L'inné et l'acquis

Je ne cacherai pas me réjouir un peu de vous avoir surpris… moi aussi, finalement, ça m'a étonnée quand c'est venu…

Cyrus (ou Sirius) – puisque telle est la question… il y a ceux qui se posent des questions pratiques Petite Plume, auxquelles j'espère que ce chapitre répondra de manière satisfaisante ;
Il y a ceux qui se demande quelles étaient vraiment ses relations avec le clan Black Lazoule, par exemple. Moi, je le vois se détacher lentement. Etre sans doute dégoûté gamin sans trop savoir pourquoi – la conscience c'est un truc qui vient petit à petit. Et puis, en entrant à Poudlard, petit à petit, se radicaliser… sans doute aussi parce qu'il n'avait pas le choix… On n'est pas totalement rebelle à dix ans, en bref…

Bellatrix… Je pense finalement que ma réponse à Guézanne vaut pour tout le monde Andromaque, Petite Plume : pour moi, la folie de Bella ne peut qu'avoir des causes complexes... mais je l'imagine animée par un sentiment de revanche, de rébellion subtile contre sa famille - les battre à leur propre jeu de sang pur et de mépris pour le commun des sorciers... Je ne dis pas que ce souvenir suffit à lui seul à expliquer toute sa folie, mais il est révélateur de plusieurs choses: son ambition, sa violence possible, sa rivalité avec Sirius... peut-être qu'elle a moins peur de la suite de ce souvenir là, que d'autres souvenirs que Sirius pourrait avoir... peut-être qu'ailleurs j'approfondirai cette idée-là…

Tonks «…pourrait être un peu plus gentille », nous dit Petite Plume
Hum, moi je trouve qu'elle reste relativement lucide et mesurée, toutes choses égales par ailleurs…. C'est « l'instinct maternel qui se réveille », nous dit Andromaque… Oui, pour moi, oui….Je reconnais que je suis pas très gentille avec elle, Alixe et Lunenoire, mais bon, la vie n'est pas toujours gentille…. Neny et Fée fléau attendent visiblement avec impatience la réaction de Remus sur le sujet…alors….

Quant à l' « heureux évènement »... Fée, je ne l'oublie pas mais cette petite Tonks semble avoir une santé de fer, il faut bien le reconnaître…

Trente-sept : Retours

« Votre femme aurait retrouvé le professeur Trelawney », annonça Fudge en levant les yeux du parchemin qu'un de ses adjoints venait de lui glisser.

Remus s'autorisa un haussement de sourcils poli alors que son coeur trouvait de nouveaux motifs d'emballement. Tonks ? Il aimait l'imaginer en sécurité chez eux, ou au chevet d'Harry... avec un oeil sur Cyrus, qui devait être dans un drôle d'état lui aussi... et non à la recherche d'une pauvre folle emprisonnée depuis des mois par une non moins folle Mangemort... Mais sans doute y avait-il aussi peu de chance que Tonks reste dans son lit dans de telles circonstances que d'empêcher un hippogriffe de voler ! Et sans doute n'aimerait-il pas autant la jeune femme si elle ne donnait aussi naturellement et perpétuellement de sa personne !

« Dit-elle où ? » - demanda Dumbledore à sa gauche, sur le même ton qu'il aurait pris pour s'enquérir du lieu de la prochaine coupe de Quidditch.

« Dans un passage de la tour de Divination », répondit Fudge avec un geste évasif de la main. « Elle l'a dit très désorientée et affaiblie »

« On le serait à moins », estima Amos Diggory en face de lui.

Remus ne put s'empêcher de lui donner raison. Sept mois entre les pattes de Bellatrix Lestrange... Désorientée et affaiblie semblaient le moins qu'on puisse dire !

Sauf que Amos pensait qu'elle ne l'avait été qu'une nuit !

Sauf qu'une fois de plus, ils jouaient avec la vérité comme avec une matière magique et plastique !

Peut-être était-ce sa punition pour avoir voulu échapper au destin de seconde zone qui s'offrait à lui !

Le prix...

Il ferma les yeux pour repousser la fièvre et l'angoisse...

Ce n'était pas le moment...

Il ne pouvait simplement pas s'offrir le luxe de la vérité...

