L'inné et l'acquis

Tout ce que vous reconnaiseez est à Elle, toutes les fautes évitées et les fous-rires reviennent à Alixe et Vert… mais laissez-moi quand même de vos nouvelles !

Je sais Petite Plume, en finir avec Fudge serait tentant…

Oui Alana, j'imagine qu'on sent la fin et c'est pour le moins de faire grandir Cyrus…
Il semble d'ailleurs que vous le cerniez mieux (Petite plume, Lunenoire…) – moi aussi sans doute… Oui, Lyane, je pense qu'il sera très puissant – que fera-t-il de cette puissance ? Hum, j'ai bien de petites idées en tête mais… j'hésite entre un épilogue à la Alixe (10 ans de la vie de tout le monde) ou des petites suites publiées à part…. on verra…

Est-ce que le couple Lupin est bien équilibré ? Pourquoi Tonks n'est-elle pas plus fière des résultats qu'elle a en effet obtenus ? Autant de bonnes questions posées par Guézanne et Fée Fléau
Je ne jugerai pas de l'égalité comme fondement du couple Lupin mais, sans doute, Tonks garde un complexe d'infériorité, que j'aimerais appeler un complexe d'inexpérience… Je pense aussi qu'elle craque de toute cette nuit passée à affronter des horreurs (n'est-ce pas, Alixe ?) Enfin elle a trahi son serment d'Auror (comme le fait remarquer très justement Lyane)
Je ne dis pas qu'elle a raison : Remus se sent aussi coupable (dans une version antérieure, il le lui disait d'ailleurs) ; d'ailleurs, il ne la juge pas un instant – s'inquiétant plutôt de l'état de Cyrus ; et elle prouve à la fin qu'elle est tout à fait à la hauteur de la tâche parentale dans laquelle elle s'est risquée… Ce sont ses sentiments que j'ai mis en avant, pas une « réalité ».

Enfin, tout triomphalisme me paraîtrait bien irrespectueux du prix payé.

Trente-huit – Rebours

« Je ne sais pas ce que vous faisiez de vos journées, Madame Lupin, mais c'est fini », conclut le gynécomage en terminant son examen.

Il ne manquerait plus que ça continue ! - ne put s'empêcher de penser Remus avec le cynisme désespéré du survivant d'un naufrage. Mais il lut le désarroi dans les yeux de sa femme et il demanda plus sobrement :

« Quelque chose ne va pas ? »

« Si je vous dis que votre femme n'a jamais été aussi près d'accoucher, je ne vous étonnerai pas, n'est-ce pas ? » - expliqua le médicomage, rassurant mélange d'autorité bourrue et de sympathie moqueuse. « Ce sont des jumeaux - et deux beaux bébés ! - Je n'ai jamais espéré que nous les amenions à terme. Néanmoins, chaque jour de plus est une sécurité pour eux, et là... le processus est en marche et vous pourriez accoucher d'un jour à l'autre... »

« Nous avons eu des semaines un peu agitées », reconnut Remus. Mme Pomfresh, qui avait demandé la venue du spécialiste, leva les yeux au ciel.

Un peu agitées, pensa Remus. Agités comme les nuits et les jours d'Harry après son affrontement avec Voldemort. Des nuits peuplées de monstres divers, de créatures des ténèbres inédites et d'angoisses toutes aussi insurmontables. Aucune potion n'avait semblé capable d'en venir à bout et Severus avait prévenu qu'ils atteignaient des doses toxiques. C'était finalement en rentrant dans sa chambre d'enfant, dans la sécurité de l'appartement directorial, que ses crises s'étaient espacées et qu'il avait commencé à prendre le repos qui s'imposait.

Mais évidemment il avait fallu, pendant la même période, faire face à l'enquête des Aurors – bien moins anodine que Remus ne l'avait anticipée. Seul, le caractère décousu et fanatique des propos de Bellatrix Lestrange avait fini par rallier les plus sourcilleux à la version de Dumbledore et Remus. « Un joli paradoxe », avait sombrement commenté Tonks en sortant du Magenmagot. Remus avait, une fois de plus, choisi de garder ses propres angoisses pour lui.

