PROMPT : Rendre l'âme


En arrivant à Poudlard, fier et sûr de lui, Severus ignora les regards noirs de ses collègues comme s'il se moquait bien de ce qu'ils pouvaient penser. Il était habitué à ne pas être apprécié, à recevoir des regards mauvais, et à être soupçonné du pire.

Malgré lui cependant, il ne put empêcher l'amertume de l'envahir. Il avait enseigné à Poudlard durant plus de quinze années, et il avait passé tout ce temps près d'eux. Ils avaient discuté des heures, que ce soit des élèves ou de banalités. Tout ça avait été effacé brusquement, et personne ne lui demanda la moindre chose. Ils se contentaient de le dévisager d'un air mauvais, comme s'il se résumait à la marque qu'il portait sur son bras. À l'erreur qu'il avait commise alors qu'il était encore un adolescent, pour échapper à une vie de misère.

Il s'installa dans le bureau directorial sans broncher, et commença à travailler. Peu lui importait l'avis de ses collègues, il avait toujours su se débrouiller seul, et il n'allait pas flancher parce qu'un groupe de sorciers bien pensants lui en voulait. Eux n'avaient pas mis leur vie en danger jour après jour pour rapporter des informations à Dumbledore.
Eux avaient choisi d'enseigner par envie, pas par obligation.

Il n'aurait pas dû être surpris de voir débarquer en premier Minerva, les yeux lançant des éclairs. C'était évident que la lionne de compagnie de Dumbledore ne laisserait rien passer et risquer de lui mener la vie dure.
Il lui fit face avec un rictus moqueur, prêt à la renvoyer dans ses quartiers sans ménagement.

Au lieu du sermon qu'il attendait, la professeure de métamorphose lança un sort de fermeture et de silence sur la porte, puis lui adressa un sourire soulagé.
— Severus. Je suis heureuse de vous voir de retour et en pleine forme.

Pour la première fois depuis bien longtemps, il resta sans réponse, presque hébété. Fière d'elle, Minerva ricana.
— Vous vous attendiez à recevoir une franche hostilité ? À être jeté en dehors de ce bureau peut-être ?

L'homme secoua doucement la tête, dévisageant la femme face à lui et essayant de comprendre. Finalement, il avoua, du bout des lèvres.
— Quelque chose comme ça peut-être.

Les yeux pétillants de Minerva lui firent pressentir le pire, et il se crispa. Finalement, l'Écossaise s'installa face à lui, prenant son temps, et Severus dut résister à l'envie de bondir par-dessus le bureau pour la secouer jusqu'à ce qu'elle avoue. Comme si elle avait deviné ses pensées, elle ricana.
— Remerciez monsieur Potter, Severus. Il vous a visiblement en très haute estime.

Pour la seconde fois, il fut incapable de répondre, avec la sensation d'avoir l'air idiot, bouche bée face à MacGonagall. Fière d'elle, elle enfonça le clou sans pitié.
— Visiblement, il n'a pas le moindre ressentiment envers vous pour ces années de mépris et de brimades, puisqu'il a soigneusement caché votre implication dans la mort de notre regretté Dumbledore. Nos collègues sont furieux que vous ayez pris la place qu'ils pensaient me revenir, mais ils ne savent pas que vous êtes celui qui l'a… achevé.

Severus haussa un sourcil surpris.
— Vraiment ? Vous semblez pourtant bien au courant, vous.
— Il vous fallait bien un allié sur place et le jeune Harry me fait visiblement suffisamment confiance pour me révéler beaucoup de choses.

Severus n'était pas un Serpentard pour rien. Craignant une manœuvre grossière de sa collègue pour qu'il se dévoile un peu plus, il croisa les bras sur sa poitrine, méfiant.
— Du genre ?

Minerva sourit simplement, nullement vexée. Après tout, elle le connaissait, pour l'avoir eu comme élève d'abord puis comme collègue.
— Les horcruxes, les manipulations du directeur, votre rôle et ce que vous avez dû faire. Comme mettre fin à la vie de ce cher Dumbledore avant qu'il ne rende l'âme à cause de ses erreurs. Ce jeune homme estimait injuste que vous ayez en plus d'avoir tout ça sur les épaules à faire face à la désapprobation et à la suspicion.

Le nouveau directeur se renfrogna, agacé.
— Fichu Gryffondor stupide.

Visiblement, sa collègue le connaissait parfaitement parce qu'elle ricana, consciente qu'il n'en voulait pas vraiment au jeune garçon. Elle soupira, incertaine, avant de souffler.
— Et maintenant ?

Severus secoua la tête, avant de hausser les épaules d'un geste fataliste.
— Nous allons faire de notre mieux pour protéger les élèves de cette école. Limiter les dégâts. Et essayer de protéger cette foutue tête de mule qui se mêle de tout… Je suis censé le lui livrer, et j'espère qu'il n'y aura pas d'incident pendant le trajet…

La lionne ne sembla pas inquiète, puisqu'elle haussa les épaules et fit un vague geste de la main.
— Même si le Poudlard Express est intercepté par un groupe de… de ses chiens, monsieur Potter ne risque rien.
— Minerva. Vous ne semblez pas comprendre que je suis censé livrer le gosse à son arrivée ici. Et que les nouveaux de l'équipe enseignante ne sont pas ici pour le bien être des élèves bien au contraire.

À la pensée des Mangemorts propulsés professeurs, les yeux de Minerva flambèrent de rage. Elle pinça les lèvres et grogna, refusant de les considérer comme des collègues. Finalement, elle roula des yeux.
— Monsieur Potter ne viendra pas à Poudlard. D'après ce qu'il m'a dit, il a ses propres plans.

Bien que soulagé de l'absence du Survivant au sein de Poudlard en ces temps troublés, Severus sentit son estomac se tordre et il ne put s'empêcher de s'alarmer.
— Et qui va le protéger ?

L'Écossaise haussa les épaules, incapable de masquer son inquiétude. Après un long silence, elle murmura.
— Ce jeune homme nous a démontré qu'il était plein de ressources. Je suppose que nous n'avons pas d'autre choix que de lui faire confiance une fois encore.

Severus détourna le regard, refusant de commenter. Refusant surtout de montrer qu'il se souciait réellement du gamin infernal, et d'avouer que Poudlard serait étrange sans lui.
Finalement, il soupira en se frottant le visage, usé par son rôle d'espion par la responsabilité qui lui incombait soudain, par la crainte qu'un élève soit sérieusement blessé au cours de cette année particulière.

Il marmonna, plus par habitude que par conviction.
— Espérons que ce satané Gryffondor ait le bon sens de rester discret au moins…