C'était aussi simple que cela.

« Elle demande enfin s'il ne serait pas plus judicieux de demander à un Médicomage de venir à Poudlard pour l'examiner avant de décider s'il faut la transférer à Sainte Mangouste... » - reprit Fudge.

« Une question sage », commenta Albus.

Mais Fudge le regardait lui, Remus, comme s'il était capable de révéler un sens subliminal aux paroles de sa femme. Il haussa les épaules et répondit sur le ton le plus négligent qui soit :

« Il me semble en effet que, si nous tombons d'accord pour une version rassurante des événements d'hier soir, il vaut sans doute mieux que Sybille soit soignée discrètement... »

« Il est sans doute en effet, peu utile de faire douter les parents de la sécurité de Poudlard », estima Diggory un peu brusquement. Visiblement, il augurait mal des répercutions d'une telle rumeur sur sa carrière. Mais jusqu'à quel point empêchera-il les fuites ? - se demanda Remus silencieusement.

« Surtout », renchérit doucereusement Severus, « que les défenses de Poudlard ont au contraire montré toute leur efficacité puisqu'à aucun moment la sécurité des élèves n'a été menacée... »

Remus regarda son adjoint, incroyablement marqué par sa nuit – heureusement que je ne me vois pas dans une glace sans doute ! – mais tout aussi extraordinairement efficace... Severus... serait-il libéré par la chute définitive du Seigneur des Ténèbres ? Saurait-il en finir avec les remords ?

« Enfin ! Bellatrix est entrée dans l'enceinte, a kidnappé Trelawney et cherché à enlever Harry, tout de même ! » - intervint Fudge.

« Mais nous avons été prévenus et nous sommes intervenus », rétorqua Remus, détestant mentir mais le faisant avec un tel naturel que personne parmi les conseillers de Fudge ne sembla songer à le mettre en doute. « Nous avons prévenus la Division et le Magenmagot... tous nos plans de sécurité ont fonctionné. »

C'est pour Harry, ce dernier mensonge... pour en finir une fois pour toute avec la prophétie, la rumeur... pour qu'il ait la vie normale qu'il désire ! - se promit-il, fiévreusement alors que sa conscience, indifférente, grinçait : Mais sauras-tu arrêter un jour de mentir, Remus ? Où est la limite entre l'acceptable et l'inacceptable ? Es-tu encore capable de la voir ?

« Oui, nous avons sans doute eu chaud ! » commenta Fudge avec cette sincérité que Remus lui enviait parfois quand il ne la trouvait pas alarmante de bêtise.

« Hum », intervint alors Ombrage, « nous avons toujours à expliquer...hum... la mort de Karkaroff et l'arrestation de... sorciers très...connus et influents... »

« Ma chère Dolorès », commença Dumbledore se penchant en avant, signe qu'il n'allait pas lâcher l'affaire avant d'avoir complètement gagné. « Igor Karkaroff est mort en défendant Poudlard aux côtés des professeurs de l'école... C'est un malheureux incident et nous devons honorer sa mémoire... »

« J'ai prévenu les Bulgares », souffla Diggory, et à sa tête les dits Bulgares n'avaient sans doute pas apprécié la nouvelle. Mais Albus continuait d'affirmer sa vision des faits :

« Maintenant, ceux qui ont répondu à l'appel de Bellatrix Lestrange et l'ont aidé à faire sortir d'anciens Mangemorts d'Azkaban...

Une nouvelle fois, Diggory devint grisâtre et Fudge grimaçait aussi. La trahison de Bartemius Croupton, qui avait bizarrement disparu d'Azkaban quelques heures avant l'évasion massive d'une dizaine de prisonniers, le laissait visiblement désemparé. Une autre entorse à la vérité. Il avait semblé trop complexe d'expliquer au Ministère que c'était le fils, que tous croyaient mort depuis longtemps, qui avait remplacé son père depuis des mois à la direction d'Azkaban...

« Il faut que ce soit simple », avait insisté Dumbledore, alors qu'ils mettaient rapidement au point une version avant de partir pour le Ministère. « Sinon, nous allons finir par nous contredire et Fudge va demander un complément d'enquête.
Bellatrix voulait s'emparer d'Harry avec la complicité d'une poignée de nostalgiques dont certains ont été arrêtés. Sans doute espéraient-ils faire revenir Voldemort en utilisant un procédé de magie noire... Leur plan a échoué. Point. Tournons la page ».