Le jour suivant ou presque, il avait dû présider à la remise de la coupe du Tournoi – en présence de beaucoup de parents d'élèves de Poudlard venus vérifier que leur progéniture allait bien - venus aussi voir Harry, il fallait bien le reconnaître. Quelques parents français avaient même fait le déplacement et à la foule qui se pressa se week-end là dans les rues de Pré-au-lard et dans le parc de Poudlard, on se serait cru à un tournoi de Quidditch.

Malheureusement l'ambiance n'avait rien d'aussi festif – et l'hommage rendu à la dépouille de Igor Karkaroff était venu le rappeler. Remus avait laissé Fudge faire le discours, se contentant d'accueillir et accompagner pour l'occasion le fameux et redouté Claudius Vildon. L'homme lui avait paru aussi hautain que sa fille et d'une ambition affichée inquiétante. D'ailleurs, la dizaine d'élèves de Durmstrand l'avait accueilli avec une évidente circonspection. Le soir même, les deux écoles invitées étaient reparties mettant un point final amer à ce qui avait commencé comme une belle fête. Avant de remonter dans son carrosse, Mme Maxime l'avait invité à lui rendre visite avec « touteu sa charmanteu petiteu familleu ». Comme l'idée avait semblé plaire à Tonks, il avait essayé de sourire.

Il aurait alors été temps de préparer l'école pour les examens qui approchaient lorsqu'il avait eu la surprenante visite d'Andromeda sollicitant, très protocolairement, une audience exceptionnelle.

« Andromeda ! Tonks ne m'avait pas dit que vous veniez ! » - l'avait-il accueilli, souriant.

« Bonjour, Remus. Ma fille ne vous a rien dit parce qu'elle ne sait rien de ma visite », avait répondu Andromeda sur un ton aimable mais déterminé qui avait instantanément mis Remus en alerte. Les sourcils légèrement froncés, il avait eu un geste poli de la main pour l'inviter à s'asseoir.

« Soyez sûr, Remus, que mon ambassade me pèse », avait confirmé sa belle-mère après quelques secondes de silence. « Mais maintenant que je l'ai acceptée je n'ai d'autre issue que de la mener à bien... » - avait-elle ajouté comme à regret ou comme un conseil à elle-même. Elle avait encore soupiré avant d'expliquer : « Je suis venu chercher Drago. »

« Drago ? »

« Drago Malefoy » - avait-elle précisé - comme s'il y en avait eu un autre à Poudlard.

« Le chercher ? »

« J'ai un pouvoir », elle avait sorti de ses ambles robes un parchemin roulé très serré, « rédigé par sa mère et qui me donne l'autorité pour le faire »

Elle avait posé le document devant elle sur le bord du bureau directorial. Remus avait dû se pencher pour l'attraper. Se faisant, il avait été sûr que sa belle-mère l'avait fait exprès. Et il s'était rappelé qu'elle était après tout, elle aussi, une Black. Je devrais m'habituer à leurs façons de faire, avait-il pensé. De nouveau appuyé contre son fauteuil, il avait pu vérifier que Narcissa chargeait sa soeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour retirer Drago de Poudlard au plus vite.

« Je n'aurais qu'une seule question Andromeda », avait-il commenté en roulant le parchemin. « Pourquoi ? »

« Vous voulez savoir pourquoi je rends ce service à ma soeur ? » avait demandé sa belle-mère avec une certaine fraîcheur.

« J'avoue que votre soudaine proximité avec Narcissa m'étonne à titre privé », avait reconnu Remus. « Mais, en tant que directeur de Poudlard, je me demande pourquoi ne pas attendre simplement la fin de l'année ? »

« Je ne pourrais vous répondre que quand vous m'aurez promis de le laisser partir », avait répondu Andromeda, continuant cet étrange mélange de contrôle sur elle-même et de sincérité.

« Puis-je réellement m'y opposer ? »

« Narcissa craint que vous demandiez l'arbitrage du Ministère », avoua Andromeda, semblant soudain revenir complètement à ses premières loyautés.

« Je vais me répéter, Andromeda, la demande est insolite mais elle n'est pas contraire au règlement - c'est une école, ici, et non une prison... Si un parent souhaite retirer son enfant, pour quelques raisons que ce soit, je n'ai aucun pouvoir pour m'y opposer !»

