PROMPT : Il est venu pendant les heures les plus sombres...
L'été fut aussi douloureux que Harry l'avait pensé. Il n'eut aucun contact avec ses amis ni avec un quelconque membre de l'Ordre. Dumbledore ne semblait plus s'intéresser à lui et Sirius… le seul adulte en qui il avait placé sa confiance était mort par sa faute.
Sa famille moldue était toujours aussi détestable, et il n'avait jamais vraiment considéré Privet Drive comme un foyer.
Au fil des jours, au fur et à mesure qu'il perdait du poids à cause des privations, qu'il fatiguait à cause des corvées, il perdait toute joie de vivre. Les coups le laissaient indifférent, tout comme les insultes qu'il recevait depuis son plus jeune âge.
Il avait envoyé Hedwige au Terrier, de peur que l'oncle Vernon ne s'en prenne à elle, et la présence réconfortante de son familier lui manquait.
Aussi, il ne fut pas surpris de plonger dans l'esprit de Voldemort, peu avant son anniversaire.
Harry se crispa, paniquant un instant. Voldemort semblait furieux, allant et venant et faisait face à Bellatrix Lestrange. Une vague de haine le parcourut et le jeune homme regretta de ne pas pouvoir prendre le contrôle de son ennemi pour tuer celle qui l'avait privé de Sirius.
À la place, il écouta avec soin, espérant entendre quelque chose qui pourrait aider à l'arrêter.
Bellatrix baissa la tête avec soumission, et prit un ton implorant, plus calme qu'à son habitude, comme si même sa folie respectait Voldemort.
— Maître ! Sa loyauté est vacillante ! Il peut trahir n'importe quand…
Voldemort leva une main décharnée, aux longs doigts pâles.
— Suffit. Il est venu à moi pendant les heures les plus sombres de sa vie, alors qu'il était désespéré et je lui ai offert ce dont il rêvait. Il est un Mangemort, et il sait ce qu'il me doit !
Cependant, Bellatrix geignit, visiblement mécontente.
— Il attend pour vous poignarder dans le dos ! Il était trop attaché à cette sang-de-bourbe ! Il vous a tellement supplié de l'épargner…
Le mage noir soupira, semblant réfléchir un long moment. Puis il eut un vague geste de la main.
— La sang-de-bourbe est morte en voulant protéger son foutu rejeton. Je n'avais pas prévu ça, mais… peu importe. Ce gamin, ce Harry Potter ne cesse de s'opposer à moi et il est temps de le museler une bonne fois pour toutes.
— Mais Maître…
Avec un grognement agacé, Voldemort jeta un Doloris à sa favorite, la faisant chuter et haleter, se tordant sur le sol en essayant de ne pas hurler. Lorsque le sort cessa, elle se ramassa sur elle-même, et resta à genoux aux pieds de son maître, sans jamais lever la tête. Voldemort eut un rictus cruel.
— Severus a un rôle à jouer dans ma victoire même s'il l'ignore. Son destin est déjà scellé, alors peu m'importe qu'il me soit fidèle ou non.
Harry cligna des yeux en revenant dans son propre corps et plaqua les mains sur sa bouche pour s'empêcher de hurler ou de faire le moindre bruit qui pourrait alerter sa famille. Lorsqu'il eut repris sa respiration, il ferma un instant les yeux, revoyant la scène qu'il venait de surprendre.
Rogue allait avoir des problèmes. Il ne savait pas trop comment prendre l'information, et il ne savait même pas pourquoi son cœur battait à tout rompre. Il était cependant certain qu'il ne voulait pas que l'homme meure. Peu importait sa personnalité détestable, il était ami autrefois avec sa mère, et selon les propres mots de Bellatrix, il avait supplié pour la vie de Lily Evans.
Il avait probablement été torturé pour cette faiblesse. Il avait peut-être cherché désespérément un moyen de l'aider quand même.
Le jeune homme souffla doucement, essayant de réfléchir, mais une pointe de panique persistait. Rogue était… Il était un sorcier puissant, implacable. Il avait endossé le rôle de protecteur et rien ne semblait pouvoir l'atteindre ou l'empêcher de mener à bien les buts qu'il s'était fixés.
Amer, Harry songea qu'il n'avait pas la moindre possibilité d'avertir qui que ce soit. Le gentil héros de la Lumière prisonnier de ses moldus… il y avait de quoi rire, et surtout de quoi conforter certains sorciers de leur choix de se ranger derrière Voldemort !
Résigné, remâchant sa rancœur, il se jura d'aller voir Rogue dès la rentrée et de l'informer en premier lieu en priant pour ce que ne soit pas trop tard. Il ne dirait rien au directeur, Dumbledore serait bien capable de ne pas transmettre le message pour son plus grand bien.
Avec une pointe d'humour malgré lui — et malgré la gravité de la situation — Harry songea qu'il devenait peu à peu aussi cynique que Rogue.
Le reste de l'été passa rapidement, dans un genre de brouillard flou pour Harry. Il s'était replié sur lui-même, à peine conscient de ce qui l'entourait, vivant mécaniquement. Lorsqu'il fut temps pour lui de reprendre le Poudlard Express, le petit garçon naïf et émerveillé de tout ce qui l'entourait qu'il avait été n'existait plus.
Le jeune homme était devenu plus sombre, plus renfermé. Même ses yeux semblaient s'être assombris. Le régime des Dursley lui avait laissé la peau sur les os, lui donnant un air maladif. Il semblait fragile, comme si la moindre bousculade pourrait le briser.
Harry Potter était méconnaissable.
Ses amis semblèrent inquiets, n'osant pas le questionner, et il resta dans son coin, silencieux, sentant leurs regards en coin sur lui, mais bien décidé à les ignorer et à ne pas leur faciliter la tâche. Ce n'était pas comme s'ils avaient envoyé des nouvelles après tout…
En entrant dans la grande salle, Harry ignora le froncement de sourcils de Dumbledore en le voyant, tout comme l'exclamation de surprise choquée de Minerva MacGonagall. En s'installant à sa place, il scruta la table des professeurs, jusqu'à rencontrer le regard de Severus Rogue.
L'homme le fixait, le visage lisse de toute émotion, mais croiser les yeux sombres de son professeur permit à Harry de se détendre légèrement. Il ne se rendit pas compte que depuis l'instant où il avait appris que son professeur était en danger, il s'était crispé, inquiet.
Très lentement, et de façon à peine perceptible, il inclina la tête, pour le saluer. Lui et uniquement lui. Fidèle à lui-même, l'homme ne montra aucune réaction visible, et répondit de la même façon après un léger temps d'attente.
Le brouhaha de la Grande Salle augmenta jusqu'à devenir insupportable alors que les premières années entraient pour leur répartition, et Harry fut distrait. Cependant, il prit conscience qu'il ne se sentait jamais autant protégé que lorsque Rogue était dans les parages. D'une étrange façon, il avait confiance en l'homme détestable.