Et Remus s'était demandé encore une fois comment cet homme arrivait à dormir la nuit, comment il tenait physiquement des événements si durs, comment... Mais une fois de plus, il avait accepté.

« Il me semble que le Ministère et le Magenmagot doivent traiter leur cas avec la plus grande fermeté... » - concluait d'ailleurs l'ancien directeur de Poudlard.

« Mais certains sont... des piliers de notre communauté », objecta Fudge du bout des lèvres.

« Des piliers pourris », commenta Severus, et Remus préféra plonger sa tête dans ses mains comme si la fatigue le submergeait plutôt que de montrer le fou rire nerveux qui menaçait.

« Il est sûr que la communauté magique doit... doit se montrer inflexible... jamais nous ne pourrons laisser des mouvements favorables à la magie noire se développer en notre sein », déclara Fudge avec l'air de répéter son futur discours. Ses conseillers opinèrent gravement de la tête.

« Tout à fait Cornélius », approuva Albus sur le ton d'un professeur satisfait des progrès d'un élève, « et il me semble qu'il serait aussi judicieux de réfléchir collectivement à l'avenir d'Azkaban... »

« Oh », soupira Fudge, instantanément dégrisé, « ceci est compliqué... »

« Il suffirait d'accepter l'idée que l'enfermement est une punition suffisante et de remplacer les Détraqueurs par des gardiens... » - glissa Remus, sortant malgré lui de sa prudente réserve. Dans trente secondes, ils vont me rappeler que moi même je ne suis qu'un monstre toléré !

« Il suffirait », commenta Diggory narquois.

« Et que faites-vous des Détraqueurs ? » demanda Fudge, avec pragmatisme. « Vous les imaginez privés de repas réglementés, errant partout dans le pays, lui dérobant à jamais de soleil et de joie ? »

Personne autour de la table ne sembla capable de trouver une réponse simple à cette question.

« Il est sans doute important de ne pas chercher de réponse trop rapide », commença Albus, apaisant.

« Il faut néanmoins quelqu'un capable de contrôler Azkaban ! » - objecta Ombrage.

« La Division doit pouvoir allouer des forces exceptionnelles à cette tâche », indiqua rapidement Diggory.

« Il faudrait parallèlement entamer des négociations avec les Détraqueurs », proposa un conseiller de Fudge.

« Négocier ! » s'exclama Ombrage avec dédain.

« Il parait intéressant de savoir à quel point nous pouvons encore chercher un accord avec eux », intervint doucement Dumbledore. Fudge hocha la tête au grand désappointement de Dolorès.

« Le Magenmagot souhaite-t-il présider une commission d'enquête sur l'avenir d'Azkaban ? » demanda le Ministre.

« Pourquoi pas Cornélius, pourquoi pas... »'

« Ajoutons ces deux points au communiqué », indiqua Fudge à l'un de ses conseillers.

« Si vous me permettez », ajouta Remus, « je me demandais si on ne pouvait pas rassurer les parents en les invitant à venir à Poudlard le week-end prochain... Le Tournoi est annulé, bien sûr, mais on peut imaginer quand même de féliciter les trois champions, qui étaient à égalité après la dernière épreuve, et peut-être d'organiser un match de Quidditch...ou quelque chose du même ordre... »

Fudge de nouveau sembla ravi :

« Oui, ajoutons cela ! »

« Pourquoi ne pas donner la coupe symboliquement à Durmstrang pour les honorer... ça serait délicat envers les Bulgares », suggéra le même conseiller que précédemment. Sa proposition fut unanimement acceptée.

Dumbledore et Remus échangèrent un regard entendu ; ils avaient gagné, personne ne s'inquiéterait des invraisemblances et des imprécisions de la dernière soirée, maintenant que le bilan était diplomatiquement aussi flatteur.
Il était temps de rentrer à la maison !