« Narcissa et Lucius ont quitté l'Angleterre », lui avait appris sa belle-mère d'un air sombre. « Ils ne souhaitent pas que ça se sache trop vite... Ils ont négocié un accord avec les Gobelins pour transférer tous leurs biens... »

C'est ce que Severus pensait qu'ils allaient faire, se rappela Remus. Il pensait que Vildon allait les décider à l'exil, loin d'une communauté qui préfère les Loups-garous aux sangs-purs...

« Alors pourquoi ne pas attendre deux semaines, et la fin des examens, avant de retirer Drago ? » avait-il quand même demandé. « Ils attireraient bien moins l'attention sur eux... »

Andromeda avait soupiré.

« Narcissa est dans tous ses états...Elle a peur que Bellatrix craque...Elle ne supporte pas de savoir Drago, ici, dans le lieu même... enfin... Je ne pense pas qu'elle mesure toutes les implications de ses décisions... »

« Et Lucius ? » avait encore questionné Remus.

« Lucius ne voit qu'une chose, si Drago vient maintenant, il pourra intégrer Durmstrand et passer les épreuves de fin d'année dans sa nouvelle école... Oui, c'est un aveu volontaire, Remus... » - reconnut sa belle-mère. « Comme je vous l'ai dit, j'ai accepté par... sensiblerie... Je n'ai pas supporté Narcissa en pleurs dans mon salon... »

Remus n'avait pus que soupirer, comme il avait soupiré ensuite à chaque fois qu'il avait pensé à ce rassemblement de Mangemorts qui se reconstituait en Bulgarie. Mais il n'avait pas réellement vu au nom de quoi et pourquoi il empêcherait Drago de partir. Il avait juste insisté pour parler lui-même au jeune garçon, qui l'avait écouté avec un tel mépris affiché qu'il lui en avait coûté de finir sa phrase : « N'oublie pas, Drago, qu'on a toujours le choix... bien sûr la famille est une chose importante et puissante mais en fin de compte, le rôle qu'on y joue est personnel ! » Il ne pensait pas l'avoir ébranlé de quelque façon...

La voix un peu tendue de Tonks le tira brusquement de la rêverie un peu inquiète où la mention des dernières semaines l'avait plongé :

« Mais ils vont bien, n'est-ce pas ? »

« Oui, oui » répondit le gynécomage, avec le même air bourru. « Mais vous, je ne veux plus vous voir debout ! »

Mme Pomfresh dans son dos avait opiné du chef comme pour renforcer cette indication. Tonks avait soupiré avec l'air d'une toute petite fille à qui on refuse une nouvelle poupée, mais avait accepté.

« Ça va faire une maisonnée bien calme », avait d'abord songé Remus « entre Harry qui passe ses journées à dormir et Tonks qui ne pourra plus courir partout ! »

Mais les jours suivants lui avaient donné tort.

D'abord Tonks n'avait pas été longue à découvrir que si elle ne pouvait plus se déplacer, ce n'était pas le cas des autres. Elle instaura donc des thés de révision avec ses étudiants de cinquième, sixième et septième années. Ils s'habituèrent étonnamment vite à s'asseoir par terre autour du grand canapé de cuir où elle restait allongée et à piocher dans l'immense bibliothèque personnelle du directeur de Poudlard. Remus, qui avait toujours essayé de séparer les deux mondes et qui reconnaissait avoir une maniaquerie compulsive quand il s'agissait de ses livres, eut un peu de mal à l'avaler.

Tonks ne fut pas beaucoup plus longue pour penser à réquisitionner des dizaines d'elfes pour des tâches incroyablement nombreuses qu'elle décrétait nécessaire pour préparer l'arrivée des jumeaux.

« Le médicomage a dit d'un jour à l'autre, Remus », répétait-elle comme un mantra quand il demandait si tout cela était bien nécessaire.

« Il a dit aussi que ça pouvait durer des semaines ! »

« Qu'est-ce qui te gêne de plus, Remus que les elfes m'aident ou que tu ne puisses pas contrôler tout ça ? » avait –elle perfidement rétorqué. Il avait battu en retraite avec fatalisme.

Dans un dernier essai pour mettre un holà à tous ces remue-ménage, il avait fait remarquer que ça allait déranger le repos d'Harry, mais celui-ci, au contraire, avait semblé réaliser brusquement, en croisant les élèves de sa belle-mère, le temps qu'il avait passé à dormir.

