L'inné et l'acquis
Je sais que vous ne vous y attendiez pas. Mais le dernier chapitre de Ruptures ne veut pas trouver sa fin, et je me suis promise promise de pas commencer Vingt-cinq jours d'humanité avant. Voici comment je contourne mes propres règles; en vous racontant deux trois trucs que je sais des jumeaux.
Dédiés à Guézanne et à Lilas - un peu de réponse – j'espère – à toutes vos questions.
Dette éternelle à Alixe - faut-il le répéter ?
Un grand clin d'oeil à tout le monde en fait !
Victorieux passages
Iris se glissa subrepticement dans le passage. Elle avait entendu la voix de Anaxagoras LaFabull de loin et elle n'avait aucune envie de tomber sur lui en train de pavaner avec son insigne de préfet sur le torse et ses fans pour rire à ses mauvaises blagues; pis encore, seul, il risquait encore de lui proposer de l'accompagner à Pré-au-Lard et, franchement, elle préférait rester enfermée dans la bibliothèque tous les dimanches jusqu'à la fin de l'année, plutôt que de s'afficher aux côtés de ce prétentieux agressif.
Clic, le passage était refermé. Et personne ne saurait qu'elle l'avait emprunté, pensa-t-elle avec une certaine satisfaction. Mais un souffle retenu dans son dos la figea sur place : il y avait quelqu'un dans le passage. Pourtant, combien de personnes en connaissaient l'existence ?
En se retournant très lentement, elle se maudit de ne pas avoir la Carte du Philosophe avec elle pour voir qui se trouvait tapi dans le noir. Insidieusement, des tas d'histoires et de légendes sur Poudlard, lui revinrent en mémoire, et elle se sentit frissonner.
Allons, Iris, allons, tu vas pas t'enfuir tout de même ! - s'interdit-elle. Si c'était papa ou un prof qui se cachait là, il serait déjà sorti pour t'engueuler ! Ça ne peut être qu'un élève…. Avec pas plus de raisons que toi de se trouver là ! Tu risques quoi ?
Un peu rassérénée, elle sortit sa baguette de sa manche. « Lumos. » Elle avait à peine murmuré malgré tout, et le halo lumineux était à la hauteur de sa conviction. Il éclairait néanmoins suffisamment ses pas pour qu'elle s'avance dans le boyau de pierre. La respiration était à chaque pas plus claire, plus oppressée aussi. Il y avait quelqu'un, assis sur le sol dans une niche sur la droite ; quelqu'un de brun et, si on en croyait son écharpe, un Gryffondor. La lumière lui fit lever la tête et Iris ne put retenir une exclamation :
« Mais, qu'est-ce que tu fiches là, Kane ? »
« Et toi », marmonna son frère en rebaissant la tête. Iris ne l'avait entre-aperçu que quelques secondes, mais elle en avait assez vu pour rétorquer :
« Moi, je ne cache pas une poussée de furoncles !»
« Ça va passer », répondit Kane sur le même ton que précédemment.
Iris s'agenouilla pour être à son niveau.
« Tout seul ? » demanda-t-elle sceptique.
« La dernière fois… c'est parti »
« La… Qui est-ce, Kane ? »
Son frère se contenta de soupirer, et Iris fronça les sourcils.
« Ne me dis pas que c'est encore LaFabull ! Qu'est-ce que t'es encore allé lui dire pour qu'il s'en prenne à toi !»
« Rien. »
« Bien sûr, tu te promenais sagement dans les couloirs et il t'est tombé dessus et t'as jeté un sortilège ! »
« Oui. »
Il n'y avait même pas de sarcasme dans la voix de son frère.
« Quoi ! Sans rien dire ? »
Kane haussa les épaules mais releva la tête. Dans la douce lumière de la baguette, ses yeux gris, identiques aux siens, brillaient un peu trop fort.
« Si. Il a dit que les Lupin apprendraient tous qui il est. ».ui résists yeux gris, identiques aux siens, '.
se trouvait, tapi dans le noir.
« Oh celui-là ! il va m'en… »
« Non, Iris, non. »
« Pardon ? »
« Tu ne vas pas lui faire le plaisir de t'occuper de lui ! »
« Comment ça ? »
« Quand je pense que c'est toi, la Serpentard. Mais parce que c'est exactement ce qu'il veut ! » - affirma Kane avec plus d'animation que précédemment.
Iris réfléchit et finit par admettre :
« Sans doute, mais il peut quand même pas s'en sortir comme ça ? »
« Tu envisages quoi ? Une vendetta ? » - demanda son frère dans un soupir, presque narquois. Mais Iris le connaissait mieux que ça.
« T'es en train de me dire que tu ne t'es pas défendu ? »
« Aucune envie que Severus ou que Longdubat, pire encore que Papa, n'interviennent », reconnut Kane tranquillement.
Iris grimaça. C'était toujours compliqué et désagréable de voir les directeurs de maison s'en mêler ; et en l'occurrence, il y avait de fortes chances qu'ils en réfèrent à leur supérieur, d'autant plus que ce dernier était le père de la victime. Surtout que le premier se prenait pour leur oncle et que le second était un copain de leur frère aîné... Mais, quand même !
« Donc, tu te laisses faire », éternua-t-elle.
« Donc je ne lui donne pas le plaisir d'hurler partout qu'on est des... qu'on profite de notre situation.. »
« Mouais… tu ne crois pas qu'il va se faire le même plaisir de dire que pour un Gryffondor, t'es un sacré couard ? »
« Faudrait qu'il en ait la preuve », contra toujours serein Kane. « Or personne sauf toi ne me verra comme ça. »
S'il y avait une chose qu'il fallait admettre, c'est que Kane était têtu. Personne dans la famille Lupin n'était particulièrement accommodant, mais Kane était sans doute un des pires !
« Et le dîner ? » essaya-t-elle malgré tout.
