PROMPT : Le temps est de notre côté
Harry cligna des yeux, surpris de l'acceptation tranquille de l'homme. Il lui annonçait que Voldemort avait prévu de s'en prendre à lui, et il… acceptait passivement.
Un instant, ses yeux brillèrent de leur ancienne flamme, et il se crispa, se penchant vers son professeur, furieux.
— Vous allez le laisser faire ?
Rogue leva un sourcil moqueur, et resta silencieux. Harry comprit qu'il attendait une réponse à sa question et il grogna, la rébellion grondant au fond de son cœur.
— Dumbledore est… Enfin. Je ne lui fais plus confiance. Il pourrait vous envoyer à la mort sans sourciller s'il décidait que ça entrait dans ses plans.
Severus leva un sourcil surpris.
— Depuis quand êtes-vous si… pessimiste, monsieur Potter ? Le directeur a probablement ses raisons ?
L'adolescent haussa les épaules.
— Peu importe. Je m'en moque. Il ne veut pas me parler ? Et bien, je ne suis pas obligé de passer par lui non plus. Il n'est pas seul, vous en faites bien plus que lui pour m'aider. J'en ai fini avec ses petits jeux stupides.
Un instant, Severus se demanda si le gamin avait conscience de ce qu'il avait dit. De longues années de pratique de l'occlumentie lui avaient permis de ne pas avoir de réaction choquée trop visible, et il détailla le garçon avec un peu plus d'attention.
— Vous avez une tête affreuse, Potter. J'espère que vous ne vous rendez pas malade des évènements de l'an passé. Même si vous avez eu une réaction typiquement Gryffondor — à vous jeter tête la première face au danger avant de réfléchir — vous n'êtes coupable de rien.
Harry haussa les épaules et détourna les yeux.
— Vous êtes bien le seul à le penser. Quant à ma responsabilité… si je vous avais écouté…
Il y eut un long silence, pendant lequel Harry se perdait dans ses souvenirs, et Severus prit conscience qu'il pouvait briser le gamin d'un seul mot. Il avait juste à confirmer sa culpabilité, à affirmer qu'il aurait dû écouter les adultes.
Il soupira, se sentant soudain épuisé.
— Cessez de vous apitoyer sur la situation. Des sorciers plus âgés et plus expérimentés se sont laissés prendre dans des pièges bien plus grossiers. Et le cabot savait ce qu'il risquait. Il l'a fait pour vous, uniquement pour vous, Potter. Voyez ça comme un cadeau, plus que comme une tragédie. Il s'est assuré que vous surviviez.
Le jeune homme renifla, et se frotta le visage de ses deux mains, comme un tout petit garçon. Il laissa échapper un léger gémissement.
— Tout le monde n'est pas destiné à lui faire face. Comment je pourrais… m'en sortir si je me laisse prendre comme n'importe qui ? Vous aviez raison professeur, je n'ai rien d'exceptionnel.
Severus soupira, un peu perdu par cette conversation étrange, radicalement différente de tout ce qu'il avait partagé avec le fils de Lily et de Potter jusqu'à cet instant.
— Le temps est de notre côté, Potter. Vous apprenez, vous grandissez, et vous devenez plus fort. Vous ne serez plus aussi crédule dans l'avenir.
Le petit brun émit un grognement agacé, et leva les yeux vers son professeur.
— Apprendre ? Comme avec Ombrage ? Ou cet idiot de Lockart ? Vraiment ?
— Vous n'avez que seize ans…
Leurs yeux s'accrochèrent longuement, comme s'ils partageaient en cet instant une parfaite compréhension. Severus n'avait pas besoin que le gamin proteste pour savoir qu'il avait peut-être seize ans sur l'état civil, mais que sa courte vie avait été bien trop agitée et qu'il était bien plus mature qu'il ne le paraissait.
Après un haussement d'épaules, le jeune homme se pencha vers lui, le piégeant dans son regard si semblable à celui de sa mère.
— Alors Professeur ? Vous allez le laisser faire ?
Peut être parce que c'était le fils de Lily, parce qu'ils venaient d'avoir une conversation civilisée pour la première fois depuis qu'ils se connaissaient ou parce que le jeune homme avait fait preuve d'une totale sincérité envers lui malgré leur passé compliqué, Severus soupira, et laissa voir un court instant la fatigue qui le minait, à force de jouer un double rôle si dangereux.
Il haussa les épaules.
— Je n'ai pas d'autres options. Ne vous en faites pas, j'ai plus d'un tour dans mon sac.
Severus fut presque déstabilisé de voir le regard admiratif que porta sur lui Harry. Suivi immédiatement d'une inquiétude réellement sincère pour lui, son terrible professeur, celui qui l'humiliait depuis son arrivée dans le monde magique.
Il soupira.
— Potter. Même si je voulais me montrer moins… cassant envers vous pendant nos cours, j'espère que vous comprenez que je dois maintenir l'illusion que je vous… exècre.
Presque timidement, le Gryffondor osa demander.
— Et ce n'est pas le cas ?
Le maître des potions eut un mince sourire amusé, ses yeux noirs brillants d'une vague malice.
— Et bien. Nous sommes ici à converser civilement, et vous n'êtes pas encore découpé en morceaux pour terminer dans un de mes chaudrons non ?
L'adolescent gloussa immédiatement, et il hocha la tête.
— Donc. Si je comprends bien, vous ne le pensez pas vraiment ?
Il roula des yeux sans répondre et ils restèrent face à face dans un silence confortable.
En voyant le gamin se détendre imperceptiblement, Severus comprit qu'il n'avait pas menti et qu'il lui faisait réellement confiance. Il n'était pas certain de le mériter, pas après tous leurs conflits et pas après sa façon injuste de le traiter.
Après un long moment, lorsque l'adolescent papillonna des yeux, Severus soupira.
— Vous devriez aller dormir, monsieur Potter. Vous avez l'air d'avoir besoin de repos, vu vos cernes.
Le jeune homme haussa les épaules et se renfrogna.
— Cauchemars.
Ce n'était pas une surprise pour le professeur. Il roula des yeux et se leva pour farfouiller dans une étagère, de laquelle il tira deux fioles. Il posa sèchement la première, d'une profonde couleur bleu nuit, devant le brun.
— Potion de sommeil sans rêves. Ce n'est pas recommandé d'en abuser, mais dans votre cas, nous pouvons nous entendre pour que je vous en fournisse de temps en temps. Vous avez besoin de repos en priorité.
Harry sembla soulagé et terriblement reconnaissant et il hocha sagement la tête, avec un sourire. Severus posa la deuxième fiole, dont le liquide orangé semblait assez épais et fixa le jeune homme pour ne louper aucune de ses réactions.
— Et ceci à prendre demain matin. Potion de nutrition. Histoire de vous retaper un peu, vous avez l'air d'avoir manqué bien trop de repas.
Harry cligna des yeux, se crispant brièvement, et Severus eut la réponse qu'il cherchait.