« Mais Papa, les examens sont dans moins d'une semaine » s'était-il exclamé un matin. « Il faut que je travaille ! »

« Harry, je me fiche comme d'une guigne que tu passes ou non tes examens », avait-il essayé. Il le pensait sincèrement d'ailleurs. « Tu n'as rien à prouver à qui que ce soit ! »

« Pourquoi ? » - avait demandé Harry, s'échauffant petit à petit. « J'ai réalisé mon destin, c'est ça ? A quoi bon en faire plus maintenant ? Je ferai jamais mieux qu'exploser Voldemort ! »

Remus s'était figé au milieu de salon, incertain de bien comprendre, incertain de ce qu'il devait dire ou faire. Avait-lui voulu exposer son fils adoptif à tant de dangers ? N'avait-il pas, jusqu'à la fin, essayé que la survie d'Harry ne soit pas synonyme de monstruosité ? Il se sentit incompris et se tourna vers Tonks qui les observait derrière sa tasse de thé avec un intérêt non dissimulé mais une distance claire – aucun espoir de soutien de ce côté-là.

Il savait ce qu'elle pensait : qu'il n'avait pas pris assez de temps avec Harry, qu'ils n'avaient pas suffisamment parlé de ce qu'il s'était passé. Il ne lui donnait pas tort mais il ne voyait pas comment il aurait pu matériellement faire autrement. Il ne pensait pas non plus que le tour que prenait la conversation constitue un bon début.

« Harry... » - souffla-t-il.

« C'est crétin, c'est ça ? » intervint son fils, lui faisait face et posant la question incroyable : « Pourquoi tu n'as jamais demandé ce que je voulais faire plus tard, hein ? »

Voilà autre chose !

« Parce que tu me croyais sans avenir, c'est ça ? Voilà pourquoi ! » - asséna le jeune garçon aux yeux verts étincelants en face de lui.

Et maintenant, une petite crise d'adolescence, constata Remus avec des émotions très confuses. Le fond était d'une injustice inacceptable mais, en même temps,... C'était la vie, la vie qui revenait en flots impétueux et désordonnés. L'avenir, les avenirs possibles... Il décida prendre comme une augure heureuse la faculté d'Harry à dépasser l'épreuve inutile et cruelle qui lui avait été imposée.

Il prit néanmoins le temps de peser minutieusement sa réponse. Il fallait toujours prendre la vie au sérieux. Tant pis si Harry le reprocherait sans doute, encore, de tergiverser et de calculer ses effets. Préférerait-il que je lui hurle dessus comme il le fait ?

« Est-ce que je t'ai jamais donné l'impression de manquer d'intérêt pour tes études, Harry ? » » - demanda-t-il calmement, notant le sourire que Tonks dissimula dans sa tasse comme un bon point. « Honnêtement ? »

Mais Harry n'hésita pas longtemps :

« Et soudain, ça n'a plus d'importance ? » demanda-t-il à peine moins véhément.

« Ta santé en a plus pour moi », expliqua Remus mais la vérité, une fois de plus, sembla avoir du mal à imposer sa crédibilité.

« Ma santé ? » éternua Harry.

OK. Tu ne me laisses pas le choix ! - s'agaça Remus. Moi aussi, je peux être de mauvaise foi, tu vas voir !

« Tu t'estimes en pleine forme ? » demanda-t-il sur le ton de la conversation.

« Tout à fait ! » affirma Harry.

« Donc, tu n'auras aucune excuse, nous sommes bien d'accord ? »

« Excuse ? » demanda Harry de nouveau sourcilleux.

« Tu veux aller à ces épreuves sans passe-droit et sans aide, c'est ça ? Tu veux être traité comme les autres, j'ai bien compris ? »

Harry se raidit un peu, comprenant soudain où arrivait le raisonnement de Remus mais il insista quand même :

« Tu ne m'en crois pas capable ? »

« Pourquoi pas ne pas juger sur pièce ? » proposa Remus un peu fraîchement. Tonks leva les yeux au ciel – elle désapprouve, comprit son mari qui haussa les épaules comme on s'excuse. Mais Harry acceptait le défi d'un signe de la tête un peu brusque et partait s'engloutir dans de lourds volumes.