« Tu diras que je travaille. »
Et comme Kane était un des meilleurs élèves de sa promotion, ça n'étonnerait personne. Iris soupira malgré tout : ça ne lui semblait vraiment pas juste.
« Tu vas rester là ? »
« Jusqu'à que ça passe », confirma Kane avec un air résolu qui n'offrait pas beaucoup de marges de négociations.
« Je vais t'apporter à manger », décida sa sœur.
« Et Linky va poser toutes les questions qu'il ne faut pas… » objecta encore Kane.
« Mais… »
« J'irai moi même quand je serai présentable. »
« Alors…je ne peux rien faire ? »
« M'apporter un livre ? »
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Il fallait faire quelque chose. Ça ne pouvait plus continuer.
C'était un crève cœur de voir Kane éviter tout nouvel affrontement – généralement en se terrant dans la bibliothèque ou dans la salle commune de Gryffondors. Il ne semblait même pas penser que se déplacer avec des amis pouvait suffire à éviter tout dérapage. Après réflexion, Iris lui donnait raison. En plus, c'était peut-être de sa faute à elle si l'affaire ne paraissait pas prête de se clore.
Mais aussi, est-ce qu'elle aurait pu agir différemment ?
De fait, faire comme si de rien n'était – la stratégie de Kane - n'avait pas duré vingt-quatre heures. Dès le lendemain soir, tout Poudlard ne parlait que de ça :
« Tu sais ce qu'on dit ? » lui avait demandé Ma-Li, descendant vers les cachots de Serpentard.
« Qu'est-ce qu'on dit ? » avait répondu Iris du ton le plus détaché qu'elle put.
« On dit que LaFabull a eu le dessus sur ton frère dans un duel… » - chuchota son amie, l'air un peu embarrassée.
Peut-être parce que, pour Ma-Li, les relations entre les deux jumeaux tenaient de l'énigme. Peut-être parce que pour la jeune fille qui ne pouvait pas s'enorgueillir d'une famille puissante et respectée, Iris Lupin, avec sa confiance en elle et son aura de fille du directeur et d'une fameuse Auror, avait été une providence cinq ans plus tôt. Peut-être parce qu'elle était gênée d'avoir l'air de colporter des rumeurs. Mais Iris n'était pas dupe :
« Un duel, rien que ça ! » avait-elle éternué, rejetant sa cascade de cheveux mordorés en arrière d'un geste méprisant.
« Pourquoi tu dis ça ? » - avait demandé son amie les sourcils froncés.
« Moi je dis qu'un septième année, sans doute pas seul, contre un cinquième année, même doué, c'est pas un duel », avait affirmé Iris assez fort. Puisqu'on en était aux rumeurs. « C'est une embuscade ! »
Un peu impressionnée, Ma-Li avait demandé timidement :
« Tu confirmes ? »
« Jamais de la vie. »
« Alors… »
« Simple précision théorique… s'il s'était passé quelque chose, ça n'aurait rien eu d'un duel, non ? »
« On dit que ton frère s'est pas défendu », était alors intervenue Sirpa, avec son inimitable air détaché. Peut-être que ses amies en disaient long sur sa place dans la Maison Vert et Argent, songea Iris. La fille de l'ambassadeur de Finlande et la petite sorcière d'origine chinoise… un pied dedans, un pied dehors…
« Eh bien, on ne manque pas d'imagination ! » - avait conclu Iris sans même frémir
« Il ne s'est rien passé ? » avait insisté Sirpa.
« Tu crois que je ne le saurais pas ? » l'avait défiée Iris.
« Je me demande si tu nous le dirais », avait répondu la Finlandaise.
« Taisez-vous, voilà LaFabull ! » avait chuchoté Ma-Li.
Cette scène–là n'était qu'un incident parmi d'autres – des insinuations, des regards, des silences et, toujours, Kane qui refusait tout net d'en parler avec elle. Ça faisait quatre jours que Iris se répétait qu'il fallait en finir, sans trouver comment s'y prendre.
Aller voir papa était exclus ; ça ferait des histoires à n'en plus finir et, d'une certaine façon, c'était trahir Kane. Iris n'arrivait pas à imaginer ce que leur père pourrait dire du choix de son frère - ne pas répondre lui paraissait très étrange, presque « pas Lupin ». Mais Kane serait complètement humilié si Remus lui donnait tort.
Le même raisonnement valait pour Mae.
Elle avait aussi pensé à aller dénoncer LaFabull auprès de Severus. Il ne faisait aucun doute qu'il l'aurait crue et qu'il aurait trouvé une réponse apte à ménager toutes les parties pour autant qu'il veuille bien le faire. La question était : voudrait-il le faire ? Ce qui ramenait au raisonnement précédent, c'est-à-dire : nulle part.
Elle-même en était réduite à calculer tous ses déplacements en fonction de LaFabull et de ses petits amis. Il faut dire qu'elle n'avait pas joué l'innocente très longtemps :
« Alors, alors… on a réfléchi ? » avait demandé le surlendemain du soi-disant duel le jeune homme, en s'asseyant, sans même lui demander si ça la gênait, à la table de la salle commune où elle faisait ses devoirs
« A quoi donc ? » avait-elle demandé sans lever les yeux de son parchemin. Ça pouvait paraître hautain, mais Iris trouvait relativement humiliant de devoir jouer en permanence la comédie.
« A ma proposition », avait répondu LaFabull, grand prince.
« Je croyais avoir été claire, LaFabull. Il n'en est pas question »
« Non ? »
« Non. »
La salle commune de Serpentard derrière eux bruissait de chuchotements.
« Je préférerais encore avoir la tête couverte de furoncles », ajouta-t-elle, incapable de retenir la provocation. Ce n'était peut-être pas très sage, mais LaFabull pouvait difficilement l'attaquer au vu et au su de tous.
