave, et Remus faillit en lâcher l'échelle. James ? C'était la voix de James !

« Oh, tu dis ça parce que tu aurais voulu être préfet dès ta cinquième année », ajouta alors la deuxième voix sur un ton raisonnable.

Lily ? Inconsciemment Remus essuya ses mains moites sur son pantalon avant de reprendre sa progression, hypnotisée par les voix, incapable de trouver le moindre commencement de début d'explication à leurs présences dans cette écurie moldue.

« Et moi, je l'ai crû… j'ai toujours crû qu'il ne me cachait rien… il disait qu'il me traitait en adulte ! » continuait Harry avec désespoir.

« Il a sans doute penser bien faire », proposa Lily.

« Mais il est un temps où on n'a plus besoin d'être protégé » intervint James « Un Gryffondor n'a pas peur de la vérité ! »

De nouveau Remus trembla. Ça ne pouvait pas être vrai… James et Lily étaient morts, réduits en cendres et enterrés depuis plus de douze ans….Et la seule chose qui pouvait être capable de faire parler les morts était la magie noire, cette déviation absolue que James et Lily avaient de tout temps abhorrée… La seule pensée que Harry ait pu s'adonner à la magie noire en cachette pour faire revivre ses parents glaçait Remus… Si vite ? si loin ? Avait-il tant que cela failli à sa tâche ? Et devrait-il le reconnaître aujourd'hui devant les abominations qui représentaient Lily et James dans ce grenier poussiéreux ?

Si son cerveau butait encore sur ces idées, son corps avait obstinément continué sa progression. Ses mains se posèrent sur le plancher disjoint du grenier et peu de temps après ses pieds y atterrirent sans bruit. Le grenier était encombré de balles de foin, de malles en osier plus ou moins bien fermées. Harry, agenouillé au sol, lui tournait le dos. Deux formes spectrales voletaient au-dessus de lui mais elles n'avaient – que Merlin en soit remercié ! – aucun trait distinctif qui aurait confirmé leur identité.

« Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? » se lamenta Harry.

« La vie n'a pas toujours de sens, mon garçon » répondit la voix de Lily.

La mort non plus, faillit hurler Remus mais il se mordit les lèvres jusqu'au sang pour s'en empêcher. Il devait comprendre le processus, comprendre pour arracher Harry à ces horreurs… comprendre ! Vite !

« Oh pourquoi m'avez-vous abandonné ? Pourquoi ne suis-je pas mort en même temps que vous ? » - continuait Harry, d'une voix tremblante et déchirée.

« C'est pas de ma faute », objecta la voix de James.

« Mon chéri, je voulais tant que tu vives ! » s'écria celle de Lily.

Et cet échange poignant s'abattit comme une douche glacée sur Remus. Ça ne pouvait pas être Lily et James… Non, jamais James aurait répondu à son fils quelque chose d'aussi puéril dans une situation aussi grave. Jamais Lily aurait été aussi grandiloquente ! Ce n'était pas une convocation d'esprits par le sang et la magie noire… c'était une forme plus simple…

Etrangement rasséréné par cette conviction, il regarda la scène d'un œil nouveau. Harry et les deux spectres baignaient dans une lueur étrange et surnaturelle qui semblait définir un espace triangulaire dans le vaste et haut grenier victorien. S'imposant de ne plus prêter attention aux lamentations continuelles de Harry et aux réponses affligeantes des deux formes spectrales, Remus chercha à comprendre ce qui définissait cet espace et soudain il les vit. Trois cristaux posés au sol et le coffret d'or pur, placé en son centre. Des cristaux de Neelps !… Les éléments se mirent en place dans la tête de Remus comme les morceaux d'un puzzle moldu.

Les cristaux de Neelps invitaient celui qui y était soumis sans protection à la mélancolie puis à la dépression. Si l'exposition continuait, ils pouvaient réveiller des tendances suicidaires. Seul l'or pouvait contenir leurs rayons. Un peu à la manière des Epouvantards, ils donnaient une forme matérielle aux pensées les plus inavouables de ceux qui les subissaient… Ainsi les spectres n'étaient que la fabrication de l'imagination de Harry qui déçu par son père adoptif se tournait vers ses parents naturels… si leurs paroles avaient paru puériles à Remus, c'est qu'elles étaient soufflées par Harry lui-même…et non par quelque puissance magique interdite… Seulement ces créations ne pouvaient que reproduire ses pensées les plus funestes et les plus sombres et approfondir encore son désarroi.

A l'instar d'un Miroir du Rised, les cristaux en donnant vie aux désirs inconscients comme tel créait chez celui qui y était soumis une dépendance croissante. Ceci expliquait la fascination d'Harry pour l'écurie et son désintérêt pour toute vie autour de lui. Il préférait revenir dans cette pièce qui donnait une dimension tangible à son désespoir. Remus se souvint avoir lu que les royaumes magiques scandinaves avaient utilisé ces pierres comme punition ultime pendant des siècles. Son esprit s'égara quelques secondes sur l'idée qu'il devait bien exister quelque part un traité qui glosait sur l'humanité des Détraqueurs comparée aux cristaux de Neelps ! Mais il se ressaisit, l'urgence était ailleurs.

Le diagnostic lui redonnait quelques forces. Il savait ce qu'il devait combattre. Mais la même analyse en disait long sur la difficulté de la tâche. On ne pouvait pas lever de l'extérieur un tel sortilège. Les pierres se nourrissaient de l'énergie magique du sorcier qu'elles emprisonnaient, les détruire alors qu'Harry était sous leur emprise était dangereux, voire mortel. Non, il n'y avait qu'une solution : décider son fils à lutter contre leur emprise… le convaincre, l'affronter pour le tirer de la fascination exercée par les pierres et diluer le lien magique entre elles et Harry… lui rendre suffisamment de conscience pour qu'il renonce à l'autodestruction. Remus se demanda vaguement s'il avait une chance alors que son fils doutait depuis près de deux semaines et jouait avec des fantasme de réunion dans la mort avec ses parents naturels depuis sans doute plusieurs jours… Saurait-il le ramener à la vie ? Ignorant son angoisse, il se redressa lentement, sorti sa baguette et déglutit. Puis il fit un pas et appela d'une voix si claire qu'elle lui parut étrangère : « Harry »…

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On n'a pas des idées pareilles tous les jours, ça va courir sur deux chapitres…

Le prochain s'appelle Cristaux… c'est aussi ce qu'il reste quand les larmes sèchent…