Et maintenant il n'y a plus qu'à attendre, pensa Remus dans son lit le même soir. La respiration calme de Tonks, elle aussi, semblait égrainer le temps qui passait.

Attendre la fin des examens... attendre que Harry et moi, on trouve le moyen de se réconcilier et d'avoir la conversation que j'ai pas trouvé le moyen qu'on ait avant... attendre de voir si Cyrus a pris le temps d'ouvrir un livre cette année... attendre pour voir si je serai capable d'assumer le poids de deux responsabilités nouvelles... attendre...

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« M. Lupin ! Une minute s'il vous plaît ! »

Cyrus se retourna vers le maître des potions l'air sincèrement interrogateur. Honnêtement, il n'avait rien à se reprocher. Il haussa avec fatalisme donc les épaules à la question muette d'Archi et Ginny et s'approcha du bureau de Severus Rogue.

« Oui, professeur ? »

« Je… je voulais vous dire que cette dernière potion… est particulièrement… réussie », articula Severus Rogue avec un mélange de gêne et de dérision qui fit froncer les sourcils de Cyrus. Il finit par répondre un peu dangereux « Oh… merci professeur ».

L'homme eut l'air - insolite chez lui - d'hésiter à continuer.

« Il y a comment dire… un certain saut qualitatif indéniable dans votre travail ces derniers temps, M. Lupin… en tout cas dans ce cours… »

« Si vous voulez dire que j'ai fini par me décider à apprendre le tableau des éléments de potions… C'est en effet le cas », reconnut Cyrus avec une sorte nouvelle de sourire. « C'est étonnant mais… les résultats sont beaucoup plus prévisibles comme cela ! »

« Etonnant, en effet », approuva Severus.

L'homme et l'enfant restèrent, quelques secondes, silencieux. Ce fut Cyrus qui avoua :

« Ça fait deux ans que Harry me dit de le faire »

Severus hocha la tête.

« Comme quoi, il ne faut jamais croire les causes tout à fait perdues », commenta-t-il moins sarcastique que souvent.

Cyrus haussa imperceptiblement les épaules, mais son regard s'évada et il demanda brusquement :

« Il va aller bien, hein ? »

« Harry ? »

Cyrus se contenta d'hocher la tête et Severus réfléchit.

« Il est vivant »

« C'est pas un peu court, ça ? » s'indigna Cyrus.

« Et bien, c'est déjà relativement improbable », répliqua sèchement Severus.

Cyrus prit la révélation comme une gifle, mais finit par trouver le courage- ou le besoin – de continuer :

« Il m'a dit que Vol… Voldemort voulait que tu le voies mourir… » - lança-t-il abandonnant complètement le jeu du maître et de l'élève.

« Le Seigneur des Ténèbres voulait que sa victoire soit totale », confirma Severus très lentement.

« Mais c'est lui qui a tout perdu », commenta Cyrus moins satisfait qu'on aurait pu s'y attendre. « Tu crois qu'il a compris qu'il perdait tout cette fois ? »

« Je crois », dit simplement le maître des potions le regard, comme un miroir sombre et indéchiffrable.

Cyrus une nouvelle fois sombra dans le silence.

« Il n'y serait pas arrivé sans vous, n'est-ce pas ? »

« Sans la force que nous lui avons donné ? Non », constata Severus.

« Mais » L'objection resta sur les lèvres de Cyrus comme le sel des larmes. « C'est un procédé… c'était de la magie noire, non ? »

« Pas exactement. C'est une vieille magie… très simple, très puissante et très brutale… elle a été interdite car ses applications en magie noire sont trop évidentes… mais tout dépend des intentions de celui qui l'utilise… »

« Et la fin justifie les moyens ? » interrogea Cyrus, douloureusement ironique ;

« Il me semble que ton père et ton grand-père peuvent tenir des heures ce difficile sujet », répliqua Severus, ni moins douloureux, ni moins ironique. « Je ne suis pas le mieux placé pour te donner des certitudes ! »

« Je sais… je sais ce qu'ils pensent… mais… j'aimerais bien que tu me dises comment, toi, tu vois ça », murmura Cyrus, étonnamment respectueux et timide.