De fait, il était assez pâle quand il siffla entre ses dents :
« Vous vous croyez très forts, tous les deux, hein ? mais j'aurais le dernier mot ! Faudra pas venir vous plaindre ! »
Non, il était urgent d'agir. Il fallait un conseil. Un conseil de quelqu'un qui en sache plus long qu'eux sur la vie, sur Poudlard… Quelqu'un qui comprendrait leur situation tordue… Et Iris faillit se mettre des baffes : pourquoi n'y avait-elle pas pensé plus tôt ! Cyrus ! évidemment, Cyrus ! Il était leur grand frère, il était son parrain… et il lui avait écrit il n'y avait même pas une semaine ! Il était grand temps de lui répondre ! Elle monta quatre à quatre l'escalier qui menait à son dortoir – personne n'était là - et fonça vers sa table de nuit. Le parchemin de Cyrus était là…
Salut Môme...
Sans doute aurait-elle 40 ans, que Cyrus continuerait à l'appeler Môme ! pensa Iris avec un agacement mêlé d'affection.
L'année est bien entamée maintenant, et il doit presque faire un temps acceptable dans votre glacière écossaise ! Ginny a mis des semaines à se remettre de notre séjour de Noël. Vraiment, on devient de vrais Brésiliens !
On revient de quatre semaines en famille en forêt.
C'était magique –oui, oui, je sais, on devrait l'interdire
celle-là… - J'ai vraiment maintenant des relations très
cordiales avec un chaman et j'ai ramené de quoi écrire
au moins 6 articles. Mais avant ça, je veux travailler avec un
avocat ici pour bien faire reconnaître qu'il s'agit de
savoirs magiques indigènes et qu'ils doivent être
rémunérés pour leur apport à la science
magique….
Iris sauta le long plaidoyer sur les droits des Indiens la honteuse spoliation de leurs connaissances ancestrales par des pseudo-découvreurs sans scrupules – il y avait des moments où Cyrus semblait oublier qu'elle l'avait quasiment toujours entendu dire ça !
Ginny
et les enfants se sont éclatés ! Imagine Candido
et Esperanza se baignant dans le fleuve et courant dans le village,
tout nus ! Ils ont été un peu malheureux de notre
retour à la civilisation !
Iris ne put s'empêcher de sourire à la mention de ses neveux de quatre et deux ans. Tous deux mêlaient les cheveux noirs de Cyrus aux yeux noisette et aux tâches de rousseurs de Ginny. Candido était un petit monsieur, qui posait des tonnes de questions dans les deux langues qu'il maîtrisait avec une gravité sérieuse et faisait fondre son oncle et sa tante. Esperanza qui le suivait partout en trébuchant, promettait d'avoir tout le caractère qu'un mélange Black, Lupin, Weasley pouvait provoqué, et Iris les imaginait mieux qu'elle ne visualisait le village amazonien.
Mais je me rends compte que vous n'êtes jamais venus en forêt ! et, je me promets d'organiser quelque chose la prochaine fois que vous viendrez – avec ou sans les parents. Pense à l'enfer vert comme disent les Moldus quand Poudlard te paraîtra trop étroit.
Ecris-moi ! raconte-moi comment tu en fais baver aux petits serpents ! Fais une bise aux parents et fais une blague à notre rat de bibliothèque préféré !
Cyrus.
Iris reposa la lettre avec des sentiments mitigés. Elle ne doutait pas que Cyrus s'intéresserait à leurs problèmes, mais elle avait aussi une vision assez claire de ce qu'il proposerait : des représailles directes et spectaculaires. Il ajouterait un truc comme quoi Remus, même quand il râlait, comprenait très bien, et il menacerait Kane de ne plus être son frère s'il ne se battait pas…ou un truc du même genre. Elle roula le parchemin en décidant que Cyrus n'était pas la bonne option. Il n'avait pas la même complicité avec Kane qu'avec elle. Et, Kane prendrait sans doute assez mal les conseils de Cyrus.
Ce serait sans doute différent si Harry intervenait, pensa-t-elle encore. Harry était le parrain de Kane et il ne se moquait pas – enfin moins systématiquement - de la relation spéciale que son jumeau entretenait depuis tout petit avec les livres.
Iris ne savait pas si cette histoire était vraie ; elle ne s'en souvenait pas vraiment, mais elle l'avait entendue tant de fois qu'elle faisait partie de ses propres souvenirs sur son enfance : un jour, Mae faisait des courses avec eux quatre, des courses de rentrée pour les grands. Dans la cohue et l'excitation, ils étaient partis de Fleury et Boots sans se rendre compte qu'ils laissaient Kane derrière eux.
En fait, Mae, pensait qu'il était avec Harry ; Harry qu'il était avec Mae, et Cyrus avait mis pas mal de temps à faire attention à ce que Iris essayait de lui dire. Quand ils étaient revenus en courant dans la librairie, ils avaient trouvé Kane, assis sous une table, tournant délicatement les pages d'un volume de défense contre les forces du mal avancé, cillant à peine à la vue des créatures horribles qui s'animaient à chaque page. Pendant des années, Cyrus avait régulièrement affirmé que la passion de Kane pour les livres venait de ce traumatisme.
Jusqu'au jour où Harry y avait mis un terme en assénant: « si tu continues, ce sera toi, le traumatisme ».
Iris hocha la tête avec conviction. Oui, Harry serait sans doute une meilleure option.
Sans trop attendre, elle s'empara du set de correspondance que grand-mère Andromedra lui avait offert à Noël, leva sa plume et resta bloquée. Comment commencer ça ? Iris se rendit compte qu'elle n'avait jamais vraiment écrit à Harry si ce n'est pour son anniversaire ou pour la nouvelle année, et sans doute pour des billets très courts portant sur des rendez-vous ou la mise au point de fêtes familiales. Comment commencer ? « Cher Harry » ? Ça faisait pas un peu cruche ? Elle chercha d'autre chose mais finalement, elle abandonna et opta pour le cruche.
Cher Harry,
Je ne sais pas si je t'ai déjà écrit comme ça pour te demander conseils. En fait, je suis même à peu près sûre du contraire. Tu vas sans doute être surpris mais pourtant tu es la seule personne vers laquelle je peux me tourner.