00

En sortant du Ministère, Remus et Severus choisirent de revenir par le Pré-au-lard plutôt que d'utiliser les cheminées du château. Il était dix heures du matin maintenant, mais l'heure n'avait aucun sens par rapport à leur fatigue. Ils étaient épuisés, mais ni l'un ni l'autre n'aurait songé à s'écrouler sur un lit. Leurs corps semblaient encore mobilisés par des doses trop importantes d'adrénaline.

« Si on arrive dans le Grand Hall, on a intérêt à avoir un petit discours tout prêt », avait remarqué Severus.

« Marcher ? » avait proposé Remus.

« Marcher est une bonne idée »

Ils avaient transplané un peu en dehors de Pré-au-lard, sur le chemin de Poudlard et la chance leur avait offert un endroit désert. Remus ne pensait pas qu'il échapperait longtemps aux discours et aux explications publiques, mais il chérit cet infime répit d'une marche silencieuse, sans enjeu, sans mensonge, sans sourire… du silence et une nature printanière…. Un bain de Jouvence en quelque sorte…

Carley Paulsen et deux Aurors gardaient encore les grilles du château ; ils leur ouvrirent sans poser de question.

« Je crois savoir que vous allez être bientôt relevés » leur annonça Remus.

«Tant mieux », répondit Carley, « dites à Tonks… nous sommes tous avec elle !»

« Je lui dirai ! Merci », répondit Remus en se rendant compte qu'il ne souhaitait rien d'autre que tenir sa femme entre ses bras.

Ils reprirent leur marche silencieuse et quand Poudlard apparut dans toute sa splendeur, Remus s'arrêta et Severus fit de même.

« Rien que pour cela », murmura ce dernier.

« Pardon ? »

« Je veux dire, Poudlard mérite nos compromissions, non ? »

« Nos compromissions en disent sans doute long sur nous », reconnut Remus, touché par la confession de Severus.

« Plus que le reste », confirma son adjoint.

Il y avait beaucoup d'élèves dehors, surtout devant le palais de cristal de Beauxbatons et les tentes bulgares et ils levèrent des regards curieux sur les professeurs qui s'approchaient.

« Je ne crois pas qu'on puisse y échapper », soupira le Maître des Potions.

« Il n'en a jamais été question », répondit Remus, qui invita de la main les élèves à se réunir.

« Je sais que vous aimeriez en savoir plus que les événements de cette nuit mais… j'aimerais ne pas redonner dix fois les mêmes explications… Je promets de répondre ce soir à toutes vos questions… En attendant, sachez seulement que le pire a été évité et que tout le monde est en sécurité maintenant… Essayez de profiter de ce 'dimanche' supplémentaire et d'entourer vos camarades de Durmstrand qui ont perdu leur directeur… »

« Monsieur, Harry… ? » demanda une jeune fille derrière Remus. Il se retourna et rencontra les yeux sombres et inquiets de Cho Chang.

« Selon Madame Pomfresh, il est juste épuisé… »

« Professeur, c'était vraiment Bellatr… »

« M. Flint, j'ai dit que je répondrais aux questions ce soir. »

Les élèves avaient l'air globalement déçus de ne pas en savoir plus mais ils s'écartèrent pour les laisser atteindre le Grand Hall. Flitwick apparut alors pour les accueillir.

« Minerva vient juste de se résoudre à aller prendre du repos… on a laissé les élèves s'occuper tout seuls »

« Je ne pense pas qu'il y ait eu autre chose à faire, Filius », répondit Remus, entendant les inquiétudes de son subordonné. « Moi-même, je compte essayer de me reposer un peu… je parlerai aux élèves ce soir… Mais je vais aller voir Harry…»

Les deux hommes acquiescèrent en silence et le laissèrent s'éloigner seul vers l'infirmerie. Remus y trouva Madame Pomfresh en train de consoler et traiter un jeune garçon dont la tête était couverte de tentacules verts.

« Intéressant ! » commenta-t-il.

« Une nouveauté de chez Zonko », lui expliqua Popy, l'air réprobateur, « le troisième de la semaine ! »

Remus songea qu'un monde où l'essentiel de la créativité humaine s'emploierait à créer des blagues serait sans doute une belle utopie mais il garda cette opinion pour lui.

« Yearling, c'est ça ? »

« Oui, monsieur. »

« J'imagine que tu sais qui c'est ? »

L'enfant haussa prudemment les épaules. Il sait, comprit Remus.

