PROMPT : Es-tu triste ?
Le retour de Voldemort fit basculer une fois de plus la vie de Severus. Il savait depuis longtemps que tout n'était pas terminé, Dumbledore l'avait répété encore et encore. Mais il ne s'attendait pas à le voir retrouver son intégrité d'un coup, si rapidement.
Son bras l'avait brûlé et il avait contemplé la marque noire incrédule, incapable d'y aller. Il savait qu'il le paierait, à l'instant où il se présenterait devant lui, mais il ne pouvait pas assister à la mise à mort du gosse qu'il avait juré de protéger. Il avait stupidement échoué… et s'il n'avait pas été un si bon occlumens, il se serait laissé aller aux larmes.
Contre toute attente, Potter revint en vie, traînant le cadavre de son camarade. Severus ne put que lui lancer un long regard, essayant de lui montrer du soutien, et du réconfort, mais le gamin était trop perdu, trop traumatisé pour le voir.
Il le conduisit à l'infirmerie sans sa brutalité habituelle, le laissant presque à regret avec Pomfresh. Il croisa une seule fois le regard vert, et sentit son estomac se nouer en lisant la profondeur du désespoir de l'adolescent.
Il se disputait avec Dumbledore, lui assurant que quelqu'un de Poudlard avait placé le portoloin. Ce n'était pas Karkaroff, bien trop trouillard pour prendre ce genre d'initiative, et lui n'aurait rien fait sans l'aval du directeur. C'était forcément un Mangemort fidèle qui avait eu accès à l'école.
Severus avait eu un pressentiment soudain, pressant, avec la sensation que le fils de Lily était une fois de plus en danger. D'un coup, les pièces d'un monstrueux puzzle commençaient à s'assembler alors qu'il se souvenait de scènes où Fol'Oeil observait le jeune Potter avec une avidité non feinte.
Il s'était levé, ses capes noires volant derrière lui, et Dumbledore lui avait emboîté le pas, le visage sombre, lui faisant apparemment confiance sur son pressentiment. Et ils étaient arrivés juste à temps pour l'empêcher de sacrifier Potter.
Severus avait croisé le regard du jeune homme et y avait lu toute la reconnaissance qu'il ressentait, mêlé à un solide ressentiment dû aux années à le couvrir de brimades. Severus aurait aimé le réconforter réellement, le prendre dans ses bras, et lui assurer qu'il ferait en sorte de l'aider, mais il avait un rôle à jouer. Le pire rôle qui soit.
Il oublia un instant James Potter et les Maraudeurs, Lily Evans qui s'était détournée de lui, Voldemort et sa guerre, ainsi que le reste du monde magique. Il pressa l'épaule de l'adolescent en le fixant dans les yeux, pour une fois sans lui montrer de sentiments négatifs.
Ce fut le seul geste qu'il s'autorisa avant de revenir l'odieux professeur Mangemort, celui qui était dévoué aux Ténèbres.
Lorsque Dumbledore le convoqua plus tard dans son bureau, il avait l'air vieux et fatigué. Il lissa sa longue barbe d'un air absent et soupira.
— J'ai fait bien des erreurs, mais celle-ci… Severus, mon garçon… Es-tu triste parfois de ne pas pouvoir être toi-même ? Coincé dans ce rôle que tu t'es imposé ?
Comme toujours, Severus musela sa rancœur et ses griefs, ne montrant rien sur son visage. Il haussa juste les épaules.
— Je paie mes erreurs. Rien de plus, rien de moins.
Le vieil homme eut l'air d'avoir été frappé, et il se ratatina légèrement, écornant légèrement l'image du sorcier puissant que Severus avait toujours eu.
— Tu paies mes erreurs aussi. Tu pourrais être heureux, avoir une famille. N'as-tu jamais envie de… plus ?
Ses yeux onyx brûlant de rage, Severus s'était levé, et avant de quitter les lieux avait asséné, sans se préoccuper de l'air misérable du vieil homme.
— Vous avez raison Albus. C'est tout à fait le moment de batifoler, avec ce qui approche.
L'année suivant le retour de Voldemort, Severus oscillait entre l'incrédulité et la rage. Il ne pouvait pas croire que Albus ait laissé ce minable cloporte d'Ombrage pénétrer Poudlard, et faire ce qu'elle voulait avec les élèves. Ses serpents étaient saufs, puisqu'ils coopéraient. Pas par conviction, mais par pur instinct de survie : il était toujours plus simple de plier devant le plus fort…
D'autres s'en sortaient moins bien comme Potter qui parcourait les couloirs avec une tête d'inferi, des cernes sombres sous les yeux et sa main bandée plaquée contre son torse.
Lorsqu'il avait découvert que le gamin était méthodiquement torturé par la garce en rose, la rage avait brûlé en lui, dévastatrice. Il avait forcé la porte de Dumbledore, mais loin de se révolter, le directeur avait détourné les yeux, vaguement honteux, et murmuré qu'il ne pouvait rien faire.
Les leçons d'occlumentie avaient été le parfait moyen de soustraire Potter à cette harpie venue du Ministère, mais il ne pouvait pas ménager le garçon ou se montrer aimable avec lui. Son esprit était une passoire et si quelqu'un venait à deviner un geste réconfortant de sa part, il serait immédiatement en danger de mort.
Voldemort prenait de la puissance et il était étroitement surveillé puisque proche de Dumbledore. Quant à Ombrage… Elle n'était pas Mangemort, mais aurait eu sa place dans les rangs du mage noir. Sa volonté d'annihiler le Survivant et de redorer le blason du Ministère en faisait une ennemie redoutable.
Au milieu de tout ce chaos, Potter perdait pied, et Severus se rendait compte que personne ne semblait pouvoir le tirer de cette hébétude. Il avait parfois envie de le secouer pour qu'il se reprenne, de l'obliger à s'endurcir, à perdre sa naïveté stupide pour qu'il soit enfin apte à se défendre seul.
Il en venait presque à l'apprécier, ou du moins à ne plus voir le spectre de James Potter à chaque instant. Jusqu'au jour où il trouva le garçon plongé dans sa pensine, violant ses souvenirs les plus humiliants.
Fou de rage, il l'avait tiré hors de ses pensées, et l'avait bousculé. À cet instant, il aurait pu le tuer, enragé de s'être laissé attendrir par un gosse qui n'était rien de plus que la copie de son père. En pire. Au moins, Potter Senior n'avait jamais fouillé son esprit…
Il ignora l'air choqué du gosse, ses excuses pitoyables et son regard étrange, comme compatissant. Il le jeta juste dehors, refusant désormais de le voir approcher de lui. Dumbledore pourrait bien le renvoyer à Azkaban, il ne ferait plus l'effort de s'occuper de son petit prodige, qui n'avait jamais su respecter les règles.
Il se jura de détruire le gamin méthodiquement s'il tentait de l'humilier comme son père avant lui, et oublia volontairement tout ce qu'il avait pu penser de positif sur Potter Junior.
