Voici donc l'ultime fiction du défi "1000 prompts". De If You Dare 1 à If You Dare 15, il y aura eu... 1000 chapitres et 3 années de travail.
Puisque Lamourloi m'a fait remarqué que je ne m'étais pas encore aventurée sur les terres du Snarry, en voilà un, un peu plus sombre que mes écrits habituels peut être... J'espère que cette histoire vous plaira !
Comme toujours, je posterai un chapitre par soir, et cette fiction sera complétée en 33 chapitres.
Bonne lecture !
PROMPT : ligne
Severus Rogue avait toujours été laissé de côté. Par sa mère qui était trop occupée à survivre aux coups de son père, par son père qui le voyait comme un monstre. Par ses camarades Serpentard, qui ne voyaient qu'un pauvre sang-mêlé au milieu de riches Sang-Pur. Par ses camarades des autres maisons, qui détestaient sans chercher à comprendre tous les Serpentard, quels qu'ils soient. Par ses professeurs, qui le regardaient avec un vague air de pitié, s'arrêtant sur ses vêtements minables et imaginant qu'il se plaignait pour attirer l'attention.
Il n'y avait eu que Lily pour lui accorder un peu d'attention éphémère, mais comme les autres, elle avait fini par se détourner de lui et ne plus le regarder.
Ce n'était pas vraiment étonnant qu'il soit devenu un homme amer, aigri. Désespérément solitaire, il refusait toute amitié, tout contact humain. Il avait caché ses insécurités et ses peurs sous une carapace et il repoussait toute tentative de rapprochement, sans le moindre état d'âme.
Il avait sacrifié sa vie entière à la seule personne qui l'avait un jour fait se sentir humain. À celle qui lui avait offert de l'attention, qui l'avait traité comme un égal et qui l'avait regardé sans le moindre dégoût. À Lily. Sa Lily, celle que Potter lui avait volée.
S'il voulait être honnête, son amour pour Lily n'était pas tel que ce vieux manipulateur de Dumbledore l'imaginait. Il la voyait comme une icône intouchable. Il la vénérait presque, se souvenant d'elle, de sa beauté et de sa gentillesse. Au fil des années, pour ne pas devenir fou dans le monde de solitude qu'il s'était imposé, il avait gommé tous les défauts de Lily pour ne garder qu'une femme parfaite, lointaine et inaccessible, pour laquelle il se mourait d'amour.
Lily était sa déesse, magnifique et cruelle. Magnifique parce qu'il l'idéalisait, cruelle parce que sa dévotion pour elle l'empêchait de trouver le bonheur, de tomber réellement amoureux de quelqu'un d'accessible et d'oublier le passé…
Il s'était laissé piéger par Dumbledore dans l'espoir de sauver Lily. Elle ne serait jamais à lui, mais il ne voulait pas qu'elle soit tuée. Le directeur de Poudlard avait peut-être cru qu'il ne voyait pas son manège, qu'il ne se rendait pas compte qu'il serait esclave de deux maîtres, mais il en avait pleinement conscience.
Risquer sa vie et être contraint d'obéir à Dumbledore — celui-là même qui avait fermé les yeux sur le harcèlement qu'il subissait — était après tout le juste châtiment pour ses erreurs, une façon d'expier ses péchés, de se faire pardonner.
Devenir espion n'avait pas été aussi compliqué qu'il le pensait. Sa solitude extrême avait facilité les choses : il n'avait aucun proche à duper, personne pour s'inquiéter des risques qu'il prenait. Il n'avait rien qui le retienne dans le monde des vivants, alors il risquait sa vie sans sourciller.
Quant aux souffrances qu'il récoltait lorsqu'il subissait des « punitions » de Voldemort… Et bien, c'étaient des désagréments passagers qu'il avait appris à supporter.
Depuis que Lily l'avait abandonné, ses propres désirs n'entraient plus en ligne de compte. Il n'était plus qu'une marionnette qui se laissait guider, s'enfonçant dans les regrets et l'amertume, ressassant sa haine éternelle de Potter.
Puis Lily était morte. Il avait tenu son corps encore chaud dans ses bras. Il avait pleuré ce jour-là, pour la première fois depuis son enfance. Il avait sangloté comme un enfant, désespéré, la culpabilité et les regrets l'étouffant.
Il était resté un long moment à cet endroit, à se noyer dans son désespoir, incapable de penser de façon cohérente. Les Aurors pouvaient bien débarquer et l'arrêter, il se laisserait conduire à Azkaban sans la moindre résistance : c'était tout ce qu'il méritait pour avoir livré la prophétie qui avait conduit à ce dénouement abominable.
En échos à ses pleurs, des sanglots d'enfant le tirèrent de son apathie et il découvrit le fils de James Potter et de sa Lily. Ils se fixèrent tous les deux, un long moment, partageant un moment de désespoir, et Severus se reprit suffisamment pour détailler le gosse. Hormis ses yeux verts, les yeux de sa mère, il ressemblait déjà bien trop à son père.
Son visage se tordit en une grimace de colère, mais le gosse ne semblait pas impressionné. Il le fixait, les larmes coulant sur ses joues rebondies, avant de tendre la main vers lui, comme pour le consoler.
Severus hoqueta, et recula brusquement, fixant l'enfant. Il pourrait prendre le fils de Lily dans ses bras, ignorer les airs de ressemblance avec James Potter et… le prendre sous son aile. Veiller sur lui. Il pourrait prétendre qu'il était son fils, peut-être.
Mais l'idée même de partager quelque chose avec celui qui avait fait de sa scolarité un enfer le révulsa au plus haut point et il détourna la tête, décidant qu'il ne ferait pas un geste envers ce satané mioche.
Il avait sûrement été choyé depuis sa naissance, éduqué comme ce foutu Potter l'avait été, destiné à être le parfait petit Gryffondor arrogant, qui pensait que tout lui était dû.
Il serait probablement élevé comme un roi, après avoir été l'instrument de la chute de Voldemort. Son père avait été riche après tout, et il héritait de tout. Il n'avait pas besoin de lui, l'espion misérable, celui qui avait vendu sa liberté depuis bien longtemps.
Il se détourna, ignorant le gamin, ignorant les sanglots et les petits cris désespérés qui l'appelaient. Il fixa juste le corps de Lily, de sa Lily, et il caressa la joue veloutée, qui refroidissait déjà. Elle avait les yeux grands ouverts, ces yeux d'un vert hypnotisant qu'elle avait donné à son fils, et il se pencha pour la fixer une dernière fois, même si l'étincelle de vie et de malice qui la caractérisait avait disparu.
Il était totalement sérieux quand il parla, décidé.
— Je protégerai ton fils, Lily. Quoi qu'il en coûte, je le protégerai.
Puis d'une main tremblante, il abaissa les paupières inertes, faisant disparaître à jamais les yeux ensorcelants auxquels il n'avait jamais rien pu refuser.
Il caressa son visage, avec dévotion, puis se releva sans un regard pour l'enfant.
À la porte de la chambre dévastée, il marqua un temps d'arrêt, et sans se retourner, il murmura, d'une voix brisée.
— Quelqu'un va venir te récupérer.
Et il partit, le cœur lourd, se refusant à éprouver le moindre sentiment, avec l'impression d'être mort à l'intérieur.