A ce stade, Iris se demanda si le début n'était pas trop grandiloquent. Elle allait recommencer quand ses yeux tombèrent sur son réveil et elle se rendit compte qu'elle n'avait plus qu'une demi-heure avant de devoir retourner en cours. Elle décida que le style importait moins que l'avis qu'elle espérait et se remit à écrire sans plus s'interroger sur son style.
Je t'écris donc parce que j'ai besoin d'un conseil ou, plus exactement nous avons besoin d'un conseil - et je suis sûre que Kane, têtu comme il est, ne le fera pas.
Iris se dit que Harry ne pourrait pas la contredire sur ce point. Kane était un entêté. Bon, fallait en venir au but, parce que Vector n'attendrait pas :
On est tous les deux coincés parce qu'un imbécile de septième année de ma maison veut sortir avec moi et s'en prend sur Kane à chaque fois que je lui dis non. Kane a décidé qu'il ne se passait rien, mais moi, je trouve que ça prend des proportions embêtantes. Je ne veux pas aller en parler à papa pour des raisons que, je pense, tu comprendras.
Est-ce que toi, tu aurais une idée de la manière d'intervenir, de protéger Kane… sans que ça devienne une affaire diplomatique ?
Je dois me dépêcher d'aller en cours alors je n'entre pas plus dans les détails, mais j'attends ta réponse. Embrasse Brunissande et Cael pour moi.
Iris.
000
Dire que Iris attendit la réponse de Harry avec impatience aurait été un euphémisme. Quand l'énorme hibou du courrier international se posa devant elle, elle faillit renverser son bol de céréales dans son empressement à l'accueillir.
« Encore une lettre de ton frère », remarqua Sirpa.
« De l'autre… »
Sirpa et Ma-Li se dévisagèrent.
« Tu veux dire… Harry ? » chuchota la seconde.
Iris n'eut pas besoin de les regarder pour vérifier que l'évocation même du Survivant les impressionnait autant que d'habitude. Depuis longtemps, elle était arrivée à la conclusion qu'il n'y avait rien à faire pour changer ce genre de réaction, à part les inviter à le rencontrer un jour. Elle-même était trop occupée à faire sauter les sceaux chinois pour s'en inquiéter de toutes les façons.
Salut Iris,
C'est vrai que je ne crois pas que tu m'aies déjà écrit aussi longuement – et je doute d'avoir fait le premier pas de mon côté. C'est un drôle de paradoxe, non ? Les parents voulaient sans doute renforcer les liens d'une famille un peu disparate en nous nommant Cyrus et moi, parrains. Et il semble qu'on ait pris tellement notre rôle au sérieux qu'on s'est spécialisé chacun dans son filleul.
Alors bravo, petite sœur ! Bravo pour avoir pris les devants et bousculer cet ordre établi et sans doute un peu ridicule. Je ne sais pas exactement d'ailleurs pourquoi tu disqualifies Cyrus dans cette affaire. Il en aurait des choses à dire, je crois, sur comment réagir face à un frère un peu trop secret, ou apparemment trop sage. Mais bon tu me demandes mon avis, et je suis honoré. Je ne vais pas me défiler.
Comme ça, un jeune homme un peu arrogant te poursuit. J'ai envie de te dire d'abord que ça ne m'étonne pas parce que tu as de quoi en faire rêver plus d'un – c'est d'ailleurs le commentaire mot pour mot de Brunissande. Maintenant, je comprends aussi que tu es relativement insensible à ses avances – il faut dire qu'il semble employer de curieuses méthodes de drague, même si tu as été passablement elliptique sur la question. Alors, j'ai d'abord envie de te rappeler les histoires de mes parents biologiques qui se sont si cordialement détestés que, quand ils ont appris à se connaître, ils se sont mariés. Je me rappelle que tu aimais bien que Papa les raconte. Mais sans doute, tu ne vas pas apprécier le parallèle à sa juste valeur.
Continuons. Tu me dis ensuite que je vais comprendre que tu n'ailles pas voir Papa. Eh bien, oui et non. Je sais que c'est toujours très gênant d'avoir l'air d'utiliser sa proximité avec l'équipe enseignante. Sauf que dans le cas qui nous occupe, tu t'interdis deux fois ce que ferait quiconque : demander l'arbitrage des profs et demander l'aide de tes parents. Et ce n'est pas parce les premiers et les seconds sont quasiment les mêmes que tu dois rester sans aide. D'accord, tu as tes grands frères mais on est l'un et l'autre un peu loin quand même pour être très efficaces.
Enfin, tu t'inquiètes visiblement pour Kane – encore que, là encore, tu es relativement elliptique sur le pourquoi et le comment. Si je lis entre les lignes, ce galant éconduit se venge sur Kane et, puisque personne n'a encore rien remarqué – d'ailleurs, j'en doute et j'imagine Papa se désespérant que vous ne veniez pas le voir – vous devez planquer tout ça. A te relire, c'est la décision de Kane.
Je ne sais pas si je me représente bien la situation, mais il me semble que le choix est ici. Soit les attaques du jeune homme sont de plus en plus dangereuses, et il me semble qu'il faut sortir de l'affrontement caché et demander une intervention supérieure ; soit ce n'est pas si grave et j'aurais alors tendance à faire confiance à Kane – après tout, nul doute de son courage et de son intelligence.
Dans tous les cas, il me semble que c'est à toi de d'évaluer la gravité de la situation et d'aller jusqu'au bout de la décision que tu prendras. Et tu nous as déjà montré que tu étais capable de le faire.
Bon, je ne sais pas si je suis très utile. Je viens à Londres bientôt – je ne sais pas encore la date et j'essaierais de passer vous voir. Ça sera sans doute plus pratique pour continuer cette conversation.
De grosses bises
Harry.
Brunissande t'embrasse. Cael t'a fait un dessin – je crois que c'est une licorne...