Severus soupira comme agacé par son insistance puis il sembla se raviser. Il essaya alors avec une honnêteté difficile :

« Comme je te l'ai dit, il me semble que tout dépend de la nature des intentions… Ici, il s'agissait de donner à ton... frère… la force d'utiliser la capacité que Voldemort lui-même lui avait conférée en tentant de le tuer bébé… la capacité de le détruire… Il s'agissait aussi de prendre sur nous une partie de la responsabilité… de préserver son innocence ».

Il se tut brusquement et le dernier mot résonna avec une certaine amertume dans la pièce. Severus haussa finalement les épaules et ajouta :

« Harry a été un instrument dans une lutte entre Dumbledore et Voldemort… Remus et moi nous y avons donné la seule chose que nous puissions donner… notre volonté de voir Harry survivre… »

Severus se tut encore un instant, comme si la salive lui manquait brusquement, et puis lui confia dans un souffle :

« Est-ce que j'avais un autre choix ? N'est-ce pas la seule chose qui pouvait me racheter ? »

Cyrus tendit une main hésitante vers l'homme qui l'ignora brusquement – à moins qu'il n'ait fui le contact physique - pour exploser :

« Mais que sait un gamin comme toi du remords, du gâchis ou de la volonté de se racheter ? »

Comme les yeux gris du jeune adolescent restaient silencieusement sur lui, Severus se figea et reconnut :

« Excuse-moi… bien sûr… tu sais… »

Le nouveau silence donna à Severus l'occasion de revenir près du bureau professoral et à Cyrus de préparer sa question suivante :

« Et toi ? »

« Moi ? »

« Qu'est-ce que tu vas faire, toi ? » confirma Cyrus. Comme le Maître des potions se contentait d'hausser les épaules, il explicita : « tu as réussi… tu es libre maintenant non ? Tu peux faire ce que tu veux ! »

« Oh… » Severus eut un sourire étrange. « Si tu as raison, ton père voudra peut-être moi comme professeur de défense contre les forces du mal. »

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Finalement, Tonks et Remus avaient accepté qu'Harry aille réviser avec ses condisciples – plutôt que de voir une nouvelle horde d'étudiants envahir ton salon et ta bibliothèque, s'était moquée Tonks en prenant le parti de Harry contre Remus dans cette discussion-là. S'il passait donc maintenant de nouveau ses journées avec ses camarades, Harry ne pouvait toujours pas dormir dans la Tour de Gryffondor.

« Et pourquoi ? » demanda Neville.

« Ils ont peur que je ne me repose pas assez », expliqua Harry en levant les yeux au ciel pour montrer ce qu'il pensait de leurs craintes. Il n'avait parlé de ses cauchemars à personne – pas même à Ron ou Hermione. Cyrus savait sans doute, mais quand il lui demandait de ses nouvelles, il était volontairement vague. Il attend que j'en parle, moi, avait compris Harry qui préférait ne rien en dire. Que pouvait-on dire de l'horreur ?

Hermione leva un sourcil dubitatif et affirma :

« Je crois qu'ils ont eu peur tout court ! »

De toute la tablée, Ron fut le seul à grimacer ; les autres approuvèrent silencieusement la proposition d'Hermione.

« Faut dire », renchérit même Seamus, « que t'arracher aux mains d'une Bellatrix Lestrange qui voulait faire réapparaître Tu-sais-qui ! »

La mention de Bellatrix assombrit Neville et Harry se rappela qu'elle était celle qui avait torturé et rendu fous ses parents. Et, encore, personne d'entre vous ne sait qu'elle était depuis sept mois, ajouta mentalement Harry, Vous ne savez pas non plus que Tu-Sais-Qui avait déjà un corps, une voix et...

« Au fait, ils ont trouvé une solution à l'épreuve de Divination ? » demanda Hermione avec l'à-propos qui lui appartenait.

« Je crois que les examinateurs des Buses et des aspics vont tout faire », révéla Harry, avec une joie un peu mauvaise. Qu'importe si la rumeur emportait la nouvelle dès qu'il sortirait de la salle commune de Gryffondor ! Il y avait tant de choses qu'il aurait aimé partager avec ses amis sans pouvoir le faire !

« Oh, tu crois qu'ils vont nous demander les mêmes choses que Trelawney ? » demanda Lavande inquiète.