« Tu préfères t'en occuper toi-même ? »

Cette fois, même un haussement d'épaule parut dangereux au jeune Serpentard.

« Je comprends qu'il est important pour toi de mettre les rieurs de ton côté », reprit Remus, « mais on a créé des règles pour éviter que chaque blague tourne à la vendetta… »

« Ils sont plus grands que moi, monsieur », finit par répondre l'enfant. « Et je pense que ça m'est tombé dessus par hasard… Tous les Serpentards sont des Mangemorts, quelque chose de ce goût là ! »

Charmant, soupira Remus.

« Parlerions-nous des jumeaux Weasley ? »

« Je n'en suis pas sûr, monsieur… »

Honnête… un honnête et prudent Serpentard…

« Monsieur Yearling, je prends bonne note de votre incertitude », lui répondit-il avec un sourire las. Il se promit de mener une enquête personnelle sur la question.

Mais la demi-heure suivante, assis sur une chaise au pied du lit de Harry, il s'était simplement laissé émouvoir par le rythme de sa respiration, l'abandon de sa tête, la jeunesse de son visage… Il ressemblait tellement à ce petit garçon qu'il avait adopté ! Poppy dut revenir trois fois lui répéter que lui aussi avait besoin de repos pour qu'il obtempère.

Chez lui, il resta trente secondes le dos à la porte, laissant ses sens, tous ses sens, même ceux qu'il repoussait d'habitude, se convaincre qu'il était bien rentré. L'odeur de Tonks le saisit et il s'avança, presque sans s'en rendre compte. Il s'arrêta en la découvrant endormie sur le canapé.

Elle m'attendait ?

Très doucement, il s'assit au pied du canapé, espérant se nourrir de son abandon comme il venait de le faire avec Harry. Mais, il n'eut pas le temps de s'asseoir sur le au sol qu'elle sursauta, ouvrant les yeux d'un seul coup, les doigts crispés sur sa baguette.

« Oh, Remus, c'est toi ? »

Il s'abstint de toute blague.

« Tu serais mieux dans un lit, non ? »

Elle haussa les épaules et se redressa, se reculant dans le canapé comme pour éviter son contact physique et cela le surprit mais il s'adjura de ne pas en tirer de conclusions trop hâtives.

« Il est quelle heure ? »

« 11 heures, je crois… quelle importance ? »

Elle sourit brièvement.

« Alors ? »

« Alors ? »

« Le Ministère »

« Ils sont ravis que tu aies retrouvé Sybille ! »

Tonks se rembrunit immédiatement et détourna les yeux. Le cœur de Remus décida qu'il avait le droit de s'inquiéter :

« Tonks, qu'est-ce qu'il y a ? »

« Autant… autant que tu saches… » - murmura-t-elle, sans le regarder. « On n'a pas trouvé Sybille par hasard… Bellatrix nous a dit où elle était. »

« Bellatrix ! »

« On est d'abord allé la chercher dans l'appartement, mais rien. J'ai pensé que peut-être j'arriverais à la faire parler, alors… on y est allé. » Elle se retourna brusquement vers lui et expliqua précipitamment : « Oh, Remus, y aller seule paraissait un peu risqué et puis j'avais si peur qu'il ne rentre pas ! Mais c'était une connerie ! Même si c'est lui qui a réussi à la faire craquer ! »

« Tonks, je ne comprends rien. Qui est venu avec toi ? »

« Cyrus », souffla la jeune femme.

« Cyrus ? »

« Oui, je sais, c'était une connerie », répondit Tonks très bas.

« Tu as emmené Cyrus voir Bellatrix ? »

Il y avait des choses qu'il fallait établir avant de pouvoir y croire.

Tonks sembla chercher des mots puis décida d'aller au plus court : « oui »

Son cœur protesta contre cette nouvelle angoisse, mais il ne l'écouta pas :

« Et ? »

La jeune femme se recula de nouveau dans le canapé et Remus sentit qu'il perdait définitivement le contrôle de son muscle cardiaque.