Iris faillit jeter la lettre par terre. Mais franchement, quelle idée de lui faire la leçon comme ça ! Pour qui se prenait-il ? Imaginer Papa n'ayant rien de mieux à faire que de se désespérer dans son bureau qu'ils ne viennent pas leur raconter leurs petites histoires ! Quelle stupidité ! Et faire confiance à Kane à cause de son courage et son intelligence – et elle, alors ? Elle était pleutre et bête ? Sans parler de ce qu'en avait dit « mot pour mot » Brunissande. Sa belle-soeur était peut-être une très belle femme, très distinguée, venant d'une très vieille famille sorcière cathare, mais Iris n'avait aucune envie d'imaginer Harry en train de lire sa lettre à haute voix à sa femme ! Elle ne jeta même pas un regard au dessin maladroit de son neveu de trois ans - c'était pourtant elle qui l'avait emmené voir une licorne dans le parc de Poudlard lors de leur dernier séjour - et fourra le tout dans son sac, se levant brusquement, incapable de continuer son petit-déjeuner.
Mais elle n'eut pas le temps de faire trois pas qu'elle se heurta à Anaxagoras.
« Eh bien, et moi qui avais l'impression que tu m'évitais, Lupin ! »
Iris inspira, certaine que si elle répondait trop vite ses mots allaient sans doute dépasser sa pensée.
« Quelle idée », marmonna-t-elle, ayant l'étrange impression d'entendre Kane.
« Des soucis ? » - demanda Mornings, à la droite de LaFabull, l'air goguenard.
« Rien de plus que deux connards sur mon chemin », articula Iris en levant la tête. Ils blêmirent, et elle s'en félicita. C'était peut-être ça l'idée, les provoquer dans un lieu tellement public que l'issue était certaine. Même si ça me vaut des années de retenue de Severus, décida-t-elle.
Mais LaFabull sembla lire en elle.
« Ne crois pas qu'on change si vite les règles du jeu… On se retrouvera, Lupin », asséna-t-il sèchement en entraînant son ombre.
Ma-Li et Sirpa, la seconde d'après, furent à ses côtés.
« Tu vas devenir infréquentable », décida la Finlandaise.
Iris ne put s'empêcher de pouffer.
« Pourtant, vous savez quoi ? Je me sens beaucoup mieux ! »
« Y'avait quoi dans la lettre ? » s'enquit Ma-Li.
« Des conneries », marmonna Iris en se rembrunissant. Et elle ne dit plus un mot jusqu'à la salle de Défense contre les Forces du Mal.
En entrant, elle vit que Kane s'était mis seul à une table, et elle accepta l'invitation. Aucun de leurs condisciples ne s'en étonna vraiment. Après cinq années scolaires, les deux maisons s'étaient habituées à ce que les deux jumeaux Lupin, à première vue si dissemblables, soient si proches. Il était même une rumeur à Poudlard qui disait que jamais deux promotions de maisons si traditionnellement opposées n'avaient eu de meilleures relations que les leurs.
« Salut », souffla Iris, en se glissant sur le banc à côté de lui.
« ça va ? » s'enquit Kane en levant le nez de son livre – comme s'il ne le connaissait pas déjà par cœur !- s'agaça sa sœur en sortant le sien. Severus n'était pas encore arrivé.
« Tu t'inquiètes de Nax ? »
« Pas plus que d'habitude », répondit Kane, « plus de la tête que tu faisais après avoir reçu du courrier… »
Il y avait peut-être quelque chose de vrai dans la remarque de Harry : il était sans doute illusoire penser de cacher quelque chose à Poudlard. Maintenant, il allait falloir trouver une bonne réponse.
« Cyrus… » - mentit-elle, avec un aplomb serpentaresque. « Il… il dit que je suis trop jeune pour venir… les voir seule pendant les vacances ! »
« Les voir seule pendant les vacances », répéta Kane d'un air tellement abasourdi qu'Iris faillit rougir. Elle n'avait jamais été aussi contente d'entendre le pas sonore de Severus et la porte claquer derrière lui.
« Bonjour, aujourd'hui...aujourd'hui nous allons approfondir les sorts de défense magique… » - annonça ce dernier sans autre préambule en faisant face à la classe. En d'autres circonstances, Iris, qui adorait le duel, aurait été tout ouïe. Ce jour-là, elle regardait son professeur sans le voir, douloureusement consciente des regards soupçonneux que Kane lui jetait à la dérobée.
« Tu lui as demandé devenir toute seule au Brésil ? » répéta Kane, incapable visiblement de penser à autre chose. Il y avait une douleur palpable dans sa voix. Qu'elle ait pu faire un tel projet, l'exclure si sûrement de ces projets, le blessait visiblement.
« Pas exactement », répondit-elle finalement.
« Vraiment ? »
« … au-delà du duel estudiantin, ces sortilèges sont les garants de votre sécurité…même dans un monde en paix comme celui où vous avez la chance de grandir, vous aurez l'occasion de rencontrer des créatures maléfiques, des sorciers mal intentionnés… » - continuait Severus en circulant entre les travées.
En général, Iris adorait l'écouter « faire peur aux petits enfants » mais, ce jour-là, ses pensées étaient loin du cours : que pourrait-elle dire ou faire pour que Kane oublie rapidement cette histoire stupide qu'elle avait inventée de toutes pièces. Le mieux était peut-être de revenir à la vérité par des moyens détournés.
« Il a dit par contre que quand on viendra tous, on irait en Amazonie… » reprit-elle en dosant l'enthousiasme dans sa voix. Kane y résistait mal, elle le savait, et s'il souriait, c'était gagné. « Il a rencontré un chaman qui... »
« Je vois que Mademoiselle Lupin pense tout savoir des différents sortilèges de bouclier… »
Iris sursauta et, cette fois, s'empourpra.
« Excusez-nous, professeur », murmura-t-elle.