« Moi, je crois que quelque soient mes résultats, je vais laisser tomber Divination », annonça alors Ron.

« Mais Ron ! Tu ne peux pas ! » - s'exclama Hermione. « Le règlement l'interdit ! »

« Ah ouais ? » rétorqua le rouquin sombrement, « moi, je pense que j'ai des circonstances spéciales ! »

« En plus, qu'est-ce que tu voudrais prendre à la place ? Etude des moldus ? » - continua Hermione, logique et implacable.

Ron haussa les épaules mais il ne faisait pas grand mystère du fait que ça lui était bien égal. Neville prit un air songeur.

« Je te comprends », murmura-t-il. « Tu sais, moi aussi, je m'en veux. Mais ce n'est pas comme si… comme si ce qui c'est passé avait à voir de près ou de loin avec la Divination ! »

L'affirmation, de Neville fit frissonner Harry. Ça lui paraissait tellement injuste que ses amis ne sachent pas, ne puisse pas comprendre comment ils étaient devenus les acteurs involontaires d'une histoire que les dépassait tous. De l'accomplissement d'une prophétie. Hermione remarqua son trouble.

« Tu es fatigué ? »

« Non, enfin, peut-être… Je vais rentrer », annonça Harry en se levant brusquement. Il entendit dans une semi-transe, Ron reprocher à Neville de ressasser inutilement « ses sales histoires ».

Quand il s'approcha de l'appartement directorial, il constata avec agacement que les élèves d'aspic de Tonks étaient toujours là. Remus les raccompagnait à la porte en plaisantant avec eux quand il poussa la porte avec peu de ménagement.

« Harry… te voilà ! Si tôt ! » - l'accueillit son père.

« Ça va ? » - renchérit Tonks les sourcils froncés et Harry eut envie de disparaître sous terre. Il y avait des regards curieux et des regards goguenards parmi les élèves.

« Tout va bien, tout va bien », annonça-t-il un peu nerveusement. « Je… j'avais oublié un livre », mentit-il, en montrant la porte de sa chambre. « Excusez-moi, bonsoir tout le monde ! »

Il battit précipitamment retraite dans sa chambre, fermant la porte derrière lui à peine plus doucement que précédemment. Harry entendit de nouveaux rires et la porte principale se referma sur des « bonsoir, professeur ». La suite était évidente et ne le surprit pas. On toqua à sa porte. Il ne répondit pas. Elle s'ouvrit.

« Harry ? »

Debout devant son bureau, comme si son histoire de livre avait une quelconque réalité, il ne se retourna pas.

« Oui ? »

« Qu'est-ce qu'il y a ? » insista Remus.

« Rien », décida Harry. S'il répondait, il allait hurler. S'il hurlait, ils allaient se disputer. Ou pire, Remus allait prendre cet air blessé et distant qu'Harry ne voulait plus voir. Il ne dirait rien. Il entendit Remus finir d'entrer et s'asseoir sur le lit de Cyrus.

« Est-ce que je peux te dire que je n'en croies rien ? » demanda-t-il finalement.

Harry haussa les épaules, agacé de reconnaître dans le ton la détermination de Remus et furieux de se sentir encore et toujours aussi étrangement démuni face à elle. Restait la résistance passive, décida Harry.

« On s'est moqué de toi ? »

Harry secoua la tête.

« On t'a posé des questions embarrassantes ?»

« Non. »

Remus se tut cette fois et Harry craqua :

« 'On' n'est pas n'importe qui ! » gronda-t-il. « On a un nom, on sont mes amis, Ron, Hermione, Neville… et on croit la Gazette – ou fait semblant de le croire et moi, je dois les écouter ! »

« C'est donc ça », commenta Remus.

Harry se retourna brusquement, furieux. Mais Remus le regardait d'un air étrange, presque avec soulagement. Il décida de repousser son explosion.

« Je me demandais comment ça allait venir », expliqua son père. « Ça me paraissait bizarre que tout ce mic-mac ne te pose pas plus de problèmes… »

« Vraiment !» ironisa Harry, sarcastique sans doute, mais trouvant qu'il faisait preuve pour l'occasion d'une maîtrise de lui-même qui méritait des louanges.