« Un truc incroyable… il a… il lui a imposé de se souvenir… ou imposé un souvenir… »

« Un souvenir ? » demanda Remus, sans être bien sûr qu'il comprenait sa propre question. Elle hocha la tête et il osa une hypothèse : « Un souvenir de Sirius ? »

« Oui… ils étaient des gamins et à une fête de famille, les parents Black auraient dit à Bellatrix qu'elle… enfin que son avenir, c'était le mariage… après ils se serait battus, Sirius et elle.. ; elle avait perdu tout contrôle sur elle-même et … l'oncle Alphard est arrivé… »

Les explications de Tonks ne l'aidaient en rien. Remus se fichait des malheurs de Bellatrix.

« Et ? » demanda-t-il, retenant son exaspération.

« Et, je ne sais pas parce que Bellatrix a craqué et nous a dit où était Sybille »

« Oh » Le récit prit son sens… Cyrus avait réduit Bellatrix à la collaboration… réduire Bellatrix… Finalement, sa colère revenait se fixer sur cette femme qui deux fois dans la même nuit, avait mis ses fils en dangers.

« Mais ce n'est pas tout, Remus… » - intervint Tonks. « Ensuite, elle a profité qu'il se relâche pour… pour essayer de prendre son contrôle… j'ai… je suis intervenue… je l'ai désarmé et je l'ai jeté dehors… Je veux dire Cyrus…»

« Tonks… »

« Et j'ai modifié la mémoire de Bellatrix », termina la jeune femme, proche des larmes. « Oh, je suis désolée, Remus, j'ai… j'ai perdu le contrôle de ce qui se passait ! »

Remus mesura son désarroi. Dans des éclairs de son imagination, il crut entrevoir la scène et frissonna. Sa peur avait dû être immense. Il aurait aimé trouver quelque chose à dire mais rien ne venait.

« Sirius était légilimens ? » demanda soudain Tonks et il comprit que, depuis des heures, elle devait chercher des réponses.

« Non...pas que je sache »

« Tu l'aurais su, non ? »

« Je crois », répondit Remus, repoussant tous les mauvais souvenirs qui empoisonnaient ses dernières relations d'adulte avec Sirius Black. Qu'il devait être fatigué pour se laisser envahir de nouveau par ces amertumes dont il croyait s'être débarrassé à jamais !

« Alors, comme il a fait cela ? » insista Tonks.

Remus haussa les épaules et vint s'asseoir sur le canapé à ses côtés. Il prit résolument sa main - il n'y avait qu'ensemble qu'ils pourraient faire face à tellement de culpabilité, au rappel des limites de leurs forces.

« Je pense que c'est une question que nous devrons lui poser, pour autant qu'il ait la réponse. »

« Nous ? Tu ne crois pas que j'en ai assez fait ? »

« Tu crois que je peux me passer de toi ? » La question avait plusieurs sens et Tonks se serra contre lui. « Il est où, là ? »

« Dans sa chambre,… je… je l'ai envoyé dormir ici… »

Remus hocha la tête, cherchant ce qu'il devait faire et dans quel ordre. Tonks posa sa deuxième main sur leurs deux mains enlacées :

« Il faut aussi que je te dise… quand je l'ai sorti de la pièce… je… je l'ai frappé »

Remus laissa les mots entrer en lui.

« Je sais que j'aurais dû m'occuper de lui, le rassurer mais j'étais… trop en colère, je crois», reprit-elle.

« Tu as eu très peur »

« Je… j'ai eu peur toute la nuit, Remus mais j'ai serré les dents en me disant que la peur empêchait de bien réagir mais là, j'ai été prise au dépourvu… »

Tonks refusait son absolution.

« Qui ne l'aurait pas été… » - insista-t-il.

« Il doit me détester », souffla la jeune femme.

« C'est sans doute moins inquiétant pour lui de rencontrer ta colère sur le moment que de ne pas savoir à quoi s'en tenir », répondit Remus, après un instant de réflexion. Il ne servait sans doute à rien de dire qu'il aurait sans doute fait la même chose, toute relation est unique. « Lui aussi a dû avoir très peur quand… »

Un déclic dans leur dos l'arrêta net. Ils se retournèrent tous les deux pour voir Cyrus, en pyjama, sur le pas de sa porte. Il est entier, se surprit à s'émerveiller Remus

« Tu es là, Papa ? »

« Je viens de rentrer.»

Cyrus hésita puis battit en retraite.