« Vous demanderez donc à votre fameux parrain quel type de bouclier emploient les sorciers amazoniens – puisque le sujet à l'air de vous intéresser plus que mon cours… »
« …je.. »
« En comptant, le temps postal, je considère que vous devrez pouvoir me donner une réponse précise la semaine prochaine… deux rouleaux de parchemin minimum ? »
Iris soupira et acquiesça. C'était bien sa chance, ça. Il allait falloir qu'elle invente une histoire à l'intention de Cyrus maintenant pour justifier sa demande d'information. En y pensant un peu plus, il était même plus prudent de faire des recherches sur le sujet à la bibliothèque en attendant la réponse.
La seule chose positive, c'est que ça sembla dissuader Kane de continuer son enquête. Sans pour autant lui faire perdre son air soupçonneux. Il lui glissa en sortant. « Ce soir, où tu sais... » Sans même lui donner une chance de trouver une excuse pour ne pas y aller.
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La soirée ne semblait pas devoir finir. Pendant le dîner, les devoirs, les discussions de Ma-Li et Sirpa sur les prochaines vacance, Iris essaya de faire comme les autres jours. Mais elle avait avalé son repas trop vite, ouvert ses livres trop violemment et semblé bien trop insensible à la perspective d'aller peut-être en Finlande parcourir en traîneau les étendues enneigées pour que ses camarades ne se posent pas de questions. Néanmoins, elles étaient trop fines mouches pour le faire remarquer. Pourtant quand elles montèrent se coucher, devant l'enthousiasme apparent d'Iris à se cacher sous sa couette, elles explosèrent de rire.
« C'est à quelle heure son rendez-vous ? » demanda Ma-Li.
« Mais onze moins le quart, comme d'habitude », répondit Sirpa.
Iris, figée sous sa couette, se sentit rougir.
« Tu crois qu'elle attendra qu'on dorme ou qu'elle nous assommera si on fait mine de lire tard ? » demanda encore la jeune Chinoise.
« Oh, je suis sûre qu'Iris connaît des sortilèges plus légers et appropriés que le Stupefix », répondit Sirpa du même ton docte.
Iris sortit de sa couette en fronçant les sourcils, prête à nier tout en bloc. Mais aucune des deux ne la regarda.
« Tu crois que ce n'est pas la peine de lui demander ce qu'ils préparent? » demanda Ma-Li en lissant ses longs cheveux noirs avec application.
« Nous serions désolées de devoir avouer que tout accident de Nax aurait été prémédité », affirma la Finlandaise, en ouvrant en roman.
« OK, OK! Stop! Vous répétez depuis longtemps? » craqua Iris, brusquement.
« Ça fait quand même cinq ans qu'on te connaît », répondit Ma-Li en posant sa brosse et en se tournant vers elle.
« Qu'on vous connaît » - précisa Sirpa.
Iris soupira. Décidément, il n'était rien possible de cacher dans ce château ! Enfin, il paraissait qu'une Mangemort, s'était cachée pendant des mois sous l'apparence d'une professeur... mais c'était avant sa naissance, autant dire pendant la préhistoire !
« Je sais pas ce que me veut Kane... » - décida-t-elle d'avouer, après tout c'était là la raison de sa nervosité. Si seulement, il avait voulu parler de se venger de LaFabull ! Mais Iris n'en était pas sûre. Voulait-il s'excuser pour Rogue ? Voulait-il creuser l'histoire du voyage au Brésil ? Lui faire reconnaître qu'elle lui avait menti ?
Ses deux amies se regardèrent, et finalement Sirpa demanda:
« Tu es obligée d'y aller? »
Iris réfléchit à la question, puis répondit simplement : « Cette fois, c'est lui qui demande; ça pourrait être moi ».
« Tu peux te rhabiller, il est moins vingt », commenta très doucement Ma-Li.
En quittant le dortoir, Iris se sentit étrangement réconfortée de savoir que ses amies savaient et comprenaient. Elle vérifia néanmoins que la voie était libre sur la carte avant de s'engager dans l'escalier, l'oreille aux aguets. Elle était presque arrivée au premier étage près du passage de la Tour d'Astronomie à la Tour de Gryffondor, par une série de salles cachées, leur lieu de rendez-vous, quand elle les entendit. On ne pouvait pas dire qu'ils cherchaient à être discrets. LaFabull avait réellement une voix de stentor ! C'était facile aussi de reconnaître celle de Mornings qui répétait un ton plus bas, tout ce que disait son copain – à croire que pour eux l'amitié était une forme de gémellité. La présence du duo aurait déjà mis Iris sur ses garde, mais elle reconnaissait aussi la troisième voix.
« Kane », murmura-t-elle et, sans réfléchir davantage, ça faisait trop de jours qu'elle réfléchissait, elle termina de descendre l'escalier en courant pour se retrouver face à l'entrée du passage, à Kane qui lui tournait le dos et les deux Serpentards qui lui faisaient face, baguettes levées.
« Alors, Lupin, tu vas pas sortir ta baguette, cette fois non plus? » demandait Mornings.
« Vous avez plus intéressant que des furoncles? »
« Ça suffit », cria Iris sautant au milieu, sans souci de discrétion. « vous n'avez donc que ça à faire ! »
« Oh, mais regarde ça, Nax, LA voilà! Tu crois qu'ils avaient rendez-vous? »
« Du calme Iris », souffla Kane.
« Tu crois que ça pourrait être pire ? » répliqua-t-elle, la baguette levée vers ses deux condisciples.
« Lupin », commença Nax, notoirement plus doucement que précédemment, « c'est pas ce que tu crois ? »
« Non ? Pas de leçon, ce soir ? Pourtant, deux Lupin pour le prix d'un ! »
« Le prends pas sur ce ton-là », s'agaça Nax.
« Iris, le provoque pas... » ajouta Kane.
« Toi, ça va. Si t'as envie de jouer les martyr, ne me prends pas comme prétexte! »
Mornings s'esclaffa – « On peut pas dire qu'elle manque de répartie! », mais un regard lourd de LaFabull le calma quelque peu.
