PROMPT : Ramener le soleil
Au fil des années, après la mort de Lily, Severus était resté aux côtés de Dumbledore, en tant que professeur de potions. Ce n'était pas par volonté, mais bien par obligation : le vieil homme assurait sa protection face au Ministère, pour qu'il ne soit pas envoyé à Azkaban pour ses erreurs passées.
Il y avait eu un simulacre de procès, et Dumbledore avait témoigné, assurant qu'il était son espion. Mais la contrepartie de la clémence du monde magique, pour oublier la marque sur son bras, était qu'il reste sous le contrôle du directeur de Poudlard.
Rapidement, il était devenu le pire professeur de l'histoire de Poudlard. Il s'était fait détester des élèves, et il s'était vengé encore et encore du comportement des Maraudeurs en favorisant honteusement les Serpentard face aux autres maisons — et en particulier face aux Gryffondor…
Il avait fermé son cœur, refusant de s'ouvrir aux autres, entretenant une relation glaciale avec ses collègues et supportant les facéties de Dumbledore avec mauvaise humeur.
Severus s'interdisait de penser à cette terrible nuit, celle pendant laquelle sa vie avait basculé. Parfois, il se réveillait la nuit, haletant, revoyant le corps de Lily, inerte. Toujours aussi belle, même dans la mort. Éternelle.
Malheureusement pour lui, Albus était là pour lui rappeler encore et toujours l'enfant de Lily et sa promesse de le protéger. Le vieux fou avait deviné, il ne savait comment, et il le mentionnait régulièrement dans la conversation, rendant Severus fou de rage.
Plus les années passaient, plus le ressentiment grandissait en Severus. Il entendait sans cesse l'histoire du fils merveilleux de Potter, celui qui avait vaincu le Seigneur des Ténèbres et qui avait survécu grâce au sacrifice de sa mère. Couplé à l'admiration de Dumbledore envers le futur Gryffondor, envers le digne fils de son père — le courageux Auror au service du bien —, Severus se jurait encore et encore de ne pas faire de cadeaux au môme pourri gâté qu'il devait être.
L'année de l'arrivée de Harry Potter à Poudlard, Severus attendait les élèves, encore plus sombre qu'à son habitude. Crispé, les poings serrés, il ne faisait même pas l'effort de converser avec ses collègues, répondant aux sollicitations par des grognements. Avant même la répartition, lorsque le groupe de premières années se tenait face à eux, il le reconnut.
Il eut un choc terrible, croyant voir le fantôme de James Potter. Identique à son souvenir, lorsqu'il l'avait vu la première fois, tant de temps auparavant.
Il ignora le regard vert, et l'expression d'émerveillement sur le visage du gosse. James Potter ne s'était jamais émerveillé de rien, il semblait blasé de tout, et portait sur le monde un regard supérieur.
Il ignora le sourire naïf du gosse, sa façon d'aller vers les autres comme s'il se gorgeait de contacts humains.
Il ignora sa minceur et son petit gabarit…
Severus fixa simplement l'enfant, amer, vivante preuve que Lily ne l'avait jamais aimé.
Lorsque Dumbledore se pencha vers lui, avec un sourire paternaliste, il se crispa.
— Le fils de Lily et James pourrait ramener le soleil dans votre vie, Severus. Vous devriez apprendre à le connaître.
Il ne répondit pas, dardant juste un regard mauvais sur l'enfant, fronçant juste les sourcils lorsqu'il frotta sa célèbre cicatrice avec une grimace. Il le détestait, mais il allait le protéger — fidèle à sa promesse.
Les années suivantes… Ce fut un désastre. Il avait humilié l'enfant dès le premier jour de cours, et il avait vu passer dans son regard si familier une expression de colère.
Depuis ce jour, ils se heurtaient régulièrement et même s'il était la figure d'autorité, l'infernal gamin ne baissait jamais les yeux, et le défiait encore et encore. Quoi qu'il puisse dire, quoi qu'il puisse inventer comme retenue, Potter junior ne courbait jamais l'échine, ne pliait jamais.
Pire encore, le gosse trouvait toujours le moyen de se retrouver en danger, de fureter et d'agir inconsciemment.
Plus il grandissait, plus il devenait insolent face à lui, et plus il se mettait en danger, sans sourciller. Dumbledore en plaisantait, ravi de voir le Survivant endosser son rôle et être prêt à se battre pour ses amis.
Harry Potter avait rapidement compris que le monde magique n'était pas aussi merveilleux qu'il l'avait espéré. Les sorciers attendaient bien trop d'un enfant, et il avait été informé qu'il devrait toujours retourner chez ses tuteurs moldus l'été.
Quoi qu'il fasse, il se retrouvait toujours embarqué dans des aventures où il devait risquer sa vie. S'il avait eu à choisir, il aurait préféré une scolarité tranquille et anonyme, mais il avait vite compris qu'il n'aurait pas cette chance.
Outre le danger omniprésent chaque année, ce qui ne variait pas était le professeur Rogue. L'homme détestable semblait avoir décidé de faire de lui son souffre-douleur, et Harry le détestait de toute son âme. Lorsqu'il le voyait, il se crispait et se renfrognait, et il devait faire un effort pour ne pas se montrer inutilement insolent — ce qu'il ne parvenait pas toujours à faire.
Il récoltait des retenues à tour de bras, mais il refusait de baisser les yeux face à l'homme. S'il y avait une chose dans sa vie qu'il pouvait contrôler, c'était bien ça, et il ne comptait pas donner la satisfaction à cet homme aigri de se soumettre…
Étant bloqué par sa haine, il ne voyait que le négatif chez cet homme. Mais Hermione lui rappelait régulièrement que le professeur Rogue était toujours là pour voler à son secours, sans dire un mot, sans attendre le moindre remerciement. Et même si Harry jurait qu'il devait suivre les ordres de Dumbledore, il lui arrivait parfois de se poser des questions sur cet homme étrange et si secret.
Lorsqu'il n'arrivait pas à dormir, il pensait à Severus Rogue et s'interrogeait sur qui il était réellement. Il se demandait d'où venait cette colère envers lui, pourquoi il lui rappelait sans cesse qu'il ressemblait à son père. Il se demandait pourquoi il le protégeait alors qu'il le regardait avec cet air de dégoût et de répulsion.
Harry n'était pas idiot et avait vite compris que Rogue n'aimait pas son père James Potter. Il avait également découvert qu'il n'aimait pas les amis de son père, Sirius et Rémus. Il avait tenté de questionner son parrain tout juste retrouvé — dans les quelques moments qu'ils avaient eus ensemble — mais Sirius avait semblé gêné et avait détourné le regard, en marmonnant que Rogue avait toujours eu un caractère renfermé.
Ces nuits-là, Harry, décidé, s'endormait en pensant qu'il voulait en savoir plus sur l'homme et percer ses secrets pour mieux le comprendre.