« Je vais vous laisser discu… »

« Non, viens donc avec nous », l'interrompit Remus. Il n'y avait sans doute rien à gagner à ne pas vider l'abcès au plus vite.

Cyrus obéit, mais s'assit sur le canapé à côté de lui avec circonspection, comme s'il se méfiait des raisons de cette invitation. Il avait pris cette expression sombre et insondable qui lui était si propre, mais Remus sentit combien elle cachait mal sa nervosité. Visiblement, mon amour, tu as réussi ton effet ! Je l'ai rarement vu se sentir aussi coupable !

« Je venais te parler, Ma… Tonks », annonça d'ailleurs Cyrus.

La démarche toucha Remus dans tout ce qu'elle disait de Cyrus, de ses regrets et de son courage. Il espéra que Tonks entendait cela aussi. Il décida de ne rien dire.

« Je… j'ai déconné ce matin… je … j'aurais jamais dû faire ça… » - murmura Cyrus à sa droite.

Tonks, à sa gauche, leva les yeux au ciel et demanda :

« La question est plutôt comment as-tu pu imaginer qu'un truc pareil était une bonne idée ? »

Remus faillit sourire. Depuis des mois, il s'attendait à ce que Tonks perde cette dernière timidité qui faisait qu'elle se tenait en retrait dans toutes les conversations avec les garçons du moment qu'il était là. Il regretta seulement qu'il ait fallu tant de peurs pour y arriver.

« Je sais pas... » - murmura Cyrus. Comme ni Remus ni Tonks n'eurent l'air de croire qu'il pouvait en rester là, il se tortilla un peu sur le canapé avant de se lancer :

« Je sais, j'avais promis de rien dire et de rien faire sans que Tonks ne le demande... et je m'y tenais ! » - commença-t-il avec la visible intention de convaincre Remus, qui hocha la tête magnanime.

« Mais ELLE ne voulait rien dire », ajouta Cyrus ensuite avec une colère rentrée. « Elle cherchait à provoquer Tonks... avec une sorte de... désespoir... et ... je me suis souvenu... Je le suis souvenu d'elle...avant... de ce que Sirius pensait d'elle... Et, avant même que je ne m'en rende compte, j'ai revu cette fois, une des premières fois où elle a pété les plombs contre lui... Et si l'oncle Alphard n'était pas arrivé, je serais sans doute pas là aujourd'hui avec vous... Je me suis dit qu'elle n'aimerait pas revoir ça... revoir sa propre défaite...Et ça a marché... »

Tonks allait sans doute émettre un bémol à cette dernière conclusion, mais Remus intervint :

« Comment as-tu su comment faire ? »

« Je sais pas, Papa... J'ai su le faire, c'est tout... Je crois que Sirius avait lu que c'était possible... Et moi, je suis un peu légilimens... »

Il haussa les épaules.

« Vous avez fait ça ensemble, en quelque sorte ! » - ironisa un peu nerveusement Tonks.

« Mais... » Cyrus soupira. « Je suis lui, Mae, et il est en moi... J'ai accès à ses souvenirs, il peut utiliser ce que je sais... Je vais pas me cacher derrière quiconque... C'est moi...d'une manière ou d'une autre, c'est toujours moi ! »

La sincérité de l'aveu les réduisit tous les trois au silence.

« Je suis un monstre », murmura Cyrus finalement.

« Cyrus ! » - s'exclama Remus, mais Tonks s'était levée et prenait les mains du garçon :

« Je t'interdis de dire des choses pareilles, tu m'entends ! Les monstres se sont ceux qui détruisent la vie des autres ! Pas ceux qui essayent de leur donner tort, Cyrus ! Tu m'entends ? »

Cyrus leva des yeux trop brillants et elle le prit contre elle.

« Je suis désolé, Mae », répéta –t-il un peu mécaniquement.

« T'as pas intérêt à me jouer encore des tours pareils, Cyrus Lupin ! » répondit-elle, aussi émue que lui.

Remus se dit qu'il ne pouvait pas rester uniquement spectateur.

« Il serait même bienvenu que tu t'y engages, Cyrus », annonça-t-il.

« Quoi ? »

« J'aimerais bien savoir si… si tu aurais pu éviter ce qui s'est passé », explicita Remus.