« Comme tu voudras », répondit fraîchement Kane qui alla s'asseoir sur la première marche des escaliers comme si de rien n'était et, effectivement, personne ne chercha à l'en empêcher.
Les trois Serpentards restèrent seuls au milieu du couloir. LaFabull avait l'air indécis, Mornings attendait visiblement sa décision. Iris, face à eux, avait l'air la plus remontée.
« Lupin... », recommença LaFabull, « c'est un malentendu... »
« B'en voyons! »
« Tu veux quoi ? » demanda Anaxagoras, avançant, les mains levées, « Me jeter un sort pour venger ton frère? Vas-y ! »
« N'avance pas ! »
« Lupin, je m'y suis sans doute mal pris avec toi, et si... »
« Tu crois qu'avec des fleurs j'aurais fondu pour ta tronche de bêcheur ? »
« Eh, t'es pas rendu, Nax ! » s'amusa encore Mornings.
« Lupin... »
« N'avance pas ! »
Mais LaFabull n'était pas le genre qui reculait, Mornings n'était pas le genre qui laissait humilier son copain, Iris n'était pas de celles qui ne mettent pas leurs menaces à exécution. Nax fit un pas en avant. Deux sortilèges fusèrent presque en même temps; Kane sauta sur se pieds et lança un sortilège de bouclier pour protéger Iris. La tête de l'armure qui montait la garde à gauche du passage, roula sur le sol. Le vacarme de la tête casquée rebondissant sur les dalles de pierres, les figea tous les quatre.
« Ecoutez ! » lança Kane.
Au dessus d'eux des voix étaient perceptibles, et devinrent de plus en plus compréhensibles, jusqu'à cette phrase :
« Vous croyez, Mr. Rusard, que ce n'est pas simplement Peeves? »
« Papa », murmura alors Iris.
Kane se décida le premier et s'approcha du tableau pour ouvrir le passage. Iris attrapa ses deux condisciples indécis par la manche. « Allez, vite », ajouta-t-elle et elle les poussa dans le passage ouvert.
« Ça mène où ? » demanda LaFabull.
« On n'a pas le temps d'aller nulle part sans qu'on nous entende », répondit Kane, qui avait pris les choses en mains « On se cache là, dans ce renfoncement, et je mets la cape sur ce qui dépasse...au cas où... »
Quand il sortit la cape de sa poche, le regard des deux septièmes années fut éloquent. Mornings trouva néanmoins la force d'objecter:
« Mais ils le connaissent, non, ce passage ? »
« Mais ils n'ouvriront pas », termina Iris en s'asseyant par terre dans la niche désignée par son frère, comme pour montrer l'exemple.
« Comment tu peux en être sûre ? » demanda Nax LaFabull avec un mélange d'admiration et d'agacement.
« Papa ne le laissera pas faire », termina Iris, avec un coup de tête agacé et en tirant Mornings par la manche pour qu'il s'assoit à son tour. Quand tous furent installés, Kane étendit la cape sur eux et il n'eut pas besoin de les enjoindre de se taire. Les voix étaient toutes proches.
« Regardez! » s'écriait le concierge. Au bruit, il était clair qu'il avait trouvé le heaume de l'armure.
« Quelqu'un a renversé cette armure », constata froidement Remus.
« Ils étaient là! » - en conclut Rusard, avec beaucoup plus d'excitation. Miss Teigne miaula son soutien.
« M. Rusard, je ne sais pas ce qui vous permet de tirer tant d'enseignements de ce morceau de métal... »
« Mais, M. le directeur, les voix... », répondit plaintivement le concierge.
« Ah oui, les voix », répéta Remus d'un ton las, et Iris dut se mordre les joues parce qu'elle n'avait aucun doute sur les intentions de son père. Pour un peu, elle aurait plaint le concierge.
D'ailleurs, celui-ci renonça à convaincre le directeur.
« Ils ne peuvent pas être loin », marmonna-t-il. « Peut-être ont-ils continué à descendre...ils ont dû nous entendre arriver... »
« Nous les aurions entendus s'ils avaient été si nombreux dans l'escalier », objecta encore Remus, image même de la raison objective.
Les quatre coupables se serrèrent instinctivement les uns contre les autres, en entendant Rusard farfouiller devant le passage et Miss Teigne miauler tout près. Kane rajusta la cape.
« Il y a bien ce vieux passage... », continua de réfléchir tout haut le concierge.
« Vous désirez l'ouvrir ? » - proposa obligeamment Remus.
« Il mène à la Tour de Gryffondor n'est-ce pas ? ... » demanda Rusard.
« Oui, je crois », confirma Remus avec une indifférence dans le ton, propre à doucher tout enthousiasme.
Les voix étaient toutes proches, sans doute devant le portrait qui cachait l'entrée du passage. Iris ne put s'empêcher de se demander ce qui se passerait s'ils ouvraient et les trouvaient là. Il ne faudrait sans doute pas compter sur une intervention de leur père - « être les enfants du directeur, c'est être condamné à la réussite », avait expliqué Cyrus au repas de retraite de McGonagall, « parce que l'échec est plus cher pour eux que pour quiconque. »
Kane et elle avaient réussi pendant cinq ans à éviter toute intervention directoriale, mais peut-être que c'était la fin. Peut-être que ce soir, à cause de ce bellâtre de LaFabull, ils perdraient l'usage de la cape et de la carte. Elle sentit l'amertume et la colère dans sa bouche.
Le passage ne grinça pas en s'ouvrant, et ils entendirent Remus allumer sa baguette.
« Personne », marmonna Rusard, visiblement déçu.
« Et ce passage est très sonore si je m'en rappelle bien... » renchérit le directeur de Poudlard.
« Ils doivent être plus loin », décida Rusard, « je vais continuer ma ronde… Je suis désolé de vous avoir dérangé M. le directeur... »
« J'étais là », lui fit remarquer Remus très poliment. « Dites-moi si vous avez trouvé autre chose, demain »
Leurs voix s'éloignèrent après qu'ils eurent refermé le passage, mais aucun des quatre ne respira avant plusieurs minutes.