« Harry, je sais que je n'ai pas pris le temps de te parler, que j'ai eu peur sans doute… Et puis tu n'étais pas en état, admets-le… Mais je suis bien conscient que tout ce que tu as vécu est compliqué à digérer… je ne compte pas te laisser seul ! »

« Oui, gardons ensemble nos secrets de famille ! »

Remus eut un sourire triste.

« Est-ce que j'ai l'air de quelqu'un pour qui l'amitié a peu d'importance, Harry ? »

Harry bouillonna. C'était bien de Remus ça… évidemment il avait sans doute été le seul à tenir la fidélité aux engagements des maraudeurs pour une règle de vie… il l'avait recueilli comme le fils orphelin de ses amis… il avait sauvé Sirius…. Il avait adopté Cyrus… mais le rappeler, n'était-ce pas du chantage ?

« Tu es prêt à dire la vérité à Ron ? » demanda-t-il soupçonneux.

« Non, ce n'est pas la bonne question Harry », répondit Remus en secouant la tête. « Il me semble t'avoir déjà dit, avant tout ça, que je n'avais aucune objection à ce que tu parles de la prophétie à tes amis, Harry. Rappelle t-en ! C'est toi qui semblais penser que ce n'était pas une bonne idée ! »

Harry rumina l'objection et puis demanda :

« C'est quoi la 'bonne' question ? »

« Qu'est-ce que tu es prêt, toi, à dire à Ron, Harry ? »

« Moi ? Tout ! »

« Est-ce que tu es sûr qu'il est prêt à tout entendre ? »

« Tu ne lui fais pas confiance ? » constata Harry presque avec joie. Il le tenait là, la faille dans les beaux raisonnements…

« Non », le contredit encore une fois Remus. « Je te demande s'il est prêt à accepter la vérité, à y croire… s'il n'aura pas peur… s'il ne t'en voudra pas encore plus que maintenant où il sait que tu as des secrets, ne t'y trompe pas mais où la vérité, dans toute sa complexité, lui échappe ? »

L'idée était complexe et nouvelle. Harry resta sans voix.

« La vérité est souvent plus difficile à croire qu'un mensonge bien conçu, Harry », explicita encore Remus. » Je ne fais pas ici d'injure à l'intelligence de Ron mais tu dois réfléchir à ce que tu veux lui dire et comment… »

« Moi ? »

« Ce n'est pas mon ami, Harry »

« Mais pour Cyrus… »

« Vous étiez tous beaucoup plus jeunes… les circonstances étaient différentes…. »

Remus eut un geste vague de la main qu'Harry observa avec circonspection.

« Tu ne veux pas être là ? » demanda-t-il avec une incrédulité qu'il ne put cacher.

« Non, Harry »

« Et savoir… »

« Pas spécialement… sauf si tu as envie ou besoin de m'en parler… ou sauf s'il menace de vendre tout ça à la Gazette ! » ajouta-t-il un sourire de dérision aux lèvres. Comme les yeux d'Harry ne le quittaient pas, il ajouta très doucement : « Je sais que j'ai sans doute souvent été protecteur au point d'être intrusif… ta vie était en jeu et c'était ma seule justification »

Il fit un geste de la main invitant Harry à venir s'asseoir à côté de lui. Harry n'hésita qu'un temps.

« Je ne compte pas passer ma vie à vivre la tienne ou celle de Cyrus… » - reprit Remus. « Et ce n'est pas parce que je me fiche de vous à cause des bébés ou du futur de la communauté magique ! » - ajouta-t-il avant toute protestation.

Harry haussa les épaules pour cacher son embarras.

« Il ne s'agit pas non plus de vous laisser faire n'importe quoi », précisa encore Remus avec un petit sourire, « mais… mais… »

Il eut un autre geste, rond englobant que Harry comprit : La menace avait changé, si ce n'est disparue. Elle n'était plus sur eux et, sans doute, leurs erreurs avaient moins de chance d'être mortelles. Il se rendit brusquement compte que, jusqu'à présent, il n'avait réellement osé l'envisager : Il ne devait plus survivre à Voldemort.

Harry prit la main de son père et la serra.

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Eh non, ce n'est pas complètement fini…
Faudrait que les jumeaux naissent, que les avenirs se dessinent…
Avenirs ? Ca devrait être le titre…