« Tu veux dire ne pas laisser Bellatrix me contrôler ou… »

« A ton avis ? » demanda Remus, plus incisif que précédemment.

« Hum… Mais on ne saurait pas où est Sybille ? » - objecta Cyrus avec cette candeur qui pour Remus le distinguait définitivement de Sirius. Sirius n'avait jamais été candide à sa connaissance.

« Tu ne crois pas que les Aurors l'auraient faite parler ? »

« Cyrus, on aurait jamais dû y aller », s'immisça Tonks, « ça, c'est de ma faute… mais nous étions par définition beaucoup trop vulnérables pour cette conversation ! »

Cyrus les regarda l'un et l'autre et soupira.

« Là, ça va être ma fête ! »

Tonks regarda Remus qui essaya de laisser parler son cœur :

« J'ai peur Cyrus quand je te vois te croire indestructible… Je m'inquiète quand je te vois expérimenter dans des conditions extrêmes des pouvoirs que tu ne maîtrises pas… Je me fiche des résultats, je voudrais… Jusqu'où iras-tu, Cyrus? »

Cyrus lui jeta un regard de biais, ravala visiblement plusieurs réponses, puis il essaya de poser sa main sur la sienne :

« J'oublie parfois… j'oublie que j'ai des limites physiques », murmura-t-il. « Je voudrais… je voudrais tellement vous aider… »

« Pourtant tu es revenu cet nuit, quand je te l'ai demandé », lui rappela Tonks très doucement, se rasseyant à ses côtés.

« Oui. »

« Donc tu en es capable, tu es capable de prendre la mesure des dangers, il faut juste que tu t'y efforces », conclut la jeune femme. Remus décida qu'il ne voulait pas savoir de quel autre épisode ils parlaient.

« Tu veux dire que j'ai pas assez voulu ? »

« Je veux dire que tu t'es laissé emporter par la colère parce que Bellatrix… n'est pas n'importe qui pour toi, qu'elle a réveillé de très profondes blessures en toi… Mais je crois que tu en es capable. »

Cyrus opina un peu nerveusement et Remus le serra contre lui :

« Personne n'a dit que tu dois y arriver tout seul et tout de suite… »

Il y eut un silence profond qui les rapprocha encore. Ce fut Remus qui le brisa en indiquant, avec une autodérision douloureuse :

« D'ailleurs, il est important que nous respections tous bien la version que nous avons établie auprès du Ministère. A savoir, Bellatrix et une poignée de Mangemorts ont cherché à s'emparer de Harry dans l'espoir de … de ramener Voldemort parmi nous… comme ses camarades et toi, Cyrus, se sont rendus compte que quelque chose d'anormal, nous avons pu intervenir à temps… »

« Pas de prophétie ? » interrogea Cyrus avec cet air curieusement sérieux qu'il était capable d'afficher parfois.

« Non », répondit Remus sur le ton de la confession. « Nous avons pensé que c'était mieux pour Harry », ajouta-t-il en guise d'explication.

« C'est bien », estima Cyrus.

« De toutes façons, ils n'auraient jamais rendu la vérité publique », commenta Tonks.

Et Remus n'aurait pas su lequel des deux assentiments le rassérénait le plus.

« Bellatrix sera interrogée demain », ajouta-t-il, par pur souci d'information. Cyrus se rembrunit et murmura :

« Oh, pas bon, ça »

Remus se tourna vers Tonks qui leva les yeux au ciel et annonça presque à regret :

« Elle ne devrait pas pouvoir dire grand-chose… Si j'ai pas trop merdé.»

Cyrus fronça les sourcils, regarda Remus et se risqua à la seule interprétation possible :

« Tu… tu as… tu as modifié sa mémoire ? »

« J'aurais préféré faire autrement »

Cyrus secoua la tête et murmura

« Je t'ai vraiment fichue dans la merde ! »

Tonks ferma les yeux et acquiesça.

« Disons que tu m'as mis en face de mes responsabilités », finit-elle par dire avec un sourire las.

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On va continuer ensuite à terminer l'année - je pense qu'il faudra trois chapitres encore…
Le suivant s'appelle Rebours, comme quand on compte les jours, comme quand on ne sait pas comment prendre les autres….