« Alors Lupin, je croyais qu'il ne devait pas ouvrir », protesta Mornings en s'étirant.
« Refuser d'ouvrir aurait été un peu étrange, non ? » Iris défendit son père.
« Mais il savait, hein? » demanda LaFabull. « Il savait que vous étiez là? »
Kane et Iris échangèrent un regard complice.
« Les loups-garous ont suffisamment d'odorat pour ne pas douter », répondit finalement le premier.
« On fait quoi maintenant? » demanda Mornings.
« On va à Gryffondor », répondit Iris. « Rusard est en train de fouiner dans le coin, on peut pas sortir par ici ... »
Ils avancèrent sans un mot et très prudemment dans le passage, seulement éclairés par la lumière de leurs baguettes respectives. Iris marchait la dernière, et LaFabull devant elle se retournait de temps en temps comme s'il avait quelque chose à lui dire ou à lui demander mais qu'il n'osait pas. Iris ne put s'empêcher d'apprécier ce qu'elle interprétait comme une révérence nouvelle. « Finalement, Nax, qui a appris à connaître l'autre ? » se moqua-t-elle silencieusement.
Finalement, Kane s'arrêta, et Iris reconnut aux lions gravés dans la pierre qu'ils étaient arrivés. Kane leur fit signe de ne pas bouger, écouta, puis fit glisser l'ouverture de la sortie. Il se glissa le premier dehors, lestement. Ils entendirent d'abord le bruit de ses pieds sur le sol, puis sa voix, un peu fataliste qui constatait :
« Papa »
Iris soupira. Il fallait sans doute s'y attendre. Ne pas laisser Rusard les pendre haut et court était une chose; ne rien dire alors qu'ils mettaient le désordre la nuit dans les couloirs sous son nez en était une autre. Sans plus attendre, elle doubla ses deux condisciples et s'engagea dans la sortie.
« Et la carte? » demandait Remus, appuyé contre le mur du couloir.
« Pas pensé », reconnut Iris avec un peu d'embarras.
Réponse qui fit lever les yeux au ciel de son père.
« Tu nous attendais ? » insista Iris, décidée à ne pas laisser Kane porter seul les éventuels reproches paternels.
Les deux Serpentards, qui s'étaient lentement extirpés du passage derrière elle, se faisaient aussi minuscules que leurs grandes épaules le leur permettaient.
« Je venais juste vérifier », répondit Remus, avec une sincérité moqueuse. « Pas de sang, pas de bosse, pas de furoncles...tout le monde a l'air entier... sauf si vous en avez caché un dans le passage... »
LaFabull s'avança alors aux côtés de Kane et Iris, comme si lui aussi tenait à partager leur sort.
« Professeur, rien... rien de tout cela n'était... organisé ou... »
« Vous êtes tombés une nouvelle fois sur mon fils par hasard, Mr. LaFabull? »
« Je... »
« Tu savais ? » demanda Iris, incapable de ne pas penser à la réflexion de Harry.
Remus se contenta de sourire et de hausser les épaules.
« Savoir n'implique pas de s'en mêler, Iris. »
La jeune fille soupira en signe de défaite.
« On... » commença-t-elle à s'excuser.
Mais Remus leva la main pour l'arrêter.
« Vous vouliez vous débrouiller seuls et, après tout, c'est bien ce que nous avons toujours poussé à faire. Maintenant que je me suis retrouvé à induire mon subordonné en erreur pour vous couvrir, j'aimerais quand même savoir si tout ceci est bien fini. »
Comme tous les regards se portaient à la dérobée sur lui, LaFabull fit face avec une absence de faux-fuyants qui étonna Iris.
« Professeur, il n'y aura plus de furoncles » - promit-il
« Alors, je ne vais pas m'attarder », répondit Remus, en se décollant du mur. « Vous devriez rentrer sans encombre si Mr. Rusard a suivi son programme habituel de ronde... » ajouta-t-il encore. « Kane n'est pas loin, mais pour vous trois, sortir la carte serait plus prudent »
Iris obtempéra devant ses camarades de nouveau médusés par les ressources des jumeaux, et Kane fit mine de partir vers l'entrée de la tour puis se ravisa, pour demander:
« C'est pas Cyrus qui t'a dit? »
« Il serait blessé de t'entendre supposer ça, Kane. Non, je travaillais dans la Réserve et je suis tombé sur Mr. Rusard... Il tenait une piste et m'a demandé mon aide. Plus nous nous sommes rapprochés, plus les odeurs étaient claires... »
« Cyrus ? » interrogea Iris.
« Toi, tu as écrit à Harry; Kane a écrit à Cyrus », expliqua Remus, avec une certaine joie devant leur surprise réciproque. « Je suis encore capable de reconnaître les hiboux de mes enfants ! » ajouta-t-il encore devant les regards soupçonneux des jumeaux.
« Harry ? » répéta Kane, en se tournant vers sa soeur, « Alors...l'Amazonie... »
« C'était un mensonge, tu m'as prise au dépourvu », avoua Iris.
« Oh », répondit Kane avec un petit sourire.
« C'est Cyrus qui t'as conseillé de ne pas répondre ? » demanda à son tour Iris.
« Oui. La violence entraîne toujours la violence; le courage n'est pas toujours de répliquer mais aussi de désamorcer les querelles... ce que disent les chamans... Et, Harry, il a dit quoi? »
« Hum... de te faire confiance... ou de prendre sur moi d'aller voir papa si la situation dérapait trop. »
Ils échangèrent un regard et explosèrent de rire tous les deux.
« Je te ferai lire si tu veux... » dirent-ils ensemble.
OOO
Maintenant, tout est possible... que j'en reste là ou que je ponde un autre point de vue - celui de Tonks, sans doute au moment du diplôme des jumeaux... ça dépendra de ma muse, évidemment; de vos envies aussi...
